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Critiques de Shahriar Mandanipour (36)
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En censurant un roman d’amour iranien

Shahriar Mandanipour est amoureux de son pays, l’Iran, mais l’amour ne rend pas forcement aveugle n’est-ce pas ?



S’aimer librement en Iran est quasiment impossible. Publier un livre évoquant ce brûlant sujet est interdit.



Alors dans ce livre plein d’humour et de références culturelles ou religieuses, il imagine une histoire d’amour entre Sara, jeune étudiante et Dara devenu peintre en bâtiment après avoir dû abandonner ses études.



Avec malice, il imagine même que ce roman sera publié dans son pays après avoir passé la censure !



On découvre avec effroi à quel point la marge de liberté des iraniens est fine dans un contexte économique peu florissant.



Les hommes et les femmes sont en permanence séparés et dans les lieux publics ils peuvent à tout moment être arrêtés arbitrairement par la milice et mis en prison sans pouvoir se défendre. La milice religieuse veille, épie en permanence. C’est insupportable et oppressant.



Découvrez comment, Sara et Dara se rencontrent dans une bibliothèque, communiquent et se revoient tout en vivant ce moment de grâce unique, la naissance tumultueuse du premier grand amour. Ils s’aiment, doutent, se disputent, désirent se revoir….



Les transgressions d’interdits religieux et les montées d’adrénaline face au danger d’être découvert pimentent la vie des amoureux mais on souffre avec eux de leur manque total de liberté. Le poids des interdits est tel qu’il s’invite jusque dans l’intimité des familles. Il faut bien comprendre que tout cela n’est qu’une question de survie et en suivant le destin des deux tourtereaux, on rentre dans l’intimité du peuple iranien tout entier.



Un regard de l’intérieur qui vaut le détour.

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En censurant un roman d’amour iranien

Sous ce titre intrigant et/ou guère attirant, se cache un roman parfaitement jubilatoire, original et instructif...







Un écrivain se prépare à conter l'histoire d'amour de Sara et Dara. Facile direz-vous. Rencontres, sorties, discussions, premiers baisers et plus si affinités. Oui mais, cela se passe à Téhéran, et en Iran pas question pour un homme et une femme sans liens familiaux de se voir à leur guise. Pas question non plus pour un auteur d'écrire ce qui peut choquer, que ce soit rayon moeurs, religion ou politique. Pas de propos grossiers non plus. Monsieur Petrovitch veille (ce nom est celui d'un personnage de Dostoievsky). Alors que fait-il l'auteur? Il biffe lui-même les passages litigieux, il discute avec lui-même, avec le lecteur et a toujours à l'esprit la réaction de Monsieur Petrovitch, qui n'hésite pas à intervenir dans le roman.







Le roman s'écrit cahin-caha, Sara et Dara, évidemment, rusent pour se connaître quand même (grâce aux livres!) et commencent à agir sans le consentement de l'auteur qui n'en peut mais, même s'il intervient lui aussi comme personnage."Je vois clairement que mon roman d'amour prend un tour que je n'avais pas prévu. l'intrigue se désintègre. Les personnages suivent leur propre partition sans parvenir à créer une harmonieuse symphonie. Je dois trouver une solution et la mettre en pratique.(...) En ce moment même un certain Petrovitch se réjouit que ce roman patauge dans la merde."







Vous l'aurez compris, ce roman est à découvrir. Des pages fort intéressantes sur la vie à Téhéran, l'histoire iranienne récente et surtout des passages éblouissants plongeant le lecteur dans une littérature séculaire et moins coincée que l'actuelle et officielle. Le tout présenté avec humour.







"Il n'est ni sage ni prudent de créer des désordres et de donner ainsi l'occasion aux médias occidentaux et aux contre-révolutionnaires vivant à l'étranger de faire un coup de pub. [Sara, dans le roman]



Je suis persuadé que M. Petrovitch appréciera cette phrase."







"Mais retournons à l'université de Téhéran...



Les étudiants reçoivent toujours des coups de matraque...



Non. Cette phrase ne plaira pas du tout à M. Petrovitch."







Il faut absolument découvrir comment le film "Danse avec les loups" passe à la censure... Dialogues savoureux entre le spécialiste des questions concernant l'atteinte à l'ordre moral, le spécialiste des questions cinématographiques, le spécialiste des questions anti américaines, et M. X, le chef censeur, qui est aveugle (oui, oui, mais on lui décrit les images...)



"- Monsieur, une femme apparaît, les cheveux complètement visibles.



- Ce n'est pas un problème. Voir les cheveux d'une non-musulmane ne pose aucun problème.



- Mais ce n'est pas tout, monsieur. Tous les indiens sont torse nu.



- C'était l'habitude vestimentaire des indiens. On ne peut pas montrer des Indiens en vêtements arabes."
Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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En censurant un roman d’amour iranien

L'auteur Shahriar Mandanipour s'est donné pour mission fictive d'écrire et de publier un roman d'amour dans son Iran natale. Sauf que l'exercice est périlleux dans l'Iran des ayatollahs depuis la révolution de 1979, sachant qu'un homme et une femme qui ne sont pas de la même famille ont à peine le droit de se regarder et que de nombreux comités existent pour empêcher toute corruption de l'esprit grâce à une censure étouffante...



Voilà encore une belle surprise ! Ayant quitté son pays depuis deux ans quand il publie ce livre, Mandanipour réussit un pari osé, une tâche ambitieuse, un récit surprenant et très atypique, qui mêle plusieurs niveaux de narration, intertextualité et critiques du régime et de la censure en général, laquelle empêche la création libre et l'art spontané, ainsi que crée une population frustrée, sexuellement réprimée du coup souvent violente sexuellement envers la femme ; une population désenchantée dans une société ultra codifiée et répressive.

Malgré toutes ses bonnes intentions et stratagèmes, l'auteur est constamment confronté à la censure extérieure (M. Petrovitch, qui valide ou non les oeuvres littéraires). Même ses personnages principaux sont à l'origine choisis non pas par inspiration mais pour leur neutralité, afin de passer à travers d'autres barrières. Ils sont en effet basés sur deux personnages de livres d'école pour enfants, Sara et Dara, un frère et une soeur, qui sont par la suite devenus des jouets pour remplacer les poupées Barbie et Ken de l'Occident qualifiées d'"étrangères à la culture iranienne" par un vendeur de jouets dans un article de CBS News de mars 2002 (pour donner une idée de l'amiance, cet homme continue dans l'article en disant "I think every Barbie doll is more harmful than an American missile"...). Malgré son choix initial et vu le développement de son histoire, l'auteur finira logiquement par s'auto-censurer, hanté par le M. Petrovitch en question qu'il voit partout, anticipant avec cynisme tout ce qui pourrait finir par se retrouver raturé par le Ministère de la Culture et de l'Orientation islamique.

Les personnages finissent par prendre eux-mêmes le pouvoir, ne pouvant plus être contrôlés ni par la société, ni par l'auteur dépassé par sa mission. L'ensemble est assez inhabituel, se fait non-conformiste dans le paysage littéraire, ce qui se remarque aussi bien visuellement dans la présentation du texte que dans les procédés de rédaction et de cheminement artistique de l'auteur et du récit. Tous les intervenants finissent d'ailleurs par se catapulter d'une façon ou d'une autre, de manière assez irréelle mais assez logique, comme un papier brouillon qu'on finirait par froisser et dans lequel toutes les notes (idées et personnages) finiraient par se toucher.

Même si l'histoire se termine un peu en queue de poisson sans réelle fin, l'auteur prouvant ainsi qu'écrire un roman d'amour iranien est une tâche impossible, on apprécie grandement cette lutte constante que mènent de front l'auteur et les personnages pour la liberté d'être, de circuler, de créer de l'art et d'aimer, ainsi que les dénonciations d'un régime aux incalculables incohérences et bêtises radicales sous couvert d'un protectionnalisme nationaliste et culturel. C'est dense, riche, habile, astucieux ; mais aussi lucide, profond, pénétrant, tragique et malheureux. Un plaidoyer pour la libre expression (qu'elle soit artistique ou non) et contre la fausse bienséance qui tue des gens (intérieurement, si ce n'est pas extérieurement).

L'ensemble est fascinant, bourré de références à des textes littéraires majeurs et nécessite sûrement une nouvelle lecture plus tard pour en apprécier tous les petits détails. Le fait que ce soit la traduction d'une traduction (du farsi vers l'anglais et de l'anglais vers le français) fait au départ un peu peur vu qu'en général il vaut mieux éviter ce genre de procédé afin d'empêcher la perte d'informations et de style entre deux traductions, mais le texte français final est quand même très réussi et on sent très peu la présence d'erreurs, facilement notables pour un oeil aguerri.

En conclusion, ne manquez pas cette petite perle unique, pour son intérêt littéraire mais également pour sa description de la vie en Iran.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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En censurant un roman d’amour iranien

Shahriar Mandanipoor aime son pays, l’Iran, c’est indéniable. La censure, il connaît. Après avoir fait des études de sciences politiques il se met à écrire en 1989. Rapidement il est interdit de publication, échappe à une tentative d’assassinat commanditée par la police secrète et est contraint d’émigrer aux USA en 2006. Alors quand il écrit sur la censure dans son pays, il sait de quoi il parle.



C’est par le biais d’une histoire d’amour qu’il va régler ses comptes. Le postulat est simple : un jeune ex-étudiant pauvre, Dara, tombe amoureux d’une jeune étudiante riche, Sara. Et c’est réciproque. Las pour eux nous sommes en Iran, sous le gouvernement de la République islamique. Tout s’oppose à leur amour : non seulement ils ne sont pas de la même classe, non seulement elle est déjà promise à un autre, non seulement la religion les oppose, mais ils ne sont pas du même sexe !



Parce que dans la République des mollahs s’aimer librement est impossible. Alors publier, lorsqu’on est écrivain iranien, publier un livre qui parle d’amour c’est chercher les problèmes.



Publié en 2011, alors que l’auteur était réfugié aux USA, « En censurant un roman d’amour iranien » est une peinture de la société iranienne. Avec humour et autodérision l’auteur dresse le constat d’une société figée, en manque de liberté. Avec force références culturelles, religieuses, historiques, il nous livre son amour pour son pays, sa douleur d’en être loin.



L’écriture est déroutante. L’auteur s’adresse beaucoup au lecteur, le prenant à témoin, l’interpellant, lui communicant ses réflexions. De plus le texte est livré comme une écriture automatique, avec ses hésitations, ses ratures, ses interrogations. Ce faisant il nous livre la difficulté pour l’écrivain, mais aussi pour le peuple iranien, de s’exprimer, de vivre tant les contraintes sont omniprésentes, tant tout peut être mal interprété. Quand l’écrivain imagine les critiques que lui fera le censeur il met l’accent sur les ruses que les amoureux iraniens doivent imaginer pour vivre leur amour.



Si le procédé amuse ou fait rire au départ, il finit par lasser. Dommage, car cette entrée dans l’intimité du peuple iranien n’est pas sans intérêt.

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En censurant un roman d’amour iranien

Comment rester indifférent à un tel titre et à une telle couverture, surtout quand, avec un couple d'amis, nous échangeons des livres pour occuper intelligemment le confinement...

" "Tu devrais aimer !...." " m'ont-ils dit ! Un grand merci à vous deux!

....Sara cherche le livre "La chouette aveugle" à la bibliothèque. Il n'y est pas. Coup de chance, un homme le vend d'occasion sur le trottoir.

Le livre contient une lettre lui proposant de reconstituer un message en ne lisant que les caractères du roman soulignés d'un point violet....début d'un jeu de piste qui lui propose par la suite d'emprunter "Le petit prince".

Le correspondant anonyme lui explique comment lui répondre, comment il pourra lui, à son tour poursuivre cette conversation à partir d'un livre qu'il choisira dans la bibliothèque, et qu'il lui demandera d'emprunter...Elle ira jusqu'à lui écrire un message de 50 caractères en lui imposant la lecture de Guerre et Paix, sur lequel elle a placé un 1 point violet sous chacune des lettres composant le message...

Un romanesque exigeant...mais ce n'est que le début d'un roman d'amour platonique entre Sara et l'inconnu Dara...ce n'est que le fil conducteur qui permet à Shahriar Mandani de nous proposer trois lectures sous ce seul titre...

Devant la feuille blanche, l'auteur commence cette bluette, commence à écrire cette histoire d'amour pas banale, histoire d'amour que nous verrons écrite en caractère gras, bluette entre deux ados qui portent des noms passe-partout en Iran. Histoire d'amour originale quant à son scénario...puis des mots barrés apparaissent, ceux que la censure interdirait..cette auto-censure que s'impose l'auteur de ce roman d'amour..."Si j'écris ces mots, ils seront censurés"...."Non je dois écrire"..."ça, ça ne passera pas" !

Une censure qu'il connaît bien, incarnée par Monsieur Petrovitch que tout écrivain iranien connaît bien...rien n'est nouveau sous le ciel iranien.

Ce dernier analyse avec lui les phrases ou les mots interdits, censurés, lui explique qu'il ne doit parler que de la beauté du monde créé par Dieu, mais nullement écrire le mot sein, ni jamais décrire le corps de la femme.....Bien triste réalité de cette censure iranienne associée à l'hypocrisie religieuse d'un homme et d'un pouvoir. Cette deuxième lecture du livre et de la censure iranienne laisse bien peu de place la la liberté, à l'amour, à la créativité des auteurs...Bien triste formatage des ouvrages et des esprits

Comme dans toute histoire d'amour banale entre une belle jeune fille et un jeune homme pauvre, apparaît le riche monsieur, plus tout jeune...prétexte pour l'auteur de nous proposer la troisième lecture, une lecture de la vie en Iran, de la société iranienne, où se mêlent dans le récit prisonniers politiques, police des mœurs, soirées alcoolisées, vieux riches à la recherche de chair tendre, voisins délateurs, BMW et vieilles guimbardes, et j'en passe.

Ah! qu'il est difficile pour un garçon et une fille d'y vivre une histoire d'amour au grand jour !

Bref, un roman qui ne laisse pas indifférent, loin de là !

Nous nous plaignions de notre manque de liberté, des contrôles de la police, etc...ceux-ci n'ont duré que quelques semaines pendant ce confinement...ce titre nous montre le courage d'un peuple cultivé qui en endure bien plus depuis bien des années.

Shahriar Mandanipour évoque notamment Abbas Kiarostami, réalisateur iranien qui eut des ennuis à son retour de Cannes, où il reçut la palme d'or en 1997 pour "Le goût de la cerise" parce que Catherine Deneuve lui avait fait la bise mais aussi le marché noir, les bons d'achat, les médicaments difficiles à trouver sauf sur les marchés non officiels...

Nous pouvons grâce à l'humour et à la dérision de Shahriar Mandanipour nous rendre compte de notre bonheur, des difficultés, le mot est bien faible, affrontées par le peuple iranien.

"Après tout, l'un des avantages de la lecture d'un récit romantique est que l'on ressent les expériences éprouvées par l'auteur et par ses personnages."....(P. 243)

Un excellent roman donc ! Un roman qui de plus vous suggère bien d'autres lectures.

"Plus les années passent, plus il est certain que nous autres Iraniens appartenons à une nation qui n'a pour lot que tristesse et chagrin." (P. 381)




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En censurant un roman d’amour iranien

C'est un livre que j'ai reçu dans le cadre de la Kube, donc recommandé par un libraire. Si j'ai trouvé le thème intéressant - les lendemains après la chute du Shah en Iran et l'avènement des ayatollahs - j'ai été en revanche moins convaincue par le traitement. L'auteur écrit ou essaye d'écrire un roman d'amour mais sa plume est sans cesse entravée par la censure, reflet d'une société entièrement contrôlée et qui, donc, vit dans la paranoïa. Le traitement est original mais je n'ai malheureusement pas réussi entièrement à accrocher. J'ai trouvé l'écriture trop fragmentée, sans doute avais-je envie de lire une véritable histoire d'amour (sans censure). Une voix néanmoins à découvrir car les romans traduits du perse sur cette période historique sont peu nombreux.
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En censurant un roman d’amour iranien

J’avais déjà repéré ce titre lors de sa sortie et puis il est sorti de ma tête jusqu’à ce que je le vois en format poche sur un des étals de ma librairie. Prise de doutes, je le repose. Une fois rentrée, je fais le tour des critiques, plutôt disparates mais l’avis de Keisha achève de me convaincre et je retourne à la librairie.

Une fois le précieux bien convoité entre mes mains, je m’y plonge aussitôt.

A présent je l’ai terminé et je n’ai qu’une envie : le relire.

J’ai vraiment adoré ce roman qui concentre en quelques 400 pages tout ce que j’aime dans la littérature.



L’objectif de l’auteur à travers ce roman est de nous montrer à quels problèmes lors de l’écriture est confronté un auteur iranien qui souhaite être publié dans son pays. Pour cela, Shahriar Mandanipour va se mettre lui-même en scène ainsi que le censeur M. Petrovitch ( oui oui, le juge chargé du cas Raskolnikov dans Crime et châtiment).

Les transformations opérées dans le texte sont rendues visibles : en gras le corps de l’histoire d’amour que l’auteur veut raconter, les passages susceptibles de ne pas passer la censure sont rayés, en forme normale les interventions de l’auteur, ses dialogues avec M. Petrovitch, le roman tel qu’il aimerait le raconter, les anecdotes et des tas d’autres petites choses intéressantes.

Vous l’aurez compris, le plus intéressant dans ce livre n’est pas l’histoire d’amour en elle-même mais la façon dont elle est racontée et pourquoi elle est racontée de cette façon et pas d’une autre. Shahriar Mandanipour ponctue donc son récit de nombreuses références littéraires notamment iraniennes ce qui nous permet de la découvrir dans toute sa subtilité où la symbolique est très importante. En Iran, la religion ne permet pas la proximité homme-femme telle que nous la connaissons chez nous. Les relations amoureuses se font en cachette et dans la littérature elles se cachent sous de nombreuses formes poétiques puisant dans les registres de la nature. Ce que Shahriar Mandanipour nous démontre à merveille en analysant pour nous quelques vers célèbres, le passage est d’une ironie mordante et on ne peut s’empêcher de sourire.



Outre la littérature iranienne, c’est aussi quelques pans de l’histoire du pays mais surtout des contes de grand-mère et des légendes que l’auteur nous fait découvrir pour notre plus grand plaisir. Ainsi vous connaîtrez la légende liée aux roses de Damas et vous ferez connaissance avec Shinin et Khosrow personnages très célèbres de la littérature iranienne grâce auxquels vous comprendrez pourquoi l’Iran, au cours de sa longue histoire, s’est toujours fait envahir.

En plus d’avoir un aperçu de la richesse de la culture iranienne, En censurant un roman d’amour iranien vous emmène au cœur du pays et vous fait partager le quotidien des iraniens jamais à court d’idées pour contourner les lois qui leur interdisent tout contact avec l’Occident ( que ce soit à travers la télévision, la musique, le cinéma, la littérature…) et toujours prêts à échapper aux patrouilles de la Campagne contre la corruption sociale.



la suite sur le blog : http://booksandfruits.over-blog.com/article-en-censurant-un-roman-d-amour-iranien-shahriar-mandanipour-106026684.html
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En censurant un roman d’amour iranien

L'auteur prend son lecteur par la main pour lui raconter son pays de façon très étonnante: il nous chuchote une histoire d'amour à l'oreille, avec ce qu'elle peut avoir de plus romantique dans l'Iran d'aujourd'hui, prétexte pour dénoncer les dysfonctionnements de son pays.

Plein d'humour, d'ironie et de références culturelles, ce roman écrit par un esprit malin saura vous surprendre pour vous emmener jusqu'à la fin.
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En censurant un roman d’amour iranien

Comment peut-on être persan et amoureux ? Être amoureux à Téhéran, est-ce pareil qu’être amoureux à Paris, New York, Moscou, Tel Aviv ? Et même, de plus en plus fort, Mesdames, Messieurs, comment peut-on écrire un roman d’amour en Iran?

De vous à moi, c’est un euphémisme de dire que je connais mal la littérature iranienne. Si l’on excepte un détour par le très plombant et rapidement avalé La Muette de Chahdortt Djavann, disons que j’ai comme un blanc entre les quatrains d’Omar Kayyham et Marjane Satrapi. 1000 d’inculture, au bas mot. Et que je ne sois pas la seule dans ce cas n’est pas vraiment une excuse, n’est-ce pas ?

Inculte en la matière comme en tant d’autres, je sais de l’Iran ce que me souffle l’air du monde comme il va : dictature religieuse, uranium, droit de rien du tout. Alors, d’approximations en méconnaissance, sommes-nous condamnés à regarder ces persans sans rien chercher d’autre qu’un exotisme rendu menaçant par un contexte géopolitique plus que délicat ?

Or c’est tout le propos de Mandanipour que de rappeler que non, l’Iran ne se réduit pas à 30 ans de piétinement systématique des droits fondamentaux (par ailleurs bien plus ancien que la chute du shah), qu’il s’agit toujours et par devers tout de l’une des plus vieilles civilisations du monde et que, partant, surtout !, c’est une terre d’histoires. De contes, de poèmes, d’images. De romans. D’où le paradoxe fondateur : pourquoi et comment dans un pays dont la langue est si riche qu’elle peut sans fin inventer des métaphores sexuelles qui ne se répètent jamais est-il impossible d’écrire un malheureux récit d’amourette entre étudiants ?

En censurant un roman d’amour iranien n’est pas un roman d’amour. C’est l’histoire d’un roman qui tente de prendre forme, une manière de brouillon magnifique, revendiqué, bordélique à souhait. On suit vaguement l’histoire des amoureux de Peynet nouvelle formule, Sara et Dara ainsi nommés en hommage aux petits personnages des livres de lecture des écoliers iraniens. Sauf qu’ils ne sont jamais seuls, parce que leur auteur souffre visiblement du complexe de Dieu (oui, pléonasme, tout ça, je sais) et parce que c’est le pays qui veut cela, semble-t-il. Et parce que les plans se mélangent, les réalités s’interpénètrent. Le fictif, le sur-fictif, le biographique, tout en même temps. Au premier plan, l’histoire de deux amoureux, très, très, très romanesque et donc très, très, très peu crédible. Il l’aime, il la cherche, il la séduit – chastement, ô combien chastement – elle hésite entre l’amoureux pauvre mais intègre, et le prétendant riche et parvenu, il se fâche, elle hésite un peu moins, etc., etc., etc. C’est mignon et d’un intérêt artistique digne d’un nanar Bollywood, avec en sus le risque permanent de finir lapidé dans un stade. Au détour d’un tendre tête-à-tête au dialogue stéréotypé resurgit l’actualité brutale, comme le fait – sordide – que le seul endroit où un homme et une femme peuvent se côtoyer sans crainte et donc se donner rendez-vous, c’est la salle d’attente des urgences. Quelques mètres plus loin, mirage d’Haschischin et de colporteur d’onguents magiques, fantômes de poètes morts et d’assassinés, souvenir de deux mille ans de littérature, silhouettes réchappées d’autres histoires, de la grande Histoire, trois petits tours et puis s’en vont…

Face à cela, l’Iran d’aujourd’hui, une dictature, une machine à broyer la pensée, l’art, l’humain. Sara est étudiante en littérature, oui, mais toute œuvre de moins de 200 ans interdite et il n’existe pas de livre qui ne soit pas caviardé par la censure. Dara était étudiant en cinéma, oui, mais communiste également : plusieurs mois de prison et d’isolement plus tard, il est rayé des listes de l’université, ne soutiendra jamais sa thèse parce que tout simplement, il n’existe pas. Méthodiquement déconstruit par l’administration, Dara est peintre en bâtiment. L’administration, justement, thème universel s’il en est - rappelez-moi de vous faire une Page Arrachée à ce sujet. Comme si rien ne rapprochait plus les peuples que de devoir passer six heures devant un guichetier revêche ceint d’une armada de procédures contradictoires : la référence à Kafka est manifeste, assumée (la thèse avortée de Dara portait d’ailleurs sur l’adaptation par Orson Wells du Procès. Ironie du sort). Terrifiante. Affolante de bêtise (voir la scène tragi-comique où l’auteur essaie de faire enregistrer les prénoms de ses enfants). Elle ne broie pas l’humain, elle le découpe en petites cases disjointes. L’autre versant de l’administration, c’est la censure, incarnée, entre autres, par ce fonctionnaire chargé de visionner tout programme avant sa diffusion. Un aveugle, au sens propre.

Pendant ce temps-là, entre les plans, se promène notre auteur… Je fais la maline depuis le début de cet article en faisant des références à la mords-moi-le-doigt à la littérature des Lumières, mais le fait est qu’on y pense souvent. Non pas tant à Montesquieu qu’à Diderot et Jacques le fataliste, car l’auteur-narrateur ne cesse haranguer son lecteur, de se moquer gentiment de ses attentes de lecteur de roman. « Demandez-moi comment… et je vous répondrai… » ne cesse-t-il de répéter, ce que l’on peut aussi lire comme un souvenir des poèmes épique, dont les refrains et retours soutiennent la narration et aident à la mémorisation. L’auteur occupe le devant de la scène, partout, sans arrêt, dans un style brillant-voyant tout en (auto)dérision et effets de manche parfaitement assumés. Grosses ficelles ? Un peu, mais il s’amuse manifestement, et nous avec (moi avec, en tout cas – j’avoue être bon public et avoir éclaté de rire et de bon cœur à une ou deux reprises). Face à lui, sa Némésis, le censeur Pétrovitch. On se souviendra que c’est par ailleurs le nom du juge qui condamne Raskolnikov au goulag. Le Pétrovitch iranien, lui, poursuit le malheureux romancier à chaque page, de sorte que celui-ci finit par intérioriser son censeur, prévoir les mots à biffer, pensées à dissimuler. Tel est le véritable danger : ne plus pouvoir penser une littérature libre. S’interdire de concevoir, à l’instar de cet homme aux pensées traquées. C’est le sens du titre, ce me semble : écrire EN censurant, dans le même temps. En psychologie, cela s’appelle une injonction contradictoire et cela rend non seulement incapable d’agir mais également cinglé. Comment ne pas devenir cinglé ? En écrivant. Oui mais alors… ?



La véritable intrigue du roman, on l’a compris, est bien d’écrire un roman, et pour ce faire l’auteur lutte pied à pied avec les institutions, sa propre «iranité», la littérature en général qui hante les pages par paquets de 10 références. Épuisant. Presque épuisant à lire, d’ailleurs, trop brillant, quasi clinquant, trop dense et il est difficile d’oublier que les deux protagonistes n’ont aucun intérêt, même si c’est fait exprès. L’auteur lui-même finit par totalement s’en désintéresser pour mieux souligner l’amer constat qui émerge du chaos final : écrire un roman d’amour iranien, ce n’est pas possible. Est-ce seulement souhaitable ? Sous couvert de galéjades, d’anecdotes, de set de ping-pong avec le lecteur, le propos est plus que pessimiste. La lecture, elle, reste en demi-teinte
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En censurant un roman d’amour iranien

Ecrit en 2008. L'auteur vit aux USA depuis 2006. J'ai lu ce livre parce que l'auteur est Iranien et qu'il était mentionné dans le livre « Voyage en Iran » de Nedim Gürsel



Je n'ai pas beaucoup accroché avec l'histoire, mais je reconnais que l'auteur réussit une prouesse d'écriture. Il essaie de raconter l'histoire d'amour de Dara et Sara tout en se censurant lui-même, sachant que son livre va être relu par un censeur officiel. Cela donne des situations cocasses et beaucoup de phrases raturées. L'auteur exprime ainsi beaucoup de ses opinions sur son pays, le pouvoir (celui du Shah et celui actuellement en place), les moeurs, et l'impossibilité pour un jeune homme et une jeune fille de se voir et de se fréquenter.



Il y a quelques incongruité dans le roman que je n'ai pas comprises : l'histoire de Dara et Sara est vraiment toute simple mais se finit bizarrement. Il y a le cadavre d'un nain bossu qui est trimbalé tout au long du livre et je n'ai toujours pas compris pourquoi.



L'auteur a du talent et beaucoup d'humour (caustique). Cependant, je n'ai pas aimé l'atmosphère volontairement sensuelle et l'obsession de l'auteur sur les seins des femmes (évidemment raturés mais quand même bien présents !)



Quelques pépites : l'auteur explique aux jeunes iraniennes que non, tous les magazines de mode dans le monde ne sont pas coloriés de « noir ». Avant l'usage du « Magic Marker » recouvrant bras et jambes et tout en noir, les magazines étaient découpés par une petite cellule de fonctionnaires dont c'était le métier.



Extrait de la polémique concernant le film « Danse avec les loups » :

Le spécialiste des questions concernant l'atteinte à l'ordre moral rétorque : Danser est danser. Croyez-vous que les Iraniens songeront à danser avec les loups quand ils verront ou entendront le mot « danse » ? Ils vont immédiatement imaginer la danse du ventre arabe. Les occidentalisés penseront au tango, et à peine penseront-ils à la danse qu'ils se mettront à danser… Leur péché pèsera sur vos épaules, mon frère.



Sur le voile : Comme de nombreux Iraniens éclairés, Dara a honte plus ou moins consciemment, de son incompétence et de sa passivité, lorsque après la révolution on contraignit, par la force ou en leur enfonçant des punaises dans le front, leurs mères, soeurs et épouses à porter des foulards et des tchadors, puis qu'année après année on les privait de leurs droits humains.



Sur les Musées et antiquités : Ces scélérats d'Occidentaux ont emporté la plus grande partie de nos trésors anciens, qui se trouvent aujourd'hui dans les musées de Londres, Paris, New-York. Partie raturée : « Peut-être est-ce mieux ainsi. Au moins ils sont en sécurité et personne ne les volera. »

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En censurant un roman d’amour iranien

Peut-on écrire un roman d'amour en Iran, à l'heure de la République islamique ? C'est à cette question que répond Shahriar Mandanipour. Il ne se contente pas de répondre "Non" dans le vide, mais il nous en donne la preuve tout au long de son ouvrage.



L'écriture est triple : celle du roman d'amour est en gras, les passages à censurer sont biffés et, en caractères simples, les tâtonnements, les interrogations, voire les explications de l'auteur sur ses doutes et ses difficultés à faire aboutir son projet, ainsi que la véritable histoire de ses deux protagonistes, histoire impubliable en Iran de nos jours.



L'intérêt du roman réside bien sûr dans la partie du dialogue avec lui-même, avec ses personnages, et avec ses lecteurs. On y découvre un pays où toutes les activités sont soumises aux diktats du ministère de la Culture et de l'Orientation islamique, dont les sbires sont toujours prêts à intervenir dans la moindre activité quotidienne. Et pourtant, sa jeunesse ne manque pas d'audace ni de rêves : l'héroïne, n'hésite-t-elle pas à ôter son voile en pleine rue en échange d'un livre auquel elle tient beaucoup ?



Le propos est intéressant, mais à la longue, le roman s'épuise et tourne autour de son procédé. Mais au moins la démonstration est faite, l'histoire d'amour proprement dite est insignifiante, digne des romans de la série Arlequin et ne peut être terminée.
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En censurant un roman d’amour iranien

Pour une fois, la quatrième de couverture ne ment pas. "En censurant un roman d'amour iranien réconcilie de façon magistrale Le procès de Kafka, La ferme des animaux d'Orwell, et les contes des Mille et une nuits." Le livre de Shariar Mandanipour est un roman, c'est indéniable, mais c'est aussi un essai sur les affres d'un auteur iranien qui doit échapper aux ciseaux de la censure et, plus encore, un document sociologique de première main sur un pays devenu schizophrène et paranoïaque. Résumons la chose : un écrivain iranien tente de rédiger un roman d'amour, qui apparait en corps gras dans le livre, avec des bouts de phrases fréquemment rayés, car susceptibles d'être censurés. Ledit écrivain nous raconte également le vrai roman, qui ne serait pas expurgé des passages "licencieux". Et pour couronner le tout, Mandanipour interpelle sans cesse le lecteur, dialogue en toute courtoisie avec le grand censeur du ministère de la culture et s'autorise moult digressions sur le quotidien des citoyens iraniens. Le tout, dans une langue chatoyante, parfois crue, en citant aussi bien les grands poètes perses que des films occidentaux récents. Hafez y côtoie Lorca et James Bond dans un cocktail détonant, où l'humour et l'auto-dérision se glissent en douce comme un malicieux chat persan. Du quoi y perdre son farsi ? Oh oui, le lecteur est parfois déboussolé, mais l'auteur en est au même point et présente ses excuses avant de reprendre son histoire impossible. En censurant une histoire d'amour est un livre qui passe du tragique à l'absurde en un tour de main, hommage appuyé au peuple iranien qui, malgré les brimades et les interdictions, résiste et se joue des lois islamiques, avec ce talent pour la survie et la débrouillardise goguenarde qu'ont tous les peuples opprimés. Et cette littéraire mise en abyme, dans un pays au bord de l'abîme, est tout bonnement remarquable.
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En censurant un roman d’amour iranien

Un garçon et une fille s’aiment, jusque-là rien de bien original, sauf qu’ils sont à Téhéran, de nos jours, alors que la république islamique a été instaurée et impose une séparation des genres. « Comment publier un roman d’amour, alors que l’impitoyable censeur pourchasse non seulement toute prétendue incitation à la contre-révolution mais la moindre allusion érotique ? », et bien ça n’arrête pas Sara et Dara qui s’échange des petits mots d’amour via des messages codés mit dans des livres de la bibliothèque, c’est malin et mignon mais dangereux. J’ai bien aimé l’idée de la censure directement dans le roman, c’est assez rare et ça permet de se rendre compte que la liberté est une chose à protéger, cela dit le roman ne m’a pas spécialement intéressé car il y a trop de digressions. J’ai aimé cependant la vie en Iran, j’aime découvrir des modes de vies totalement différents à travers mes lectures, même si c’est tout une dictature, c’est toujours intéressant je trouve de comprendre comment l’amour, l’amitié, la vie perdure quoi qu’il arrive.
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En censurant un roman d’amour iranien

L'auteur écrit, ou plutôt tente d'écrire, un roman d'amour qui se déroule dans l'Iran des ayatollahs. Mais sa plume est entravée par le souci constant de la censure. Ainsi, le texte de son roman, écrit par petits bouts, est signalé par des caractères gras; de temps en temps il s'autocensure (les phrases sont barrées). Cependant, une part plus importante du livre est consacrée aux interrogations de l'auteur, qui évalue à chaque instant ce qu'il peut se permettre d'écrire. Il faut savoir que la constitution de la République Islamique est théoriquement très libérale mais, en réalité, les textes imprimés ne peuvent être distribués qu'avec l'accord préalable des instances gouvernementales !

S. Mandanipour ne cesse d'imaginer les innombrables critiques que va lui faire son censeur attitré, qui s'appelle (bizarrement) M. Petrovitch. Il faut ruser avec lui, argumenter pour le convaincre… et c'est très amusant. Il écrit par exemple: « Ici (…) je suis obligé, comme il est de mise dans les romans d'amour, de décrire la beauté de Sara. A part ses grands yeux noirs, son trait le plus frappant, ce sont ses lèvres pulpeuses, qui frémissent constamment comme si elle avait soif. Mais si j'écris cette phrase, M. Petrovitch exigera immédiatement qu'elle soit biffée. Par conséquent j'écris: Les lèvres de Sara ressemblent à des cerises bien mûres dont la peau délicate est sur le point d'éclater sous l'effet de la chaleur du soleil ». En effet, pour les censeurs, les canons de la littérature sont définitivement déterminés par les oeuvres persanes anciennes, qui usent et abusent de métaphores, poétiques mais aussi alambiquées et prudes, éloignées de l'esprit du XXIème siècle.

L'intrigue du roman en construction parait simple, voire simpliste. La voici: un jeune homme pauvre, Dara, autrefois chassé de l'université pour ses sympathies communistes, s'éprend de Sara, une belle étudiante qui partage secrètement ses sentiments; mais elle est aussi convoitée par un prétendant riche qui a la faveur de ses parents. Il ne faudrait surtout pas s'imaginer des scènes osées entre ces amoureux transis. Il est clair que cette intrigue est un prétexte pour observer la société iranienne actuelle.



Dans son livre, S. Mandanipour dialogue en permanence avec le lecteur, pour l'informer sur toutes les particularités de la société iranienne et, tout particulièrement, sur la situation de sa littérature. Par exemple, quand il parvient à une péripétie qui pourrait échapper à notre compréhension, l'auteur nous apostrophe directement, écrivant chaque fois: « Demandez-moi pourquoi, afin que je puisse vous expliquer… » et il développe aussitôt sa réponse. C'est ainsi que nous découvrons peu à peu ce que sont vraiment les rouages de la censure, les contrôles de la police des moeurs, l'espionnage des voisins bien-pensants, l'opportunisme des partisans du régime, la répression politique et, pour les opposants, l'enfer de la prison…

Plus amusant: l'auteur se déclare parfois surpris par le cours du récit qu'il est lui-même en train d'écrire ! Et il intervient même directement, par exemple en rayant la carrosserie de belle BMW du prétendant de Sara. Ceci, ainsi que l'ensemble des interrogations et remarques acides du texte, parait surprenant, ironique et impertinent... L'autodérision n'est jamais loin, qu'elle vise personnellement l'écrivain lui-même ou bien son pays. Cependant, on trouve aussi dans le livre des allusions sérieuses au grave malaise ressenti en permanence par une partie des citoyens: par exemple, l'auteur évoque sans humour le voile « punaisé » de force sur la tête des femmes.



En lisant ce roman on prend conscience du caractère totalitaire du régime des ayatollahs, qui est à la fois ridicule et redoutable. Au sujet des moeurs, particulièrement de la séparation rigoureuse des deux sexes, on peut même penser à l'apartheid sud-africain. Celui-ci se voulait absolument cohérent, jusque dans ses absurdes extrémités, exactement comme l'ordre moral imposé maintenant à l'Iran. Cette oppression a surtout pour effet d'exciter, chez les Iraniens, l'hypocrisie, la frustration, la concupiscence malsaine envers les femmes. Pour l'illustrer dans le domaine littéraire, S. Mandanipour nous donne de nombreux exemples de phrases qui nous semblent tout à fait anodines et qui sont pourtant interprétées là-bas d'une manière salace, non seulement par le censeur, mais aussi par l'éventuel lecteur iranien.



Un reproche quand même: ce livre de 400 pages aurait été beaucoup plus percutant s'il avait été un peu plus court. L'effet de surprise et notre régal devant l'impertinence de l'auteur, s'émoussent un peu au fil des pages. C'est dommage…

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En censurant un roman d’amour iranien

Un sujet tragique traité avec beaucoup d'humour. Ou comment l'humour est finalement le meilleur exutoire pour oublier au sein de quelle monstruosité le pouvoir religieux fait vivre des amoureux.
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En censurant un roman d’amour iranien

... ou comment écrire et publier un roman d'amour en Iran, alors que la censure s'emploie à supprimer tout ce qui se réfère, de près ou de loin, voire de très très loin, à tous les émois physiques suscités par quelques élans passionnels, même à leur stade de balbutiement.



Exercice difficile, voire challenge impossible pour l'écrivain qui ne peut même pas permettre à son couple de se toucher, ne serait-ce que pour se tenir par la main, ou de s'isoler pour discuter en toute intimité, apprendre à se connaître, se découvrir, la moindre parole ou le moindre attouchement pouvant susciter, chez le lecteur, des pensées "immorales" (selon les bien-pensants et gardiens de l'ordre moral).



Ceci aboutit bien évidemment à des impasses et des situations cocasses, desquelles notre auteur, Shariar Mandanipour, essaie de se dépêtrer pour faire vivre son histoire d'amour, en recourant à toutes les astuces littéraires et métaphores possibles, et en devant faire preuve d'une grande imagination et de créativité littéraire pour tromper la censure.



Dans un style jubilatoire,Mandanipour s'attèle à sa tâche en direct, nous faisant vivre la genèse et l'évolution de son roman d'amour, devançant la censure en raturant lui-même les phrases qui ne passeront pas, et interrompant constamment le déroulement de son histoire pour éclaircir le lecteur non familier des moeurs iraniennes sur la réalité politique et sociale dans l'Iran post-révolutionnaire, réalité qui explique le lent dénouement de son intrigue.



Pour nos jeunes tourtereaux, Dara et Sara, la concrétisation de leur histoire d'amour n'est pas gagnée en effet. L'auteur tente pourtant de les arracher à la censure en nous glissant dans les coulisses de leur histoire, comme un aparté d'auteur à lecteur, à l'abri des yeux de la censure, dans lequel l'espace d'expression est bien plus libre, et où les personnages même laissent libre cours à leur pensée.



"J'espère, pense Dara, que notre destinée n'est pas entre les mains d'un minable écrivain censuré, sans tripes."



J'ai trouvé ça original cet aspect du récit où l'auteur se met lui-même en scène, dialoguant avec la censure incarnée par M. Petrovitch, laissant, magré lui, ses personnages échapper à son contrôle, le challenge étant tellement irréalisable dans ce contexte contraignant que le grand n'importe quoi s'immisce sur la fin.

Personnellement j'ai commencé à me lasser sur le dernier quart du roman car l'histoire d'amour tournait en rond façon "Les feux de l'amour" interminable, mais sans les feux ni l'amour (censure oblige - mais dans ce contexte, comment peut-il en être autrement, vu que nos tourtereaux ne peuvent pas faire grand-chose...), mais j'ai bien ri à la toute fin où l'auteur met un point final ubuesque à son histoire!



Un roman original plein de subitilité et de dérision, très instructif culturellement parlant. Encore une fois, je n'ai pu m'empêcher d'halluciner de tous ces interdits absurdes et révoltants qui régissent le quotidien des Iraniens. Je n'ai pas lu beaucoup d'auteurs iraniens mais je n'ai pas été déçue jusqu'à présent. Il y a toujours cet humour qui m'épate malgré un contexte qui ne s'y prête pas. Je pense ici en particulier à Marjane Satrapi.



Repéré chez Keisha, j'ai tout de suite su que ce roman allait m'emballer, et je terminerai en soulignant, tout comme elle, que ce livre vaut le détour rien que pour le désopilant chapitre consacré à la censure de "Danse avec les loups" par des spécialistes des questions cinématographiques et anti-américaines, et par un chef censeur aveugle (excellent excellent excellent!!!).
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En censurant un roman d’amour iranien

En censurant un roman d'amour iranien raconte exactement ce que son titre évoque : l'écriture d'une romance sous la censure du régime islamique iranien.



Comment écrire un roman d'amour quand un homme et une femme non mariés ne peuvent pas se voir seuls légalement et que tous les mots évoquant le corps d'une femme ou l'érotisme sont censurés ?

L'auteur décortique dans ce roman atypique les obstacles à l'écriture d'un roman dans un régime de censure et explique comment il essaie de les contourner. La censure l'oblige à passer tout un pan de l'histoire sous silence, laissant le lecteur imaginer les non-écrits.

L'auteur joue avec la typographie : la narration normale en écriture normale, son roman d'amour en gras et en barré les phrases de son roman d'amour qui sont ou seront censurées.



Deux histoires s'entremêlent donc : la romance presque impossible entre Sara et Dara écrite par l'auteur tout au long du roman et le dialogue à trois voix entre l'auteur, son lecteur et son censeur, M. Petrovitch.

Ce n'est pas toujours évident à suivre, mais certains éléments sont vraiment passionnants, que ce soit la réflexion sur l'écriture, la description de la vie en Iran ou les nombreuses références culturelles qui émaillent ce livre.



Je ne pense pas avoir tout saisi, mais j'ai passé un bon moment de lecture. Même si j'étais plutôt d'humeur à lire un roman rapidement, ma curiosité concernant ce livre est maintenant assouvie et je suis ravie de l'avoir découvert !

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En censurant un roman d’amour iranien

Voici un roman très contemporain, intéressant, agréable : intertextuel, méta-textuel, contextuel. Il contient principalement une réflexion sur la censure dans l'Iran de nos jours, telle qu'elle peut s'appliquer au roman d'amour que l'auteur rédige par ailleurs dans ces pages. Dans le corps du texte, en gras, on lit justement l'histoire d'amour entre Sara et Dara, histoire qui se veut heureuse malgré toutes les difficultés à se former que rencontre un couple dans la ségrégation sexuelle qui caractérise la République islamique : certains passages sont auto-censurés par l'effet typographique du texte barré ; en caractères ordinaires, le narrateur s'adresse directement au lecteur, pour commenter, gloser, contextualiser, le texte en gras ; apparaissent aussi, en italiques, quelques citations faisant référence à des œuvres plus ou moins connues de la littérature persane ancienne, aux classiques russes, etc. La nature des commentaires, explications, contextualisations, renvois, leçons de littérature et d'écriture est naturellement très riche, variée, parfois didactique jusqu'au point (dérangeant par moments) de la pédanterie, amplement compensée néanmoins, par un humour toujours alerte, une certaine dose d'autodérision même, et une telle quantité d'informations sur la vie quotidienne, littéraire, politique, sur la sociologie du pays, ainsi que sur les techniques d'écriture adoptées par l'auteur, que l'on est disposé à l'indulgence envers les passages où il ne semble avoir d'autre souci que de révéler la petitesse culturelle et intellectuelle du lecteur qui serait tenté de se croire attentif et vif... Ainsi du mystère du personnage du nain bossu – que je ne suis pas parvenu à éclaircir, même si j'ai compris que c'est un clin d’œil aux Milles et une nuits ; de même que quelques autres. Souvent le narrateur se présente comme un voix autofictionnelle de l'auteur, dans sa biographie et au cours de la rédaction même du roman. Par ailleurs, compte parmi les personnages secondaires les plus importants le censeur du ministère de la Culture et de l'Orientation islamique, Monsieur Petrovitch, surnom qui se réfère à Dostoïevski. Les dialogues entre le narrateur et le censeur donnent une autre perspective au sujet de la censure littéraire. L'une des trouvailles heureuses, cependant, est le surgissement graduel de tous les personnages comme entités autonomes par rapport au narrateur, au fur et à mesure que celui-ci, ainsi que le bon Petrovitch, dans la chute, se placent au même niveau narratif que les héros du roman d'amour : une idée pirandellienne (Six personnages en quête d'auteur) ou unamunienne (grosse envie d'interroger la grande culture de l'auteur sur la question de savoir si elle comprend aussi Miguel de Unamuno... - là je me venge, bien sûr, en ai-je le droit ?), qui a toutefois le mérite d'être tout à fait progressive et bien menée.

Quelle forme de contrat de vraisemblance romanesque un récit offre-t-il dont les ficelles de l'écriture, et surtout de la rature, sont constamment montrées au grand jour, expliquées ; où, pourtant, les statuts respectifs des personnages et les niveaux de narrations finissent par se brouiller si adroitement ? Là réside peut-être la grande question du lecteur de roman, un tantinet masochiste, qui adore être un peu malmené et beaucoup mené en bateau...
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En censurant un roman d’amour iranien

Je crois, dit Dara, que les amoureux n'ont pas besoin de paroles, de lettres et de conversations.Ils se contentent de se regarder et de lire dans les pensées de l'autre. C'est tout.
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En censurant un roman d’amour iranien

. J’aurais adoré être d’accord avec Keisha.

Comme elle, j’ai ri à certains passages et j’ai apprécié l’humour terrible de cet écrivain qui raconte les pires horreurs d’un ton détaché.

Mais je me suis complètement perdue dans son récit. Je voulais lire assez vite car ce livre est proposé au club et il faut essayer de ne pas garder les livres trop longtemps.

Cela explique peut-être que je n’ai pas eu le temps de me familiariser avec les méandres du récit. À la fin je ne savais plus qui était réel et qui était imaginaire, en plus les procédés sont répétitifs et finissent par émousser le sens critique du lecteur.

Sans cesse, l’auteur s’adresse à nous en disant

« posez moi la question... Demandez-moi maintenant... »

Je voulais de toutes mes forces aimer ce roman qui dénonce la censure et la violence faite aux femmes et à tous ceux qui s’oppose à l’islam en Iran. Mais les différents récits qui se croisent m’ont perdu en route. Je l’ai fini en le lisant en diagonale et sans vraiment m’y intéresser.Je suis contente de voir que d’autres ont su apprécier ce roman. Je me demande si la traduction n’est pas pour beaucoup dans ma difficulté. Voilà un livre écrit en farsi traduit en anglais pour des lecteurs américains. Et cette version qui est traduite en français.


Lien : http://luocine.over-blog.com/
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