Citations de Samuel Beckett (906)
Tu sais de quoi elle est morte, la Mère Pegg ?
D’obscurité.
Clov - Fais ceci, fais celà, et je le fais. Je ne refuse jamais. Pourquoi ?
Hamm - Tu ne peux pas.
Clov - Bientôt je ne le ferai plus.
Hamm - Tu ne pourras plus. (Clov sort.) Ah les gens, les gens, il faut tout leur expliquer.
HAMM. - Si je pouvais me traîner jusqu'à la mer ! Je me ferais un oreiller de sable et la marée viendrait.
CLOV. - Il n'y a plus de marée.
P.81
- NAGG. - Tu m'entends?
- NELL.- Oui. Et toi ?
- NAGG. - Oui. (Un temps.) Notre ouïe n'a pas baissé.
- NELL.- Notre quoi ?
- NAGG. - Notre ouïe.
- NELL.- Non. (Un temps.) As-tu autre chose à me dire ?
- NAGG. - Tu te rappelles...
- NELL.- Non.
- NAGG. - L'accident de tandem où nous laissâmes nos guibolles.
Ils rient.
- NELL.- C'était dans les Ardennes.
(p.29)
Après tout je suis ton père. Il est vrai que si ce n'avait pas été moi c'aurait été un autre. Mais ce n'est pas une excuse. […] Ou appelais-tu, quand tu étais tout petit et avais peur, dans la nuit ? […] Oui, j'espère que je vivrai jusque-là, pour t'entendre m'appeler comme lorsque tu étais tout petit, et avais peur, dans la nuit, et que j’étais ton seul espoir.
La fin est dans le commencement et cependant on continue.
HAMM. -
J'ai connu un fou qui croyait que la fin du monde était arrivée. Il faisait de la peinture. Je l'aimais bien. J'allais le voir, à l'asile. Je le prenais par la main et le traînais devant la fenêtre. Mais regarde! Là! Tout ce blé qui lève! Et là! Regarde! Les voiles des sardiniers! Toute cette beauté! (Un temps.) Il m'arrachait sa main et retournait dans son coin. Epouvanté. Il n'avait vu que des cendres. (Un temps.) Lui seul avait été épargné. (Un temps.) Oublié. (Un temps.) Il paraît que le cas n'est... n'était pas si... si rare.
CLOV. -
Un fou? Quand cela?
HAMM. -
Oh c'est loin, loin. Tu n'étais pas encore de ce monde.
CLOV. -
La belle époque!
CLOV (regard fixe, voix blanche). -
Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. (Un temps.) Les grains s'ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c'est un tas, un petit tas, l'impossible tas. (Un temps.) On ne peut plus me punir. (Un temps.) Je m'en vais dans ma cuisine, trois mètres sur trois mètres, attendre qu'il me siffle. (Un temps.) Ce sont de jolies dimensions, je m'appuierai à la table, je regarderai le mur, en attendant qu'il me siffle.
La fin est dans le commencement et cependant on continue
HAMM - Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur terre, c'est sans remède !... Mais enfin quel est votre espoir ? Que la terre renaisse au printemps ? Que la mer et les rivières redeviennent poissonneuses ? Qu'il y ait encore de la manne au ciel pour des imbéciles comme vous ?
Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. (Un temps) Les grains s'ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c'est un tas, un petit tas, l'impossible tas.
Hamm, le fils : - Maudit fornicateur, pourquoi m’as-tu fait ?
Nag, le père : - Je ne pouvais pas savoir que ce serait toi.
La fin est dans le commencement et cependant on continue
HAMM - Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur terre, c'est sans remède !... Mais enfin quel est votre espoir ? Que la terre renaisse au printemps ? Que la mer et les rivières redeviennent poissonneuses ? Qu'il y ait encore de la manne au ciel pour des imbéciles comme vous ?
HAMM - Oh c'est loin, loin. Tu n'étais pas encore de ce monde.
CLOV. - La belle époque !
HAMM - Il y a de la lumière chez la Mère Pegg ?
CLOV. - De la lumière ! Comment veux-tu qu'il y ait de la lumière chez quelqu'un ?
HAMM - Alors elle s'est éteinte.
CLOV. - Mais bien sûr qu'elle s'est éteinte ! S'il n'y en a plus c'est qu'elle s'est éteinte.
HAMM - Non, je veux dire la Mère Pegg.
CLOV. - Mais bien sûr qu'elle s'est éteinte !
HAMM - La nature nous a oubliés.
CLOV. - Il n'y a plus de nature.
HAMM - Plus de nature ! Tu vas fort.
CLOV. - Dans les environs.
HAMM - Mais nous respirons, nous changeons ! Nous perdons nos cheveux, nos dents ! Notre fraîcheur ! Nos idéaux !
CLOV. - Alors elle ne nous a pas oubliés.
Fini, ça va finir, ça va peut-être finir, c’est déjà fini !
Hamm. : Clov !
Clov (absorbé). : Mmm.
Hamm. : Tu sais une chose ?
Clov (de même). : Mmm.
Hamm. : Je n'ai jamais été là. (Un temps.) Clov !
Clov (se tournant vers Hamm, exaspéré). : Qu'est-ce que c'est ?
Hamm. : Je n'ai jamais été là.
Clov. : Tu as eu de la veine.
Il se tourne vers la fenêtre.
Hamm. : Absent, toujours. Tout s'est fait sans moi. Je ne sais pas ce qui s'est passé. (Un temps.) Tu sais ce qui s'est passé, toi ? (Un temps.) Clov !
Clov (se tournant vers Hamm, exaspéré). : Tu veux que je regarde cette ordure, oui ou non ?
Hamm. : Réponds d'abord.
Clov. : Quoi ?
Hamm. : Tu sais que ce qui s'est passé ?
Clov. : Où ? Quand ?
Hamm (avec violence). : Quand ! Ce qui s'est passé ! Tu ne comprends pas ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
Clov. : Qu'est-ce que ça peut foutre ?
Il se tourne vers la fenêtre.
Hamm. : Moi je ne sais pas.
On pleure, on pleure, pour rien, pour ne pas rire, et peu à peu... une vraie tristesse vous gagne (...). Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur terre, c'est sans remède ! (Un temps.) Allez-vous en et aimez-vous ! (...). La fin est dans le commencement et cependant on continue. (Un temps.) Je pourrais peut-être continuer mon histoire, la finir et en commencer une autre. (Un temps.) Je pourrais peut-être me jeter par terre. (Il se soulève péniblement, se laisse retomber.) Enfoncer mes ongles dans les rainures et me traîner en avant, à la force du poignet. (Un temps.) Ce sera la fin et je me demanderai ce qui a bien pu... (il hésite)... pourquoi elle a tant tardé. (Un temps.) Je serai là, dans le vieux refuge, seul contre le silence et... (il hésite)... l'inertie.