Citations de Robyn Schneider (74)
Comme si la partie de moi qui appréciait la compagnie de ces gens, autrefois, s'était volatilisée pour ne laisser derrière elle qu'un gouffre immense et que je titubais maladroitement au bord de l'abîme en m'efforçant de ne pas tomber dedans de peur de découvrir à quel point il était profond.
Le vérité, c'est que la plupart d'entre nous ne figuraient pas dans les albums-souvenirs de nos lycées. On était les grands absents, les disparus qui n'étaient pas revenus à la rentrée. Et qui ne reviendraient peut-être jamais. Parce que la tuberculose n'avait rien à voir avec le cancer, ce n'était pas le genre de truc que tu combattais entouré de tes amis et de ta famille réunis à ton chevet pour applaudir ton courage. Personne n'était là pour te tenir la main, les gens retenaient leur souffle en ta présence. Et on t'envoyait dans un endroit comme Latham pour protéger les autres, parce que ça valait mieux pour eux.
Mon miracle ce n’était pas un traitement. C’était une deuxième chance. Or les deuxième chance ne sont pas éternelles. Et même les miracles ont une date d’expiration
Si je ne suis pas cassée, pourquoi ne suis-je pas réparable ?
Mais nous étions tous trop malades pour vivre une grande histoire d'amour. Quelle que soit l'image que nous renvoyions. Chacun d'entre nous était susceptible de se réveiller le lendemain matin avec du sang sur son oreiller, un trou dans les poumons et une douleur telle qu'avoir le cœur brisé en prime aurait été insupportable.
(p 116)
- T'es trop mignon.
- Et toi, t'as trop bu.
- C'est pour ça que t'es mignon. Le reste du temps, tu ressembles à une patate.
( 214)
Il y a une différence entre l'absence de quelqu'un et le deuil. Un jour, je l'espère, je ne porterai plus le deuil de Sadie et je pourrai simplement penser à elle, au détour d'un souvenir, un petit sourire triste aux lèvres, avant de reprendre le cours de ma vie. Parce qu'il n' y a que ça à faire dans ce monde, quels que soient la force du courant qui voudrait vous repousser en arrière, le poids du fardeau qui pèse sur vos épaules ou l'histoire d'amour tragique qui vous a brisé le cœur : il faut toujours aller de l'avant.
(p 274)
En CM1, on nous faisait passer des tests chronométrés sur les tables de multiplication : cinq minutes par page, cinquante questions chacune. Si on voulait passer à la table suivante, il fallait faire un sans-faute. [...] J'avais beau m'entraîner tous les soirs, ça ne servait à rien. Parce que, au fond, ce n'était pas la table de multiplication qui me posait problème. c'était plutôt le stress de cette double consigne implacable : petit un, mon temps était compté ; petit deux, je n'avais pas le droit à l'erreur.
Je n'avais pas vraiment eu de vie, mais un plan de vie.
Nous étions tous des fantômes ici, hantés par nos vies antérieures.
La vie qu'on s'imagine n'est pas nécessairement celle qui nous est donné de vivre.
Même les miracles deviennent lassants lorsqu'ils ne suffisent pas à vous soigner.
Tout ce qui constituait ma personnalité, ma vie et mes envies avait été éradiqué pour céder la place à la maladie.
Et le truc, quand on se croit plus malin que la mort, c'est qu'on perd quand même à la fin.
Sauf qu'en ce moment précis, je n'avais aucune envie d'évaluer ma douleur. Je voulais évaluer mon chagrin. Et il n'y avait pas de note assez élevée pour ça.
Il y a une différence entre mourir et être mort. On est tous en train de mourir. Certains d'entre nous meurent pendant quatre-vingt-dix ans, d'autres pendant dix-neuf ans. Mais tous les matins, chaque individu sur cette planète se réveille en se rapprochant un peu plus de sa propre mort.
Je n'aurais jamais pensé que ma maladie ferait de nous des étrangers à ce point, que nos conversations d'ordinaire si prévisibles deviendraient distantes et pénibles.
Soudain, j'avais l'impression d'avoir des années de moins que les filles autour de moi. J'avais du baume pour les lèvres et des culottes pastel, alors qu'ellles portaient toutes des strings en dentelle et de l'eye-liner.
Parce qu'il n'y a que ça à faire dans ce monde, quels que soient la force du courant qui voudrait vous repousser en arrière, le poids du fardeau qui pèse sur vos épaules ou l'histoire d'amour tragique qui vous a brisé le coeur : il faut toujours aller de l'avant.
C'est très étrange de penser que l'instant de notre naissance est un point précis, ancré dans le temps, mais que l'heure de notre mort dépend de ce qu'on mangera au dîner, de l'endroit où on traverse la rue ou encore de la personne à qui on choisit d'accorder sa confiance la nuit au milieu d'un bois. Mais j'aime penser à tous ces petits moments qui s'additionnent jusqu'au dernier parce que ça signifie que notre mort nous appartient, qu'elle résulte de nos choix de vie et qu'elle n'est pas juste un truc qui nous arrive par hasard.