Citations de Sarane Alexandrian (63)
On peut affirmer que le rituel des messes noires a été inventé sous Louis XIV, auprès de la Voisin, car dans les papiers de son procès, le conseiller du roi, Gabriel de la Reynie, parle de "ces malheureuses pratiques encore inconnues" : et il s'y connaissait en affaires criminelles.
Le sabbat était une scène de carrefour, paysanne, mythique, plutôt rêvée que vécue ; la messe noire sera une action réelle, aristocratique, à huis clos. Seigneurs et grandes dames qui voulaient obtenir quelque chose du Diable croyaient le disposer en leur faveur en lui offrant ce spectacle destiné à lui plaire : une parodie blasphématoire de la messe, aggravée d'un sacrifice humain et d'un usage rituel de la nudité féminine.
Il y a une différence à établir entre la sorcière, l'ensorcelée et la possédée, les trois types féminins de l'érotisme chrétien ésotérique. La sorcière se persuadait d'elle-même, ou sous la pression des Inquisiteurs, qu'elle avait des rapports amoureux avec un démon incube. L'ensorcelée avait le sentiment d'être contrainte de se donner à un homme véritable qui, en raison d'un pacte démoniaque, la pliait à tous ses désirs sans qu'elle pût résister. La possédée se plaignait d'être envahie à l'intérieur de son corps par plusieurs démons qui la forçaient à agir et à parler contrairement à toutes les bienséances.
Les sabbats, s'il en a existé, furent des fêtes campagnardes où l'on dansait au son du hautbois et de le flûte, et que l'on accompagnait de ripailles et de priapées. On les tenait dans des lieux écartés et le soir, afin de ne pas être inquiété par les autorités. Il s'y rencontrait des personnes masquées - appelées en Lombardie les mascas - venues s'y divertir sans se compromettre. Ce n'est certes pas un paysan qui a eu l'idée de comparer au sabbat juif ce genre d'assemblée, mais un Inquisiteur imbu de l'antisémitisme régnant, et subordonnant l'hérésie dans une réunion rustique.
L'avortement n'était pas accepté par les médecins : "Avorter, acte inhumain et damnable", dira Ambroise Paré. Cependant, on remarquera que si Hippocrate faisait jurer à ses disciples de ne jamais pratiquer d'avortement, Aristote le permettait à condition que l'âme ne fût pas encore présente dans le fœtus.
En ce dernier livre [La crise du monde moderne (1929) Guénon], il dit que le monde est parvenu au quatrième âge, "l'âge sombre", le Kali-Yuga des Hindous, où les vérités deviennent de plus en plus cachées et difficiles à atteindre ; seul le recours à la Tradition permettrait d'empêcher le chaos social produit par l'opposition de l'Orient et de l'Occident, de la contemplation et de l’action, et par le "savoir ignorant" de la science profane, ayant abdiqué "tout principe qui pourrait lui assurer une place légitime, si humble soit-elle, parmi les divers ordres de la connaissance intégrale.
(...) ce fut en 1848 que la famille Fox, habitant une maison à Hydesville, en Acadie, découvrit le table-moving et le rapping, c'est-à-dire l'art de faire tourner les tables et d'obtenir, par des coups frappés, des réponses d'outre-tombe aux questions posées. Les trois sœurs Fox et leur mère exploitèrent commercialement ce procédé en ouvrant, à Rochester, une officine où l'on pouvait, pour quelques dollars, converser avec ses parents morts. Elles donnèrent une démonstration publique à l'université de Saint-Louis en 1852, si bien que l'épidémie du spiritisme éclata cette même année en Amérique, et gagna l'Europe l'année suivante.
Une autre convention littéraire est de présenter comme de fiers rebelles tous ces évocateurs du Diable ; en réalité, ils mouraient de peur et s'entouraient de précautions extraordinaires. Le cas du cruel Gilles de Rais est significatif : pendant quatorze ans, de 1426 à 1440, il s'adonna à la goëtie dans ses châteaux de Tiffauges et de Mâchecoul, assisté du prêtre Eustache Blanchet et de l'alchimiste Prelati ; mais à chaque fois qu'il entrait dans le cercle magique, il tremblait de tous ses membres, et se signait au moindre bruit.
On tenait au Diable, dans l'Occident chrétien. On en avait besoin pour gouverner, faire peur au peuple, ou trouver une justification au mal. C'était un mythe politique autant que religieux. Cornelius Agrippa, Paracelse, Jérôme Cardan et d'autres ésotéristes soutenant que les sorcières ne méritaient pas d'être mises à mort, et que la magie ne venait pas du Diable mais du Télesme (ou Âme du Monde selon Timée de Locres), furent insultés à cause de cela par les représentants de la Loi.
La première tentative systématique pour forcer des habitants de l'invisible à sortir de leur invisibilité fut la goëtie (du grec goë, hurlement, à cause des cris de l'invocateur), opération consistant à faire apparaître les démons. Cette œuvre de ténèbres obséda le Moyen Age et la Renaissance, et d'en être soupçonné suffisait à rendre un homme passible de la prison.
Il y a deux millénaires que l'humanité en Occident se croit entourée d'esprits invisibles, et dans un premier temps on les a divisés en trois classes : les anges, les démons et les âmes vagabondes.
Pour faire les meilleurs rêves, "le temps de la nuit le plus propre est le matin". On peut respirer avant de s'endormir un parfum composé de graines de lin et de racines de violettes, ou se ceindre le front d'un bandeau de verveine : "La cervelle de chat avec du sang de chauve-souris renfermée dans du cuivre rouge, ou du corail battu avec du sang de pigeon et mis dans une figue, sont remèdes merveilleux pour exciter les songes."
L'originalité de Synésius est qu'au lieu de donner une clé des songes, il invite chacun à se forger la sienne selon sa propre expérience : hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, doivent prendre l'habitude de noter au matin leurs rêves, de consigner le soir leurs impressions de la journée, et ils sauront ainsi quels symboles leur sont des présages certains : "Le sommeil s'offre à tous ; c'est un oracle toujours prêt, un conseiller infaillible et silencieux ; dans ces mystères d'un nouveau genre chacun est à la fois le prêtre et l'initié."
L'oniromancie, divination par les songes, et l'onirocritique, méthode à suivre pour leur interprétation, étaient employées avec un protocole quasi scientifique. Mais de même que Champollion lorsqu'il découvrit le secret des hiéroglyphes ruina d'un seul coup les spéculations hasardeuses émises depuis des siècles sur les textes sacrés de l'Égypte, de même Freud en publiant La Science des rêves rendit caduques les certitudes des oniromanciens.
Cet ouvrage [Prophéties de Nostradamus] qu'il [Nostradamus] disait venu "par divine inspiration supernaturelle", ces vers sibyllins qu'il appelait "mes nocturnes et prophétiques supputations, composées plutôt d'un naturel instinct accompagné d'une fureur poétique, que par reigle de poésie", témoignent d'un système chrono-cosmographique si savant que ses calculs tiennent compte des planètes Neptune et Uranus, alors qu'elles n'avaient pas encore été découvertes.
(...) l'Église suspectait les alchimistes d'avoir la prétention de s'égaler à Dieu, non seulement en créant des richesses à profusion, en préparant l'élixir de longue vie, mais encore en comparant la fabrication de la pierre philosophale à la création d'Adam à partir du limon (ils appelaient parfois leur matière première "terre adamique"). Certains d'entre eux, les plus excentriques, se préoccupaient d'ailleurs de palingénésie (art de faire renaître un végétal de ces cendres), ou de la possibilité de créer un homme miniature, l'homunculus.
Sous le nom de stéganographie (du grec steganos, caché), la cryptographie, art d'écrire en caractères secrets, a été une invention de la philosophie occulte. On n'en connaissait auparavant que peu d'exemples ; les notes tironiennes, utilisées dans l'Antiquité par Tiron, l'affranchi de Cicéron, étaient un système de traits abréviatifs conçus pour transcrire rapidement les discours publics ; Raban Maur, au Xe siècle, cita un procédé consistant seulement à substituer des points aux voyelles d'une phrase. L'initiateur de la stéganographie fut un maître du christianisme ésotérique, l'abbé Jean Trithème, à qui cette activité valut une réputation de magicien.
Le pentagone a été utilisé en magie pour la raison qu'en donne Agrippa : "Le pentagone avec la vertu du nombre 5 a une merveilleuse force contre les mauvais daïmons, de même que la trace de ses lignes moyennant lesquelles il y a au-dedans cinq angles obtus, et au-dehors cinq angles aigus des cinq triangulaires qui en font le tour. Le pentagone intérieur renferme en soi de grands mystères."
Enfin, on peut atteindre aux plus précieuses connaissances en pratiquant "la lecture des étoiles", car le ciel a été nommé Livre dans la Bible et dans le Zohar : "Il n'y a nul doute qu'il ne faille conclure que dans ce livre il y a des lettres et des charactères intelligibles à quelques-uns !"
On a pris pour une absurdité, ne voulant rien dire, le mot "abracadabra" inscrit sur tant de talismans du Moyen Age : c'était simplement une contraction d'Abreq ad hâbrâ (Envoie ta foudre jusqu'à la mort), formule sacrée d'éviction des ennemis.