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Citations de Théophile de Viau (75)


Ministre du repos, Sommeil père des songes.

Ministre du repos, Sommeil père des songes,
Pourquoi t'a-t-on nommé l'image de la mort ?
Que ces faiseurs de vers t'ont jadis fait de tort,
De le persuader avecque leurs mensonges !

Faut-il pas confesser qu'en l'aise où tu nous plonges,
Nos esprits sont ravis par un si doux transport,
Qu'au lieu de raccourcir, à la faveur du sort,
Les plaisirs de nos jours, Sommeil, tu les allonges.

Dans ce petit moment, ô songes ravissants !
Qu'Amour vous a permis d'entretenir mes sens,
J'ai tenu dans mon lit Élise toute nue.

Sommeil, ceux qui t'ont fait l'image du trépas,
Quand ils ont peint la mort ils ne l'ont point connue,
Car vraiment son portrait ne lui ressemble pas.
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Cloris, lorsque je songe, en te voyant si belle.

Cloris, lorsque je songe, en te voyant si belle,
Que ta vie est sujette à la loi naturelle,
Et qu'à la fin les traits d'un visage si beau
Avec tout leur éclat iront dans le tombeau,
Sans espoir que la mort nous laisse en la pensée
Aucun ressentiment de l'amitié passée,
Je suis tout rebuté de l'aise et du souci
Que nous fait le destin qui nous gouverne ici,
Et, tombant tout à coup dans la mélancolie,
Je commence à blâmer un peu notre folie,
Et fais voeu de bon coeur de m'arracher un jour
La chère rêverie où m'occupe l'amour.
Dieu nous a tant donné de divertissements,
Nos sens trouvent en eux tant de ravissements,
Que c'est une fureur de chercher qu'en nous-même
Quelqu'un que nous aimions et quelqu'un qui nous aime.
Le coeur le mieux donné tient toujours à demi,
Chacun s'aime un peu mieux toujours que son ami ;
On les suit rarement dedans la sépulture ;
Le droit de l'amitié cède aux lois de nature.
Pour moi, si je voyais, en l'humeur où je suis,
Ton âme s'envoler aux éternelles nuits,
Quoi que puisse envers moi l'usage de tes charmes,
Je m'en consolerais avec un peu de larmes. ...
Le ciel en soit loué ! Cloris, je suis guéri.
Car insensiblement ma muse un peu légère
A passé dessus toi sa plume passagère,
Et, détournant mon coeur de son premier objet,
Dès le commencement j'ai changé de sujet,
Emporté du plaisir de voir ma veine aisée
Sûrement aborder ma flamme rapaisée
Et jouer à son gré sur les propos d'aimer,
Sans avoir aujourd'hui pour but que de rimer,
Et sans te demander que ton bel oeil éclaire
Ces vers, où je n'ai pris aucun soin de te plaire.
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Je songeais que Phyllis des enfers revenue.

Je songeais que Phyllis des enfers revenue,
Belle comme elle était à la clarté du jour,
Voulait que son fantôme encore fît l’amour
Et que comme Ixion j’embrassasse une nue.

Son ombre dans mon lit se glissa toute nue
Et me dit : « Cher Thyrsis, me voici de retour,
Je n’ai fait qu’embellir en ce triste séjour
Où depuis ton départ le sort m’a retenue.

« Je viens pour rebaiser le plus beau des amants,
Je viens pour remourir dans tes embrassements. »
Alors, quand cette idole eut abusé ma flamme,

Elle me dit : « Adieu, je m’en vais chez les morts,
Comme tu t’es vanté d’avoir foutu mon corps,
Tu te pourras vanter d’avoir foutu mon âme ! »
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Mon frère je me porte bien.

Mon frère je me porte bien,
La Muse n’a souci de rien,
J’ai perdu cette humeur profane,
On me souffre au coucher du Roi,
Et Phébus tous les jours chez moi
A des manteaux doublés de panne.

Mon âme incague les destins,
Je fais tous les jours des festins;
On me va tapisser ma chambre,
Tous mes jours sont des mardi-gras,
Et je ne bois point l’hypocras
S’il n’est fait avecque de l’ambre.
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Les Nautoniers.

Les Amours plus mignards à nos rames se lient,
Les Tritons à l’envi nous viennent caresser,
Les vents sont modérés, les vagues s’humilient
Par tous les lieux de l’onde où nous voulons passer.

Avec notre dessein va le cours des étoiles,
L’orage ne fait point blêmir nos matelots,
Et jamais alcyon sans regarder nos voiles
Ne commit sa nichée à la merci des flots.

Notre Océan est doux comme les eaux d’Euphrate,
Le Pactole, le Tage, est moins riche que lui,
Ici jamais nocher ne craignit le pirate,
Ni d’un calme trop long ne ressentit l’ennui.

Sous un climat heureux, loin du bruit du tonnerre,
Nous passons à loisir nos jours délicieux,
Et là jamais notre oeil ne désira la terre,
Ni sans quelque dédain ne regarda les cieux.

Agréables beautés pour qui l’Amour soupire,
Eprouvez avec nous un si joyeux destin,
Et nous dirons partout qu’un si rare navire
Ne fut jamais chargé d’un si rare butin.
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L’autre jour, inspiré d’une divine flamme.

L’autre jour, inspiré d’une divine flamme,
J’entrai dedans un temple où, tout religieux,
Examinant de près mes actes vicieux,
Un repentir profond fit respirer mon âme.

Tandis qu’à mon secours tous les dieux je réclame,
Je vois venir Philis; quand j’aperçus ses yeux,
Je m’écriai tout haut: Ce sont ici mes dieux,
Ce temple, cet autel appartient à ma Dame.

Les dieux, injurieux de ce crime d’amour,
Conspirent par vengeance à me ravir le jour;
Mais que sans plus tarder leur flamme me confonde!

O mort, quand tu voudras je suis prêt à partir;
Car je suis assuré que je mourrai martyr
Pour avoir adoré le plus bel oeil du monde.
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Les Parques ont le teint plus gai que mon visage.

Les Parques ont le teint plus gai que mon visage,
Je crois que les damnés sont plus heureux que moi;
Aussi le vieux tyran qui leur donne la loi,
Des peines que je sens n’a jamais eu l’usage.

Les jours les plus sereins pour moi sont pleins d’orage,
Les objets les plus beaux pour moi sont pleins d’effroi,
Et du plus doux accueil que me fasse le Roi,
Mon esprit insensé croit souffrir un outrage.

Ton injuste mépris m’a fait cette douleur,
Depuis incessamment je rêve à mon malheur,
Et rien plus que la mort ne me peut faire envie.

Voyez, si mon malheur s’obstine à me punir,
Je pense que la mort refuse de venir
Parce qu’elle n’est point si triste que ma vie.
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Un corbeau devant moi croasse.

Un corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards,
Deux belettes et deux renards
Traversent l'endroit où je passe :
Les pieds faillent à mon cheval,
Mon laquais tombe du haut mal,
J'entends craqueter le tonnerre,
Un esprit se présente à moi,
J'ois Charon qui m'appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.

Ce ruisseau remonte en sa source,
Un boeuf gravit sur un clocher,
Le sang coule de ce rocher,
Un aspic s'accouple avec une ourse,
Sur le haut d'une vieille tour
Un serpent déchire un vautour,
Le feu brûle dedans la glace,
Le soleil est devenu noir,
Je vois la lune qui va choir,
Cet arbre est sorti de sa place.
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L’infidélité me déplaît.

L’infidélité me déplaît,
Et mon amour juge qu’elle est
Le plus noir crime de la terre.
Lorsque les dieux firent venir
Les premiers éclats du tonnerre,
Ce ne fut que pour la punir.

La déesse qui fait aimer,
Des flots de l’inconstante mer
Sortit à la clarté du monde.
Or, Vénus, si ton doux flambeau
Fût venu d’ailleurs que de l’onde,
Sans doute il eût été plus beau.

Ce qu’un hiver a fait mourir,
Un printemps le fait refleurir,
Le destin change toute chose,
Mon amitié tant seulement,
Vos beaux lys et vos belles roses,
Dureront éternellement.
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Quand tu me vois baiser tes bras.

Quand tu me vois baiser tes bras,
Que tu poses nus sur tes draps,
Bien plus blancs que le linge même;
Quand tu sens ma brûlante main
Se promener dessus ton sein,
Tu sens bien, Cloris, que je t’aime.

Comme un dévot devers les cieux,
Mes yeux tournés devers tes yeux,
A genoux auprès de ta couche,
Pressé de mille ardents désirs,
Je laisse, sans ouvrir ma bouche,
Avec toi dormir mes plaisirs.

Le sommeil aise de t’avoir,
Empêche tes yeux de me voir,
Et te retient dans son empire
Avec si peu de liberté
Que ton esprit tout arrêté
Ne murmure ni ne respire.

La rose en rendant son odeur,
Le Soleil donnant son ardeur,
Diane et le char qui la traîne,
Une Naïade dedans l’eau,
Et les Grâces dans un tableau,
Font plus de bruit que ton haleine.

Là je soupire auprès de toi,
Et considérant comme quoi
Ton oeil si doucement repose,
Je m’écrie: O Ciel! peux-tu bien
Tirer d’une si belle chose
Un si cruel mal que le mien ?
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Heureux, tandis qu’il est vivant.

Heureux, tandis qu’il est vivant,
Celui qui va toujours suivant
Le grand maître de la nature
Dont il se croit la créature.
Il n’envia jamais autrui,
Quand tous les plus heureux que lui
Se moqueraient de sa misère,
Le rire est toute sa colère.
Celui-là ne s’éveille point
Aussitôt que l’Aurore point
Pour venir, des soucis du monde,
Importuner la terre et l’onde.
Il est toujours plein de loisir,
La justice est tout son plaisir,
Et, permettant en son envie
Les douceurs d’une sainte vie,
Il borne son contentement
Par la raison tant seulement.
L’espoir du gain ne l’importune,
En son esprit est sa fortune ;
L’éclat des cabinets dorés,
Où les princes sont adorés,
Lui plaît moins que la face nue
De la campagne ou de la nue.
La sottise d’un courtisan,
La fatigue d’un artisan,
La peine qu’un amant soupire,
Lui donne également à rire.
Il n’a jamais trop affecté
Ni les biens ni la pauvreté ;
Il n’est ni serviteur ni maître,
Il n’est rien que ce qu’il veut être.
Jésus-Christ est sa seule foi.
Tels seront mes amis et moi.
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La solitude.

Dans ce val solitaire et sombre
Le cerf qui brame au bruit de l’eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S’amuse à regarder son ombre.

De cette source une Naïade
Tous les soirs ouvre le portail
De sa demeure de cristal
Et nous chante une sérénade.

Les Nymphes que la chasse attire
À l’ombrage de ces forêts
Cherchent des cabinets secrets
Loin de l’embûche du Satyre.

Jadis au pied de ce grand chêne,
Presque aussi vieux que le Soleil,
Bacchus, l’Amour et le Sommeil
Firent la fosse de Silène.

Un froid et ténébreux silence
Dort à l’ombre de ces ormeaux,
Et les vents battent les rameaux
D’une amoureuse violence.

L’esprit plus retenu s’engage
Au plaisir de ce doux séjour,
Où Philomèle nuit et jour
Renouvelle un piteux langage.

L’orfraie et le hibou s’y perche,
Ici vivent les loup-garous,
Jamais la justice en courroux
Ici de criminels ne cherche.

Ici l’Amour fait ses études,
Vénus y dresse des autels,
Et les visites des mortels
Ne troublent point ces solitudes.

Cette forêt n’est point profane,
Ce ne fut point sans la fâcher
Qu’Amour y vint jadis cacher
Le berger qu’enseignait Diane.

Amour pouvait par innocence,
Comme enfant, tendre ici des rets ;
Et comme reine des forêts,
Diane avait cette licence.

Cupidon, d’une douce flamme
Ouvrant la nuit de ce vallon,
Mit devant les yeux d’Apollon
Le garçon qu’il avait dans l’âme.

A l’ombrage de ce bois sombre
Hyacinthe se retira,
Et depuis le Soleil jura
Qu’il serait ennemi de l’ombre.

Tout auprès le jaloux Borée,
Pressé d’un amoureux tourment,
Fut la mort de ce jeune amant,
Encore par lui soupirée.

Sainte forêt, ma confidente,
Je jure par le Dieu du jour
Que je n’aurai jamais amour
Qui ne te soit toute évidente.

Mon ange ira par cet ombrage :
Le Soleil, le voyant venir,
Ressentira du souvenir
L’accès de sa première rage.

Corinne, je te prie, approche ;
Couchons-nous sur ce tapis vert ;
Et pour être mieux à couvert
Entrons au creux de cette roche.

Ouvre tes yeux, je te supplie ;
Mille Amours logent là-dedans,
Et de leurs petits traits ardents
Ta prunelle est toute remplie.

Amour de tes regards soupire,
Et ton esclave devenu,
Se voit lui-même retenu
Dans les liens de son empire.

Ô beauté sans doute immortelle,
Où les Dieux trouvent des appas,
Par vos yeux je ne croyais pas
Que vous fussiez du tout si belle !

Qui voudrait faire une peinture
Qui pût ses traits représenter,
Il faudrait bien mieux inventer
Que ne fera jamais nature.

Tout un siècle les destinées
Travaillèrent après ses yeux,
Et je crois que pour faire mieux
Le temps n’a point assez d’années.

D’une fierté pleine d’amorce,
Ce beau visage a des regards,
Qui jettent des feux et des dards,
Dont les Dieux aimeraient la force.

Que ton teint est de bonne grâce !
Qu’il est blanc et qu’il est vermeil !
Il est plus net que le Soleil
Et plus uni que de la glace.

Mon Dieu, que tes cheveux me plaisent !
Ils s’ébattent dessus ton front,
Et les voyant beaux comme ils sont,
Je suis jaloux quand ils te baisent.

Belle bouche d’ambre et de rose,
Ton entretien est déplaisant
Si tu ne dis en me baisant
Qu’aimer est une belle chose.

D’un air plein d’amoureuse flamme,
Aux accents de ta douce voix,
Je vois les fleuves et les bois
S’embraser comme a fait mon âme.

Si tu mouilles tes doigts d’ivoire
Dans le cristal de ce ruisseau,
Le Dieu qui loge dans cette eau
Aimera s’il en ose boire.

Présente-lui ta face nue,
Tes yeux avecque l’eau riront,
Et dans ce miroir écriront
Que Vénus est ici venue.

Si bien elle y sera dépeinte,
Les Faunes s’en enflammeront,
Et de tes yeux qu’ils aimeront,
Ne sauront découvrir la feinte.

Entends ce Dieu qui te convie
A passer dans son élément,
Ois qu’il soupire bellement
Sa liberté déjà ravie.

Trouble-lui cette fantaisie,
Détourne-toi de ce miroir,
Tu le mettras au désespoir
Et m’ôteras la jalousie.

Vois-tu ce tronc et cette pierre ?
Je crois qu’ils prennent garde à nous,
Et mon amour devient jaloux
De ce myrte et de ce lierre.

Sus, ma Corinne, que je cueille
Tes baisers du matin au soir !
Vois comment pour nous faire asseoir
Ce myrte a laissé choir sa feuille.

Ois le pinson et la linotte
Sur la branche de ce rosier,
Vois branler leur petit gosier,
Ois comme ils ont changé de note.

Approche, approche, ma Dryade !
Ici murmureront les eaux,
Ici les amoureux oiseaux
Chanteront une sérénade.

Prête-moi ton sein pour y boire
Des odeurs qui m’embaumeront ;
Ainsi mes sens se pâmeront
Dans les lacs de tes bras d’ivoire.

Je baignerai mes mains folâtres
Dans les ondes de tes cheveux,
Et ta beauté prendra les vœux
De mes oeillades idolâtres.

Ne crains rien, Cupidon nous garde.
Mon petit ange, es-tu pas mien ?
Ah ! Je vois que tu m’aimes bien :
Tu rougis quand je te regarde.

Dieux ! que cette façon timide
Est puissante sur mes esprits !
Renaud ne fut pas mieux épris
Par les charmes de son Armide.

Ma Corinne, que je t’embrasse !
Personne ne nous voit qu’Amour ;
Vois que même les yeux du jour
Ne trouvent point ici de place.

Les vents qui ne se peuvent taire
Ne peuvent écouter aussi,
Et ce que nous ferons ici
Leur est un inconnu mystère.
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Contre l'hiver.

Plein de colère et de raison,
Contre toi, barbare saison,
Je prépare une rude guerre.
Malgré les lois de l’univers,
Qui de la glace des hivers
Chassent les flammes du tonnerre,
Aujourd’hui l’ire de mes vers
Des foudres contre toi desserre.

Je veux que la postérité,
Au rapport de la vérité,
Juge ton crime par ma haine.
Les dieux qui savent mon malheur,
Connaissent qu’il y va du leur,
Et d’une passion humaine,
Participant à ma douleur,
Promettent d’alléger ma peine.

La Parque, retranchant le cours
De tes soleils bien que si courts,
Rien que nuit sur toi ne dévide !
Puisses-tu perdre tes habits !
Et ce qu’au parc de nos brebis
Peut souhaiter le loup avide
T’arrive, et tous les maux d’Ibis,
Comme le souhaitait Ovide !

Cérès ne voit point sans fureur
Les misères du laboureur
Que ta froidure a fait résoudre
À brûler même les forêts :
Les champs ne sont que des marêts ;
L’été n’espère plus de moudre
Le revenu de ses guérets,
Car il n’y trouvera que poudre.

Tous nos arbres sont dépouillés,
Nos promenoirs sont tous mouillés,
L’émail de notre beau parterre
À perdu ses vives couleurs,
La gelée a tué les fleurs,
L’air est malade d’un caterre,
Et l’œil du ciel noyé de pleurs
Ne sait plus regarder la terre.

La nacelle, attendant le flux
Des ondes qui ne courent plus,
Oisive au port est retenue ;
La tortue et les limaçons
Jeûnent perclus sous les glaçons ;
L’oiseau sur une branche nue
Attend pour dire ses chansons
Que la feuille soit revenue.

Le héron quand il veut pêcher,
Trouvant l’eau toute de rocher,
Se paît du vent et de sa plume ;
Il se cache dans les roseaux
Et contemple, au bord des ruisseaux,
La bise contre sa coutume
Souffler la neige sur les eaux
Où bouillait autrefois l’écume.

Les poissons dorment assurés
D’un mur de glace remparés,
Francs de tous les dangers du monde
Fors que de toi tant seulement,
Qui restreins leur moite élément
Jusqu’à la goutte plus profonde,
Et les laisses sans mouvement,
Enchassés en l’argent de l’onde.

Tous les vents brisent leurs liens,
Et dans les creux éoliens
Rien n’est resté que le Zéphyre
Qui tient les œillets et les lys
Dans ses poumons ensevelis,
Et triste en la prison soupire
Pour les membres de sa Philis,
Que la tempête lui déchire.

Aujourd’hui mille matelots,
Où ta fureur combats les flots,
Défaillis d’art et de courage
En l’aventure de tes eaux
Ne rencontrent que des tombeaux ;
Car tous les astres de l’orage,
Irrités contre leurs vaisseaux,
Les abandonnent au naufrage.

Mais tous ces maux que je décris
Ne me font point jeter de cris,
Car eusses-tu porté l’abîme
Jusques où nous levons les yeux,
Et d’un débord prodigieux
Trempé le ciel jusqu’à la cime,
Au lieu de t’être injurieux,
Hiver, je louerais ton crime.

Hélas ! le gouffre des malheurs
D’où je puise l’eau de mes pleurs,
Prend bien d’ailleurs son origine :
Mon désespoir dont tu te ris,
C’est la douleur de ma Cloris,
Qui rend toute la Cour chagrine ;
Les dieux qui tous en son marris,
Jurent ensemble ta ruine.

Ce beau corps ne dispose plus
De ses sens dont il est perclus
Par la froideur qui les assiège :
Épargne, hiver, tant de beauté ;
Remets sa voix en liberté ;
Fais que cette douleur s’allège ;
Et pleurant de ta cruauté,
Fais distiller toute la neige.

Qu’elle ne touche de si près
L’ombre noire de tes cyprès ;
Car si tu menaçais sa tête,
Le laurier que tu tiens si cher,
Et que l’éclat n’ose toucher.
Serait sujet à la tempête,
Et les dieux lui feraient sécher
La racine comme le faîte.

Mais si ta crainte ou ta pitié
Veut fléchir mon inimitié,
Sois-lui plus doux que de coutume ;
Ronge nos vignes de muscat
Dont les Muses font tant de cas ;
Mais, à la faveur de ma plume,
Dans ses membres si délicats
Ne ramène jamais le rhume.

Promène tes aquilons
Par la campagne des Gélons,
Grêle dessus les monts de Thrace ;
Mais si jamais tu réprimas
La violence des frimas
Et la pureté de ta glace
Sur les plus tempérés climats,
Le sien toujours ait cette grâce.

Sa maison, comme le saint lieu
Consacré pour le nom d’un dieu,
Rien que pluie d’or ne possède ;
Ta neige fonde sur son toit
Un sacré nectar qui ne soit
Ni brûlant, ni glacé, ni tiède,
Mais tel que Jupiter le boit
Dans la coupe de Ganymède

Si tu m’accordes ce bonheur
Par cet œil que j’ai fait seigneur
D’une âme à l’aimer obstinée,
Je jure que le Ciel lira
Ton nom qu’on n’ensevelira
Qu’au tombeau de la destinée,
Et par moi ta louange ira
Plus loin que la dernière année.
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A Monsieur de Montmorency.

Lorsqu’on veut que les Muses flattent
Un homme qu’on estime à faux,
Et qu’il faut cacher cent défauts
Afin que deux vertus éclatent,
Nos esprits, d’un pinceau divers,
Par l’artifice de nos vers,
Font le visage à toutes choses,
Et dans le fard de leurs couleurs
Font passer de mauvaises fleurs
Sous le teint des lys et des roses.

Ce vagabond, de qui le bruit
Fut si chéri des destinées
Et si grand que trois mille années
Ne l’ont point encore détruit,
Avecque de si bonnes marques
N’eût foulé la rigueur des Parques,
Ni peuplé le pays Latin,
Si, depuis qu’on brûla sa ville
Auguste n’eût prié Virgile
De lui faire un si beau destin.

Tout de même, au siècle où nous sommes,
Les richesses ont acheté
De notre avare lâcheté
La façon de louer les hommes;
Mais je ne te conseille pas
De présenter aucun appas
A tant de plumes hypocrites;
D’autant que la postérité
Verra mieux dans la vérité
La mémoire de tes mérites.

Laisse là ces esprits menteurs,
Sauve ton nom de leurs ouvrages,
Les compliments sont des outrages
Dedans la bouche des flatteurs.
Moi, qui n’ai jamais eu le blâme
De farder mes vers ni mon âme,
Je trouverai mille témoins
Que tous les censeurs me reçoivent,
Et que les plus entiers me doivent
La gloire de mentir le moins.

Cette grâce si peu vulgaire,
Me donne de la vanité,
Et fait que sans témérité
Je prendrai le soin de te plaire.
Les dieux, aidant à mon dessein,
Me verseront dedans le sein
Une fureur mieux animée,
Ils m’apprendront des traits nouveaux
Et plus durables et plus beaux
En faveur de ta renommée.

Mais aussitôt que mon désir,
Qui ne respire que la gloire
De travailler à ta mémoire,
Jouira d’un si doux loisir,
Mon astre qui ne sait reluire
Que pour me troubler et me nuire,
Cachera son mauvais aspect,
Et son influence inhumaine
N’a pas eu pour moi tant de haine
Qu’elle aura pour toi de respect.

Mes affections exaucées
En l’ardeur d’un si beau projet,
Recouvreront pour ton sujet
La liberté de mes pensées.
Mes ennuis seront écartés,
Et mon âme aura des clartés
Si propices à tes louanges,
Que le Ciel s’il n’en est jaloux,
Ayant trouvé mes vers si doux,
Il les fera redire aux anges.

Je sens une chaleur d’esprit
Qui vient persuader ma plume
De tracer le plus grand volume
Que Français ait jamais écrit.
Tout plein de zèle et de courage,
Je m’embarque à ce grand ouvrage;
Je sais l’Antarctique et le Nord,
J’entends la carte et les étoiles,
Et ne fais point enfler mes voiles
Avant qu’être assuré du port.

Par les rochers et dans l’orage
De l’onde où je me suis commis,
Je prépare à mes ennemis
L’espérance de mon naufrage;
Mais, que les astres irrités
De toutes leurs adversités
Persécutent mon entreprise,
Je ne connais point de malheur
Qu’au seul renom de ta valeur
Je ne vainque ou je ne me méprise.
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