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Critiques de Sarah Mazouz (15)
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Pour l'intersectionnalité

« La force critique d’un concept se mesure à la panique qu’il suscite »



Ce petit livre démarre à l’aune de ce constat : si l’intersectionnalité s’est imposée dans le débat public, c’est avant tout en tant qu’idée-repoussoir, comme symbole des dérives soi-disant « identitaires », voire « islamo-gauchisantes », de certains milieux militants ou académiques français.



L’ouvrage s’inscrit en contradiction de ses idées, en montrant qu’elles relèvent d’abord d’une profonde méconnaissance du concept et de ce qu’il vise à mettre à jour par celles et ceux – mais surtout ceux – qui s’en font les contempteurs. Par là, il s’agit pour les autrices de s’attaquer aux grands préjugés qui s’attachent à l’intersectionnalité, pour en faire ressortir par contraste tout son potentiel critique et heuristique.



Ainsi, non, l’intersectionnalité ne vise pas à substituer la race ou la racialisation à la classe sociale comme mode d’oppression privilégié. Bien au contraire, il s’agit d’étudier comment les mécanismes de domination à l’œuvre dans notre société peuvent s’imbriquer et se renforcer mutuellement : « Être femme et noire, c'est socialement autre chose qu'être une femme blanche ou un homme noir ». Ne pas comprendre cela, c’est s’interdire de combattre efficacement les oppressions qui découlent de ce constat.



De plus, Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz montrent la richesse épistémologique qui découle de l’intérêt que l’intersectionnalité accorde aux expériences minoritaires, à travers leur défense du concept d’ « épistémologie du point de vue » : « Il ne s'agit pas d'affirmer qu'un point de vue subalterne serait porteur, intrinsèquement, de savoirs plus vrais, mais plutôt d'insister sur la nécessité de produire une capacité d'analyse collective qui prend le point de vue des dominé.es, et qui fait donc une large part à leurs expériences ».



Dans cette logique, la grande tradition française de l’universalisme républicain se voit ramenée à ce qu’elle est : la conséquence de processus socio-historiques aboutissant à la promotion d’une égalité bien plus abstraite et théorique que réelle. Face à cela, l’intersectionnalité pourrait être une des voies à emprunter vers un universalisme distinct, et refondé vers l’objectif d’une égalité concrète.



Si cet ouvrage s’adresse avant tout aux personnes intéressées par le débat académique en sciences sociales autour du concept d’intersectionnalité, il est également une synthèse claire et étayée sur la notion pour toute personne désireuse d’en savoir plus sur ce thème. J’en recommande donc la lecture, tout en remerciant Babelio et la maison d’édition de m’avoir offert l’ouvrage.
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Pour l'intersectionnalité

Qu’est-ce que l’intersectionnalité ? Pourquoi cette notion, élaborée il y a plus de trente ans, suscite-elle autant de discours déformants et d’instrumentalisations politiques en France ? Les sociologues Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz proposent de comprendre de quoi on parle.

(...)

À lire de toute urgence pour comprendre les enjeux des débats actuels, les « relents maccarthystes » de la campagne visant les chercheuses et les chercheurs travaillant sur la race ou le genre, ceux mobilisant une démarche intersectionnelle ou adoptant une perspective décoloniale, et les accusations de « la prétendue infiltration “islamo-gauchiste“ au sein de l’université ».



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Pour l'intersectionnalité

Autant le dire tout de suite, je n’ai pas trouvé dans ce livre ce que je cherchais. J’en ressors en n’ayant toujours pas compris ce qu’est cette intersectionnalité, ou, du moins, sans avoir la certitude d’avoir compris ce qui, peut-être, est évident pour les sociologues. Présenté comme un des courants du mouvement féministe, par opposition au féminisme universaliste, de quoi parle-t-on exactement ? Eh bien je ne le sais pas beaucoup plus avoir avoir refermé ce livre…



Pourtant, cela partait bien. Le premier chapitre, en forme d’introduction – ou, peut-être, l’inverse, une introduction en forme de premier chapitre -, intitulé « La force critique d’un concept se mesure à la panique qu’il suscite », semblait effectivement proposer une bonne façon d’entrer dans le sujet. Et, en effet, le fait que des résistances aussi fortes se soient fait jour semble indiquer une puissance… si tant est que la validité du concept soit établie. En effet, l’idée que la terre est plate provoque une forte résistance – au moins dans certains milieux -, mais ici ce n’est pas dû au fait que l’idée est forte, mais simplement qu’elle est fausse – à moins que l’on m’ait menti ! -. Et les auteures ne se dissimulent pas, puisque, dès ce moment, elles comparent les résistances au concept d’intersectionnalité à celles qui touchèrent, en leur temps, « la critique marxiste de l’exploitation capitaliste » ou « la découverte freudienne de l’inconscient » (p. 7). Et cette introduction se termine par l’indication de mouvements sociaux qui ont adopté l’intersectionnalité, comme Black Lives Matter, #MeToo, #NousAussi ou le Comité Vérité et Justice pour Adama (que l’on retrouve à plusieurs reprises dans le livre), liste dont les auteures concluent que « l’intersectionnalité n’a pas spécialement besoin d’être défendues »



J’attendais alors une définition, ou au moins une explication, de ce que sont les enjeux, les lignes de force, de ce concept d’intersectionnalité. Mais le chapitre suivant préfère s’intéresser à « Une convergence qui ne doit rien au hasard », convergence entre « une fraction du monde universitaire » – aussitôt décrite comme étant « relayée par des discours politiques confus mais certainement réactionnaires » (p. 11). Les choses sont immédiatement posées : la fraction du monde universitaire est nommément reliée à Gérard Noiriel et Stéphane Beaud ; les discours politiques confus mais réactionnaires sont ceux, a minima, de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Et une fois la cible identifiée, on ne la lâche plus : le discours politique réactionnaire vise à bannir toute forme de recherche critique, avec l’objectif de « jouer de l’anti-intellectualisme et flirter avec des pratiques autoritaires pour désigner à la vindicte le projet même des sciences sociales » (p. 13).



Jusque là, que l’on partage ou non ce postulat, qui est une hypothèse de travail comme une autre, cela allait. Mais quatre pages plus loin, déjà presque le coup de grâce :



« Disons-le simplement : celles et ceux qui s’opposent au concept d’intersectionnalité n’y connaissent pas grand-chose. »



Fermez le ban. Moi qui étais venu chercher des informations pour me forger ma propre opinion, voilà que l’on m’indique sans coup férir que, finalement, il faut croire et non comprendre. Si tu y crois, c’est que tu as compris. Si tu n’y crois pas, c’est que tu n’y connais rien. Et si je voulais, au moins pour un temps, rester agnostique de l’intersectionnalité ? Est-ce permis ?



Le discours est construit et riche, dense, même. On sent bien que les deux auteures sont sociologues. Par passages, on retrouve l’idée – qui me paraissait évidente – que tout concept doit pouvoir être discuté, challengé, remis en cause. Et je n’ai pas de doute particulier sur le fait que les deux chercheuses appliquent cette recherche d’objectivité. L’un des intérêts de l’intersectionnalité est également d’éviter les généralisations. Mais je comprends aussi que ce texte est, bien qu’il ne soit pas nécessaire de la défendre, une défense de l’intersectionnalité.



Là où je ne suis pas d’accord avec les deux auteures, c’est lorsqu’elles écrivent que le rôle des sciences sociales et d’un concept tel que l’intersectionnalité est de nous aider à « faire l’inventaire de notre héritage intellectuel pour réfléchir à la façon dont nos savoirs ont pu conforter l’ordre établi », car, disent-elles, « C’est seulement à cette condition que nous pourrons le remettre en cause et poursuivre l’objectif de réaliser une société plus juste » (p. 62). Remettre en cause l’ordre établi pour contribuer à instaurer une société plus juste est, me semble-t-il, un objectif politique, et non un objectif scientifique… d’autant que cette formulation sous-entend qu’il faudrait absolument modifier l’ordre établi pour gagner en justice, ce qui, là encore, me semble être un postulat, et non une certitude indiscutable…



Du coup, je reste sur ma faim, et, finalement, ce que je retiens de ce livre, c’est que « Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade ». Francis Blanche était donc un précurseur de l’intersectionnalité. Mais sur le fond, j’ai la certitude que beaucoup d’enjeux m’échappent toujours autant…
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Race

Recourir, même de manière critique, au mot race, est désormais sujet au discrédit, suspect de racisme, tandis que prospère dans l‘indifférence quasi générale les discours racialisants. La sociologue Sarah Mazouz en défend l’usage critique, moyen selon elle de saisir les actualisations contemporaines de l’assignation raciale, de les désigner comme telles et de les déjouer.

(...)

Ouvrage éminemment synthétique, comme tous les titres de l’excellente collection fort bien nommée « Le mot est faible ». Indispensable pour comprendre la nature des tensions de nos sociétés qui refont brutalement surface ces derniers mois, en France, aux États-Unis et dans beaucoup d’autres pays, et pour déjouer les pièges de la pensée dominantes qui assimilent les dénonciations du racisme structurel à des tentatives séparatistes afin de les discréditer et les nier.



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Race

En France, c'est la color blindness qui domine. Et oui, c'est bien connu, dans l'hexagone, il n'y a tellement pas de racisme qu'on "ne voit pas les couleurs". Si, si ! Ainsi, ceux qui utilisent le terme de race sont immédiatement taxés de racisme.



Le confort dans lequel se trouve la société est celui-ci : comme il est interdit de parler des origines ethniques d'un individu dans une étude statistique, les dites statistiques ne peuvent calculer les inégalités d'accès à l'emploi, au logement, le nombre d'agressions et d'insultes que reçoivent les personnes non blanches. Solution toute trouvée : puisqu'on ne mesure pas les inégalités, elles n'existent pas. Il suffit de se cacher les yeux pour que ce qu'il y a devant disparaisse pour de bon.



Ce court essai évoqué avec amertume cette grande blague de la France néocoloniale et profondément cruelle et irréfléchie, qui perpétue des systèmes de domination basés sur la couleur de peau.
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Pour l'intersectionnalité

quand la bêtise devient trop bavarde ou trop hargneuse, mettre les points sur les "i" tient de la salubrité publique. C'est surtout le cas lorsque ladite bêtise est suscitée par un concept issu d'un nouveau type de recherche, mettant au jour des vérités qu'on aimerait voir rester cachées. En gros, voilà li'dée de ce livre écrit par Eléonore Lépinard et Sarah Mazouz, toutes deux sociologues. Au fil des chapitres, elles rappellent ce qu'est l'intersectionnalité? Tout simplement le recoupement, dans l'observation d'une situation donnée, des différentes formes de domination qui en structurent la compréhension et donc y déterminent la place et les capacités d'action de chacun: capitalisme, patriarcat, xénophobie, etc.
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Pour l'intersectionnalité

Un article pointu, essentiellement à destination des chercheurs·ses et universitaires.

Il fait état du débat en politique et dans le domaine universitaire sur l'intersectionnalité, et le défend contre ses détraqueurs dans ces deux domaines.

Le concept lui-même est à mon avis trop peu détaillé, et part du postulat de base que c'est un sujet déjà bien connu. C'était une surprise pour moi, humble citoyenne, qui ne le connaissais que depuis quelques années seulement, sans jamais être bien sûre de quoi il retournait. Cet article m'a permis d'y voir plus clair, sans toutefois me permettre de bien l'expliquer à autrui. En effet, même si le propos est très bien construit, il manque souvent d'exemples concrets qui pourraient le rendre plus digeste et accessible en dehors du monde universitaire.

Il donne l'impression d'avoir été surtout écrit en réponse à la thése anti-intersectionnelle de Gérard Noiriel et Stéphane Beaud dans leur ouvrage Race et science sociale, et ce sont des noms qui à mon sens reviennent trop souvent dans l'article.

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Race

•SA RACE•

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🦊 Les mots. Toujours les mots et leur substance. Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous présenter cette collection. le mot est faible chez Anamosa. Cette maison d'édition dirigée par Chloé Pathé et sa douceur infinie, met en avant des mots. Dirigée par Christophe Granger dont on reparlera dans quelques jours, l'auteur de Joseph Kabris -prix femina qui m'a tant bouleversé- cette collection pétille en vous faisant réfléchir. Des mots qui débutent sur la couverture, pour que l'analyse continue le travail. Ces mots qui perturbent, qui interrogent, qui sont parfois tabous dans certaines sociétés. Format élégant, graphisme épuré, mais surtout des concepts avec un auteur différent, qui m'enchante. Quoi de mieux que de s'emparer d'une langue et d'aller la chatouiller un peu. Nous parlons toujours de littérature•••

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🦊 Race. Rien que de prononcer ce mot certains iraient jusqu'à honnir votre famille. Race. Depuis de nombreuses années ce mot irrite, ce mot devient sale et galvaudé par de nombreux polémistes mais également par les pouvoirs publics. Dans une société où chaque mot est analysé, vilipendé, à tort ou à raison selon le camp dans lequel on se trouve, chacun d'eux comporte une origine qui s'avère dévoyée par le temps. George Orwell affirmait que « la pire chose que l'on puisse faire avec les mots, c'est de capituler devant eux ». Affronter les mots, les gros mots, ceux que la tiédeur ambiante n'aime pas utiliser de leur de froisser ou de commettre une bévue sur Twitter. Comme si bannir le mot race de la constitution suffisait à régler le problème du racisme en France. Sarah Mazouz prend la race au pied de la lettre pour en extirper son essence. C'est brillant, c'est construit admirablement au gré d'une analyse extrêmement accessible et fine. Sociologue et chargée de recherches au CNRS, chaque chapitre nous amène ailleurs. Si la race n'existe pas elle est cependant partout selon Colette Guillaumain, en effet à chaque coin de rue un événement incluant le mot race, demeure présent. Et ce, à toute heure de la journée. 🌟 La mort de Gorge Floyd, les violences policières qu'on ne souhaite pas nommer ainsi, le racisme ambiant. Tout se cumule. Si la définition ancestrale de la suprématie de certaines races, est de plus en plus minoritaire, la définition actuelle est encore plus mise à mal. le racisme s'insinue partout mais notamment dans les préjugés et dans l'esprit humain. Certaines expériences dans cet ouvrage dont la plus marquante où une femme noire médecin aux Pays-Bas est toujours prise pour une femme de ménage ou au mieux une infirmière. On ne peut pas concevoir qu'elle exerce le métier qui sauve des vies. Ce livre est essentiel, revient aux fondamentaux des mots mais également de notre Histoire, de notre passé colonial et de la vision du monde sur des termes qu'on connaît bien mal. Rendez-vous au prochain mot. Il s'agira de l'utopie et j'en rêve déjà 🌟•••
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Pour l'intersectionnalité

Un tout petit format pour un grand concept !



L’intersectionnalité est un concept de sciences sociales. Il exprime la notion de domination subie, lorsque celle-ci se trouve au croisement de plusieurs rapports de pouvoir, en particulier ceux de la race, la classe et la catégorie de sexualité. Ce concept d’intersectionnalité nous invite à complexifier les analyses scientifiques et politiques, qu’elle qu’en soient le sujet.



Dans cet ouvrage, les autrices nous précisent que leur but est de redire la force de cette approche, de clarifier ses ambitions et ses limites, de rappeler son histoire et d’esquisser son avenir.



C’est très court, c’est très bien expliqué, c’est clair, c’est un livre fondamental !
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Race

A la lecture du statut de l’auteur - chercheuse au CNRS, j’espérais un traitement du sujet objectif, apolitique. Malheureusement, l’approche est fortement teintée de militantisme et ôte, de mon point de vue, toute

caution intellectuelle.

Il s’agit bien plus d’un livre politique qui, par son choix de positionnement partisan, ne peut être que partiel.

Dommage.

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Race

C'est dense et c'est rude, mais c'est passionnant. J'ai appris beaucoup de choses, j'ai noté plein de référence et j'ai ouvert plein de nouvelles questions dans ma tête. C'est pas hyper simple à lire et ça demande de relire plusieurs fois quand on est pas habitué mais c'est très court donc c'est tout à fait à la portée de tous et toutes. Vraiment passionnant
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Pour l'intersectionnalité

Ce n'est pas une lecture facile pour qui n'est pas initié mais très intéressante. J'ai appris beaucoup de choses et le concept d'intersectionnalité semble très intéressant. A poursuivre sur d'autres lectures car ça ne permet pas de tout comprendre ni d'aller très loin. A vrai dire je pense qu'il est à lire quand on connait déjà le concept.
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Race

Difficile de résumer un tel livre, dans lequel Sarah Mazouz a déjà condensé – en moins de 80 pages – l’essentiel de ce qui s’est écrit sur le sujet depuis plusieurs décennies. L’essai s’articule en neuf chapitres, du propos liminaire, qui relie l’importance de s’assurer du langage conceptuel au I can’t breathe de George Floyd, à la proposition suggérant de remplacer l’« universalisme abstrait » par la « transposition minoritaire ».



Plus de raccourci possible : en tant que tel, il faut conseiller la lecture intégrale de Race à toustes, mais aussi aux éditorialistes, essayistes et piliers de réseaux sociaux qui parviennent encore, en 2021, à dire qu’il suffit de ne plus employer le mot race ou ses dérivés (racisation, racialisme) pour qu’il n’y ait plus de racisme... le plus retors étant lorsqu’on cherche, comme cela devient systématique, à qualifier de racistes celles et ceux qui s’expriment sur la racisation autrement que d’un revers de main.



Le premier chapitre part, on l’a dit, de la manière dont les médias et certains intellectuels en France ont rendu compte du mouvement Black Lives Matter, en tournant autour des mots de race et de racisation. Mazouz prend acte de la « crispation que ces mots suscitent » et du fait que « le silence se craquelle » (p. 9), tout en rappelant que, du côté des politiques, « le déni de ces enjeux » se poursuit (p. 10). Il s’agit donc de comprendre pourquoi la défense du modèle républicain s’accompagne si souvent d’une dénonciation des mouvements antiracistes. Dans les chapitres 2 et 3, Mazouz explique en quoi il faut distinguer l’usage raciste du terme de races au pluriel (et de l’idée conjointe de hiérarchie raciale) de son emploi au singulier par « celles et ceux qui cherchent à combattre le racisme » en faisant valoir que les hiérarchies raciales, justement, « sont en fait socialement et historiquement produites » (p. 19). Cela aide à échapper à l’aporie [2] bégayante des personnes qui pensent avoir clos le débat en disant que « la race n’existe pas » : c’est là confondre « la validité naturelle ou biologique de la notion et son effectivité sociale, étatique et politique » (p. 27).



Dans le chapitre 4, Mazouz relie la question de la racialisation à l’organisation sociale en termes de pouvoir(s). Reprenant notamment les travaux de Juliette Galonnier au sujet des personnes converties à l’islam ou de Noel Ignatiev dans How the Irish Became White (1995), Mazouz rappelle que « [t]ravailler sur la racialisation permet ainsi de voir par exemple que, selon les contextes, toutes les personnes qui ont la peau blanche ne sont pas catégorisées comme telles et ne bénéficient pas des privilèges qui reviennent à celles et ceux définis comme blanc·he·s » (p. 36-7).



La racialisation est donc, comme l’indique le titre du chapitre 5, « une condition sociale » : la notion de privilège blanc, si souvent comprise de travers, est donc opérante dans la mesure où, sans nier « le fait qu’il y ait des personnes blanches pauvres », elle sert à « éclairer l’avantage qu’il y a à avoir le statut de blanc dans des contextes sociaux marqués par une longue histoire d’infériorisation des groupes définis comme non blancs » (pp. 45-6, italiques soulignés). C’est à ce titre que la lecture de Race ne peut suffire : l’« universalisme abstrait » français se nourrit en grande partie d’un déni total des phénomènes profonds qui nourrissent la France d’une histoire d’infériorisation. Sur l’héritage racialiste de la colonisation et l’articulation entre racisation et impensé coloniaux dans la France contemporaine, il y a d’autres livres.



Le suite à lire sur litteralutte
Lien : http://litteralutte.com/ecri..
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Race

Excellent travail, c'est brillant. À la portée de toutes et tous, et en particulier pour les personnes les plus réfractaires à ces notions.
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La République et ses autres : Politiques de l..

Comment la République considère-t-elle ses « autres » ? À partir d’une étude ethnographique des dispositifs de lutte contre les discriminations raciales et de la procédure de naturalisation, Sarah Mazouz s’interroge sur les « politiques françaises de l’altérité ».
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
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