Citations de Tom Charbit (56)
Quand les douze coups de minuit ont retenti sur la vieille horloge plantée à l'entrée de la cuisine, ils m'ont embrassé si chaleureusement que j'ai eu l'impression de faire partie de la famille. Jipé a sorti la bouteille de poire et la liqueur de châtaigne que j'avais apportées, on a trinqué à la nouvelle année, puis Martine a lancé une compil de disco sur une chaîne hi-fi d'un autre âge qui sonnait comme une casserole. Je me suis affalé dans un canapé en face du poêle...
A vrai dire, je n'ai jamais été très friand de ces moments-là, ces fêtes rituelles où on se sent obligé d'être de bonne humeur et de surjouer l'excitation alors qu'on traverse les heures les plus sombres de l'hiver. C'est que je suis un professionnel de la question. Je sais par expérience que l'énergie d'une fête est le plus souvent inversement proportionnelle à celle qu'on a mise à la préparer, quoi qu'en pensent ceux qui investissent des sommes colossales et rivalisent d'inventivité pour faire croire que chaque soirée sera encore plus exceptionnelle que la précédente. Ce n'est rien d'autre que du business : investissement, retour sur investissement. La fête, la vraie, c'est autre chose.
Je sais parfaitement identifier un bon morceau, je suis d'ailleurs capable de prédire sans trop me tromper si ce sera un hit ou non, mais la paperasse, les factures, les contrats de cession de droits, les piles de courrier, c'est pas ma came. Rien que l'idée d'un rendez-vous avec un expert-comptable me donne des sueurs froides.
J'ai commencé à me la coller vers quinze ans dans les raves, mixer à dix-sept, produire à vingt, tourner à vingt-deux. Depuis, je parcours la planète de long en large, j'ai gagné et dépensé un pognon pas possible, mais à part un bel appart à Paris je n'ai rien construit ou presque : une réputation de fêtard invétéré, le respect de mes pairs, de nébuleux souvenirs pour des centaines de milliers de clubbers, une poignée de morceaux dont j'espère qu'on se souviendra encore dans dix ans et la capacité à expliquer dans n'importe quelle langue et à n'importe quel point du globe que j'ai besoin d'une bière fraîche et d'un gramme de cocaïne. Chacun peut comprendre qu'en dehors du petit milieu aussi sympathique que superficiel de la nuit, ma solide expérience de la fête est une compétence assez peu recherchée.
Voilà, c'est ça le mistral, un sifflement continu qui ne retombe jamais, ponctué de petits coups d'accélérateur bien pénibles et de grosses claques imprévisibles pur finir de vous mettre les nerfs à vif.
On dénonce depuis longtemps les diktats véhiculés par la mode ou la pub sur le corps et l'apparence des femmes mais on s'intéresse assez peu à la manière dont le porno a rendu les jeunes spectateurs de leur propre sexualité.
C 'est dans ces années que les vignerons de la région se sont organisés en coopératives et que l'ère de la piquette de masse a succédé à l'ère du tord-boyaux qui rend fou.
Là, sur cette île perdue, coupée du reste du monde par la colère des dieux de la mer et du vent, elle avait l'assurance sereine de ceux pour qui rien n'est jamais un problème.
Au loin, une mer bleu nuit, mouchetée par le blanc des embruns, se fondait dans un ciel lugubre zébré d’éclairs.
On ne désire jamais rien autant que ce qui est inaccessible, voilà une triste et banale réalité, et on vivrait beaucoup mieux si on était capable d'apprécier à leur juste valeur les choses qui se présentent simplement devant nous.
page 271.
Les morts ont de belles raisons de se contrefoutre de l'endroit où ils sont enterrés, c'est bien évident, mais pas pour ceux qui leur survivent;
page 259.
A quoi bon inventer la machine à remonter le temps. Les parfums le font très bien depuis toujours.
page 255.
Peu de choses ont changé depuis la conquête de l'Ouest, même si les Américains sont persuadés d'être sortis de l'état sauvage. C'est toujours le plus fort qui impose sa loi. Les autres peuvent aller se faire foutre et en prime on les prend pour des cons.
page 150.
Quoi qu'on en dise, la vie n'est rien d'autre qu'une immense loterie. A chaque tour de manivelle on mélange les boules, on tire les numéros et une nouvelle histoire commence. Les choses ne durent jamais que dans nos souvenirs.
page 137.
Je ne m'étais jamais intéressé à la vie des vers de terre mais j'ai trouvé ça passionnant, surtout après quelques bouteilles.
Un prénom c'est aussi durable qu'un tatouage au fer rouge sur le cul d'une vache, ça me tue que les parents d'aujourd'hui ne comprennent pas ça.
Chacun peut comprendre qu'en dehors du petit milieu aussi sympathique que superficiel de la nuit, ma solide expérience de la fête est une compétence assez peu recherchée.
Les gens d'ici disent que le soleil se lève chaque matin pour tout le monde mais oublient un peu vite que certains commencent leur vie dans un brouillard impénétrable.
On ne désire jamais rien autant que ce qui nous est inaccessible, voilà une triste et banale réalité, et on vivrait beaucoup mieux si on était capable d'apprécier à leur juste valeur les choses qui se présentent simplement devant nous.
Les morts ont de bonnes raisons de se contrefoutre de l'endroit où ils sont enterrés, c'est bien évident, mais pas ceux qui leur survivent.
Il y a des choses auxquelles on peut faire face, des douleurs qu'on peut atténuer, des contrariétés qu'on peut relativiser. Et d'autres qui nous tombent dessus, tel un couperet.
Pendant des générations les gens ont vécu avec l'idée que leurs enfants vivraient mieux qu'eux. Nous, on a accepté l'idée que ce sera le contraire. ..... pour ceux qui naissent aujourd'hui, c'est bien pire : ils ne seront même pas certains de pouvoir vivre vieux.