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Critiques de Stéphanie Dupays (137)
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Un puma dans le coeur

Que signifie le titre du nouveau roman de Stéphanie Dupays ? Un puma dans le cœur est l’histoire d’une quête, pour aller voir derrière le miroir, et remettre en cause les évidences que la légende familiale a construites pour cacher la réalité.



La légende d’une arrière-grand-mère spécifiait qu’elle était morte de chagrin à la mort de son mari. Beau romantisme !



Mais, quand les dates, issues de l’Etat Civil, révèlent qu’en fait, il s’est passé 40 ans entre le décès du mari et celui de cette femme, le mythe familial s’effondre pour la petite fille qu’est la narratrice. Puis, quand elle découvre que sa mère a été placée quatre ans sans que sa mère la réclame, l’enquête commence !



Seulement, ce n’est jamais un chemin tout tracé ! Il faut du temps pour reconnaître, digérer et faire remonter les souvenirs pour que de nouvelles représentations se construisent.



Et, puis, il y a la vie, les chagrins quelquefois, la surprise du hasard, aussi et l’enquête rebondit.



Pas besoin d’être passionné(e) de généalogie pour être touché(e) par ce récit qui analyse les répercussions de la vie des ascendants comme “un choc sur un pare-brise, ça irradie sur les descendants”.



Stéphanie Dupays confronte l’origine de son milieu et sa façon de vivre du paysage des coteaux de Grave à la fourmilière parisienne. Lorsque l’émotion inonde le ressenti de sa narratrice, l’écrivaine a recours à la poésie, comme pour la mettre à distance, pour la poser là, pour se l’approprier ou encore pour en désamorcer son onde.



Mais, en plus de l’aspect littéraire, c’est un résumé historique de la prise en charge de la maladie mentale au 19è siècle, surtout pour les femmes. Le titre dévoile ainsi sa signification au cours de la seconde partie.



Un puma dans le cœur est un conte émouvant, touchant et littérairement maîtrisé que présente Stéphanie Dupays sur l’histoire d’une aïeule que la rumeur familiale avait figée en amoureuse éperdue pour en cacher la vérité.
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Un puma dans le coeur

Si vous aimez tout ce qui touche aux secrets de famille, à la psychogénéalogie, alors, ce livre est pour vous.

Pour ma part, je l’ai dévoré ( lu en quelques heures)

Une grande partie de ce livre est consacré à la vie des patients des asiles psychiatriques.
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Un puma dans le coeur

La légende familiale dit que l’arrière-grand-mère de la narratrice est morte de chagrin, le coeur brisé après avoir perdu ses deux fils et son mari. Personne n’en dit autre chose. Le caractère taiseux des descendants d’Anne Décimus fait le reste. Pourtant la curiosité de la narratrice l’amène à une découverte étrange. L’aïeule est décédée à plus de quatre-vingt ans. De plus des arrièrés de frais d’hospitalisation avaient été réclamés à la famille dans les années soixante ! Derrière le silence se cache forcément une histoire tout autre que celle qui circule peu et mal.

Avec la pugnacité et les accès que sa profession autorise, la narratrice part sur les traces de cette arrière-grand-mère entourée d’un voile de mystère, et découvre un trésor irremplaçable.



Magnifique quête des origines, destinée à combler les non-dits de la famille dont on sait que l’ignorance volontaire n’est pas sans conséquence sur les comportements hérités sans le savoir, le roman restitue aussi une superbe histoire de la psychiatrie du vingtième siècle, avec ses balbutiements pseudo-scientifiques jusqu’à une structuration fondée sur des connaissances qui se consolident au cours des décennies.







Les lettres recueillies sont un bel exemple des liens entre la folie et la création, dont Antonin Artaud ou Camille Claudel ont été des exemples illustres, et qu’Anne Décimus ne dément pas.



Parcouru avec un grand plaisir, ce roman est un bel hommage à la famille et ce qu’elle représente de capital pour la sérénité des générations présentes et futures.





208 pages L’Olivier 10 février 2023

Sélection Prix Orange 2023




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Un puma dans le coeur

Histoire d'un secret de famille. Proche de sa grand-mère orpheline qui se dérobe à ses questions, l'auteure enquête sur la disparition de son arrière-grand-mère, Anne. le père et les deux frères d'Anne sont morts dans le premier après-guerre et selon la tradition familiale, Anne aurait succombé à ces deuils, « le coeur brisé », laissant deux filles, l'une internée dans une maison de redressement et l'autre — la grand-mère de l'auteure — confiée à un orphelinat. Une recherche sur internet lui apprend qu'en réalité Anne est morte beaucoup plus tard, en 1964, à l'adresse d'un asile d'aliénés proche de Bordeaux. Son enquête piétine, et sept ans après la première révélation, l'auteure accède au « Registre des aliénées placées volontairement et d'office dans l'asile de Bordeaux » pour 1921, puis aux notes des aliénistes, et surtout aux lettres adressées par Anne à ces derniers.



Dans ses lettres signées « Anne Décimus, fille du Soleil », Anne demande sur un ton conciliant à être délivrée, puis à se voir confier des activités d'écriture. Les médecins ne lui répondent pas, ou leurs réponses ne sont pas conservées. Un registre administratif consigne l'absence d'évolution, sans mentionner de diagnostic sinon des périodes d'agitation. Faute de mieux — de la part du dossier lapidaire ou de la grand-mère dans le déni —, l'auteure se documente sur l'entrée en hôpital psychiatrique à l'époque : placement libre à la demande du patient, placement volontaire à la demande de l'entourage, ou placement d'office décidé par le préfet en cas de risque pour l'ordre public. On ne sait pas s'il s'agit d'un placement d'office ou d'un placement libre (et à la demande de qui ?), de même qu'on ne sait pas qui a décidé de confier la grand-mère à un orphelinat alors qu'elle avait d'autres parents.



Le livre documente aussi le quotidien de l'asile et les terribles restrictions alimentaires et de soin qui ont touché l'institution psychiatrique pendant la guerre de 39-45 — l'asile de Bordeaux a connu un sort relativement bénin —, et les traitements disponibles à l'époque : contention, douches, traitements de choc (cardiazol, hypoglycémie insulinique, électrochocs apparus dans les années 40), sans qu'on sache si Anne les a subis. La dimension de l'enquête est enrichie par les têtes de chapitre citant une cinquantaine d'auteurs, de Dante à Duras, et par les méditations de l'auteure présentées en vers libres.

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Un puma dans le coeur

Une enquête ou plus exactement une quête sur un passé où un mensonge a fait son lit pour l’enjoliver … l’auteur, à parti de minuscules indices et un sacré travail de consultation d’archives notamment concernant l’hôpital psychiatrique de Cadillac va patiemment reconstituer le puzzle de ce qui lui a été caché. Peut-on se construire et s’épanouir malgré des secrets de famille qu’inconsciemment on ressent ? un beau roman où la sincérité de l’auteur affleure et qui m’a de plus séduite me rappelant ma région rendant l’immersion d’autant plus aisée
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Un puma dans le coeur

Un mélange de récit personnel et de fiction qui nous entraîne dans les méandres de la psychiatrie d'avant guerre. La beauté d'une ancêtre qui se découvre par l'écriture et lui redonne l'humanité qui lui a été confisquée. Et nous, lecteurs qui suivons le cheminement intérieur d'une narratrice profondément bouleversée par ses découvertes.
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Un puma dans le coeur



« Dans la galaxie des disparus de ma grand-mère, une figure me fascinait quand j’étais enfant : sa mère Anne. « Morte de chagrin », « le cœur brisé ». À force d’entendre ces expressions chaque fois que mon arrière-grand-mère était évoquée, j’avais tissé autour de mon ancêtre un destin d’héroïne tragique ».



Peut-on vraiment mourir de chagrin ? Le cœur peut-il se « briser » au sens littéral du terme ? Intriguée, la narratrice va se mettre à la recherche de cette ancêtre pour laquelle elle ressent une certaine forme de proximité. Très vite, elle découvre que, contrairement au récit familial, son arrière-grand-mère n’est pas morte juste après son mari mais près de 40 ans plus tard. Que s’est-il passé pendant cette longue période ? Comment la vie de cette femme a-t-elle pu être ainsi effacée ? Pourquoi ses deux filles ont-elles été placées ? La grand-mère de la narratrice ignore-t-elle vraiment le destin de sa mère, elle qui est à l’origine de cette «légende familiale » ?



Telle une spéléologue, l’auteure fouille les mémoires, les archives, animée par un besoin impérieux de sortir son aïeule du secret de famille dans lequel elle a été enfermée… à double tour.



Mêlant fiction et récit personnel (en quelle proportion ?), la narratrice nous raconte avec précision et poésie le parcours de cette femme effacée signant là un magnifique hommage d’une profonde humanité. Un livre triste certes mais lumineux tant l’auteure fait preuve de ténacité et de grandeur d’âme.



Une bonne claque littéraire !

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Un puma dans le coeur

Stéphanie Dupays vient d’une famille modeste et taiseuse où règnent les “à quoi bon” et les “c’est comme ça.” Pourtant, elle n’a pas reçu le silence en héritage puisqu’elle a choisi les mots, entre littérature et poésie. Dans son dernier roman, elle explore sa “crypte intérieure”, ce lieu secret où se terrent des douleurs anciennes. “Quelque chose remue au fond de ma poitrine, quelque chose à quoi je peine à donner un nom.”



Persuadée que cette inquiétude d’aujourd’hui vient d’ailleurs, ou plutôt d’avant, Stéphanie interroge ce qui reste de sa famille maternelle : les Décimus. “Une famille restreinte, quelque peu ratatinée” qui porte déjà la tragédie et le malheur dans son nom. Sa grand-mère évoque son carnage intime : ses deux grands frères trop vite disparus, son père décédé d’une crise cardiaque et sa mère morte de chagrin. Le cœur brisé, selon l’expression consacrée. Mais Stéphanie tombe sur un registre d’état civil où une date met fin à la légende familiale : Anne Décimus n’est pas morte le cœur brisé. Elle a été internée pendant près de quarante ans dans un hôpital psychiatrique.



Pendant plusieurs années, Stéphanie mène l’enquête pour comprendre ce tremblement en elle, ce mensonge de quatre décennies. Il lui faut beaucoup de patience pour déloger les secrets du passé, beaucoup de temps pour parcourir le temps, beaucoup de silence pour trouver les mots.



Si le récit revêt une dimension historique, retraçant les grandes avancées de la psychiatrie, l’écriture sensible, respectueuse à l’extrême, ne cesse de glisser vers la poésie. Dans les titres des chapitres mais aussi à l’intérieur du texte. “Quand l’émotion déborde de la phrase, je l’attrape dans le vers.” Comme ici lorsqu’elle cherche comment



“Approcher le mystère

sans appuyer

avec la douceur

d’un oiseau laissant l’empreinte de ses pattes

dans la neige”



L’émotion est à son comble lorsque les mots de l’aïeule affleurent au milieu des siens. Des mots oubliés, enfermés, comme un fauve en cage, ici enfin libéré.
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Un puma dans le coeur

Cette quête intime rentre vite dans le vif du sujet : l’autrice veut résoudre un mystère et détricoter la légende familiale. Tout au long de son texte, Stéphanie Dupays cohabite avec son aïeule dont la présence devient obsédante. Elle doit alors quitter le présent pour comprendre le passé. Il y a bien entendu le recours aux archives mais surtout l’appel à ses proches. Or personne ne veut (ou ne peut) répondre aux questions qui entourent Anne Décimus.



Stéphanie est seule et la raison du présent ne peut se protéger de ses questionnements intérieurs. Le récit est tenu par la dualité vécue par la narratrice. Elle se laisse submerger par la nécessité d’aller au bout de cette intrigue. Ce déclic, au-delà de l’émotion, permet de s’approcher d’Anne Décimus et de rentrer dans la seconde partie du texte, plus émouvante et intense. La connexion qui se fait alors, au-delà du temps, apporte du souffle à la narration. C’est un livre dont il faut suivre le fil si on veut atteindre son cœur. Le rythme des mots suit un chemin parcouru par l’écrivaine, ce qui démontre une véritable sincérité dans son travail. Elle nous mène vers son arrière-grand-mère et sa condition spécifique dans la première moitié du XXe siècle.



Au-delà de la question même du secret, Stéphanie Dupays esquisse la place de l’absence, de la perte dans la construction des adultes et de l’ensemble familial. Le roman ne prend pas la forme d’une enquête mais d’une douleur intime qui pèse sur le cœur de l’autrice. L’émotion se soigne par le besoin de réveiller une voix, celle d’Anne Décimus.
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Un puma dans le coeur

On sait, depuis les découvertes de l’épigénétique, que les traumatismes vécus par un aïeul peuvent s’inscrire dans nos gènes. C’est de cela qu’il est question, entre autres, dans ce magnifique Un puma dans le coeur. La romancière Stéphanie Dupays, comme sa mère et sa grand-mère avant elle, souffre d’angoisses, d’inquiétudes constantes, en apparence sans trop savoir pourquoi.



Alors que sa mère se plonge dans une recherche généalogique et s’intéresse à un ancêtre lointain, l’autrice se rend compte, elle, que son arrière grand-mère Annie Decimus, qu’elle croyait morte dans les années 20, s’est en fait éteinte 40 ans plus tard. Interloquée - sa grand-mère, orpheline, lui a toujours affirmé que sa mère est morte de chagrin après le décès de ses frères et de son père - Stéphanie Dupays va se lancer dans une enquête qui la conduira aux portes d’un asile et de la folie. Confrontée au déni de ses proches, elle approfondira sa recherche, traçant le portrait poignant d’une femme au terrible destin.



Secret de famille, déni de réalité, on ne peut qu’être touché par ce livre poignant, mi-document, mi-roman, qui en plus de creuser dans les soubassements d’une famille nous fait découvrir l’univers d’un asile psychiatrique des années 20 aux années 60. Certains livres résonnent particulièrement en soi, Un puma dans le coeur est de ceux-là.
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Un puma dans le coeur

Les ténèbres voguent sur génération

et les disparus s’égrènent devant la petite fille curieuse

la nuit sur l’enfance

la mort en errance

un foie meurt d’amour

un petit tiret pour l’existence

entre les chiffres une vie dépliée

un chagrin sous asile et orphelinat

la perte traverse en cristaux

sollicite la tristesse

le déficit de langue comblée à coup de papier

vorace la tendresse en silence pourtant

une boite à biscuit pour les souvenirs

le cœur brisé adopté

sur le bord piétiné

le silence se fraie un chemin vers la descendance

elle puise les mots du cœur fou

du corps caché

la psychiatrie cogne réalité et l’humanisation de désenchantée

Anne écrit Anne partage Anne s’efface

une arrière-petite-fille découvre une arrière-petite-fille poursuit

les corps vaincus jamais tout à fait oublié

le félin au cœur plein

gronde

si on tend les yeux

les morts silenciés

nous apprivoisent





J’aurais aimé être inspectrice du travail, l’envie de désencombrer le manque d’humanité dans des structures qui devraient en déborder. Je sens la fougue et l’éthique dans les lignes de l’autrice, c’est plutôt rare et beau l’engagement véritable surtout face institutions, complexité de conserver ses valeurs intactes face capital qui régit aussi le service public. La sensibilité et le milieu d’origine font une autrice face monde réaliste.

Et puis la famille et puis la folie en toile de fond minutieusement documentée et les poèmes qui ponctuent et la langue qui coulent grave et solide fondent réussite.



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Un puma dans le coeur

Entre récit intime et roman, ce livre m’a totalement happée le temps d’un après-midi. Je l’ai littéralement dévoré !

La narratrice raconte une sorte de légende familiale, son arrière-grand-mère serait « morte de chagrin, le cœur brisé » suite aux décès de ses 2 fils puis de son mari. Sa mère entame des recherches généalogiques mais ne maîtrisant pas Internet, elle ne va pas au bout de son entreprise. Alors la narratrice saisit dans un moteur de recherche connu le nom de son aïeule et découvre des dates différentes qui dévoilent qu’elle a vécu âgée : Anne Décimus 1875-1964. Alors pourquoi sa grand-mère se dit orpheline et pourquoi a-t-elle été confiée à un orphelinat ?

Elle n’obtient aucune réponse de sa grand-mère dont la mémoire sombre. Peu à peu elle va rassembler les pièces du puzzle de la vie d’Anne Décimus. Elle consulte les archives, demande des autorisations. A force de patience et de ténacité, la lumière sur ce secret de famille se fait.

C’est tout simplement passionnant. On suit le cheminement de la narratrice. On vibre avec elle lors de ses découvertes. Et bien sûr on se pose aussi des questions.

C’est le premier roman de Stéphanie Dupays que je lis et j’ai très envie de lire ses précédents. D’ailleurs son premier roman a fait partie d’une sélection des 68 premières fois, un signe qui ne trompe pas !

Et quel titre ! Magnifique. Les titres de chapitres sont aussi très beaux et correspondent à des livres dont la liste se trouve en fin d’ouvrage.

« On traverse des nuits qui vous changent de règne »

« Comment rassembler les milles infimes débris de chaque homme »

« Tu sais que c’est l’obscur de ton cœur qui guérit »

J’ai beaucoup aimé ce roman, un peu moins la deuxième partie qui aborde l’histoire des établissements psychiatriques et de la psychiatrie. Petit bémol qui en fait un presque coup de cœur de la sélection du Prix Orange du livre 2023 ! Parce qu’à la fin il doit en rester 5 puis 1 ! Le choix est rude.
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Un puma dans le coeur

L’arrière-grand-mère oubliée



À partir d’un extrait du registre des décès, «Anne Dèche née Décimus 14 mai 1875 - 14 mars 1964», Stéphanie Dupays raconte l’enquête qu’elle a mené pour retrouver l’histoire de son arrière-grand-mère, «oubliée» par sa famille durant quarante ans. Un récit bouleversant.



La narratrice occupe un poste au ministère de la santé et des affaires sociales, loin de son sud-ouest natal. Sa vie parisienne est désormais comme déconnectée de ses racines. C’est ainsi que, quand le TGV la mène à Bordeaux, elle a l'impression d'arriver dans un autre monde. Ses parents continuent de mener leur vie, de jardiner, sans s'épancher. Aussi n'est-ce pas sans étonnement qu'elle découvre que sa mère a trouvé une nouvelle occupation, la généalogie. Mais avec ce nouveau loisir, elle atteint très vite ses limites, ne parvenant pas à trouver trace cette arrière-grand-mère que la légende familiale dit morte d'un chagrin d'amour. Du coup, elle sollicite sa fille afin de l’aider à compléter son arbre généalogique. À l'heure d'internet, il suffira à cette dernière de quelques clics pour que le registre des décès de Gironde affiche l'information souhaitée: «Anne Dèche née Décimus 14 mai 1875 - 14 mars 1964».

Deux dates qui entrainent une réécriture de l'histoire familiale. «Ce soir-là je pressens que l’histoire familiale qui passe de "matière solide et stable de lieux et de faits" à "un tissu lâche et mouvant de souvenirs déformés, de fantômes errants et de mensonges. (...) Je sens que derrière le récit autorisé se presse une réalité difficile à cerner mais impossible à écarter.»

Intriguée par cette longue vie qui n’a pas laissé de traces, elle cherche et interroge, découvre que cette ancêtre a été internée en asile psychiatrique où elle est décédée, quasiment oubliée des siens.

«Mes parents ne comprennent pas pourquoi cette histoire me bouleverse. Ils restent indifférents à ma quête. (...) Ma mère dit: "De l'eau a coulé sous les ponts". Mon père dit: "C'était une autre époque, les gens se posaient moins de questions que maintenant."»

Mais les temps changent. Aujourd'hui, on étudie l'hérédité et la psychogénéalogie, on cherche comment se transmet l'héritage. Ce sont dès lors ces voies que part explorer la narratrice. Elle va explorer les rares documents qu'elle retrouve sur l'asile où Anne a été internée, chercher des témoins, tenter de percer ce secret de famille: comment Anne a-t-elle vécu plus de trente années sans que sa famille se préoccupe d'elle? Comment occupait-elle ses journées? De quoi est-elle morte? Où est-elle inhumée? Quand sa mère lui assène «Il n'y a rien à raconter. Nos vies ne sont pas des romans», elle y voit un encouragement à lui prouver le contraire, à poursuivre une enquête. Comme elle le souligne dans un texte confié au site Actualitté, elle va chercher à organiser le chaos: «Je pose sur le papier les faits, les dates, les souvenirs comme autant de petits cailloux en espérant qu’ils dessineront un chemin. Je convoque l’archive administrative, la médecine, la sociologie pour m’aider à approcher la vie d’Anne Décimus.»

Outre la vie de l'aïeule, on y explore l'histoire de la psychiatrie ou encore le sort des internés durant la Seconde guerre mondiale. Instructif et émouvant, ce troisième roman de Stéphanie Dupays, après Brillante (2016) et Comme elle l’imagine (2019) vaut aussi pour sa forme. La romancière choisit en effet de dire «je» pour ne pas ajouter de la fiction au mensonge. Elle prend toutefois soin de compléter sa prose de poésie, entre haikus et plus longs poèmes qui soulignent les émotions ressenties et offrent une transition, une respiration dans cette quête difficile et par trop lacunaire. «La documentation m’a ouvert le passage pour comprendre ce qu’elle a vécu. Et la poésie m’a permis d’affronter le bouleversement, d’oser exprimer une émotion, pas frontalement, mais par la grâce de l’image.»


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Un puma dans le coeur

Mêlant fiction et récit personnel, Stéphanie Dupays redonne une voix à son arrière-grand-mère. Une femme réduite au silence, dans un asile bordelais, pendant quarante ans.
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Un puma dans le coeur

Un puma dans le coeur

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La narratrice grandit en Gironde dans une famille réduite à sa plus simple expression : des parents et une grand-mère, « une famille restreinte » « quelque peu ratatinée ».

A défaut de descendance sa mère se concentre sur son ascendance, mais ses recherches achoppent sur le certificat d’Anne Decimus, sa grand-mère,  qui reste introuvable. Quand par quelques recherches informatiques la narratrice le retrouve, elle identifie que son arrière grand-mère, censément décédée en 1924, «morte de chagrin, le cœur brisé » avait finalement vécu quarante années supplémentaires. Quarante années qui viennent ternir la légende de cette mort romantique, vécues comme une anecdote pour sa mère, dans l’indifférence par sa grand-mère, mais comme un cataclysme par elle, la menant dans une enquête au sein de sa propre famille pour reconstituer les raisons de ce secret.

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Comment se transmet la mémoire au sein d’une famille ? jusqu’à quel point est-elle sélective au point d’occulter des faits avérés ? Comment réagir à la révélation de secrets enfouis ? C’est la question que pose ce beau livre. Roman, récit, document ? Voilà un livre bien difficile à qualifier. Auto-fiction en tout cas,car c’est de sa propre famille que nous parle Stéphanie Dupays, dans un récit éminemment intime. Une quête au long cours qui l’interrogera sur la transmission de l’histoire familiale et la plongera dans l’histoire de la psychiatrie au siècle dernier. 

Un récit qui se lit comme une enquête, dont on suit avec avidité les rebondissements, et qui dresse le portrait d’une femme étonnante, et intrigante à la fois. Une femme à la personnalité complexe, qui pour supporter sa peine cadenassera le puma enfoui dans son cœur, une femme à la longévité étonnante en dépit d’une vie enfermée, d’une vie empêchée. J’ai aimé aussi le questionnement de l’auteur, son incessant vacillement entre recherche de vérité et peur de blesser les siens, entre sérénité du silence et besoin de vérité, qui donne à son texte à la fois pudeur et urgence. La forme est aussi à noter, car elle entremêle faits et poèmes, dans une prose à la musicalité délicate.

Un livre comme un hommage à ces années perdues et comme un lien réparateur entre ces générations de femmes.

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Un puma dans le coeur

Coup de cœur absolu !

J’avais lu « Brillante » le premier roman de l’autrice qui était très bon dans un autre genre (une satire féroce du monde du travail), mais ce nouveau roman (récit ?) est immense. Stéphanie Dupays renouvelle le genre du secret de famille qui a fait couler beaucoup d’encre.

Le livre commence par une déflagration : l’autrice apprend que la belle légende qu’on lui avait racontée sur son arrière-grand-mère morte de chagrin « le cœur brisé » après la perte de son mari est fausse : l’aïeule a survécu cachée dans un asile pendant 40 ans. Elle en perd sa voix, ne comprend pas pourquoi cette histoire la touche autant. Des années après, le fantôme de cette femme la suit toujours et quand grâce à un heureux hasard elle se trouve à l’asile où son arrière-grand-mère a été enfermée elle reprend l’enquête. Ce qui est très fort c’est qu’elle parvient à mêler de façon très naturelle des genres différents : un récit intime bouleversant, des moments de désarroi poétiques et une enquête captivante et instructive sur le fonctionnement des asiles, l’enfermement et le secret. Parfois même l'autodérision de l'autrice tire un sourire.

Prenant appui à la fois que les poèmes et sur les archives, elle avance avec acharnement dans les sables mouvants de la mémoire familiale. Elle traite des questions profondes qui m’ont fait réfléchir longtemps après la lecture : de quoi hérite-t-on ? La souffrance se transmet-elle aux générations suivantes ? Comment se libérer du passé ?

Tout est juste, subtil et bouleversant et ça se lit comme un thriller. Le livre est magnifiquement écrit, j’ai souligné plein de phrases que j’ai envie d’apprendre par cœur.

« Ta tête contre les murs

rêve des nuages

Puis l’automne

Puis l’hiver

chaque journée semblable à la précédente

tu doutes qu’un jour la neige puisse fondre

le printemps revenir »

« Des décennies après j’ai peur du noir

et je m’acharne à défoncer

les portes fermées »

Cette douceur, cette beauté dans l’écriture rendent le livre apaisant et lumineux malgré la profondeur de son sujet. L'humour discret aussi est bienvenu, face à l'horreur de cette histoire c'est une arme dont l'autrice fait usage.

Je pleure rarement en lisant mais l’écriture sublime et intense de Stéphanie Dupays m’a fait fondre plusieurs fois (les poèmes en vers et le chapitre final sont bouleversants).

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Un puma dans le coeur

Ce récit, autobiographie ou fiction, évoque la transmission des histoires familiales. Les enfants les entendent dès leur plus tendre enfance, ne les remettent pas en question et les transmettent ainsi, à leurs propres enfants.

Vérités, dissimulations ou mensonges transmis dans le marbre de l’histoire de chaque famille.



C’est le cas de l’arrière grand-mère de la narratrice, Anne Décimus : elle est morte de chagrin, au décès de son mari. Le concept de « cœur brisé » prend alors tout son sens, se charge de gravité et de compassion pour les descendants.

Sauf que… l’auteure va découvrir qu’Anne est décédée quarante plus tard…

Il est d’autant plus important de connaître enfin la vérité, que la santé de la grand-mère est chancelante, et surtout, qu’elle a vécu la plus grande partie de son enfance dans un orphelinat, puisque à priori, elle avait perdu ses parents.

Savait-elle que sa mère était encore en vie ?

Avec beaucoup de difficultés, l’auteur enquête et comprend que l’aïeule a été internée…



Deux thèmes m’ont intéressée dans ce récit, que Stéphanie Dupays a particulièrement bien mis en valeur

- L’historique de nos ancêtres, les parties grises ou noires qu’on a voulu cacher à un moment ou à un autre, marquent nos personnalités, nos éducations, nos parcours de vie. Il suscite (l’historique) la volonté de vérité pour certains, la volonté d’oubli ou de déni pour d’autres.

C’est parfaitement bien exprimé par les parents de l’auteure :

« Ma mère dit : « de l’eau a coulé sous les ponts »

Mon père dit : « c’était une autre époque, les gens se posaient moins de questions que maintenant. »

On a entendu aussi cette réponse à propos du harcèlement sexuel et d’incestes : « c’était une autre époque. » Une façon comme une autre de dire, « c’est normal. »



Ce qui m’a intéressée aussi est l’environnement psychiatrique de l’époque, au début du vingtième siècle. Le terme de « folie » englobait souvent bien des pathologies bien différentes, et surtout des traitements appropriés. Prison ou soins ?

C’est très factuel mais évoqué avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.



J’ai regretté de ne pas entrer dans l’écriture de Stéphanie Dupays, que j’ai trouvée un peu pompeuse, ou « surjouée », par moments. Opinion tout à fait subjective…



Lu dans le cadre du prix Orange 2023.
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Un puma dans le coeur

Autrefois, on disait : "Tierce fois, c’est droit." A présent on dit plutôt : "Jamais deux sans trois." J’ai effectivement beaucoup aimé le troisième roman de Stéphanie Dupays "Un puma dans le cœur" comme j’avais, de la même façon, apprécié les deux premiers : "Brillante" et "Comme elle l’imagine".



Ce troisième roman m’a enthousiasmée et bouleversée à la fois. La lecture terminée, il reste présent, fond d’écran inoubliable. A la fois récit et enquête romancée, s’y mêlent fiction et réalité, prose et poésie, le tout dans une langue belle et simple, limpide et maîtrisée. Les chapitres, introduits par des titres magnifiques racontent l’histoire de l’arrière-grand-mère de l’auteure, Anne Dèche, née Décimus en 1875. Contrairement à la légende familiale qui la disait "…morte de chagrin, le cœur brisé" après le décès de son mari, elle est, en réalité, décédée quarante ans plus tard, oubliée de tous.

"J’ai souvent lu que les traumatismes se transmettent de génération en génération. Il m’arrive de penser que la pluie de catastrophes qui s’est abattue sur ma grand-mère avait certainement à voir avec l’inquiétude de ma mère et avec la mienne." Justement sa mère s’est mise en tête de faire des recherches généalogiques et c’est pour lui apporter son aide – tenter de retrouver l’acte de décès de son arrière-grand-mère – qu’elle se lance dans la recherche et découvre le pot aux roses.. Ainsi, elle s’appuie sur des archives retrouvées et découvre qu’elle fut internée en hôpital psychiatrique.



Il s’agit donc là, à la fois de l’histoire d’Anne Decimus et de celle de la psychiatrie. Le tout est absolument passionnant, détaillé. On apprend le cheminement réalisé pour trouver les traitements de ces pathologies mentales que l’on nommait folies. C’est douloureux, poignant, mais fort intéressant. Il y est aussi question d’épigénétique, cette science qui étudie l’influence de l’environnement sur l’expression des gènes.



Bref, j’ai trouvé cet ouvrage fascinant qui réussit à faire renaître un passé douloureux avec beaucoup d’émotion, une grande rigueur scientifique, le tout à l’aide d’une écriture originale.



Magnifique !


Lien : https://memo-emoi.fr
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Un puma dans le coeur

La narratrice raconte la découverte d'un secret de famille et le silence autour qui a recouvert plusieurs générations. Alors que sa grand mère arrive à la fin de sa vie, la narratrice découvre que son arrière grand mère n'est pas décédé jeune comme on le lui a raconté mais a passé 40 ans de sa vie dans un asile.

Elle va alors enquêter sur cette aïeule et essayer de comprendre les circonstance et les conditions de sa vie dans cet hôpital psychiatrique.

Un roman touchant mais assez factuel. Il m'a manqué un petit plus dans l'écriture pour vraiment aimer cette lecture.

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Un puma dans le coeur

En faisant l'arbre généalogique de sa famille maternelle, une femme découvre que son arrière-grand-mère n'est pas décédée en 1924. Mais en 1964. Elle était hospitalisée dans un asile. Point de départ fou qui marque le début d'une enquête familiale.

Chapitres courts, petits poèmes en cours de route, ces 200 pages se lisent quasiment d'une traite. L'écriture accessible rend ce récit haletant. Cette femme qui enquête pourrait vous ou moi. Des années d'attente, des années de recherche plus ou moins intensives. Le tout avec un leitmotiv récurent : découvrir les pensées de son aînée. La proximité qu'entretient le lecteur avec la narratrice naît aussi du je-m'en-foutisme de ces parents. Peu intéressés par cette histoire, ils démontrent le caractère de nombreuses personnes nées dans les années 40/50. Le passé est le passé, qu'il reste où il est. Cette volonté de l'auteure de persévérer est incomprise par sa mère, ce qui renforce l'acharnement de l'enquêtrice. Au-delà des recherches sur son arrière-grand-mère, Un puma dans le coeur présente une relation d'une fille avec ses parents. Deux générations qui se confrontent & qui ne se comprennent pas. Avant une entente?

Le récit est d'une poésie incroyable, traite d'une filiation mais reste pudique. Un roman teinté de vérités sur l'hospitalisation des personnes fragiles dans les années 30 et durant la seconde guerre mondiale.

Le seul point négatif de ce livre somptueux reste les titres de chapitres : pompeux.
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