Bien sûr, j'avais eu parfois à gérer les crises d'épouses au moment de la fermeture du cercueil. Mais cela fait partie du métier : les vivants sont toujours source de problèmes
- Vous serait-il possible d'enterrer mon mari ?
- Il est mort ?
Il arrivait que cette question surprît. Je la posais systématiquement, par professionnalisme.
Je lançais quelques explications confuses. La situation était inédite pour moi, je n’étais pas tout à fait à l’aise, peut-être intimidé, et j’ai plutôt cherché à rassurer Mr Dylan, en expliquant bien qu’il ne s’agissait pas de lui mais de moi. Bref, je me suis emmêlé les pinceaux. Mr Dylan, à qui l’homme traduisait mes paroles, a fini par arrêter de pédaler, me jugeant probablement trop confus. Il prit sa serviette pour s’essuyer, et l’homme me remercia alors.
Une tartine reste une tartine, quel que soit le contexte. Une tranche de pain de la veille, à peine dorée au grille-pain, recouverte d’une couche trop épaisse de miel de pays, n’a pas un goût très différent de toutes celles qui l’ont précédée, quand bien même elle serait la dernière.
Au bout d'un moment, on se dit qu'on a fait ce qu'on devait faire, et qu'il est temps de s'en satisfaire.
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