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Citations de Teresa Cremisi (42)


Certains livres ont été si importants dans mon existence ; je veux dire qu'ils étaient là dans les moments où la vie s'accélérait et prenait un tournant. Ils y ont joué un rôle déterminant. J'ai même cru entendre des voix fraternelles se lever des pages de Stendhal ou Conrad ou Proust et j'ai pris des décisions en tenant compte de ce qu'ils disaient. Elles sont responsables de beaucoup de choses, elles m'ont aidée à choisir, souvent à partir. Il ne s'agit pas de culture littéraire, je ne saurais pas transmettre à des proches ou à des étudiants.Ce n'est pas un savoir à enseigner. C'est autre chose ; des liens presque familiaux. Disons que j'ai confiance dans les textes des auteurs que j'aime. Alors,quand je trouve quelque chose qui me correspond, j'approfondis pendant des années. Je creuse pour mieux comprendre, mieux en saisir le sens et la beauté. Je lis et je relis, souligne rarement.
Cette confiance se teinte d'étonnement et de gratitude quand, non seulement le texte s'adapte à ma situation, mais en plus il réussit à l'éclairer.
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Je ne sais si c'est fréquent chez les autres, mais j'ai remarqué que mon corps a parfois une longueur d'avance ; ce que je ressens précède alors ce que je percevrai plus tard par le raisonnement ou l'observation.
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Le monde offert par une civilisation finissante porte en soi quelque chose de désordonné, d'incohérent, d'élégant. La coexistence du souffle de l'Histoire et de bruits avant-coureur de la modernité, le parfum de la pourriture, la lèpre qui mange les murs, les fleurs sauvages et indisciplinées, les rires d'une liberté impertinente, le fatalisme joyeux constituent un mélange qui n'avait pas besoin d'être exprimé par les mots pour marquer un enfant.
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La bascule était brutale. J'étais en train de changer de langue d'usage et cela impliquait une révolution intime. Les neuropsychiatres ont écrit des traités la-dessus. On s'entend différemment, on dit des choses que l'on aurait pas dites, on pense un peu autrement,on ne réagit pas de la même manière. La langue d'usage influence le corps et les rêves. Une autre culture s'infiltre par des interstices imprévus, on accède à des chansons, des blagues,on comprend les sous-entendus,l'humour devient possible. Quand on parle une nouvelle langue toute la journée, l'existence peut prendre une nouvelle direction et le caractère s'infléchir.
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Je le savais déjà : l'amour peut traverser des vies comme une rivière souterraine ; les irriguer sans apparaître au jour. Mais vers la fin, c'est compliqué.
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J’ai l’imagination portuaire.
La liste est longue de ce qui fait battre mon coeur - photos jaunies, poèmes, chansons, images de films - et représente ou raconte les quais, les bateaux, les docks, les balles de coton, les containers, les grues, les oiseaux de mer.
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Pour la première fois, je compris que la poésie pouvait tout dire. L'Art avait le devoir de tout se permettre.
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Je ne le savais pas encore : tout patron est un tyran édulcoré. Loin de moi l'idée de formuler un jugement moral ; c'est ainsi, inhérent à la fonction, et je connais très peu de cas non conformes. Un patron de grande entreprise (comme un tyran classique) a besoin dans l'entourage rapproché d'un mélange équilibré de dévots inconditionnels et de personnalités solides et actives. Tant que l'équilibre se tient, sa réussite est presque assurée. Si parmi ses proches collaborateurs, les personnalités originales deviennent trop nombreuses, le désordre peut s'installer et la machine s'emballer. Mais si, en revanche, ce sont les dévots qui prennent le dessus, cela veut dire que le patron est fatigué ou vulnérable, ou tout simplement qu'il vieillit ; et on entre dans des zones troubles qui font courir des risques mortels à l'entreprise.
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Ma mère a eu l'idée de demander à un bijoutier arménien d'enfiler sa collection de pièces, comme si c'était des perles ; aujourd'hui je porte de temps en temps ce collier bizarre où l'argent domine (une seule pièce en or, l'or est plus rare, plus fragile ; quatre ou cinq de cuivre noirci).

(Pour une lecture de ces pages https://motslies.com/2016/05/06/almanach-6-mai-2015-une-plume-qui-finit-par-parler-pour-elle-meme/)
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« Je suis née à Alexandrie, de l’autre côté de la Méditerranée. Je n’écris pas aujourd’hui pour exprimer une quelconque nostalgie. Les lieux sont pour moi les seuls déclencheurs d’une tempête violente, mais la nostalgie n’est pas un sentiment que j’aime cultiver. Je suis un esprit pragmatique, terre à terre. »
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Teresa Cremisi
Cher Hussein,
Tu as 10 ans, tu es syrien et tes parents sont réfugiés au Liban. On ne peut pas dire que Beyrouth soit la meilleure ville au monde pour une famille de réfugiés, mais bon, vous survivez tant bien que mal et tu aides les tiens en faisant les poubelles. Tous les déchets contiennent des petites choses que l’on peut recycler pour quelques sous : objets en plastique, en métal, boîtes de conserve, bouteilles en verre. Ce matin-là, tu as trouvé un livre. Un de ces livres en papier gris que l’on trouve souvent alignés sur les trottoirs des villes d’Orient ; en général ils ont été feuilletés cent fois et ils attendent en vain un passant intéressé. Celui-là avait fini directement dans la grande benne sur laquelle tu as été photographié.
La photo a été prise par un ingénieur-architecte qui allait à son bureau en voiture, une bagnole de luxe. Le jeune homme s’appelle Rodrigues Mghames, il a une belle prestance, il fréquente et alimente ses comptes Instagram et Facebook tous les jours. L’image le frappe : voilà un petit garçon, cheveux bien coupés, vêtements élimés, la tête penchée dans une extrême concentration (son menton touche presque sa poitrine), il ne bouge pas, il ne parle pas, il lit. Un pâle soleil éclaire une scène silencieuse. L’enfant est assis sur le rebord d’un caisson en très mauvais état, ses pieds et ses jambes sont enfoncés dans les sacs gris pleins de restes en décomposition.
Rodrigues Mghames t’a photographié à ton insu, cher Hussein, puis il est descendu de sa voiture rutilante, s’est approché et t’a demandé comment tu t’appelais et d’où tu venais. Plus tard, il a posté cette image sur son compte Instagram. Et – comme on a désormais l’habitude de le dire – elle a fait le tour du monde. Il y a un happy end : un festival de photographie a primé ce cliché et une fondation va subvenir à tous les frais de ta future scolarisation.
Ce n’est pas la première photo émouvante qui nous vient des ruines du Moyen‑Orient, mais c’est peut-être la première qui nous met de bonne humeur. Courage Hussein !

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• la chronique de Teresa Cremisi dans le JDD
>> photos ici : https://www.facebook.com/improbableslibrairiesimprobablesbibliotheques/
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Tant de gens reviennent sur les lieux de leur enfance ou de leur jeunesse ; la bijouterie de leur père est devenue entre-temps un magasin de faïences, le jardin de leur grand-mère un dépotoir, la cour de l'école un garage ; leur coeur souffre, ils se disent que rien ne sera plus comme avant, mais ils le savent d'avance, ils guettent le déchirement...
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Pas une virgule de l'Histoire n'aura été écrite par moi, mon existence n'aura rien ajouté ou changé au destin du monde. Mes traces sont dérisoires. Les "idées inexprimables et vaporeuses" qui ont traversé ma jeunesse n'ont rien produit. Tout sera vite oublié.
Mais ce monde je l'aurais beaucoup regardé.
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«  Les périodes de rupture, en donnant l'illusion que malheur et bonheur, chance et imprévu se mélangent comme des cartes et que le jeu va peut- être s’ouvrir , éloignent de la réalité et précipitent vers des «  idées inexprimées et vaporeuses . »
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Une amie journaliste italienne, ancienne star des hebdos féminins, m'avait dit un jour avec aplomb : "La cinquantaine est la vieillesse de la jeunesse alors que la soixantaine est la jeunesse de la vieillesse." J'avais aimé et retenu la formule ; elle adoucissait les transitions et traçait un double lien avec l'avancée de l'âge. Il y avait le mot jeunesse dans les deux cas ; la frontière restait floue.
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J'ai vite compris que c'était rare les petites filles qui aimaient les batailles navales et je me suis toujours montré discrète sur mon savoir maritime et militaire. Il était inexplicable, ne s'accompagnait pas d'un tempérament violent, ni d'une érudition utilitaire, en vue d'un quelconque profit. C'était un savoir autodidacte accumulé sans raison, ni intérêt, ni but. Il ne convenait pas à une enfant des années quarante, ni à la femme que je suis devenue. Aujourd'hui encore, c'est un savoir caché. Il me tient compagnie.
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Inutile de s'escrimer pour décrire ou expliquer l'influence du temps, des sentiments sur la perception des lieux.
Personne ne fera mieux que Proust à la toute dernière page de " Du côté de chez Swann ":

" Les lieux que nous avons connus n'appartiennent pas qu'au monde de l'espace où nous les situons pour plus de facilité.
Ils n"étaient qu'une mince tranche au milieu d'impressions contiguës qui formaient notre vie d'alors;
le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant;
et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années ."
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On pouvait se laisser vivre, se laisser porter, faire la planche en regardant les nuages. Et, en même temps, accepter une nouvelle aventure. La réussir ou la rater n'avait plus grande importance: l'aventure comptait pour elle-même.
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"Et, dernière chose, n'oublie pas petite", il mima Humphrey Bogart: "Les forts ont plus que les autres besoin d'être protégés."
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Les périodes de rupture, en donnant l'illusion que malheur et bonheur, chance et imprévu se mélangent comme des cartes et que le jeu va peut-être s'ouvrir, éloignent de la réalité et précipitent vers des "idées inexprimables et vaporeuses".
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