Citations de Serge Filippini (81)
- Vous ? Vous n'êtes pas païen ! Je vous ai bien écouté : vous voulez détruire le ciel d'Aristote pour le remplacer par celui de Copernic ! Raccommoder le toit du monde, en somme, et le monde lui-même ! La belle affaire ! Croyez-vous que l'homme deviendra meilleur parce que vous lui aurait bâti une nouvelle maison, plus extravagante encore que celle dont il disposait ? ...
Mais nous ne lui adressions pas la parole. Nous avions bien trop peur. Non d'elle en tant que personne. Mais de son message, si la discussion fût venue à s'ouvrir. Le message, nous le connaissions déjà. Une intuition nous l'avait dicté. Il tenait dans une maxime : "Aime et fais ce qui te plaît." Or, ce programme nous semblait beaucoup trop exigeant. Etudier, partir pour Toulouse, Paris ou même l'étranger, trouver un emploi confortable, fonder une famille, tout cela était à la portée du premier venu. Mais aimer vraiment, gratuitement, au péril de sa santé et même de sa vie ! Vivre libre ! Transgresser les règles sociales ! Qui aurait jamais ce courage, parmi ceux qui composaient notre bande sur la causse ?
Pour Émilie, l’echeveau Rimbaud était décidément ardu à démêler. Elle alla s’asseoir sous la lampe et lut les écrits en vers ou en prose où résonnait une musique extravagante, féroce et lumineuse. Beaucoup ne ressemblaient en rien à ce qu’elle avait jamais lu.
- tu auras besoin d'une bibliothèque, dit Marchese, d'une imprimerie, de collègues partageant ta foi ...
- J'ai peur que ma foi appartienne à une espèce trop singulière pour être partagée, répliquai-je ...
Le collège, en effet, osait s'enorgueillir du nom "d'Academia", mais qu'était-il d'autre qu'un repaire de cuistres dont le seul talent consistait à tourner le latin en grec et le grec en latin ?
Après l’acte sacré, il a murmuré qu’il voulait être seul, qu’il avait besoin de se reposer. Chance voulait-elle bien être gentille de s’en aller, maintenant ? Quand elle a rouvert les yeux, il insistait d’un ton autoritaire sur ce mot : maintenant, tout en reboutonnant sa braguette et en gigotant pour rajuster son grand corps dans les jambes de son pantalon.
Aucune idole, plaidai-je, ne mérite dévotion.
(Chap. du 10 février 1600)
Chacun de mes traités, chacun de mes discours et conférences, chacune de mes décisions fut un défi à la peur qu'au monde vous inspirez.
- Puis-je vous avouer quelque-chose ? reprit-elle.
Hier, au marché, Felter m'a raconté qu'on parlait de vous jusqu'en Tunisie comme d'un écrivain prodigieux. Il paraît que vous avez du talent, peut-être du génie. Et vous venez me parler de bas de laine et de retraite !
- Je vais retourner à mes sacs de café ...
La Société : c'était le nom de son cauchemar.
L'oeil n'est pas l'organe de la vérité...
(Chap. du 15 février 1600)
Nous les connaissons bien, ces esprits timorés et frileux, ces cerveaux débiles qu'effraie la perspective du moindre changement dans l'ordonnancement du monde...
Même le big bang existait. Sans parler des puissances de l'univers qui se disputaient l'âme de Chance. Les noms de ces puissances étaient la Folie et la Foi. Elles poursuivaient un but appelé Beauté mais qu'est-ce que la Beauté ? Qui le sait ? Est-ce un village ? un paysage ? un visage ? Ou est-ce un mot soufflé par une femme, entre ses doigts, à la première page d'un dictionnaire ?
Les mots voués à l'oubli qu'a tracés ma misérable plume ressemblent à des pierres soulevées le long d'un chemin, et dont chacune cachait sa brassée d'accidents, de circonstances, de hasards et de visages - et Dieu que je les aime, ces circonstances!
Pardonnez-moi de vous interrompre, signor Marchese, mais toutes les religions sont bonnes, prises sous l'angle de leurs principes. Ce sont ceux qui les servent qui me font peur.
La religion ? Elle n'était plus aux yeux de beaucoup qu'une contrainte nécessaire, un habit mal taillé à endosser pour l'institution du peuple et la sauvegarde des apparences ; les vraies décisions se prenaient en dehors de la foi.
(Chap. du 15 février 1600)
Les belles opinions n’ont pas toujours la faveur du monde.
(Chap. du 10 février 1600)
Que l'on me pardonne, je la veux poser cependant : qui sait ce qu'il advient d'une pauvre âme détachée de son corps? Fécondera-t-elle une autre vie? Frissonnera-t-elle un court moment dans l'espace non mesurable comme dans un nouveau rêve? Rejoindra-t-elle l'anima mundi, le souffle premier du premier atome, le lieu peut-être fictif où se confondent mouvement et immobilité?
Elle pensait que l'amour terrestre était une idiotie romantique et que l'amour, le vrai, se destinait à Dieu et à Dieu seul, le seul être, raillait-elle, capable de vous promettre l'extase sans vous obliger à chercher ensuite une pharmacie.
— Tes vues rencontrent une audience toujours plus grande ! Ils m'ont parlé de certain astronome de Padoue, un nommé Galilée...
— Connais pas.
— Lui te connaît. Il partage ton point de vue : l'univers n'a pas de centre, et il est infini. Ces gens savants m'ont affirmé qu'il a mis au point un télescope pour mieux observer les étoiles...
— Pas besoin de télescope ! C'est ridicule ! La sagesse divine est à portée du regard. Encore un de ces mathématiciens prétentieux, inventeurs d'artifices...