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Citations de Simon Johannin (165)


Les jours passent et moi je glande, je repasse voir e Farfadet qui a rien pour moi, et je le regarde utiliser son téléphone comme télécommande pour la télé parce qu'il a une appli pour ça. Il doit juste attendre que la pub passe sur les deux écrans pour pouvoir changer de chaîne, ou payer vingt euros pour l'enlever du téléphone et pouvoir zapper quand il veut. Si on avait su que c'était ça le futur on y serait pas allés, moi en tout cas je serais pas venu. Je suis comme le reste, parachuté dans le triste débile de l'époque.

Page 227, Allia, 2019.
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On avance tous dans la même direction et je le vois qui m'arrive dessus, le mur des douaniers gantés. Ils sont nombreux, tous sur le côté gauche et je me dis merde, je vais y passer c'est clair, j'ai l'air d'être le neveu louche des vioques en costume qui sortent du train en même temps que moi.
Et puis je repense aux Noirs dans le wagon, j'en cherche un des yeux. J'en vois deux, la trentaine, plutôt classe la montre au poignet, la barbe et les cheveux taillés de frais, alors je m'arrête pour fouiller le vide de mes poches le temps qu'ils me dépassent.
Je leur colle ensuite au cul jusqu'au mur des emmerdes et bingo, le bras de la République se tend carte en main sur leur chemin, et c'est parti pour une fouille complète des bagages pendant que moi blanc comme mon cul, je passe de la drogue, de l'argent de la drogue et des bijoux volés, les jambes d'un coup plombées par les shoots de tension.
Un mec m'accoste tracts en main à l'entrée du métro et en glisse un dans la mienne.
– Jesus peut vous sauver, il le peut vraiment !
– C'est sympa ça.
– Il peut vous sauver ! Jésus vous aime !
J'avance et une fois le papier jeté j'accélère pour changer ce qu'il faut changer comme ligne, marcher ce qu'il faut marcher comme pas, monter ce qu'il faut monter comme marches pour sentir enfin tes cheveux à toi inonder mon visage.

Pages 200-201, Allia, 2019.
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Je vois tes yeux par en dessous, tes petites narines dont les bords reflètent en jaune orange la lueur des flammes. Je sais que tu m'aimes. Ce que je sais pas c'est vers quoi on va tous les deux. Comment ça va se passer, avec quoi on va vivre. Toi non plus t'en sais rien, mais pour l'instant c'est la nuit, alors on le fait. Parce que ça fait longtemps, parce que baiser nous permet de pas trop penser au reste, parce qu'ici on est que nous la peau dans la peau.

Page 60, Allia, 2019.
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Ils sont gentils et me proposent de sortir de l'autoroute pour me déposer mais c'est pas la peine, ça me va bien de reprendre un peu la pluie, alors restez cool et merci salut. Je fais un tour dans la boutique et prends une autre bouteille de Cristaline. J'ai pas soif, mais c'est ce qui y a de moins cher pour avoir le droit de voler ce que je veux. Vu les prix des merdes en rayon je vole des voleurs, et voler des voleurs c'est pas vraiment voler.
Je me fais sourire tout seul à penser comme ça, le dos rempli d'un paquet de barres de céréales et d'un sandwich suédois. A essayer de trouver un peu de morale dans ce que je fais alors que je trimballe avec moi de quoi rouler des torpilles pour toute une armée, en allant chercher dans un autre pays un paquet de bijoux volés par un type qui entre chez les gens par les fenêtres.
J'aurais bien vendu mon sang mais ici on peut que le donner, alors je le garde sauf quand j'ai la dalle parce qu'ils donnent à manger après.
Je fais comme les fils de bandits qui chantent maintenant la voix posée dans le grave des écouteurs que j'ai tirés avec le reste, j'accorde une danse à la rue et je retourne faire les signes qu'on fait sur la route quand on veut que quelqu'un qu'on connaît pas nous emmène.

Pages 171-172, Allia, 2019.
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Aujourd'hui je viens de rentrer, et c'est retour à la case merdier.
Le trou dans le plancher est toujours là, et sous le parquet je vois le plafond des autres. Ma tête se pose sur le montant de la fenêtre, j'ai le corps vide de toute envie, j'ai que le souvenir de ta peau sur mon front, de tes doigts qui me couvrent les yeux.
Je regarde en bas le monde qui marche, qui tire les cabas, qui pousse les poussettes, qui tourne les roues.
Je vois le peu d'argent qui brille au fond des poches, l'amour dans les cages de chacun qui trace rouge dans les veines du cou. Les tissus tannés sur les peaux à qui on a volé le soleil et les regards envoûtés de fatigue, de désirs secrets. J'observe le monde par la fenêtre, je t'aime par la fenêtre et partout je vois tomber du ciel, sur moi et tout le quartier, des grosses gouttes de lassitude. J'allume une fraise éteinte et laissée là dans le cendrier depuis que je suis parti, ça fait cramer en moi un peu d'émotion quand la fumée me passe par le cœur. Je m'emmerde. Je m'emmerde de toi mon amour, sans toi c'est la tranchée. Je fais le tour de l'appartement puis je retourne à la fenêtre.

Pages 44-45, Allia, 2019.
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J'ai aussi volé des boîtes de poisson, des pâtes fraîches aux cèpes et des poivrons marinés. Je dois faire attention quand je marche que tout ça fasse pas trop de musique dans mon dos, et en souriant dans ma tête je me dis qu'il est loin le temps où je pensais que les codes-barres c'étaient des antivols.

Page 55, Allia, 2019.
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On s'apprenait la vie comme on apprend l'anglais en faisant des maladresses, ça nous faisait briller les dents de rire, ça faisait une galaxie à deux bouches entre les poteaux de fer et le vieil asphalte.
La Terre a tremblé dans mon crâne quand elle m'a dit son prénom.
Elle était mon apparition à moi. Lou. J'étais comme une batterie d'artillerie, je crachais du feu sur le trottoir rouge. C'est elle qui un jour a décidé que ça serait comme ça, qu'elle et moi on allait baiser.
Soit on ouvrait son box du dortoir et on faisait ça par terre ou sur le bureau, soit dans les douches ou sur le matelas, mais aussi dans les parcs, ou derrière les voitures, ou dans les ascenseurs et les parkings et les halls d'immeubles, et les abribus ou sur des poubelles et dans les cabines d'essayage et les fumoirs des boîtes de nuit ou les galeries marchandes et les toilettes publiques, les aires de jeux pour enfants. J'aimais l'observer sans qu'elle le sache, je nageais dans un grand cliché.

Page 115, Allia, 2017.
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Il faut s'asseoir en mangeant les odeurs qui font tourner la tête, et surtout fermer sa gueule car on ne parle pas à table nous les enfants.
On se contient tant que ça dure. On bouge les pieds en sous-marin pour ne pas être repérés dans le grand calme qui doit régner pendant qu'ils parlent au-dessus de nous, de la journée, des problèmes ou de ceux qui font la même chose dans la maison d'à côté. Du mal qu'ils ont dans le dos à force d'emmener tous les jours leur grosse existence au travail, et des échardes et des dards qu'ils ont dans les mains et qu'il faudra enlever avec une pince après le repas. Et nous on brûle de mordre et défoncer la viande, d'exploser la soupe mais on attend. On la ferme en bougeant des pieds sans faire trembler la table, sinon torgnole.

Page 74, Allia, 2017.
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Il y a aussi deux ou trois jeunes dans la boîte, des jeunes un peu moins jeunes que moi. On se ressemble pas. Ils ont pas l'air en forme non plus. Trop de cul posé, de docilité intégrée depuis la première école. Sur les rails de la vie ils roulent le chemin tracé, et laissent poliment les flaques de paternalisme des bides en surplomb leur mouiller les oreilles de ce qu'il faudrait savoir du monde. Et tout ça tombe de bouches pleines du lard rance des années passées à attendre d'être assez vieux pour justifier leur dégaine de gros sac et se dire que ça y est, à leur âge on va la fermer en face d'eux et les écouter parler, parce que c'est comme ça qu'ici tout fonctionne. Trente ans de carrière pour parader devant un résidu de jeunesse, des puits de science creusés dans l'eau, rien sous la couche, juste le vent qui fait siffler les bords du trou et clapoter mes oreilles.

Pages 89-90, Allia, 2019.
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Je m'invente une vie proche de la leur et pose des questions pour faire semblant que ça m'intéresse, alors que j'ai l'âme qui joue à saute-mouton avec le marquage de l'autre côté de la vitre.
A mesure que la distance augmente, je sens s'étioler les fils qui font battre mon sang sur le tien.
Ça va plutôt bien pour eux, des études qui leur prennent pas trop de temps, une bourse et un petit travail à côté pour compléter parce que Paris c'est cher. J'aurais pu faire ça moi aussi, j'aurais sans doute pas tenu longtemps, mais j'aurais pu. Passer mon permis et fumer des roulées, être loin de tout ce qui tache. Garder fraîcheur et perles de naïveté à enfiler à chaque phrase. Ne pas toucher la nuit, ne pas l'embrasser, ne pas glisser en elle.

Page 169, Allia, 2019.
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Je cherche le bout du départ pour nous dérouler la grande vie, te tailler des tangas dans le tapis rouge et plus jamais suer à courir après ce qu'il faut pour passer d'un jour à l'autre. Je sais pas comment faire, alors je sors guetter, brancher la vigilance dans la rue pour voir si des fois de l'or sortirait pas de ses trous.

Page 144, Allia, 2019.
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On est partis comme ça du devant de l'auberge chacun debout derrière le volant sous une belle grosse Lune, nos petits phares allumés en direction de la nuit qu'on allait suivre pour rentrer chez nous.
C'est souvent comme ça qu'on fait. Quand les parents sont bien trop bourrés, ils démarrent juste les autos en première et les enfants conduisent, comme ça c'est moins dangereux et nous ça va on aime bien conduire comme les distances sont pas très grandes. Sauf pendant les fêtes de village en bas, où là quand on les ramène c'est comme si on faisait une opération escargot, même que c'est très drôle de voir la tête des gens qui nous doublent quand ils nous voient conduire avec nos parents ivres morts la tête qui pend hors de la vitre.

Pages 32-33, Allia, 2017.
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Les mouches, elles sont partout, elles font des guirlandes à travers les pièces le long des fils collants qu'on a installés là pour les piéger, et il y en a tellement qu'on voit très vite plus les fils. C'est comme des gros câbles noirs qui vibrent jusqu'à ce que tout le monde soit mort dessus. Il y en a partout, un bourdonnement sourd qui s'arrête jamais et qui le rend fou mon père alors c'est des grillades au jardin tous les jours.
Dans la maison elles sont même dans les penderies et derrière la cuisinière, on a beau tout couvrir avec des torchons, elles se mettent partout et pondent dans le beurre et les fromages.

Pages 12-13, Allia, 2017.
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Le sol était lisse, et j'ai flotté un peu à quelques mètres du plancher avant d'élever mon corps loin de l'insouciance.
Le sourire s'est meurtri, et mes bras se sont tendus sur l'accord grave qui faisait résonner son corps.
J'ai mordu.
Sont sortis partout de nous de l'énergie et des liquides, et sa mâchoire dictait la pulsation. Je suis tombé du bord du monde dans son odeur d'envoûtement, je suis allé et venu dans le nœud sous sa peau, j'ai pris le jus sur sa langue et avalé l'eau dans sa bouche, courbé le mouvement de sa nuque sur un rythme qui nous venait de ce qu'il y a derrière le désir.
Elle m'a traversé comme une cascade de lumière.

Pages 104-105, Allia, 2017.
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On fume en silence le gros pétard que je viens de rouler, et puis je te fais du Nino fanfaron parce que la vodka me presse les tempes, et qu'avec tes sourires j'ai le sang qui fait des huit. Je finis dans tes bras et des fois, j'ai peur que tu me quittes.
Tu passes ton doigt sur mon front, tu redescends et suis le nez, traverses mes lèvres jusqu'au bout de ma joue. Tu me caresses et j'ai chaud partout de sentir que tu m'aimes.

Page 57, Allia, 2019.
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Je me roule une clope de miettes après le joint de la misère, puis je descends dans le fond de soleil pour faire lentement le tour de la ville.
Ça brasse du Slave et du Guinéen, les premiers debout le long des murs à fumer de la clope de contrebande et les autres à éviter le stationnement. On a l'air moins louche quand on marche, et marcher y a que ça à foutre quand on a les pieds pris dans le drap tordu de l'exil.
J'apprécie l'absence de police, et sur la place la chaise en plastique où le guetteur guette a pas bougé. Il indique où aller à ceux qui veulent donner un billet froissé contre un morceau de résine. Islamo-turfiste et islamo-gaushit, c'est ça le monde de ma ville qui fait tant friser les vieilles des campagnes. Pas plus d'embrouilles, pas plus de trucs à faire, pas plus de meufs emmerdées. Juste un peu plus de kebabs aux noms pas très fleuris et à la viande aussi fraîche que les fleurs de leurs noms.
Je file vers le Lavomatic où j'entre vite fait des fois qu'une pièce traînerait dans le bac à monnaie du distributeur de lessive. Le fou tient les murs, comme à peu près toutes les semaines, il est là dans son caleçon avec ses rangers pourries aux pieds, à attendre au chaud près des sèche-linges que sa lessive se termine.
Pas de pièce, je m'en doutais un peu mais faut bien s'occuper quand on a rien à foutre et la tête trop loin dans le cul du temps pour se concentrer et réfléchir.

Pages 144-145, Allia, 2019.
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Pas facile de s'habiller dans une ville où la barre est si haute, où du premier coup d'œil on sait de quel monde tu viens.
Ça te demande beaucoup de travail de ressembler à une fille de ton âge sans problèmes, et pourtant t'es si belle. Mais pas facile de cacher les cernes, de montrer un attirail de parure qui prouve au monde un peu de ta force. Comment tu fais, pour dresser si bien le subterfuge et maquiller la détresse.

Pages 116-117, Allia, 2019.
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Dans la fin du ciel sombre je vois les putes qui frissonnent sur les trottoirs et qui lancent des Bébé l'amour plus que fatigués aux voitures, et puis les cloches qui dorment sous les bancs, puisque à cause de tout ce qu'on y soude impossible de s'allonger dessus. Le clochard à Paris il passe après le pigeon, le chien, le chat. Il est grosso merdo sur le même barreau que le rat sur l'échelle de la sympathie. Moi je m'en bats les couilles, je préfère les rats aux pigeons, au moins ils se contentent de chier par terre et pas depuis des hauteurs insoupçonnables. D'ailleurs pour prendre un peu d'air, un peu d'empathie dans le regard des gens, ils sont de plus en plus de clochards à se coller un lapin ou un autre truc mignon dans le col du manteau ou dans le creux des genoux. Ça donne aux autres une bonne raison de les regarder. Ça les fait remonter un peu dans le monde des humains.

Pages 60-61, Allia, 2019.
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J'étais assis à caresser un chat qui passait, et je les regardais tous les deux se parler doucement les yeux dans les yeux les mains dans la graisse du cochon. J'étais content qu'elle soit rentrée ma mère, ça mettait un peu de douceur et de sérieux dans l'oxygène, ça faisait stable autour, c'était de nouveau la sécurité du silence.
Ma mère elle a pas beaucoup de mots qui lui sortent de la bouche, elle nous fait plutôt des regards. Elle parle avec son visage et moi et mon frère on comprend tout.
Elle a des yeux fatigués comme des amandes sèches, pour dire des choses elle regarde et nous autour on sait qu'il faut pas l'emmerder ou glisser du couloir vers la chambre.
Ses bras il y a de la lassitude dedans mais ils sont jolis quand même, ils pèsent un peu gris. Parfois elle dit oui ou elle dit non, elle a toujours ce qu'elle veut parce que c'est le plus juste, se tromper elle sait pas faire.

Pages 39-40, Allia, 2017.
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A côté de moi ça va serpiller, enfilmer, transpaletter, déballer, étudier et sans doute se faire chier jusqu'au soir. Personne ne parle sauf deux jeunes trentenaires au niveau médian de la déprime hivernale, bien emballés dans des trois-quarts aux cols avachis, et comme j'ai rien d'autre à faire je les écoute. Ils ont fait la même fac d'économie et je comprends rapidement que ça leur a pas servi à grand-chose de suer pendant cinq ans, puisqu'ils roulent vers une formation de gestion des énergies avec laquelle ils ont l'air d'espérer trouver un travail qui corresponde un peu à ce pour quoi ils ont effrité leur jeunesse. Ils ont même pas l'air d'y croire vraiment.

Pages 142-143, Allia, 2019.
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