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Critiques de Samuel Taylor Coleridge (21)
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La Ballade du vieux marin

Publié pour la première fois en 1798 dans l’édition de Lyrical Ballads, qui rassemblait des poèmes de Wordsworth et de Coleridge, il est considéré comme l’oeuvre la plus importante de son auteur. Pourtant son succès n’allait pas de soi : Wordsworth considérait même que placé en tête du volume, le texte aurait « découragé les lecteurs d'aller plus avant, en raison de son étrangeté » et de ses « graves défauts ». Il l’évincera donc des éditions suivantes.



Il s’agit d’un long poème au contenu narratif, avec une thématique surnaturelle, tirant vers le fantastique. Un invité à une noce est agrippé par un vieux marin, qui tient à tout prix à lui conter son histoire. L’invité se montre au début réticent, veut rejoindre les mariés, mais il est progressivement happé par le récit du marin. Ce dernier a fait un étrange voyage, et s’est chargé d’un lourd péché : celui de tuer un albatros, qui portait chance à l’équipage de son bateau. Ses compagnons, au début en colère après-lui ont applaudi son geste, lorsqu’à la suite les vents se sont montrés favorables. Mais cette chance n’a pas durée, et le bateau se trouve immobilisé, et l’équipage n’a plus d’eau. Surgit alors un bateau maléfique, avec à son bord la Mort et la Vie-dans-la-Mort, qui jouent au dès le destin de l’équipage. La Mort gagne l’ensemble de l’équipage, qu’elle fait périr immédiatement, et la Vie-dans-la-Mort gagne le marin coupable, dont le sort sera pire. Mais grâce à une bénédiction qu’il prononce, il sera libéré. Mais devra raconter inlassablement son récit.



C’est un beau texte, très romantique dans sa noirceur, les malédictions, les voyages étranges, le destin. Aussi ses liens avec la nature : la mort de l’albatros brise une sorte d’harmonie originelle, les rapports de l’homme au monde, et aboutit au désastre. Mais une rédemption est possible par la grâce divine, même si elle n’est pas complète : l’homme doit raconter sans fin son aventure, comme une sorte de mise en garde.
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La ballade du vieux marin et autres textes

"Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers ..."



Un marin commet la faute de tuer un albatros avec son arbalète. Alors que l'albatros était aimé et que l'albatros l'aimait.

Il attire sur lui la malédiction ...



La seule manière pour le vieux marin de s'en délivrer, de cette malédiction, c'est de narrer sa terrifiante histoire, jusqu'à ce que ses terreurs reviennent. Notre conteur jette pour cette fois son dévolu sur un jeune marié que la mariée attend le jour de ses noces. Il le harponne, il le retient, l'hypnotise de son oeil de mort et se saisit de sa volonté, retenant ainsi la vie de cet homme le temps de lui raconter comment il est mort, de son vivant.



Le marin a le poids de l'albatros sur la conscience, qui pèse comme du plomb et lui-même s'ancre au port alors même que son âme est restée dans l'eau.



Un chant de marin - un chant d'amour et de mort - qui a la profondeur de l'Océan parcouru jusqu'au Pôle : région de brouillard et de neige dont l'albatros est l'esprit tutélaire.

Un récit qui cristallise les terreurs maritimes. Un récit à la grâce de la glace à l'état pur.
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La ballade du vieux marin et autres textes

Ce recueil débute avec « La Ballade du Vieux Marin », un étonnant récit de mer, sous forme de long poème, une parabole chrétienne, où il est question, comme c’est souvent le cas dans l’œuvre de Coleridge, de péché, de châtiment et de remords, de rédemption. Un Marin, vieilli par l’expérience autant que par les ans, a survécu seul à un naufrage après une longue dérive en mer et, une fois revenu à terre, il interpelle le convive d’une noce et témoigne : après qu’il eut tué un albatros, oiseau pourtant de bonne augure, qui accompagnait, au milieu des brumes et des glaces, son bateau et son équipage, le mauvais sort s’abattit sur eux, les décimant de soif et le laissant, lui, au milieu des transes. Sauvé, il tient à raconter, en guise de pénitence, son crime et les dangers encourus.

Dans ce recueil on trouve d’autres poèmes célèbres de Coleridge tels que Kubla Khan et Christabel.

Kubla Khan est le fragment d’un poème apparu en rêve dont il ne put, à son réveil, fixer que quelques lignes, lequel évoque le grand empereur mongol et sa cité devenue mythique, Xanadu, dans laquelle celui-ci se fit construire un dôme extraordinaire. Ses remparts ceignaient des terres fertiles, des clairières et de très anciennes forêts, ainsi qu’un fleuve sacré, bouillonnant du fond de la terre.

Christabel est un autre poème fantomatique, aux rythmes répétés et lancinants, où le Mal et la Sensualité qui l’habitent sont plus suggérés que décrits, d’autant plus qu’il y est question d’un Amour « coupable » entre deux femmes. Christabel est aussi une sorte de poème nocturne dans un moyen-âge fantasmé : La très belle et jeune Christabel, fille d’un riche baron, est parti, au milieu de la nuit, prier pour son fiancé, dans la forêt qui entoure le château. Elle tombe sur Géraldine, Dame fascinante mais inquiétante, laissée là par des chevaliers qui l’avaient tourmentée. Christabel l’invite dans le château de son père et, pour ne pas réveiller celui-ci, à dormir dans sa chambre et à partager son lit. Christabel va-t-elle, troublée, être initiée au plaisir, et dans son innocence, s’en repentir ? Devient-elle jalouse quand son père à son tour s’éprend de la belle Dame qui répand autour d’elle une sorte de charme ? Celle-ci est- elle réellement une créature démoniaque, une femme sans pitié qui n’accorde aucun frein à ses désirs et qui use de mille subterfuges ? Le Fanu s’est inspiré de ce poème pour écrire « Carmilla » dans lequel Une femme Vampire s’éprend d’une jeune innocente dont la vie, peu à peu, s’amenuise

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La ballade du vieux marin et autres textes

Coleridge est le symbole de la nouvelle génération de poètes romantiques anglais et européens, qui irriguèrent d'un sang neuf, la poésie occidentale moribonde, en cette fin de 18éme siècle. Heureusement, l'esprit des lumières, la révolution française, et le romantisme combinés, redonnèrent un souffle, à un art qui s'enlisait dans la médiocrité académique.

Avec ce recueil fabuleux contenant deux des plus beaux poèmes figurant au firmament du génie poétique, l'oeuvre de Coleridge, élève la poésie à un niveau d'exception, de par ses envolées lyriques, ses tempos changeants ou l'intime rejoint l'apparent, ses descriptions géographiques donnant une envie communicative de s'y transposer en rêve ou en réel. L'émotion est au coin de chaque vers, plongeant le lecteur, dans le merveilleux, l'angoissant, la beauté, le tragique, synthèse d'un onirisme de conte mélangé à un naturalisme le plus sombre. "Le poème principal : La ballade du vieux marin", nous emporte dans un voyage au bout de l'enfer, mais où la morale presque d'une philosophie écologique, nous fait comprendre l'utilité de la biodiversité, rendant ce poème comme un hymne à la nature, indissociable de l'homme. le second poème : Kubla Khan, lui revêt plutôt l'aspect d'une apologie d'amour controversée, d'un mégalomane de génie, empereur de Chine aux goûts fantasmagoriques et offrant à sa belle un lieu d'exception démesuré, mystérieux et baroque pour assouvir ses envies étranges et son hymen de façon exacerbé. Mais comme Coleridge s'adonnait aux drogues, définir exactement la poésie de l'auteur reste audacieux, toutes les interprétations demeurant possibles, mais n'est ce pas ça, le mystère insondable de la poésie ?
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The Rime of the Ancient Mariner, Kubla Khan..

"Atmosphère, atmosphère.." En rentrant à la maison à minuit le samedi soir, il y avait un brouillard dense, lequel, par moments, se transformait en langues de brume flottantes sur la route...Cette vision éminemment romantique m'a donnée envie de relire au plus vite "Christabel" de S. T. Coleridge.



"Tis the middle of the night by the castle clock,

And the owl have awakened the crowing cock...."



Sans hésitation le poème le plus "gothique" du barde de la "lake school" du romantisme anglais. La jeune et innocente Christabel rencontre dans la forêt l'intrigante "dame Geraldine", attaquée par les brigands. En lignes courtes, non sans rappeler les vieilles ballades anglaises basées sur l'allitération, on lit une histoire d'un "mal" invité au château, du pouvoir que Geraldine (mauvais esprit, sorcière, vampire ?) exerce sur le père de Christabel et la relation ambigue avec la jeune fille. Inspiré par "Le moine" de Lewis, le poème a clairement servi comme modèle de "Carmilla" de Le Fanu. Mais tandis que "Carmilla" est doté d'un relative "happy-end", la fin de "Christabel reste à imaginer, car le poème n'est pas fini...





Il en est de même pour "Kubla Khan", un poème exalté et nettement moins "coiffé" que "Christabel". Coleridge, à l'époque déjà bien dépendant d'opium, lisait, dit-on, un livre sur Xanadu. Poème jeté frénétiquement sur papier après un rêve étrange et vivant inspiré par cette lecture. Longues lignes flamboyantes, noms exotiques, descriptions des fastes d'un palais du calife et les paysages d'orient.... Malheureusement, quelqu'un à toqué sur la porte au mauvais moment et, interrompu, Coleridge n'a jamais pu finir de retranscrire son rêve.





Et pour finir - "The Rime of the Ancient Mariner"



"Water, water, everywhere

And all the boards did shrink;

Water, water everywhere

nor any drop to drink "



Lignes courtes, style rapide et élégant, presque une chanson !

Pourquoi le vieux marin tue le grand albatros blanc ? Est-ce vraiment ça, la nature humaine, de posséder et puis détruire tout ce qui est beau ? En tout cas, la nature et le destin s'acharnent sur le pauvre marin après son geste malheureux.





Trois belles ballades romantiques, un petit intermezzo entre deux lectures !
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La chanson du vieux marin

Samuel Taylor Coleridge est un cas curieux. Malgré son style très scolaire, à mille lieux du fantasque et des révoltes d'un Byron, il survit et traverse les époques grâce, tout simplement, à la beauté de son style.



Son oeuvre la plus connue avec ‘Kubla Khan', ‘La complainte du vieux marin' (ou ‘le dit du vieux marin', suivante les traductions) en est l'exemple parfait. Pour avoir tué l'albatros, oiseau porte-bonheur qui accompagnait le navire, le narrateur est maudit. le bateau s'égare, il est condamné à voir l'équipage mourir de faim et de soif. Mais lui ne peut mourir ; l'albatros mort reste pendu à son cou sans qu'il puisse l'en arracher. Il ne trouvera sa grâce que par le repentir ; mais il lui faudra encore errer de par le monde en racontant son histoire.



La gravité et le sérieux de cette belle histoire moralisatrice nous fait sourire aujourd'hui – et déjà dû faire sourire de son temps. Et pourtant... Sa poésie et son écriture sont si belles qu'on y plonge facilement. Les descriptions des paysages marins, du narrateur gagné par la folie, seul sur le navire au milieu des cadavres de l'équipage, sont admirables. A bien des égards elles préfigurent ‘Les Aventures d'Arthur Gordon Pym', mais aussi toute une littérature marine, voir la fascination des pôles.



Les thèmes principaux sont bien sûr le respect de la vie, le péché et la rédemption. Mais apparaît également en filigrane toute une mythologie de la mer, les récits qui circulaient dans les tavernes de marins. le Hollandais Vollant et autres navires fantômes, les oiseaux de mer protecteurs... Colleridge fut un des premiers à s'en inspirer, et il fit école. ‘Le vaisseau fantôme', l'un des grands opéras de Wagner, en fut en quelque sorte l'aboutissement, avant que la première guerre mondiale ne vienne mettre un terme à la marine à voile. Mais on peut toujours compter sur Disney pour (au choix) remettre au goût du jour/piller les vieux mythes.



Cette réédition en fac-similé présente un deuxième intérêt, presque aussi grand : le texte est accompagné de la trentaine de gravure que Gustave Doré réalisa pour l'illustrer. le chef d'oeuvre de l'un des meilleurs graveur de l'histoire, dont le nom reste pour nous indissociablement lié aux contes de Perrault (sa représentation du chat botté a à peine changé dans Shrek) mais qui fut prolixe.
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Vingt-Cinq Poèmes

Le poème de Coleridge La complainte du vieux marin (The rhyme of the ancient mariner) exerce sa puissance à chaque fois. le paysage reste incroyablement infernal, tout en étant agrémenté d'effets météorologiques photographiquement réalistes, et la conduite narrative est irrésistible. L'une de ses innovations, et non la moindre, est ce dispositif cinématographique qui coupe, de temps en temps, entre la boutonnière urgente du Mariner sur l'invité du mariage, et la gaieté et le ménestrel alléchants du mariage. Comme l'invité impatient, le lecteur peut avoir envie de s'évader, mais il est retenu par l'insistance presque dérangée du ton du Marin.



Le pouvoir de l'histoire pourrait bien être fondé sur sa relation symbolique avec le propre sentiment d'inutilité et d'impuissance du poète, tel qu'exprimé dans une lettre à son ami, John Morgan :

"Quel crime y a-t-il à peine qui n'ait été inclus dans ou suivi de la seule culpabilité de prendre de l'opium? Sans parler de l'ingratitude envers mon créateur pour les talents gaspillés; de l'ingratitude envers tant d'amis qui m'ont aimé je ne sais pourquoi; de négligence barbare de ma famille… J'ai dans cette sale affaire de Laudanum cent fois trompé, trompé, non, réellement et consciemment menti."



Si la dépendance est le sous-texte du poème, cela aide à expliquer l'intrigue étrange dans laquelle la mort et la vie dans la mort lancent des dés sur le navire spectral pour décider du sort du marin et de son équipage. L'histoire que Coleridge a racontée sur les origines de sa dépendance à l'utilisation du laudanum comme analgésique pour les douleurs rhumatismales, souligne son propre sens du pouvoir cruel du hasard. L'addiction n'était pas choisie : c'était un sort qui lui était réservé.



L'albatros pourrait également symboliser le lien social. Au début du poème, l'oiseau visite régulièrement le navire et est nourri par les marins. On ne nous dit pas pourquoi le Mariner décide paresseusement de tuer l'oiseau. Encore une fois, l'indice est que l'acte aléatoire est la racine du mal. le moment où le marin commence à sortir de son bourbier de découragement est le moment où il surmonte sa répulsion face aux infects serpents de mer et, sans le savoir, involontairement, les bénit. Ces serpents peuvent être associés à l'imagerie du cauchemar induit par l'opium. Peut-être, en effet, est-ce en avouant la puissance imaginative de la vision de l'opium que le Mariner-Poète rachète son échec.



L'extrait suivant provient de la partie IV. Il comprend les gloses que Coleridge a ajoutées à l'édition de 1817 du poème, généralement imprimées en marge. Ce commentaire n'est parfois qu'explicatif mais il peut aussi apporter un éclairage psychologique supplémentaire.



"Dans sa solitude et sa fixité, il aspire à la Lune voyageuse, et aux étoiles qui séjournent encore, mais qui avancent encore ; et partout où le ciel bleu leur appartient, et est leur repos désigné, et leur pays natal et leurs propres demeures naturelles , où ils entrent à l'improviste, comme des seigneurs certainement attendus et pourtant il y a une joie silencieuse à leur arrivée."



La Lune en mouvement monta dans le ciel,

Et nulle part ne s'est fixée:

Doucement elle montait,

une étoile ou deux à ses côtés -



Ses rayons se moquaient de la sensuelle principale,

Comme la propagation de la gelée blanche d'avril ;

Mais là où gisait l'immense ombre du navire,

L'eau charmée brûlait toujours

Un rouge immobile et terrible.



"Par la lumière de la Lune, il contemple les créatures de Dieu du grand calme."



Au-delà de l'ombre du navire,

J'ai regardé les serpents d'eau:

Ils se déplaçaient sur des voies d'un blanc brillant,

Et quand ils s'élevaient, la lumière elfique

Tombait en flocons chenus.



A l'ombre du bateau

J'ai regardé leur riches atours:

Bleu, vert brillant et noir velours,

Ils se sont enroulés et ont nagé; et chaque voie

Était éclair de feu d'or.



« Leur beauté et leur bonheur.

Il les bénit dans son coeur."



Ô heureuses choses vivantes! Aucun mot

ne saurait dire leur beauté :

Une source d'amour a jailli de mon coeur,

Et je les ai bénis sans le savoir :



Bien sûr, mon gentil saint a eu pitié de moi,

Et je les ai bénis sans le savoir.



"Le charme commence à s'évanouir."



Au même moment, je pouvais prier;

Et de mon cou si libre

L'Albatros est tombé et a coulé

Comme du plomb dans la mer.



Coleridge était un formidable causeur, il parlait surtout de litérature et beaucoup de Shakespeare, on peut, dans les cas d'incompréhension se référer à lui,

mais, tout comme la totalité des lecteurs de Shakespeare, il est resté muet devant cette phrase d'Hamlet

(Acte 2, scène 2) 'Then are our beggars, bodies; and our monarchs, and outstretched heroes, the beggars' shadows.'
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Le dit du vieux marin

Un ouvrage magnifique, servi par des textes admirables et des croquis sublimes. A redécouvrir !
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La chanson du vieux marin

Ce livre, est un fac-similé, d'une édition ancienne, qui comporte outre bien sur le long poème de Coleridge en français et anglais, mais surtout de toujours magnifiques gravures de Gustave Doré.

J'ai ce livre depuis 1988, et j'ignore si il est toujours disponible, mais si vous le dénichez, n'hésitez pas à l'acquérir !
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La Ballade du vieux marin

Le poème de Coleridge La complainte du vieux marin (The rhyme of the ancient mariner) exerce sa puissance à chaque fois. le paysage reste incroyablement infernal, tout en étant agrémenté d'effets météorologiques photographiquement réalistes, et la conduite narrative est irrésistible. L'une de ses innovations, et non la moindre, est ce dispositif cinématographique qui coupe, de temps en temps, entre la boutonnière urgente du Mariner sur l'invité du mariage, et la gaieté et le ménestrel alléchants du mariage. Comme l'invité impatient, le lecteur peut avoir envie de s'évader, mais il est retenu par l'insistance presque dérangée du ton du Marin.



Le pouvoir de l'histoire pourrait bien être fondé sur sa relation symbolique avec le propre sentiment d'inutilité et d'impuissance du poète, tel qu'exprimé dans une lettre à son ami, John Morgan :

"Quel crime y a-t-il à peine qui n'ait été inclus dans ou suivi de la seule culpabilité de prendre de l'opium? Sans parler de l'ingratitude envers mon créateur pour les talents gaspillés; de l'ingratitude envers tant d'amis qui m'ont aimé je ne sais pourquoi; de négligence barbare de ma famille… J'ai dans cette sale affaire de Laudanum cent fois trompé, trompé, non, réellement et consciemment menti."



Si la dépendance est le sous-texte du poème, cela aide à expliquer l'intrigue étrange dans laquelle la mort et la vie dans la mort lancent des dés sur le navire spectral pour décider du sort du marin et de son équipage. L'histoire que Coleridge a racontée sur les origines de sa dépendance à l'utilisation du laudanum comme analgésique pour les douleurs rhumatismales, souligne son propre sens du pouvoir cruel du hasard. L'addiction n'était pas choisie : c'était un sort qui lui était réservé.



L'albatros pourrait également symboliser le lien social. Au début du poème, l'oiseau visite régulièrement le navire et est nourri par les marins. On ne nous dit pas pourquoi le Mariner décide paresseusement de tuer l'oiseau. Encore une fois, l'indice est que l'acte aléatoire est la racine du mal. le moment où le marin commence à sortir de son bourbier de découragement est le moment où il surmonte sa répulsion face aux infects serpents de mer et, sans le savoir, involontairement, les bénit. Ces serpents peuvent être associés à l'imagerie du cauchemar induit par l'opium. Peut-être, en effet, est-ce en avouant la puissance imaginative de la vision de l'opium que le Mariner-Poète rachète son échec.



L'extrait suivant provient de la partie IV. Il comprend les gloses que Coleridge a ajoutées à l'édition de 1817 du poème, généralement imprimées en marge. Ce commentaire n'est parfois qu'explicatif mais il peut aussi apporter un éclairage psychologique supplémentaire.



"Dans sa solitude et sa fixité, il aspire à la Lune voyageuse, et aux étoiles qui séjournent encore, mais qui avancent encore ; et partout où le ciel bleu leur appartient, et est leur repos désigné, et leur pays natal et leurs propres demeures naturelles , où ils entrent à l'improviste, comme des seigneurs certainement attendus et pourtant il y a une joie silencieuse à leur arrivée."



La Lune en mouvement monta dans le ciel,

Et nulle part ne s'est fixée:

Doucement elle montait,

une étoile ou deux à ses côtés -



Ses rayons se moquaient de la sensuelle principale,

Comme la propagation de la gelée blanche d'avril ;

Mais là où gisait l'immense ombre du navire,

L'eau charmée brûlait toujours

Un rouge immobile et terrible.



"Par la lumière de la Lune, il contemple les créatures de Dieu du grand calme."



Au-delà de l'ombre du navire,

J'ai regardé les serpents d'eau:

Ils se déplaçaient sur des voies d'un blanc brillant,

Et quand ils s'élevaient, la lumière elfique

Tombait en flocons chenus.



A l'ombre du bateau

J'ai regardé leur riches atours:

Bleu, vert brillant et noir velours,

Ils se sont enroulés et ont nagé; et chaque voie

Était éclair de feu d'or.



« Leur beauté et leur bonheur.

Il les bénit dans son coeur."



Ô heureuses choses vivantes! Aucun mot

ne saurait dire leur beauté :

Une source d'amour a jailli de mon coeur,

Et je les ai bénis sans le savoir :



Bien sûr, mon gentil saint a eu pitié de moi,

Et je les ai bénis sans le savoir.



"Le charme commence à s'évanouir."



Au même moment, je pouvais prier;

Et de mon cou si libre

L'Albatros est tombé et a coulé

Comme du plomb dans la mer.



Coleridge était un formidable causeur, il parlait surtout de litérature et beaucoup de Shakespeare, on peut, dans les cas d'incompréhension se référer à lui,

mais, tout comme la totalité des lecteurs de Shakespeare, il est resté muet devant cette phrase d'Hamlet

(Acte 2, scène 2) 'Then are our beggars, bodies; and our monarchs, and outstretched heroes, the beggars' shadows.'
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La ballade du vieux marin et autres textes

"The Rime of The Ancient Mariner" est mon poème anglais favori. Tout y est : la lourdeur qui s'installe sur le pont brûlant du bateau immobilisé. La faim qui obsède les marins, l'innocent albatros convoité et le cauchemar omniprésent. Le souvenir d'un acte atroce, inutile, les fantômes... Je ne vous en dis pas plus, sinon je risquerais de "spoiler" une pépite qui doit être découverte.
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La ballade du vieux marin et autres textes

Un flamboiement poétique. Les tableaux fantasmagoriques du "Dit du vieux marin", l’étrangeté de "Kubla Khan", l’ardeur inquiète de "Craintes dans la solitude", les tentations vénéneuses de "Christabel", l’élan lyrique de "Solitude"…

La traduction de Jacques Darras, proposée avec le texte anglais en regard, est inventive et stimulante, et assortie d’une introduction et de notices qui introduisent parfaitement bien à l’univers de Coleridge en n’éclairant ni trop ni trop peu la lecture des poèmes.

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Le dit du vieux marin

Lecteur de poésie versifiée hélas peu endurant (Car insuffisamment exercé), l'une des trois pièces de ce recueil m'a pourtant vivement impressionné, sans doute influencé par l'analyse qu'en donnait Borges dans ses "Enquêtes".

"Kubla Khan, or A Vision in a Dream: A Fragment", telle est la version longue de son titre, est un court poème rimé que Coleridge prétendit avoir fiévreusement rédigé au sortir d'un rêve suscité par les vapeurs de l'opium. Interrompu par un visiteur, il laissa sa "vision" inachevée et ne parvint jamais à se remémorer les vers manquants.

Pour cet éminent représentant du romantisme anglais le fait ne pouvait rester longtemps anodin, et son Kubla Khan exerça une vigoureuse attraction sur ses contemporains lettrés qui en retour le commentèrent abondamment.

Sans doute étaient-ils captivés par la prosodie ravageuse de ces vers (Appréciable uniquement dans leur langue d'origine) autant que par le charme incontestablement romantique de sa provenance onirique, écho d'un passé fabuleux vieux de cinq siècles, et dont on ne sait à l'époque guère plus que ce qu'en rapportait Marco Polo dans ses Devisements du Monde, soit une allégorie du pouvoir et de ses ors:



« Ciandu fut bâtie par le grand khan Koubilaï, lequel y fit construire un superbe palais de marbre enrichi d’or. Près de ce palais il y a un parc royal fermé de murailles de toute part, et qui a quinze milles de tour. Dans ce parc il y a des fontaines et des rivières, des prairies et diverses sortes de bêtes, comme cerfs, daims, chevreaux, et des faucons, que l’on entretient pour le plaisir et pour la table du roi, lorsqu’il vient dans la ville. (...) Le Grand Khan demeure là ordinairement pendant trois mois de l’année. »



De fait, Ciandu est le nom que donne l'illustre voyageur vénitien au palais d'été de l'empereur Kubilaï Khan (Shangdu), dans lequel il séjourna en 1275. Dans la version qu'en propose Coleridge, le toponyme acquière une consonance autrement plus pittoresque à nos oreilles:



In Xanadu did Kubla Khan

A stately pleasure-dome decree:

Where Alph, the sacred river, ran

Through caverns measureless to man

Down to a sunless sea



Dès lors, Xanadu siègera aux côtés d'autres fameuses villes mythiques dans l'imaginaire occidental: Atlantide, Babylone, Troie, Bagdad, Cibola et d'autres. Toutes symbolisent des passions humaines, et Orson Wells ne s'y est pas trompé en baptisant du même nom la propriété mirobolante de son citoyen Kane, patronyme par ailleurs équivoque qu'il imposa à son scénariste.

En seconde lecture, Borges suggère une surprenante hérédité spatio-temporelle, qui est la moindre des conjectures que l'on pouvait attendre de l'auteur de "La Bibliothèque de Babel": Au XIVe siècle, Rashid-ed-Din, vizir d'un monarque persan descendant de Koubilaï, rapportait ceci dans son Histoire Générale, qui fut traduite en Europe vingt ans après le rêve de Coleridge:



"À l'est de Shang Tu, Koublaï Khan érigea un palais, d'après un plan qu'il avait vu en songe et qu'il gardait dans sa mémoire."



Un empereur Mongol rêve un palais qu'il fait bâtir, un poète rêve l'oraison qui lui rend justice cinq siècles plus tard.

Les mythes naissent peut être ainsi, et ce voisinage paradoxal suscite de multiples et passionnantes interprétations que Borges résume ainsi:

"Qui sait si un archétype non encore révèlé aux hommes, un objet éternel (…), ne pénètre pas lentement dans le monde? Sa première manifestation fut le palais; la seconde, le poème. Qui les aurait comparés aurait vu qu'ils étaient essentiellement identiques."



La "Collection Romantique" des éditions José Corti a par ailleurs le bon goût de proposer des ouvrages in-quarto non rognés. Compte tenu de l'étrangeté du poème, il n'est ni anodin ni désagréable de devoir couper les feuillets de ce livre scellé pour accéder au texte qui, le temps de cette lecture seulement, n'en devient que plus précieux. Idéalement, une fine dague de la dynastie Yuan devrait être réservée à cet usage. (Alors peut être prendrons-nous la relève du rêve de Coleridge.)
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Le dit du vieux marin

J'ai acheté cette édition à la librairie Diogène, à Lyon, avant sa fermeture prochaine annoncée. Quel ouvrage ! Quelle splendeur ! Les gravures de Gustave Doré rehaussent l'énigme de ces strophes. On se laisse complètement happer par la double perfection de la poésie et des images. Le Dit du Vieux-marin est une des œuvres phares de l'humanité, et certains de ses personnages (la Vie-dans-la-mort) nous accompagnent longtemps, au gré de cette malédiction marine. un livre à lire et relire, inlassablement.
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La ballade du vieux marin et autres textes

Le poème de Coleridge La complainte du vieux marin (The rhyme of the ancient mariner) exerce sa puissance à chaque fois. le paysage reste incroyablement infernal, tout en étant agrémenté d'effets météorologiques photographiquement réalistes, et la conduite narrative est irrésistible. L'une de ses innovations, et non la moindre, est ce dispositif cinématographique qui coupe, de temps en temps, entre la boutonnière urgente du Mariner sur l'invité du mariage, et la gaieté et le ménestrel alléchants du mariage. Comme l'invité impatient, le lecteur peut avoir envie de s'évader, mais il est retenu par l'insistance presque dérangée du ton du Marin.



Le pouvoir de l'histoire pourrait bien être fondé sur sa relation symbolique avec le propre sentiment d'inutilité et d'impuissance du poète, tel qu'exprimé dans une lettre à son ami, John Morgan :

"Quel crime y a-t-il à peine qui n'ait été inclus dans ou suivi de la seule culpabilité de prendre de l'opium? Sans parler de l'ingratitude envers mon créateur pour les talents gaspillés; de l'ingratitude envers tant d'amis qui m'ont aimé je ne sais pourquoi; de négligence barbare de ma famille… J'ai dans cette sale affaire de Laudanum cent fois trompé, trompé, non, réellement et consciemment menti."



Si la dépendance est le sous-texte du poème, cela aide à expliquer l'intrigue étrange dans laquelle la mort et la vie dans la mort lancent des dés sur le navire spectral pour décider du sort du marin et de son équipage. L'histoire que Coleridge a racontée sur les origines de sa dépendance à l'utilisation du laudanum comme analgésique pour les douleurs rhumatismales, souligne son propre sens du pouvoir cruel du hasard. L'addiction n'était pas choisie : c'était un sort qui lui était réservé.



L'albatros pourrait également symboliser le lien social. Au début du poème, l'oiseau visite régulièrement le navire et est nourri par les marins. On ne nous dit pas pourquoi le Mariner décide paresseusement de tuer l'oiseau. Encore une fois, l'indice est que l'acte aléatoire est la racine du mal. le moment où le marin commence à sortir de son bourbier de découragement est le moment où il surmonte sa répulsion face aux infects serpents de mer et, sans le savoir, involontairement, les bénit. Ces serpents peuvent être associés à l'imagerie du cauchemar induit par l'opium. Peut-être, en effet, est-ce en avouant la puissance imaginative de la vision de l'opium que le Mariner-Poète rachète son échec.



L'extrait suivant provient de la partie IV. Il comprend les gloses que Coleridge a ajoutées à l'édition de 1817 du poème, généralement imprimées en marge. Ce commentaire n'est parfois qu'explicatif mais il peut aussi apporter un éclairage psychologique supplémentaire.



"Dans sa solitude et sa fixité, il aspire à la Lune voyageuse, et aux étoiles qui séjournent encore, mais qui avancent encore ; et partout où le ciel bleu leur appartient, et est leur repos désigné, et leur pays natal et leurs propres demeures naturelles , où ils entrent à l'improviste, comme des seigneurs certainement attendus et pourtant il y a une joie silencieuse à leur arrivée."



La Lune en mouvement monta dans le ciel,

Et nulle part ne s'est fixée:

Doucement elle montait,

une étoile ou deux à ses côtés -



Ses rayons se moquaient de la sensuelle principale,

Comme la propagation de la gelée blanche d'avril ;

Mais là où gisait l'immense ombre du navire,

L'eau charmée brûlait toujours

Un rouge immobile et terrible.



"Par la lumière de la Lune, il contemple les créatures de Dieu du grand calme."



Au-delà de l'ombre du navire,

J'ai regardé les serpents d'eau:

Ils se déplaçaient sur des voies d'un blanc brillant,

Et quand ils s'élevaient, la lumière elfique

Tombait en flocons chenus.



A l'ombre du bateau

J'ai regardé leur riches atours:

Bleu, vert brillant et noir velours,

Ils se sont enroulés et ont nagé; et chaque voie

Était éclair de feu d'or.



« Leur beauté et leur bonheur.

Il les bénit dans son coeur."



Ô heureuses choses vivantes! Aucun mot

ne saurait dire leur beauté :

Une source d'amour a jailli de mon coeur,

Et je les ai bénis sans le savoir :



Bien sûr, mon gentil saint a eu pitié de moi,

Et je les ai bénis sans le savoir.



"Le charme commence à s'évanouir."



Au même moment, je pouvais prier;

Et de mon cou si libre

L'Albatros est tombé et a coulé

Comme du plomb dans la mer.



Coleridge était un formidable causeur, il parlait surtout de litérature et beaucoup de Shakespeare, on peut, dans les cas d'incompréhension se référer à lui,

mais, tout comme la totalité des lecteurs de Shakespeare, il est resté muet devant cette phrase d'Hamlet

(Acte 2, scène 2) 'Then are our beggars, bodies; and our monarchs, and outstretched heroes, the beggars' shadows.'
Lien : http://holophernes.over-blog..
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The Rime of the Ancient Mariner, Kubla Khan..

Le poème de Coleridge La complainte du vieux marin (The rhyme of the ancient mariner) exerce sa puissance à chaque fois. Le paysage reste incroyablement infernal, tout en étant agrémenté d'effets météorologiques photographiquement réalistes, et la conduite narrative est irrésistible. L'une de ses innovations, et non la moindre, est ce dispositif cinématographique qui coupe, de temps en temps, entre la boutonnière urgente du Mariner sur l'invité du mariage, et la gaieté et le ménestrel alléchants du mariage. Comme l'invité impatient, le lecteur peut avoir envie de s'évader, mais il est retenu par l'insistance presque dérangée du ton du Marin.



Le pouvoir de l'histoire pourrait bien être fondé sur sa relation symbolique avec le propre sentiment d'inutilité et d'impuissance du poète, tel qu'exprimé dans une lettre à son ami, John Morgan :

"Quel crime y a-t-il à peine qui n'ait été inclus dans ou suivi de la seule culpabilité de prendre de l'opium? Sans parler de l'ingratitude envers mon créateur pour les talents gaspillés; de l'ingratitude envers tant d'amis qui m'ont aimé je ne sais pourquoi; de négligence barbare de ma famille… J'ai dans cette sale affaire de Laudanum cent fois trompé, trompé, non, réellement et consciemment menti."



Si la dépendance est le sous-texte du poème, cela aide à expliquer l'intrigue étrange dans laquelle la mort et la vie dans la mort lancent des dés sur le navire spectral pour décider du sort du marin et de son équipage. L'histoire que Coleridge a racontée sur les origines de sa dépendance à l'utilisation du laudanum comme analgésique pour les douleurs rhumatismales, souligne son propre sens du pouvoir cruel du hasard. L'addiction n'était pas choisie : c'était un sort qui lui était réservé.



L'albatros pourrait également symboliser le lien social. Au début du poème, l'oiseau visite régulièrement le navire et est nourri par les marins. On ne nous dit pas pourquoi le Mariner décide paresseusement de tuer l'oiseau. Encore une fois, l'indice est que l'acte aléatoire est la racine du mal. Le moment où le marin commence à sortir de son bourbier de découragement est le moment où il surmonte sa répulsion face aux infects serpents de mer et, sans le savoir, involontairement, les bénit. Ces serpents peuvent être associés à l'imagerie du cauchemar induit par l'opium. Peut-être, en effet, est-ce en avouant la puissance imaginative de la vision de l'opium que le Mariner-Poète rachète son échec.



L'extrait suivant provient de la partie IV. Il comprend les gloses que Coleridge a ajoutées à l'édition de 1817 du poème, généralement imprimées en marge. Ce commentaire n'est parfois qu'explicatif mais il peut aussi apporter un éclairage psychologique supplémentaire.



"Dans sa solitude et sa fixité, il aspire à la Lune voyageuse, et aux étoiles qui séjournent encore, mais qui avancent encore ; et partout où le ciel bleu leur appartient, et est leur repos désigné, et leur pays natal et leurs propres demeures naturelles , où ils entrent à l'improviste, comme des seigneurs certainement attendus et pourtant il y a une joie silencieuse à leur arrivée."



La Lune en mouvement monta dans le ciel,

Et nulle part ne s'est fixée:

Doucement elle montait,

une étoile ou deux à ses côtés -



Ses rayons se moquaient de la sensuelle principale,

Comme la propagation de la gelée blanche d'avril ;

Mais là où gisait l'immense ombre du navire,

L'eau charmée brûlait toujours

Un rouge immobile et terrible.



"Par la lumière de la Lune, il contemple les créatures de Dieu du grand calme."



Au-delà de l'ombre du navire,

J'ai regardé les serpents d'eau:

Ils se déplaçaient sur des voies d'un blanc brillant,

Et quand ils s'élevaient, la lumière elfique

Tombait en flocons chenus.



A l'ombre du bateau

J'ai regardé leur riches atours:

Bleu, vert brillant et noir velours,

Ils se sont enroulés et ont nagé; et chaque voie

Était éclair de feu d'or.



« Leur beauté et leur bonheur.

Il les bénit dans son cœur."



Ô heureuses choses vivantes! Aucun mot

ne saurait dire leur beauté :

Une source d'amour a jailli de mon cœur,

Et je les ai bénis sans le savoir :



Bien sûr, mon gentil saint a eu pitié de moi,

Et je les ai bénis sans le savoir.



"Le charme commence à s'évanouir."



Au même moment, je pouvais prier;

Et de mon cou si libre

L'Albatros est tombé et a coulé

Comme du plomb dans la mer.



Coleridge était un formidable causeur, il parlait surtout de litérature et beaucoup de Shakespeare, on peut, dans les cas d'incompréhension se référer à lui,

mais, tout comme la totalité des lecteurs de Shakespeare, il est resté muet devant cette phrase d'Hamlet

(Acte 2, scène 2) 'Then are our beggars, bodies; and our monarchs, and outstretched heroes, the beggars' shadows.'
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Le dit du vieux marin

« Le Dit du Vieux Marin » (The Rime of the Ancient Mariner), publié en 1798, par Samuel Taylor Coleridge (1772-1834) est une œuvre majeure du romantisme anglais. A tel point que c’est le numéro 1 de la collection Romantique de José Corti, dans le petit format (16.5 x 12.6) qui caractérise la série, avec des pages non massicotées. Et c’est dans la traduction de Henri Parisot avec une préface de Pascal Aquien (1999, José Corti, 88 p.). Samuel Taylor Coleridge et son ami William Wordsworth, ainsi que les membres de « Lake Poets » ont été les fondateurs du mouvement romantique en Angleterre. Qui n’a pas étudié et appris « Daffodils » de Wordsworth « I Wandered Lonely as a Cloud / That floats on high over vales and hills, / When all at once I saw a crowd, / A host, of golden daffodils; / Beside the lake, beneath the trees, / Fluttering and dancing in the breeze ».

Pour en revenir à Coleridge, le poème du vieux marin reste très scolaire. Le bateau est pris dans la tempête « Bientôt il s'éleva une tempête violente, irrésistible. /

Elle nous battit à l'improviste de ses ailes / et nous chassa vers le sud » « La glace de tous côtés arrêtait la vue. / La glace était ici, la glace était là, / la glace était tout alentour ». Avec le calme survient un albatros « Enfin passa un albatros : / il vint à travers le brouillard ; / t comme s'il eût été une âme chrétienne, / nous le saluâmes au nom de Dieu ». Le marin tire sur l’oiseau quasi sacré des marins, le tue « C'est qu'avec mon arbalète, je tuai l'albatros », et pour cela, son bateau et son équipage sont considérés comme maudits. Le bateau s'égare, l'équipage est condamné à mourir de faim et de soif. « Chaque gosier était desséché et chaque œil était vitreux / comme celui des morts » Mais le vieux marin ne peut mourir, ayant gardé l'albatros mort pendu à son cou sans qu'il puisse l'arracher. Même avec le repentir, il lui faudra encore errer de par le monde « Le navire squelette passa près de notre bord, / et nous vîmes le couple jouant aux dés. / "Le jeu est fini, j'ai gagné, j'ai gagné !" dit Vie-dans-la-Mort ; / et nous l'entendîmes siffler trois fois ». Finalement, le bateau arrive dans une anse que surplombe une église « Chaque corps de marin y était étendu à plat et sans vie, et, / par la sainte Croix ! / un homme lumineux, un homme séraphin / se tenait debout sur chaque cadavre. / Cette troupe de séraphins agitait les mains : / c'était un divin spectacle ! ». Le marin continue à errer en racontant son histoire.

« C'était un vieux marin ; / trois jeunes gens passaient, / il en arrêta un ». Ceci dit, je préfère la version originale « It is an Ancient Mariner / And he stoppeth one of Three »



Le poème est suivi par « Kubla Khan » et « Christabel ». Le premier est un fragment de rêve qui évoque le grand empereur mongol et sa cité mythique, Xanadu. Kubla Khan (1215-1294), ou Kūbilaï Khān est le petit-fils de Gengis Khan, né l’année de la prise de Pékin par les Mongols. On le connait, surtout par Marco Polo qui a séjourné dix-sept ans à sa cour. Xanadu est le nom donné par Coleridge à Yuan Shangdu (capitale supérieure). Elle a été construite au prix du travail forcé de dizaines de milliers d'esclaves, déjà une préfiguration des Ouigours. Elle est située dans l'actuelle Mongolie-Intérieure, à 275 km au nord de Pékin. Mais il n’en reste que des ruines car la cité fut rasée en 1368 lors de la Révolte des Turbans rouges qui a précipité la chute de la dynastie Yuan et son remplacement par les Ming.

Dans « Le Livre des Merveilles » (2004, Hatier, 127 p.) Marco Polo décrit la ville, qu’il appelle « Ciandu ». « Une cité... qui se nomme Ciandu, que le grand Kaan qui actuellement règne fit faire. Et il y a un très beau palais de marbre. Les chambres dedans sont toutes peintes à l'or, à images et à figures de bêtes et d'oiseaux et d'arbres et de fleurs de plusieurs manières si bien et si finement que c'est un plaisir et une merveille à voir. Autour de ce palais il y a des murs qui comprennent 16 milles de terres, où il y a des sources et rivières et assez de belles prairies. Et il y a dedans des bêtes de toutes espèces sauvages, non féroces, que le seigneur y fait mettre et qu'il maintient pour donner à manger aux gerfauts et aux faucons qu'il tient là en cage, qui sont plus de 200 gerfauts sans les faucons ». Il y décrit aussi deux iles, une pour les femmes, l'autre pour les hommes. Il y mange du chameau. C’est assez filandreux, il faut le reconnaître.

Coleridge n’avoue pas que son rêve est peut-être teinté d’opium. Le tout interrompu par une visite inopportune, d’où la vision inachevée. Mais le poème comporte un remarquable introduction « Un endroit sauvage ! comme saint et enchanté / Comme toujours sous une lune décroissante était hantée / Par une femme gémissant pour son amant démoniaque ! » (A savage place! as holy and enchanted / As e’er beneath a waning moon was haunted / By woman wailing for her demon-lover!). On a déjà tout le romantisme, noir de préférence, anglais, qui suivra avec Ann Radcliffe et Horace Walpole.



« Christabel » est le poème suivant, fantomatique, aux rythmes répétés et lancinants, et va encore plus vers le roman noir, avec un brin d’érotisme, pur l’époque, puisqu’il s’agit d’« Amours Coupables » entre deux femmes. La jeune Christabel, est partie en pleine nuit prier pour son fiancé, dans la forêt qui entoure le château de son père. Elle rencontre Géraldine, Dame fascinante. Le plus inquiétant étant que Géraldine a été abandonnée dans la forêt par des chevaliers qui l'avaient importuné. Christabel ramène Géraldine dans le château de son père et, l’invite à dormir dans sa chambre, et même à partager son lit. Au réveil, c’est le père qui tombe amoureux de Géraldine. Manquerait plus que ce ne soit une goule ou une vampire.

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La ballade du vieux marin et autres textes

En anglais de la fin du XVIIIe s. Coleridge était apparemment un bon poète qui a fait évoluer le genre mais pour apprécier de la poésie, goûter la musique de la sonorité des mots, alliée à leur sens, il faut la pleine connaissance de ces mots. Dire cela est une évidence, même une banalité et ne devrait être qu'un rappel, or je ne maîtrise pas l'anglais de la fin du XVIIIe s. et la traduction de Jacques Darras ne restitue pas, à mon avis, la "musique" de Coleridge et n'a donc pour seul intérêt, pour moi, que de donner une idée de ce qu'a écrit ce poète - et qui n'est pas sans intérêt - et non de sa manière, ce qui ici, selon moi, ôte toute la puissance pressentie de sa poésie.

J'ai donc tôt fini par survoler les poèmes traduits en français, jetant de temps en temps un œil sur le texte original. "survoler" est bien le mot à choisir puisque le poème principal de ce recueil est le Dit du Vieux Marin où il est question des conséquences d'avoir tué un albatros. Si vous êtes pressé ou avez la même compétence que la mienne en vieil anglais, vous pouvez lire le poème the Raven (le corbeau) qui dit, en plus bref, à peu près la même chose. Bref ces deux oiseaux là me sont passés au-dessus. Dommage car la préface et les différentes interventions de Jacques Darras dans cette édition sont intéressantes, claires voire lumineuses. J'essayerai peut-être un jour de chercher une autre traduction..
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La ballade du vieux marin et autres textes

A sans doute un intérêt formaliste en langue anglaise, mais aucun en langue française. Creux comme la mort.
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La ballade du vieux marin et autres textes

Malheureusement, en ce concerne La Ballade du vieux marin du moins, la traduction est très insuffisante, voire parfois erronée, et pire encore, le texte n'est pas le texte définitif de Coleridge. Vues ses incohérences, entre autres choses, il semble être une sorte de brouillon que le poète aurait par la suite amélioré. Quel dommage!
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