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Citations de Simon Worrall (44)


Au moment d’embarquer à Greenwich [en 1638], il emporta clandestinement une presse typographique, 60 livres de papier et quelques caisses de bouteilles d’encre. Il emmena aussi un imprimeur professionnel. Pour des raisons liées au contexte juridique et administratif de l’époque, le nom de ce dernier ne figure pas sur le manifeste de bord : seuls les membres de la Stationer’s Company, créée par charte royale, avaient le droit d’exercer l’activité d’imprimerie. Ceux qui ne respectaient pas les termes de cette franchise s’exposaient à de graves pénalités. « Je remercie Dieu », écrit sir William Berkley, gouverneur royal de Virginie, en 1671, « qu’il n’y ait ni écoles ni imprimeries libres, et j’espère qu’il en sera ainsi pendant des siècles ; car l’éducation a fait naître la désobéissance, l’hérésie, les sectes, et l’imprimerie les a propagées dans le monde… Que Dieu nous préserve de ces deux fléaux. »
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Une autre motivation, plus personnelle et plus profonde, alimentait sa passion pour les livres jeunesse. Dans ces volumes magnifiquement illustrés, qu'Hofmann gardait dans un coffre, sous clé, dans son atelier de faussaire, il trouvait un écho avec sa propre personnalité, excentrique et enfantine. Des oeuvres comme Alice au pays des merveilles, La chasse au Snark ou encore Le Hobbit de Tolkien ouvraient des portes vers un monde fantastique de transformations, de magie, d'illusion et de cruauté qui ressemblait beaucoup à son propre paysage intérieur. Surtout, ils lui offraient une échappée du monde réel, qui commençait à se resserrer de plus en plus autour de lui.
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Il fut ensuite autorisé à franchir le rideau, en un mouvement censé représenter son ascension au royaume céleste. Quand il aperçut les banquiers, les commerçants et les représentants de l’Église, si imbus d'eux-mêmes et si mesquins – tous ces hommes à la mine sévère et sans humour dont certains, il le savait, avaient battu leurs enfants au nom de Dieu – plantés en rang d'oignons derrière le rideau dans leurs tenues grotesques, Hofmann espéra ne jamais entrer au royaume céleste. C'était déjà assez pénible de devoir vivre avec ces bigots hypocrites au milieu du désert, pas question de se les coltiner jusqu'à la fin des temps.
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Son activité de faussaire lui permettait d'affirmer ses convictions et de remporter le débat qu'il n'avait jamais eu le droit d'avoir avec ses parents. Il leur prouvait que la religion à laquelle ils croyaient, et qu'ils l'avaient obligé à suivre, n'était qu'un tissu de mensonges. Le tout sans risquer de perdre leur amour.
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Autrefois, on collectionnait des objets qui avaient de la valeur. Aujourd'hui, les gens ne savent plus quoi collectionner, alors on se retrouve avec des robes de Lady Di qui s'arrachent pour 250 000 dollars, ou une carte de base-ball d'Honus Wagner adjugée pour 500 000 dollars.
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S'il a aussi bien réussi dans son entreprise, c'est parce qu'il savait à quel point la frontière entre illusion et réalité est mince, et aussi à quel point nous sommes capable de nous laisser mener en bateau quand nous voulons croire quelque chose.
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Lorsqu’il s’agit de coordonner la cinquantaine de muscles mobilisés pour nous permettre l’écriture, le contrôle passe du cortex supérieur au tronc cérébral, responsable de nos fonctions et de nos réflexes les plus basiques. Nous commençons à former les lettres et notre main se déplace de haut en bas à mesure que nos muscles se contractent et se relâchent les uns contre les autres. On parle de couple musculaire agoniste et antagoniste.
Toutes ces opérations s’enchaînent à une vitesse fulgurante, sans même qu’on s’en rende compte. Les lettres et les mots jaillissent de nos doigts sur le papier comme le feu d’une mitraillette, en un flot continu. Il nous faut seulement 150 millisecondes pour donner un trait de stylo, sachant que nous en produisons entre quatre et sept, soit l’équivalent de deux lettres, par seconde. Notre stylo se déplace à une vitesse de 200 mm par seconde. Le temps que nous remarquions avoir commis une faute, nous sommes déjà trois ou quatre lettres plus loin.
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Parmi tous les sacrifices exigés des jeunes mormons, le fait de ne pas pouvoir entrer dans une boutique Gap pour se choisir des boxers à motif dauphin ou s’acheter des caleçons Calvin Klein n’était sans doute pas la plus terrible des privations. Mais la perspective de devoir porter toute sa vie un maillot de corps et un caleçon long en coton blanc n’avait rien de très exaltant non plus. Jusqu’à récemment, les femmes n’avaient droit qu’à des sous-vêtements une-pièce, sortes de barboteuses en coton blanc. Heureusement, la modernité l’a emporté : elles sont désormais autorisées à porter des brassières de coton blanc et de larges culottes bouffantes.
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Sans surprise, la nouvelle religion de Smith se heurta dès le départ à un problème de crédibilité. La plupart des Américains réagirent exactement comme ils le firent un siècle plus tard face aux adeptes du mouvement raëlien ou de la secte Moon. L’histoire du mormonisme était aussi teintée de violence, à l’image des territoires qui la virent naître, où les armes à feu avaient souvent le dernier mot. Les schismes se réglaient fréquemment dans un bain de sang. La société secrète des Danites, ou « Anges vengeurs », était chargée d’éliminer les ennemis de la nouvelle religion. Mais l’aspect le plus controversé du mormonisme était sans conteste son acceptation de la polygamie.
Joseph Smith était un prédateur sexuel. En 1830, à l’âge de 25 ans, il lui fallut fuir précipitamment la petite ville d’Harmony, en Pennsylvanie, accusé par Hiel Lewis, la cousine de son épouse, de « comportement déplacé ». Une certaine Mary Elizabeth Rollins Lightner affirma qu’il avait tenté de la « séduire » alors qu’elle avait à peine 12 ans. Smith avait utilisé le boniment classique : au cours d’une vision, Dieu lui aurait ordonné de la prendre pour épouse plurale. Ces fameuses visions allaient se succéder tout au long de sa vie : au moment de son assassinat en 1844, il avait contracté plus de quarante « mariages célestes ». Les adolescentes semblaient particulièrement l’intéresser. Sa stratégie consistait à faire pression sur ses amis proches pour qu’ils acceptent de lui céder leurs filles ou leurs épouses, usant de flatteries ou de menaces pour parvenir à ses fins. C’était en même temps un test de loyauté, et une façon d’instaurer une forme de solidarité primitive et tribale au sein de sa communauté : en faisant des enfants aux femmes et aux filles de ses plus fidèles amis, il tissait de solides liens génétiques avec eux. En 1843, à l’âge de 37 ans, le fermier miséreux du Vermont était devenu le patriarche d’une vaste colonie implantée à Nauvoo, dans l’Illinois. Les tentes et les cahutes des premiers adeptes avaient cédé la place à 1 500 chalets en rondins et plus de 300 maisons en briques avec des échoppes et une loge maçonnique. Smith ouvrit un magasin d’alimentation générale. Les produits, achetés à crédit, n’étaient jamais remboursés. En 1842, il recourut à la méthode classique des escrocs : il se déclara en faillite.
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L'Église mormone était en possession d'un document historique inestimable, un ouvrage canonique intitulé le "Livre de Mormon".
Imaginez un mélange entre Le Seigneur des anneaux et le sermon le plus interminable que vous ayez jamais entendu (comportant notamment plus de 2 000 occurrences de l'expression "Et c'est ainsi que") [...] Mark Twain comparait sa lecture à du "chloroforme imprimé". Mais pour les fermiers illettrés qui buvaient les paroles de Joseph Smith [le prophète des mormons], le texte offrait à la fois une leçon d'histoire et une illusion rassurante.
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On dit qu'à l'âge de 10 ans, David Hume, le philosophe écossais du XVIIIe siècle, savait écrire en latin de la main droite tout en écrivant en grec de la main gauche. La capacité d'Hofmann à imiter autant d'écritures différentes relève d'une virtuosité tout aussi stupéfiante.
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Dans une interview accordée à la BBC, l'écrivain John Le Carré qui, dans sa jeunesse, avait travaillé pour les services secrets britanniques du M16, a parlé des délices de la trahison : cette satisfaction profonde que ressent l'espion à duper les autres. Mark Hofmann éprouvait la même chose en trompant les gens avec ses contrefaçons. Il en en tirait un sentiment de supériorité, et savourait la chose comme défi intellectuel.
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Il sortit les deux blocs de piles qu’il avait achetés quelques jours auparavant chez Radio Shack et débrancha une rallonge de l’une des prises électriques du sous-sol. Il inséra le tout dans une boîte en carton, qu’il posa à côté du poème. Ce n’était pas un chef-d’œuvre, se dit-il, mais ça ferait bien l’affaire.
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Hofman songea que Joseph Smith avait dû ressentir la même chose en voyant
des hordes de gens naïfs rejoindre les rangs d’une religion qu’il avait – presque
littéralement – sortie de son chapeau.
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Le capitalisme roi, un marché dopé par les coups de com’ et surtout un public crédule ayant plus d’argent que de bon sens : tous ces éléments ont fait de notre époque un nouvel âge d’or de la contrefaçon littéraire.
(…) à la fin des années 1990, quand le faux poème d’Emily Dickinson fut mis aux enchères, s’acheter un morceau du gâteau de mariage des Windsor, vendu chez Sotheby’s à New York pour 27 000 dollars, était du dernier chic pour les amateurs de glamour rêvant de s’offrir une part (sans mauvais jeu de mots) des célébrités qui les fascinaient. Et comme l’a montré la vente des objets personnels de Marilyn Monroe chez Christie’s, il n’y a pas de limite à ce que les gens sont prêts à dépenser pour se rapprocher de leurs idoles : le nécessaire à maquillage de la star, estimé à 1 000 dollars au départ, est parti pour un quart de million. La même année, la maison de ventes Guernsey’s, située elle aussi à New York, a adjugé la balle de base-ball frappée par Mark McGwire lors de son 70e home-run pour 3,2 millions de dollars. (…)
C’est notre obsession de la célébrité qui est à l’origine de la plupart des scandales de contrefaçons littéraires de ces vingt-cinq dernières années. Qu’il s’agisse de la fausse autobiographie du milliardaire reclus Howard Hughes par Clifford Irving, de la fausse correspondance entre JFK et Marilyn Monroe apparue à New York au début des années 1990, ou du journal intime de Jack l’Éventreur, prétendument retrouvé en Angleterre en 1993, ce sont toujours les nouvelles révélations « explosives » contenues dans ces documents qui augmentent leur valeur. La plupart de ces faux sont médiocres d’un point de vue technique. Mais le tourbillon permanent de l’info, la course aux scoops et le manque d’éthique des médias ont rendu le public prêt à croire n’importe quoi.
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Les faussaires n’ont pas toujours été poussés par l’appât du gain ; c’est même un phénomène relativement récent. Patriotisme échevelé, haine de l’autorité, soif de prestige ou besoin de réinvention personnelle ont longtemps été leurs principales motivations. La contrefaçon servit à des fins religieuses et politiques ; elle fut employée pour tromper, influencer ou discréditer un ennemi. La reine Élisabeth Ire eut recours à de fausses lettres pour faire condamner Mary Stuart. Durant la Seconde Guerre mondiale, les alliés firent imprimer de faux timbres à l’effigie de Hitler en tête de mort pour miner le moral des Allemands. Un manuscrit conservé au British Museum avait dû faire rêver plus d’un alchimiste en détaillant la formule qui transformait prétendument le métal en or.
Les faussaires sont souvent attirés par l’aspect ludique et créatif de leur art. Il faut beaucoup d’érudition, d’inventivité et d’heures de recherches pour truquer les pièces du grand puzzle de l’Histoire.
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Hofmann mit donc ces compétences à profit pour dissimuler son agnosticisme croissant. Soucieux de garder les apparences, et de ne surtout pas décevoir ses parents, il fit semblant de continuer à adhérer à un culte auquel il ne croyait plus. Il dut prêter serment sur le Livre de Mormon, qu’il considérait comme une œuvre de fiction. Il apprenait la leçon la plus néfaste qui soit pour un enfant : qu’il était dangereux d’être soi-même. S’il avouait ses doutes à l’égard de la théologie mormone, s’il continuait à parler d’évolution ou de philosophie, il perdrait définitivement l’amour de ses parents. Ils l’aimaient seulement lorsqu’il jouait un rôle. Peu à peu, il laissa donc tomber ses provocations pour rentrer dans le rang, se cacha derrière un masque et commença à mener une double vie. Cela généra une confusion intérieure énorme, ainsi qu’un ressentiment profond envers ses parents et la culture qu’ils représentaient.
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Les mormons croient au châtiment collectif. La moindre infraction aux lois de l’Église par un membre de la famille peut anéantir les chances de vie éternelle pour tous les autres.
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En 1844, sa mégalomanie était à son comble lorsqu’il annonça sa candidature aux élections présidentielles. Il se présenta comme « le Roi, le Prêtre et le Souverain d’Israël sur Terre » et prédit que tous les gouvernements, y compris celui des États-Unis, finiraient par se soumettre au « gouvernement de Dieu » pour fonder le Nouvel Ordre mondial dirigé par lui. La colonie mormone de Nauvoo commençait déjà à ressembler à ce que serait la future secte de Waco au Texas un siècle et demi plus tard. Elle était sous le coup d’accusations d’immoralité et d’enlèvements d’épouses. Les « Anges vengeurs », dépeints des années plus tard par Conan Doyle dans Une étude en rouge, une enquête de Sherlock Holmes parue en 1887, parcouraient la campagne pour harceler, intimider – et parfois même assassiner – les dissidents de l’Église. 
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Les visions du prophète redonnaient foi aux gens comme lui – pauvres et malmenés par l’existence – en les convainquant que l’Amérique était bien la terre promise, tout compte fait. Le mormonisme était une religion 100 % made in USA. Selon Smith, la véritable Église avait été dévoyée peu de temps après la mort du Christ, avec la « Grande Apostasie ». La construction du Vatican, Luther et la Réforme, à vrai dire toute l’histoire occidentale depuis l’an 100 jusqu’en 1832, l’année de sa naissance, n’avait été qu’une longue hallucination collective. Seules les révélations de Smith permettaient de restaurer la véritable Église chrétienne. Les adeptes du nouveau prophète s’appuyaient sur trois grands principes : Smith était en contact direct avec Dieu, il avait restauré l’ancien clergé datant d’Abraham et de l’Ancien Testament, et surtout, l’Église mormone était en possession d’un document historique inestimable, un ouvrage canonique intitulé le Livre de Mormon.
Imaginez un mélange entre Le Seigneur des anneaux et le sermon le plus interminable que vous ayez jamais entendu (comportant notamment plus de 2 000 occurrences de l’expression « Et c’est ainsi que ») : voilà en quoi consiste le Livre de Mormon. Mark Twain comparait sa lecture à « du chloroforme imprimé ». Mais pour les fermiers illettrés qui buvaient les paroles de Joseph Smith, le texte offrait à la fois une leçon d’histoire et une illusion rassurante.
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