Maintenant qu'on a supermarché sur la Lune, on a ultra-violé le Soleil, il nous reste la Terre à terroriser.
Les serviettes de plage font des murs en tissu.
Par la fenêtre, le jardin se réveille péniblement. Les arbres sont fatigués, les fauteuils boitent sur la terrasse, les oiseaux piaillent (c'est le nom de leur cri, je l'ai appris hier).
Ici c’est la peau. Et j’ai pas la peau, pas la patte blanches.
J’ai l’air d’un extraterrestre, avec mes bras noirs, mes jambes noires, mon visage noir et mes cheveux noirs. Noirs d’ailleurs, tellement noirs, ça fait la nuit partout quand j’arrive, tout le monde s’éteint. Les yeux se ferment, les bouches se taisent. On entend même les idées dans les têtes qui ronronnent et qui se demandent ce que je trafique ici, et pourquoi je suis pas dans mon pays parce qu’ici les Noirs, non !
Heureusement que je suis là pour lui montrer!
Elle aurait personne si j'étais pas là!
Alors ma sœur a de la chance que je suis née!
Ma sœur dit qu'on peut pas toucher les tigres!
Mais moi oui!
Je peux toucher les oiseaux!
Faire des tunnels dans le sable!
Manger des vers de terre!
Boire de la bière!
Je peux tout ce que je veux!
Parce que je suis petite!
Et quand on est petite on peut tout toucher!
Tout tout tout toucher!
C'est la vie des petites!
Ma sœur veut nager.
Mes parents lui mettent la ceinture rose autour du ventre.
Des brassards orange en forme de poisson.
Elle ressemble à un boudin fluo qui flotte.
Je la déteste autant que l'aubergine.
Ou le médicament.
Elle m’écœure.
Elle me dégoute.
Je peux pas le dire tellement..
Mais je le pense pour de vrai.
Personne comprend.
Tout le monde dit rien.