Avec Leandro Avalos Blacha, Thomas Andrew, Carina Rozenfeld et Estelle Vagner
Écoutez l'intégralité de la conférence sur : http://www.actusf.com/spip/Imaginales-2017-Creatures.html
Je suis l'heureux gagnant d'un vol plané avec atterrissage proche de la perfection sur l'asphalte new-yorkais . J'aurai pu avoir la note maximale si ma tête avait frappé la bouche d'incendie .
Je suis mort, bordel je dois me faire une raison ...On ne va pas s'amuser à faire un remake de Ghost . Je ne suis pas Patrick Swayze et elle n'est pas Demi Moore . Et puis, de toute façon, je suis nul en poterie .
Puis, dans un grand cri rauque, je m’étirai, laissant ainsi apparaître mes abdominaux.
— Tu sais que notre voisine te mate derrière les carreaux de sa cuisine ? lança Jimmy sur le seuil de la porte, une tasse de café à la main, et vêtu d’une chemise blanche et d’un jean délavé.
J’émis un sourire coquin :
— Elle a au moins quatre-vingts ans. C𠆞st mon petit cadeau matinal. Si ça se trouve, elle va crever dans la journée. Autant lui faire plaisir.
Ainsi, depuis que nous étions ensemble, à la même période, c’était la même guerre : sapin ou pas sapin, décorations ou pas, téléfilm de Noël ou pas, vêtements thématiques ou pas. Chacun campait sur ses positions, ce qui débouchait immanquablement sur une dispute. Lui sortait les crocs, moi mes plus beaux sorts. Une longue tractation s’ensuivait généralement, pendant laquelle il était pendu au plafond tout en me mordillant la jambe.
Cette année, j’avais décidé de lâcher du lest, notamment à cause des évènements de la fête nationale à Boston qui nous avait traumatisés tous les deux, nous obligeant à nous exiler rapidement. Mon fiancé m’avait ainsi promis de ne pas en faire trop.
Visiblement, nous n’avions pas la même définition du mot « trop ».
Il s’était méchamment lâché au manoir Harkness et s’en était donné à cœur joie au Magical Antiques Shop, la boutique d’antiquités que je venais d’hériter de ma tante énigmatique, Tante Ursula. D’ailleurs, j’avais failli faire une crise cardiaque quand il avait terminé la décoration du magasin. Tout ce doré, cet argenté, ce vert et ce rouge m’avaient presque donné l’envie d’anéantir la ville ou de la torturer...
Il y a des jours où, franchement, il vaut mieux rester couché. Je déteste ces fameuses journées où la loi de Murphy règne en maître, prenant un malin plaisir à nous pousser dans nos retranchements, à rendre notre vie encore plus chaotique qu’elle ne l’est.
Vous ne connaissez pas cette loi ? Heureux que vous êtes !
La loi de Murphy est celle de l’emmerdement maximum, où toutes les emmerdes et autres pépins, possibles et inimaginables, s’enchaînent les uns à la suite des autres, sans répit, inexorablement, jusqu’à ce que vous tombiez dans les bras de Morphée, ou en dépression.
Et aujourd’hui en fait partie.
Pourtant, je n’ai pas croisé de chat noir, ne suis pas passé sous une échelle et encore moins renversé du sel de cuisine sur une table.
Je me demande ce qui pourrait m’arriver de pire. Parce qu’entre un concierge psychopathe, un démon décapité et ensorcelé par un sorcier, sans oublier ma mort définitive certaine, annoncée par la Dame du drame, n’en jetez plus, la coupe est pleine.
Et on est que mardi !
Un crime dans ce trou paumé du Minnesota était déjà exceptionnel.
Deux en moins de six heures relevaient de l’exploit. Surtout quand ils sont mari et femme.
Ils devaient être les premiers depuis des mois, voire des années. Il fallait que nous débarquions ici pour faire monter en flèche les statistiques criminelles. Bien évidemment, comme toute bourgade qui se respectait dans ce genre d’occasion, les rumeurs se répandaient comme une traînée de poudre, et mon fiancé et moi allions revêtir les habits des bêtes de foire, enchaînant les visites curieuses dans la boutique.
Cependant, je savais une chose : lorsque les cadavres commencent à se multiplier comme les pains dans la Bible, ils font remonter à la surface de terribles secrets et avec eux, toute une ribambelle d’emmerdements, une armada de suspects et pis, une myriade de curieux qui, à force de traîner leur nez un peu partout, viennent remplir les morgues.
— Arrête de râler et commande un plat, ordonnai-je. Tu auras tout le loisir de critiquer le coin quand nous serons à New Avallon et quand tu découvriras que tu n’hérites que de dettes.
— Je vais prendre des œufs brouillés et un café noir, déclara Jim en se relevant.
— Et moi, trois hamburgers, deux milk-shakes, cinq portions de frites et un grand coca light.
Il arqua les sourcils.
— J’ai décidé d’arrêter les boissons sucrées. Ça fait grossir.
— Bien évidemment, railla mon fiancé en réajustant sa chemise et sa veste. Je vais commander.
Sous mon regard appuyé, le sorcier pivota et se rendit au bar où se tenait une jeune femme blonde, la vingtaine, à la beauté simple et naturelle.
— Bonjour Mademoiselle, dit-il.
— Il veut quoi, le beau gosse ? répondit-elle avec une voix de grosse fumeuse de cigares.
Jimmy, un peu amusé par la dichotomie qui lui faisait face, passa alors la commande.
Tout en essayant de trouver une solution à mon épineux problème, je me mordillais les lèvres et me grattais la tête, toute dégoulinante. Je ne savais ni comment j’allais m’y prendre pour récupérer ma bague de fiançailles là-dedans, ni comment j’allais pouvoir avouer à mon fiancé que je venais de l’égarer dans le buste d’un illustre inconnu que je venais de faire passer de vie à trépas.
C’était la huitième fois que je la paumais en moins de trois mois, mais c’était la première fois que je la perdais dans le corps d’un macchabée. J’entendais déjà les reproches et le long monologue de Jim. Je savais à quoi m’attendre. Les colères de mon fiancé étaient dignes de toutes les plaies d’Égypte réunies, surtout quand je faisais une grosse connerie. Et Dieu sait que j’en faisais à la pelle !
Je me tais et plonge mon regard dans le sien. L’atmosphère de la pièce change d’un seul coup. Plus je l’admire, plus mon pouls s’accélère. Mon rythme cardiaque s’emballe. Une bouffée de chaleur m’envahit, me submerge. Tout mon corps tremble comme une feuille. Lui aussi.
Puis, je me jette sur lui. Lui, sur moi. Nous nous embrassons fougueusement l’un l’autre. Nous nous les rendons. Son parfum m’enivre. Il glisse une main sous mes fesses et les presse. Simultanément, il plaque la seconde sur mon cou, sous mon oreille, pour m’embrasser avec plus d’ardeur. Je fonds littéralement. Je me raccroche à son cou, le désirant terriblement.
Doryan, toujours aussi fougueux, soulève mon polo et me le retire.
— Attends… Rachel ? dis-je essoufflé. Elle est là ?
— Partie dormir chez une amie, répond-il haletant. Ordre de son frère.
— Prévoyant.
— Toujours.
Je lui ôte son tee-shirt et le jette à travers le salon. Mon lancer doit être revu. J’ai failli faire tomber une lampe et un chien en faïence hideux.
Il se jette sur mes pectoraux et pendant qu’il mordille un téton, il pince délicatement l’autre. Je ne sais pas comment il fait, mais il a trouvé ma zone érogène. Plus il s’amuse avec, plus je gémis. Mon boxer et mon pantalon sont à deux doigts d’exploser. Doryan fait glisser sa main sur mon ventre et l’introduit dans mon boxer. Il saisit mon entrejambe, relève la tête et me fait un large sourire d’approbation. Visiblement, il doit être satisfait de ce qu’il effleure.
Il se met ensuite à genoux, déboutonne mon jean et d’un coup sec tire sur mon boxer. S’en suivent alors des va-et-vient avec sa bouche autour de mon membre.
— Satisfait ? demandai-je.
Il se pencha vers moi et m’embrassa :
— J’adore ! Ce sont dans ces circonstances que j’aime vivre avec un magicien.
— Sorcier, rectifiai-je. Les magiciens ne sortent que des lapins d’un chapeau dans des shows minables à Vegas, entre deux chansons de Céline Dion ou de Cher. En revanche, il faudra que tu m’expliques ta notion de « ne pas utiliser la magie de façon futile », car là, on est en plein dedans, Darling. En effet, c’est quand cela t’arrange.
J’avais beau me torturer les cellules grises dans tous les sens, à aucun moment, je me voyais saisir ce satané verre.
Deux possibilités s’offraient à moi.
Et aucune ne me satisfaisait réellement, car toutes deux étaient de nature à engendrer tout un tas d’emmerdes.
Soit Copper, dans sa folle croisade anti-sorcier, avait décidé de créer cette pièce à conviction grossière en récupérant mes empreintes dans le fichier central de la police de Boston.
Tordu – le renard-garou devrait sérieusement consulter de toute urgence –, mais réalisable.
Soit quelqu’un – le vrai meurtrier forcément – avait délibérément fomenté ce coup et s’amusait à me faire porter le chapeau du meurtre de Candace Delano et, par extension, des trois autres ainsi que celui de ma tante que j’aurais zigouillée pour capter l’héritage.
Vouloir faire coffrer le neveu de l’ancien édile fraîchement débarqué était judicieux, mais complètement suicidaire.
Dans les deux cas, j’étais prêt à en découdre, quitte à mettre toute la ville à feu et à sang pour arriver à mes fins.
Au grand désespoir de Dylan, ce ne serait pas la première fois.