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Critiques de Takeo Arishima (5)
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Cette femme-là

Takeo Arishima est un enfant de l'ère Meiji, qui a sonné le temps de l'ouverture du Japon à l'Occident. Tel Soseki Natsume et Ogai Mori, il a fait des études, voyagé, et même vécu et travaillé en Europe et aux Etats-Unis. Cette femme-là est paru en feuilleton de 1911 à 1913, et avait d'abord en France été traduit dès 1926 chez Flammarion sous ce titre, réédité ici par Sillage en 2023, après une traduction un peu différente intervenue aux Editions Picquier en 1998 qui en avait changé le titre (les jours de Yôko).



Le livre est totalement centré sur la figure de Yôko Satsuki, qui n'est pas lâchée un instant durant ces quelques 150 pages. Sacrée femme en vérité ! Fille de famille très bourgeoise, son père était industriel, elle n'a de cesse de faire craquer le carcan traditionnel imposé aux femmes japonaises de son temps. Elle est belle, à la mode, adopte la religion catholique, et surtout fait tourner la tête des hommes, multipliant depuis sa jeunesse les conquêtes. Elle se dresse contre la domination masculine, tout en consacrant toutes ses pensées aux jeux de la séduction. Elle a ainsi eu de son premier amour sérieux avec un dénommé Kibe, journaliste correspondant de guerre, une fille, Sadoko. Non seulement c'est hors mariage, mais une fois la rupture consommée, elle n'a guère envie de s'en occuper et charge sa famille de le faire. Car elle a bientôt décidé de se marier avec son nouveau fiancé Kimura, parti aux Etats-Unis. Elle part donc tout excitée, davantage pour l'attraction de l'Amérique que par amour pour cet homme qu'elle juge faible, et dans une ambiance tendue avec ses proches, du port de Yokohama, après avoir confié ses soeurs aux bons soins de Kotô, un ami de Kimura, qui ne se laisse pas séduire si facilement et croit bien voir le jeu de Yôko.



La longue traversée sur le paquebot va être un terrain de jeu formidable pour celle qui ne cesse d'accrocher les regards, admiratifs et émoustillés des hommes, jaloux et rageurs des femmes. Yokô est une femme entière, virevoltante, instable, mais se révèle aussi être une joueuse, chasseuse, calculatrice et même cruelle envers ces hommes qu'elle méprise pour leur caractère apathique, falot, naïf ou soumis à sa volonté, et leurs épouses éventuelles avec lesquelles elle bataille. Alors quand elle fait la connaissance du commissaire de bord Kurachi, avec sa carrure d'athlète, sa voix rauque et son odeur de saké et de tabac mélangés, elle redevient femme-enfant, capricieuse, pleurnicheuse, rêveuse, et conquérante…car l'autre lui en impose et s'avère être un vrai mâle dominant. Le coup de foudre sera réciproque et inévitable, ce qui va à nouveau faire jaser dans le bateau…qui arrive au port de Seattle où Kimura l'attend pour le mariage et une vie à Chicago. Yokô qui ne tient plus à se marier avec ce tendre imbécile, va trouver un stratagème avec son complice pour ne pas débarquer et remettre son destin en cause…



Le roman est écrit dans un style classique, mais pas empoussiéré. L'auteur-narrateur plante bien le décor familial, et la traversée s'avère plaisante au gré des actions et humeurs de Yokô, tellement changeante. C'est comme si elle dynamisait le style, les dialogues sont vifs, intéressants, le jeu d'acteurs est très présent, parfois à l'image d'un vaudeville théâtral.



Le personnage de Yokô est contradictoire, excessif. Une petite pointe de lassitude et/ou d'incrédulité m'a saisi devant son obsession des hommes. Ce roman qui pourrait passer pour un manifeste féministe, à la gloire de cette femme moderne et forte, n'est en réalité pas si positif, car Yokô paraît souvent très autocentrée, obnubilée par son potentiel de séduction, allant jusqu'à humilier avec délice les hommes faibles, jouer avec leurs sentiments comme une chatte avec la souris qu'elle a attrapée. Heureusement, régulièrement, elle se rend compte de sa cruauté, et elle peut faire preuve d'une sorte de remord, consciente du mal qu'elle fait.



En conclusion, un bon roman qui brosse avec talent un portrait féminin complexe, d'une femme malgré tout attachante. On notera que Yokô, comme l'auteur, tout attirés qu'ils sont par la culture occidentale, demeurent très japonais à plusieurs niveaux : Yokô s'habille systématiquement en kimonos des plus beaux effets, comme si c'était un moyen de vanter le style nippon. Quant aux hommes de sa vie, pour elle qui rêve d'Amérique, ils sont tous des Japonais, même le commandant de bord Kurachi.

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Les jours de Yôko

Une lecture apaisante, poétique, bercée par les vagues de ce long voyage qu'entreprend la jeune et belle Yoko.

Cette jeune femme trop originale pour le Japon de l'époque, se prépare et part pour une Amérique inconnue où l'attend un mari inconnu que sa famille lui a choisi afin de la remettre sur le droit chemin, voie immuable que doivent suivre toutes les femmes japonaises, soumises et en silence.

On est loin des discours féministes habituels, ici tout est subtil, sous entendu, délicat...
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Les jours de Yôko

"Les jours de Yôkô" de Takeo Arishima me semble avoir été écrit sous l'influence des romans de Tolstoï, en particulier de son grand livre "Anna Karénine".



A mon avis, la "Karénine" japonaise en tant que personnage est plus dure, plus rusée, plus débrouillarde que la russe.



Je n'ai pas pu ressentir de la sympathie pour l'héroïne de Takeo, Yoko.

La critique littéraire pointe la "société" comme principale cause de tous les problèmes de Yoko, une société qui persécuterait toute femme faisant preuve d'indépendance d'esprit et en quête d'amour. Pour ma part, il me semble que Yoko s'enfonce elle-même dans l'impasse.



L'indifférence de Yoko envers Kimura, qui est amoureux d'elle, la froideur et le manque de cœur envers sa propre fille, la frivolité dans les relations avec Kurati - tout cela ne peut être compris et accepté, encore moins expliqué par la pression de la société. La solitude à laquelle Yoko se condamne à cause de son égoïsme découle naturellement de ses choix de vie et de ses actions.
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Les jours de Yôko

Portrait d'une femme des années 10 (le roman est paru en 1919) qui veut vivre comme elle l'entend, et assumer ses désirs.

Soit.

Pour autant le personnage est loin d'être sympathique. Elle est particulièrement agaçante, poseuse, puérile, et même se montrer parfois très cruelle.

Arishima aurait-il évité le piège d'un personnage ayant toutes les qualités ? Pourtant la scène, pour exemple, de l'entrée de la salle de restaurant où tous les regards - forcément - sont tournés vers Yôko, qui va devenir - forcément - le centre d'intérêt de tous les passagers lors de la traversée du Pacifique, est un peu... grotesque... Cette idée que le personnage est le centre du monde n'est-elle pas un cliché littéraire ?

Malgré donc ce beau et juste projet d'écrire sur les carcans sociétaux et l'emprise patriarcale, le roman m'a laissé une impression mitigée.
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Cette femme-là

Ce roman étonnant s’ouvre sur une courte biographie de son auteur, au destin tragique (il disparaîtra dans un suicide amoureux), et mentionne aussi sa bibliographie. L’ensemble tient en cinq pages.



L’histoire de la belle Yoko Satsuki est d’abord parue au Japon, comme il est d’usage, en seize épisodes dans une revue littéraire (Shirabaka, entre 1911 et 1913). C’est en 1919 que le roman paraîtra en un seul volume.



Yoko Satsuki est une jeune femme qui se veut libre dans une époque, une culture et un pays où cela se révèle impossible : le Japon rigoriste du début du vingtième siècle. Comme elle l’affirme elle-même, « je suis née à une époque qui n’était pas la mienne, dans un pays où je n’aurais pas dû naitre », (p. 106-107).

Le décès de son père, riche médecin, puis de sa mère, chrétienne bigote, la laisse aux mains de sa famille. Yoko y a déjà créé le scandale par sa conduite insouciante : mariée tout d’abord à un journaliste, Kibe, elle se désintéresse de lui sitôt les noces célébrées. Il faut dire que le brillant journaliste s’est mué en amoureux transi, puis en mari apathique… Il faut dire que la belle Yoko aime séduire et jouer de sa beauté pour se jouer des hommes, dont elle conteste la domination comme allant de soi : « elle ne pouvait admettre que la femme dut céder devant l’homme, que la tradition vint limiter sa liberté » écrit Takeo Arishima (p.39).

Après s’être séparée de son premier mari, Yoko va donner naissance à un enfant dont elle ne s’occupera guère, précisant bien à sa famille que son mari n’en est pas le père. Accompagnée d’un jeune homme conquis, Kotô, elle effectue un petit voyage où nous apprenons son passé au travers de ses rencontres et de ses réflexions. Les amitiés de son défunt père permettent à Yoko d’obtenir gracieusement un billet pour un bateau qui doit l’emmener en Amérique… où l’attend Kimura, un homme auquel elle a été promise, mais qu’elle n’estime aucunement : « Que Kimura soit mon mari, c’est tout à fait sans importance…j’aurai le masque de l’épouse » (p.76). Cette union, Yoko la considère surtout comme l’occasion de gagner l’Amérique, terre promise où une femme peut être plus libre et plus indépendante qu’au Japon. Après une pénible réunion de famille où elle règle ses comptes, Yoko va donc embarquer sur un paquebot pour traverser le Pacifique. Bien entendu, elle usera sur le navire de ses étonnants pouvoirs de séduction, mais sera elle-même prise au piège des sentiments qu’elle est habituée à contrôler, car « comme un être qui abuse de la morphine en n’ignorant rien de sa nocivité de cette drague, Yôko trouvait la joie de vivre dans l’homme, agent destructeur de sa liberté, de sa vie même » (p. 108)…



Le récit s’organise en trois parties d’importance similaire : Les préparatifs du départ de Yoko au Japon, son voyage et ses rencontres sur le paquebot, et ce qui va se passer une fois arrivé aux états unis. L’écriture en est simple, claire, et il ne semble pas que plus d’un siècle nous en sépare (si ce n’est dans une scène que l’auteur précise avoir été obligé d’abréger à cause de la censure littéraire de l’époque). Les réflexions de Yoko peuvent en effet paraître foncièrement modernes, teintée de féminisme, mais il faut aussi tenir compte du fait que l’héroïne (comme l’auteur) est censée être d’éducation chrétienne, avec tous les interdits et les tabous de cette religion, fort différents de ceux du bouddhisme/shintoïsme majoritaire au japon, ce qui ne simplifiait guère la vie d’une jeune femme japonaise au début du vingtième siècle. Les descriptions de l’auteur sont saisissantes de réalisme, même lors de la traversée du Pacifique, ce qui s’explique, car Takeo Arishima avait effectué ce voyage en 1903 pour devenir correspondant d’un grand journal aux USA.



La traduction est de bonne qualité, ne laissant pas paraître son âge, et se trouve même correspondre, par les tournures de phrases employées, à l’époque ou Arishima rédigea son ouvrage. Elle n’en est que plus conforme à son esprit. Cette traduction de 1925 a été revue (mais pas renouvelée) dans « les jours de Yoko », titre de ce même ouvrage paru aux éd. Picquier en 1998.

On ne peut que recommander la lecture des aventures de cette étonnante héroïne, qui détonne dans le paysage japonais de l’époque, et qui préfigure la Naomi de Tanizaki, si bien décrite dans « un amour insensé », qui paraîtra dix ans plus tard,1924.
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