Thierry Sarmant

En quelques années, Jean-Baptiste Colbert a réussi à briser la trajectoire mortifère d'un endettement sans fin, qui menaçait de priver le roi de toute capacité d'action et de le mettre définitivement à la merci de ses créanciers.

Je crois être obligé de dire à Votre Eminence qu'il me semble absolument nécessaire, pour le bien de son service, qu'Elle fasse le choix d'une personne en qui Elle ait une parfaite confiance, et qui ne manque ni de zèle ni de fidélité pour Elle, qui prenne un soin général de la conduite de toutes ses affaires ; et qu'il est bon même, qu'outre les parties nécessaires pour s'en bien acquitter, il soit encore qualifié autant qu'il se pourra, afin qu'il puisse avoir même plus d'autorité. J'offre, en mon particulier, de Lui communiquer le peu de connaissance que Dieu m'a donnée sur toutes les sortes d'affaires.

Alors que les colbertides continuaient à siéger au somment de l'Etat, et à occuper de grandes charges de cour, les Le Tellier disparaissaient des fastes du pouvoir.
Le règne s'achevait par la victoire définitive des Couleuvres sur les Lézards.

En 1683, les plus modestes employés du département des finances recevaient 600 livres par an. Colbert gagnait donc environ 260 fois plus qu'un scribe de base.

"Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, ministre d'Etat, mit la comptabilité de l'Etat dans un ordre sûr et facile, créa la Marine, encouragea le commerce, favorisa l'étude des beaux-arts, conduisit les affaires de l'Etat avec autant de sagesse que d'équité : fidèle, intègre, prévoyant, il plut à Louis le Grand. Il mourut à Paris l'an du Seigneur 1683, à l'âge de soixante-quatre ans. Priez et pleurez."

( Epitaphe )

Les sommes dépensées à Versailles étaient perdues pour les travaux de Paris. Le 28 septembre 1665, Colbert reprocha à son maître d'avoir négligé le Louvre, au bénéfice de son château de cartes : "Cette maison regarde bien d'avantage le plaisir et le divertissement de Votre Majesté que sa gloire. Ô quelle pitié que le plus grand roi et le plus vertueux ( sic de la part du lecteur ), de la véritable vertu qui fait les plus grands princes, fût mesuré à l'aune de Versailles !"

Colbert prescrit à son fils Seignelay "de tenir le cabinet, soit le matin, soit le soir, cinq ou six heures par jour, et outre cela, donner un jour entier, chaque semaine, à expédier toutes les lettres et donner des ordres"

Suivant l'ancienne coutume, les condamnés furent d'abord pendus puis ranimés àl'eau froide, attachés à une table pour être etripes, puis leurs corps fut coupé en quatre morceaux qui furent exposés pour donner à méditer sur les dangers de la haute trahison.

Grisé par la victoire rapide, Louis XIV refusa les offres de paix hollandaises en juin 1672.
L'Europe entière se coalisait alors contre un roi de France devenu par trop menaçant.
(p 273 )

Une bonne partie des réalisations colbertiennes avaient été balayées par les six années de conflit avec la Hollande.
( p 279 )

Qui tient les cordons de la bourse tient aussi les rênes du pouvoir.

Mais bonté n'est ni faiblesse ni inertie.

S'il adopta le lit européen, il continua de s'asseoir en tailleur, à la persane, et stupéfia les Parisiens par son souci d'hygiène, qui conduisit à lui faire construire une salle de bain. La chose était si peu commune que l'on mit bientôt en vente une estampe montrant l'ambassadeur dans son bain.

L'empire Ottoman avait vécu jusque là dans une ignorance superbe de l'Occident alors que celui-ci, grâce à ses diplomates, ses marchands et ses antiquaires, ne cessait de parfaire sa connaissance historique, géographique et militaire de l'Empire. Les communications n'avaient lieu que dans un sens: les Européens séjournaient en Orient, non l'inverse.

29 juillet 1676 Mme de Sévigné
Il l'a bien été aussi pour la Brinvilliers ;jamais tant de crimes n'ont été traité si doucement,elle n'a pas eu la question;on avait si peur qu'elle ne parlât qu'on lui laissait entrevoir une grâce et si bien entrevoir qu'elle ne croyait point mourir ;elle dit en montant sur l'échafaud :"c'est donc tout de bon?" .Enfin elle est au vent et son confesseur dit que c'est une sainte.

Ce nouveau monde de la consommation a trouvé son chantre dans le Voltaire du "Mondain" :

L'or de la terre et les trésors de l'onde
Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde.
ô le bon temps que ce siècle de fer !
Le superflu, chose très nécessaire
A réuni l'un et l'autre hémisphère.
Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux
Qui du Texel, de Londres, de Bordeaux
S'en vont chercher, par un heureux échange,
Ces nouveaux biens, nés aux sources du Gange,
Tandis qu'au loin, vainqueurs des musulmans,
Nos vins de France enivrent les sultans ?

On ne pouvait mieux dire que l'essor des échanges contribuait à enfanter un ordre nouveau, délié des entraves religieuses et morales qui enserraient les société traditionnelles. Mais, en 1715, la métamorphose décrite par Voltaire ne touchait encore que quelques régions de la planète et une portion réduite de sa population. Des zones entières, essentiellement dévolues au pastoralisme ou à l'agriculture vivrière, échappaient aux échanges internationaux ou n'en recevaient que des échos indirects tels que l'introduction progressive de légumes nouveaux.

La route des Indes, p.436.