Maman m'a toujours appris une chose : chaque individu a le droit d'avoir ses croyances, mais pas celui de les imposer aux autres, même à ses enfants.
[p57-58]
Ce qu'elle ne supporte pas, c'est qu'on touche à notre honneur. C'est son idée fixe. Pour elle, l'histoire entre Sandra et Thomas, c'était le déshonneur pour nous trois. C'est pour ça que je devais défendre ma sœur et, si possible, la venger pour laver notre honneur.
- Je ne t'ai jamais dit ce qu'il signifiait ? Chez nous, en Turquie, Safiyé ça veut dire "la pure".
- Bon, c'est joli. Et alors ?
- Et alors... c'est là justement que tu ne peux pas comprendre. C'est à cause du regard des autres. Le regard des hommes.
- Il a quoi, leur regard ?
- Il est plein de désir et de vice. Il est sale, et c'est pour ça qu'il rend les femmes impures. Alors il faut se protéger, couvrir ses cheveux et dissimuler son corps, pour ne pas provoquer l'envie des hommes et attirer ces regards qui nous salissent.

Ce soir-là, Roger entre sans frapper dans ma chambre pendant que je suis concentré sur mes exercices de maths. Il annonce dans mon dos :
- Dis donc, moustique, il va falloir venir me donner un coup de main tout à l’heure. J’ai une livraison supplémentaire qui arrive à vingt-et-une heure.
Je fais volte-face avec ma chaise à roulettes et je proteste :
- Ah non, pas ce soir ! J’ai encore été convoqué à l’école aujourd’hui. Je suis obligé de bosser pour rattraper mon retard. J’ai déjà perdu deux ans ! Ca suffit, là !
- Oh du calme ! C’est pas un soir de plus ou de moins qui va changer ta situation. J’ai besoin de toi, c’est tout. Ce n’est pas une proposition : c’est un ordre !
D’un coup, je sens exploser la boule de rage qui se nichait au creux de mon ventre. Quand mon cri jaillit, ma voix ressemble à une trompette fêlée :
- C’est pas juste ! T’as pas le droit de me faire travailler ! T’as pas le droit de me faire rater mes leçons ! T’as pas le droit de me pourrir la vie ! Si t’as besoin d’aide, t’as qu’à demander à tes potes !
p. 49-50
Citation choisie par Kirikou
- Écoutez, la piscine ça va clairement trop loin. Je trouve déjà injuste qu'on empêche Safiyé de porter son foulard à l'école. Ça fait tout de même partie de sa liberté personnelle et de la liberté religieuse !
J’ai braillé que j’allais régler son compte à cette salope. J’avais des hoquets dans la voix. Maman s’est fichu dans une colère terrible. Elle tapait son verre sur la table de la cuisine en hurlant : « On va pas laisser ma fille se faire humilier par une putain ! On n’est pas des lâches, on a notre fierté, nous. T’entends, Yvan ? »
Mon frère n’a pas dit un mot. Il a juste hoché la tête et filé dans sa chambre. Il s’est mis à cogner comme sourd sur son sac de frappe. Je l’entendais gémir à chaque coup, comme les joueurs de tennis. Ensuite, il s’est tiré en claquant la porte.

-Tu ne réponds pas ? Cela ne me surprend guère, après tout. Ça colle parfaitement avec ton attitude générale. Celle d’un jeune inconscient qui fuit ses responsabilités. Veux-tu que je te dise ce qui t’attends, Loïc ?
Il s’interrompt. Les chuchotements ont cessé. Il règne dans la classe un silence lourd comme l’air avant l’orage.
-L’échec ! Voilà ce qui te pend au nez. L’échec dans tes études, dans ta carrière, l’échec dans ta vie. Tu ne finiras peut-être pas à la rue, mais tu dépendras des autres, comme un parasite. Tu ressentiras de la honte quand tu croiseras d’anciens camarades ; tu ne pourras plus te…
-ARRÊTEZ ! Ça suffit ! Vous n’avez pas le droit de faire ça !
Flavie a bondi de sa chaise. Ses cheveux blonds sont hérissés comme si elle avait reçu une décharge électrique. Surpris, M. Ducor susurre :
-Que vois-je là ? Cette sauvageonne qui vocifère en pleine leçon, est-ce bien notre sage et brillante mademoiselle Flavie ? Pouvons-nous savoir ce qui nous vaut cette intervention intempestive ?
-Vous… vous n’avez pas le droit de dire ces choses à un élève ! C’est dégoûtant de l’humilier devant la classe ! C’est injuste ! Vous ne savez même pas comment Loïc vit, vous vous fichez de sa situation. Si vous saviez, vous n’oseriez jamais être si méchant, vous essaieriez plutôt de l’aider ! Je… je…
J’ai choisi cet extrait car il montre qu’il faut toujours aider un ami malgré les conséquences.
moi je sais que c'est bien d'avoir des rêves. Ça te donne du courage et de la force, et ça peut devenir la réalité si tu continues à y croire.
- Tu n'es pas un peu jeune pour couvrir tes cheveux ?
- Eh bien... mon père dit qu'il vaut mieux que je m’habitue. Parce qu'à l’adolescence, j'y serai bien obligée.
Je crie au revoir à maman et je sors pour appeler l'ascenseur.
Zut! il est occupé.
Un bruit de casseroles remonte par la cage vitrée. ça doit être cette vielle bique de Mme Bourguignon, qui met toujours une heure à sortir son chariot à commissions. C'est à cause de son arthrose, d'après maman.
Pas la peine d'attendre. Je dévale l'escalier quatre à quatre et, en mois de trente secondes, je déboule au rez-de-chaussée.
J'avais raison: Mme Bourguignon est en train de faire sauter les roues de son chariot sur les grosses marches qui mènent à la porte d'entrée. J'ai bien envie de rouspéter, de lui dire qu'à cette heure elle pourrait laisser l'ascenseur aux gens qui sont pressés d'aller à l'école ou à leur travail... C'est vrai après tout: elle a la belle vie! Et elle a tout le temps pour faire ses courses durant la journée. Mais comme je suis bien élevée, je la dépasse en lançant: "'jour!"