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Citations de Saša Stanišic (48)


Grand-mère m’avait versé de l’eau, boire beaucoup, avait-elle dit en 1984, et elle le répétait en 2009 avec tout autant de conviction, c’est important. Le verre lui aussi était le même, un peu ébréché, je le reconnaissais au petit éclat.
« Grand-mère, ce verre-là, on devrait tout de même le réformer. »
« Tu as des yeux, non ? Bois de l’autre côté. »
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La ville d'Essen tout entière n'est en fait rien d'autre qu'un énorme garage et on aurait presque envie de remercier les mauvaises herbes qui poussent entre les pavés de tenir le coup.
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Environ quinze ans plus tard, en 2010, j’étais moi-même au MIT*. J’enseignais la littérature allemande et l’écriture créative. J’habitais à proximité de la Charles River. Quand on m’interrogeait sur mes origines, je répondais tantôt « Je viens de Višegrad », tantôt « je viens d’Europe » ou « du Palatinat du Rhin ». C’est cette dernière réponse qui marchait le mieux. Quand tu dis à l’étranger « Palatinat du Rhin », il est à peu près certain que ton interlocuteur ignore s’il s’agit d’une ville ou d’une erreur de prononciation.

* Boston ( États Unis)
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Depuis qu’elle* a du mal à marcher, les voisins lui font ses courses. Elle aime surtout y envoyer Andrej, le policier d’en face aux cheveux bien peignés. Il n’est pas, dit-elle, corrompu comme le sont les autres policiers, un jour, il a arrêté Emir Kusturica et à la question que lui posait ce dernier : « Au fait, est-ce que tu sais seulement qui je suis ? », il a répondu : « Votre permis, les papiers de la voiture, s’il vous plaît. Ça y sera marqué. »
* Toujours la fameuse grand-mère :).
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Quand je* rencontrais des gens pour la première fois, il m’arrivait de dire que je venais de Slovénie. La république alpine était celle qui avait le moins fait les gros titres, on me prendrait, espérais-je, davantage pour un skieur que pour une victime.
On me demandait pourquoi j’étais en Allemagne, je répondais quelque chose comme :" Mon père a eu une proposition exceptionnelle de la part de BASF, pas question de refuser."
Je poussais un soupir et ajoutais : « Les Alpes me manquent. »
Que les Alpes manquent à quelqu’un, je l’avais appris, c’était très bien vu en Allemagne.

*C'est l'auteur père serbe, mère bosniaque, réfugié en Allemagne, ayant fuit l'enfer de la guerre en ex-Yougoslavie.
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Si la mafia a jamais eu une filiale à Višegrad, la marraine, c’était ma grand-mère. Enfant, j’avais entendu parler de trois petits gangsters connus dans toute la ville qui la craignaient et s’occupaient de ses courses. Quand elle se faisait teindre les cheveux en violet chez le coiffeur, il y en avait toujours comme par hasard un posté devant le salon, en train de grignoter des graines de courge. La grand-mère fraîchement ondulée sortait dans la rue, murmurait à son oreille, et il disparaissait docilement dans les ruelles pour remplir Dieu sait quelle mission.
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En revenant, près du vieux pont, je descends sur la rive. Sous la première arche, des gens sont assis autour d’un feu. Je m’approche, deux types se lèvent. Je comprends. Je lève les mains et m’écrie : « A friend, just a friend. » Je me nomme. Ils se rasseyent, ne me quittent pas des yeux.
D’où viennent-ils ?
D’Afghanistan. Et moi ?
D’ici.
Tu peux nous aider ?
Ils veulent aller plus au nord. Me montrent des photos de leurs familles devant des ruines, des cendres. Je réfléchis, je me demande si Stevo pourrait les emmener en voiture. Je leur propose bêtement un peu d’argent, ils ne l’acceptent pas. Le pont au-dessus de leurs têtes a quatre cent quarante ans.
Le pire de ce qui leur est arrivé pendant leur voyage ? L’un rit. Un autre dit : « Always be nobody. »
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Le pays natal, je l'affirme, c'est précisément le sujet de mon écriture. Les grands- mères. Quand ma grand-mère Kristina à commencé à perdre les souvenirs, je me suis mis à les rassembler.
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Les faits, les voici: le pays où je suis né n'existe plus aujourd'hui. Tant qu'il a existé, je me considérais comme Yougoslave. Comme mes parents, issus d'une famille serbe( mon père) ou bosnio-musulmane (ma mère). J'étais un enfant de cet État plurinationnal, résultat et affirmation de l'inclination mutuelle de deux êtres que le melting-pot yougoslave avaient libérés de leurs différences d'origine et de religion.
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L'origine ethnique cependant, à cause de son nom à consonance arabe, lui collait à la peau comme une rumeur tenace. Elle était souillée aux yeux des nouveaux décideurs, une souillure que ni l'ambition ni l'éducation ni l'habileté ne pouvaient corriger. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit.
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Quelqu’un. Quelqu’un écrit. Quelqu’un a toujours survécu pour le faire. » (p. 263)
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La Yougoslavie. Mais plus pour très longtemps. Le socialisme était fatigué, le nationalisme aux aguets. Des drapeaux, à chacun le sien, flottant au vent, et dans les têtes, la question : Tu es quoi ?
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C'est dans nos livres d'école que Tito a vécu le plus longtemps. L'histoire, le serbo-croate et même les maths ne pouvaient pas se passer de lui. La distance entre Jajce et Bihac est de 160 kilomètres. Une Yugo va de Jajce à Bihac en roulant à 80 km/h. Au même moment, notre camarade Josip Broz Tito court à une vitesse constante de 10 km/h en allant de Bihac vers Jajce. A quel endroit se rencontreront-ils ?
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L'invention, c'est le don le plus précieux, l'imagination, la plus grande des richesses, retiens bien ça, Aleksandar, avait dit grand-père d'un ton grave en me posant le chapeau sur la tête, retiens bien ça et imagine un monde plus beau.
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Fürstenfelde. Population : impaire. Nos saisons : le printemps, l'été, l'automne et l'hiver. L'été l'emporte d'une bonne longueur. Notre été s'en tire à peine moins bien qu'au bord de la Méditerranée. En guise de Méditerranée, nous avons les lacs. Le printemps ne vaut rien pour les tempéraments allergiques ni pour Madame Schermuth, de la Maison du Patrimoine, au printemps, elle déprime. L'automne est coupe en deux, automne précoce et automne tardif. C'est pendant l'automne tardif que s'est développé le tourisme autour des machines agricoles. Des pères citadins viennent avec leurs fils pour leur montrer les machines agricoles travaillant de nuit. Les fils : bouche bée devant les roues géantes, les projecteurs et le boucan. Dans un village avec deux lacs, l'histoire de l'hiver commence toujours au moment où les lacs gèlent et s'achève quand la glace fond.
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Le seul néonazi peint par Madame Krantz est endormi. C'est là le truc. Malgré son crâne rasé, un observateur extérieur n'affirmerait pas d'emblée qu'il s'agit indiscutablement d'un nazi endormi. C'est pourtant le cas. On peut le lire au dos du tableau. Le néonazi dort, c'est le titre du tableau. Les habitants de Fürstenfelde sauraient de toute façon qu'il s'agit d'un néonazi en train de dormir, puisque c'est Rico. Nous avons un néonazi et demi : ce fameux Rico, justement, et sa copine Luise. Luise est une demi-nazie, parce qu'elle ne joue ce jeu à la con que pour l'amour de Rico.
"Je ne m'étais jamais demandé à quoi ça ressemble", dit le journaliste, et sa main caresse l'air au-dessus de la joue de Rico, "un néonazi qui dort".
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Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi avec mes pensées, devant le cercueil de grand-père. Je ne sais pas quand j’ai échappé au poids des mains de mon père ni quand j’ai fait en courant le tour de la tombe qui sentait la terre humide. Ni quand j’ai mis sur ma tête le chapeau aux étoiles jaunes et bleues qui tournoient autour du croissant de lune, alors qu’au matin du jour où, malgré toute magie, il était mort le soir venu, grand-père m’avait expliqué que ce ne sont pas les étoiles qui tournent autour des lunes, mais les lunes autour des étoiles. Combien de temps ai-je ainsi pointé le bout de ma baguette vers l’étoile à cinq branches, à la tête du cercueil, combien de temps me suis-je débattu quand on a voulu m’éloigner ? Je ne sais plus ce que j’ai crié, ni combien j’ai pleuré ! Pardonnerai-je jamais à Carl Lewis d’avoir usé tout mon pouvoir magique pour son record du monde, si bien qu’il n’en est plus rien resté pour grand-père ? Tout ça pour ces 9 secondes 86 au soir du 25 septembre 1991, au soir du soir où on n’a pas pu entendre du haut du Megdan une mère chuchoter à son fils : Tu as eu un grand-père qui t’aimait, il ne sera plus jamais là. Mais son amour pour nous est infini, son amour ne disparaîtra jamais. Aleksandar, maintenant, tu as un grand-père infini.
Nous nous étions fait une promesse d’histoires, maman, avait acquiescé le fils d’un air résolu en fermant les yeux comme pour faire de la magie sans baguette ni chapeau, une promesse toute simple : ne jamais arrêter de raconter.
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OÙ L'ON VOIT UN COEUR FAIRE LA COURSE AVEC LE CHAMPION DU MONDE DU CENT MÈTRES, QUE PÈSE UNE VIE D'ARAIGNÉE, POURQUOI CELUI QUI N'ÉTAIT QUE TRISTESSE ÉCRIT ,AU FLEUVE CRUEL,LES COMPÉTENCES DU CAMARADE SUPRÊME DE L'INACHEVÉ EN MATIÈRE DE MAGIE.
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Nous sommes tristes. Nous n'avons plus de passeur. Le passeur est mort. Deux lacs, pas de passeur. Désormais, pour gagner les îles, tu devras posséder un bateau. Ou être un bateau. Ou traverser à la nage. Mais essaye donc de nager quand les blocs de glace claquent dans les vagues comme les mille tiges d'un carillon à vent.
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Nous nous étions fait une promesse d’histoires, maman, avait acquiescé le fils d’un air résolu en fermant les yeux comme pour faire de la magie sans baguette ni chapeau, une promesse toute simple : ne jamais arrêter de raconter.
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