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Critiques de Tomas Tranströmer (47)
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

« Je voudrais que le lecteur vive plus intensément. C’est ma mission ».



J’avais une appréhension avant d’entamer l’ouvrage de Tranströmer, j’imaginais un recueil « national geographic ».



Je ne voulais pas d’un poète « naïf » qui se contente de me décrire les arbres et le ciel. Mais Tomas Tranströmer est un écrivain bien plus sinueux et sibyllin qu’il n’y parait. Sa poésie n’est pas béate devant le monde qui l’entoure, de métaphores en paraboles, d’élégies en haikus, elle tente d’exprimer et rapprocher entre elles ces choses « qu’on ne peut écrire ni passer sous silence. »



“nous avions accepté de montrer nos foyers

le visiteur a pensé : vous vivez bien

les taudis sont dans vos âmes.”



“Devient une marche d’escalier pour celui qui va suivre”. Le recueil compile les œuvres complètes du Prix Nobel de Littérature depuis les années cinquante jusqu’à son dernier recueil en 2004. On remarque une évolution entre les premiers poèmes, convoquant ses pérégrinations, ses angoisses et ses espoirs, et le style très épuré, dépouillé et court de ses derniers poèmes, avec l’introduction de haïkus (courts poèmes japonais) qui correspondent à la dernière partie de sa vie, après l’attaque qui le laissa paralysé et incapable de parler ; mais pas d’écrire, « en moi le temps s’est arrêté, un temps sans fin, le temps qu’il faut pour oublier toutes les langues. »



La peur d’oublier, les souvenirs de la maison, cette maison de bois rougeoyante au milieu de la symphonie du vent qui s’engouffre entre les conifères enneigés. La maison, notamment celle de l’enfance est un livre de souvenirs, il suffit d’y mettre à nouveau les pieds pour que chaque vase, chaque table basse, chaque angle de pièce nous ramène en arrière et fasse renaître un souvenir qu’on croyait perdu :



“J’ai la main sur la poignée de la porte, je prends

le pouls de la maison.

les murs ont tant de vie. »



On note un jeu de brouille entre animé/inanimé, à renfort de personnifications. Cependant, visiter le musée de nos souvenirs n’est pas sans amertume, on risque l’abîme du regret à chaque instant, comme ces « jouets de notre enfance (...) qui nous accusent de ce que jamais nous ne sommes devenus. » Seule échappatoire pour un passé si lourd à porter : écrire ; car “ceux qui savent écrire oublient. Noter pour oublier.”



Autour de la maison : la nature. Le poète scandinave nous dicte (« dikt » veut dire poème en suédois) non pas seulement la beauté, mais la communion avec la nature que l’on peut ressentir dans le nord de la Suède (pléonasme ?) mais aussi partout ailleurs, on sent monter une émotion nouée dans la gorge, au chaud sous son écharpe, un ahurissement face à l’immensité, une humilité face au mystère et une angoisse face à l’impuissance de la nature à apporter sa rédemption à la condition humaine.



« un arbre marche sous la pluie,

il a une mission. Il soutire la vie à la pluie. »



La nature est refuge, pour s’extraire du monde peut-être, mais aussi parce qu’elle sait nous consoler, que ce soit les plages pour certains, les montagnes, la plaine, la forêt, nous avons chacun notre bout de terre-refuge :



“Cet étonnement toujours aussi immense

quand l’île me tend la main

et me tire de ma tristesse. »



« La lune du temps libre gravite autour de la planète Travail de toute sa masse et de tout son poids”. De même que chez le poète italien Cesare Pavese, auteur de « Travailler. Fatigue » on retrouve chez le poète de Stockholm cette spiritualité de la nature et cette impossibilité d’en jouir, à cause du travail notamment :



“Au beau milieu du travail

nous rêvons violemment de verdure sauvage

de contrées désertiques, uniquement parcourues

par la civilisation ténue des fils du téléphone.”



« Nous bondîmes l’un vers l’autre le sol et moi ». L’intensité de la vie, on ne l’éprouve pas qu’au contact du monde extérieur, des aurores boréales insomniaques, du nez brûlé par le froid du blizzard, de la blancheur aveuglante des collines couvertes de givre qui nous déboussolent, on l’éprouve aussi en nous, dans nos blizzards intérieurs, la tempête « pose sa bouche sur notre âme ».



La mélancolie peut aussi céder le pas à un feu de joie, quand le soleil intense dans sa lumière fait étinceler le gel tel un diamant pur, quand la mer brise la glace en cristaux, quand les battements d’ailes des oiseaux drainent une poussière de neige, on veut en être, de cette nature excitée, en éveil, olfactive, impériale, sur une mélodie d’Edvard Grieg, « un chant si proche de nous ».



« Parfois ma vie ouvrait les yeux dans l’obscurité ». Pour vivre intensément, Tranströmer nous invite à nous déconcentrer, nous éparpiller :



« ce que je déteste l’expression à cent pour cent !

ceux qui jamais ne résident autre part que dans leur façade

ceux qui jamais ne sont distraits »



« Parfois il existe un abîme entre le mardi et le mercredi, mais vingt-six ans peuvent défiler en un instant.” Parce qu’il n’y a plus de temps à perdre, il ne tient désormais qu’à vous, doudoune et boots en main, de partir à la rencontre du poète suédois, d’entendre le bruit ouaté de la neige sous vos chaussures, d’admirer la calme et inquiétante opacité de la mer baltique, de lever la tête jusqu’au gris ciel, diapré de flocons ineffables, caressé par la cime des pins immortels et, cette question du poète pour son lecteur : “me suivrez-vous dans l’enfance ?”



Qu’en pensez-vous ?
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

A travers ce recueil, Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004, découvert grâce à des citations de babeliotes, j'ai rencontré un poète et un auteur que je ne connaissais pas (et oui ! bien qu'il est reçu le prix Nobel de littérature en 2011…)

J'ai été fascinée par sa poésie (de vers en prose aux haïkus) toute en image qui dit le quotidien et l'instant, notre voyage intime et personnel, et invite aux grands voyages, des espaces enneigés aux contrées ensoleillées …

Un authentique plaisir à lire.



Mais je laisse la parole à Tomas Trantrömer pour présenter son univers  par le biais de l'un de ces poèmes :



Las de tous ceux qui viennent avec des mots, des mots

mais pas de langage,

je partis pour l'île recouverte de neige.

L'indomptable n'a pas de mots.

Ses pages blanches s'étalent dans tous les sens !

Je tombe sur les traces de pattes d'un cerf dans la

neige.

Pas de mots, mais un langage.

« En mars-79 »

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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

Dans les cent premières pages je me suis dit que c’était trop pour moi.

Il y avait de beaux vers, des poèmes qui me plaisaient bien, mais - Shame on me - je me disais qu’il m’aurait fallu un best of plutôt que les «Œuvres complètes 1954-2004» publiées par Gallimard. Parfois j’ai lu avec ennui, trouvé ça peu emballant, je n’ai pas toujours réussi à rentrer dedans. Les métaphores tant louées de Tranströmer ne m’embarquaient pas toujours, je saluais son travail mais je les observais parfois de l’extérieur, sans qu’elles ne provoquent d’émotion en moi, en me disant qu’en v.o. peut-être c’était différent?

Mais une fois passé le premier quart du recueil qui rassemble ses textes des années 50, j’ai été de plus en plus convaincue. Son écriture devient avec le temps plus forte, plus prenante.



Si le lyrisme, l’expression intime n’est pas la tasse de thé de Tranströmer, et si cet effacement du moi a pu me refroidir par moments, si le frisson, la fragilité, l’émotion qui peuvent être lié à la subjectivité a pu me manquer, il exprime plutôt bien cette difficulté à le connaître, le moi, à s’en saisir:

«Qui suis-je? Il y a longtemps

j’approchais parfois quelques secondes

ce que je suis, ce que je suis, ce que je suis.



Mais au moment de ME découvrir,

JE m’effaçais et un trou se creusait

et je tombais dedans, tout comme Alice.»



«Il a su transformer son expérience prosaïque en expérience spirituelle, avec une dimension cosmique», écrivait le poète Renaud Ego. Si Tranströmer évoque «une nuit d’hiver», la tempête qui y souffle nous emporte de cet espace ordinaire où le locuteur dort nerveusement dans sa maison vers une autre dimension, plus mystérieuse, «plus sérieuse»:

« Une tempête plus sérieuse passe sur le monde.

Elle pose la bouche sur notre âme

et souffle pour donner le ton. Nous craignons

qu’en soufflant, la tempête ne nous vide. »



Et c’est vrai qu’il y a des images fortes, percutantes, comme celle qui ouvre le livre, « l’éveil est un saut en parachute hors du rêve ». Et sans doute cherchent-elles à provoquer ce miracle poétique que Tranströmer semble saluer chez Éluard, qui nous délivre d’une réalité étouffante, nous ouvre des espaces plus réjouissants:



«Marchais le long du mur antipoétique.

Die Mauer. Ne pas regarder par-dessus.

Il cherche à encercler nos vies adultes

dans la ville routinière, le paysage routinier.



Éluard effleura un bouton

le mur s’ouvrit

et le jardin apparut.»
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Il pleut des étoiles dans notre lit : Cinq po..

Dérouté ; je crois que c'est le mot qui décrit le mieux mon ressenti après la lecture de ce recueil.

La traduction n'y est sans doute pour rien, mais chacun des cinq poètes a son propre style, et la juxtaposition des extraits de leur œuvre a une saveur étonnante.



J'avoue :

- N'avoir été que peu touché par les textes de Inger Christensen, Penti Holappa et Tomas Tranströmer. Une poésie moderne qui m'a laissé un peu indifférent ;

- N'avoir pas du tout aimé les vers de Jan Erik Vold. Une poésie totalement déstructurée, peut-être inspirée du surréalisme ? Je plains Jacques Outin qui a du beaucoup suer en traduisant ;

- Avoir beaucoup plus apprécié les textes de Sigurdur Pálsson, où j'ai retrouvé du rythme et de la musicalité.



En résumé, un recueil déroutant, sans doute pas le meilleur que j'ai lu, mais qui m'a quand même fait découvrir la poésie du Grand Nord, moins connue que les polars de la même région.
Lien : http://michelgiraud.fr/2024/..
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

Je fais quasiment à chaque fois le même genre de propos introductif quand je chronique de la poésie. Mais il est vrai en effet qu'on peut difficilement trouver plus subjectif que l'appréciation de la poésie, particulièrement la poésie contemporaine. En se libérant des contraintes des règles de la poésie classique, la poésie s'expose également à la diversité du jugement. Là où on ne pouvait que reconnaitre qu'une poésie était bien construite, on ne peut maintenant que chercher à comprendre ce qui nous touche, ce qui vient faire sens pour nous dans le jeu autour des mots. Bien sûr cela était le cas aussi avec la poésie classique, mais ce n'était qu'un des critères, c'est maintenant le seul.



Tomas Tranströmer est LE poète suédois de sa génération. Sa consécration par le Nobel arrive tardivement alors qu'il est très malade, mais tout un peuple attendait cette récompense comme logique, tant il est reconnu chez eux, et présent sur plusieurs générations. C'est beaucoup moins le cas à l'international et, quel que soit notre jugement sur sa poésie, on ne peut que se dire que le fait qu'il fut suédois a malgré tout contribué à ce prix.



17 POEMES



J'ai choisi de lire le premier recueil du poète, ce qui n'est peut-être pas le meilleur moyen de comprendre son oeuvre… mais est un moyen quand même intéressant. J'ai été à plusieurs reprises séduit par cette poésie proche de la nature, dont les métaphores prennent régulièrement le biais des animaux, qui décrivent les moments essentiels d'une journée, les tourments de l'océan, la puissance des arbres. Deux poèmes détonnent un peu, hommages intéressants à deux écrivains : le poète et naturaliste américain Thoreau, et l'écrivain russe Gogol. En choisissant, en 1954, de faire le grand écart entre les deux ennemis de la guerre froide, Tranströmer n'a peut-être pas consciemment fait un choix politique. Il a en revanche montré à quel point il ne se laissait pas guider par les diktats du politiquement correct. Ses deux poèmes sont particulièrement de ceux qui m'ont plu, un peu différents d'un ensemble assez homogène par ailleurs.



Ne souhaitant pas m'imposer la lecture de toute une intégrale comme celle de « Baltiques » où sont réunis tous les recueils de l'auteur de son début de carrière à 2004, je ferais sans doute tout de même le choix de lire un deuxième recueil, plus récent pour deux raisons : parce que cette première lecture a finalement été assez agréable , à l'image de la découverte de Quasimodo et Yeats autres poètes nobelisés et bien plus que celle de Saint-John Perse dont l'hermétisme m'avait refermé comme une huître ; et parce qu'il est de bon ton de donner plusieurs chances à un auteur, et particulièrement un poète, de nous bouleverser par sa musique personnelle.

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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

Je viens de parcourir ce recueil de poèmes.

Je ne sais pas pourquoi certaines poésies me transportent véritablement dans l'au-delà, me font oublier le cours de l'existence et d'autres me laissent quasiment insensibles. Peut-être est-ce du à la traduction, au images auxquelles je n'adhère pas ou péniblement. « Baltiques » est de ceux-là. Je reconnais bien tout ce qui pourrait me plaire, un certain romantisme, surréalisme, symbolisme, avec des métaphores oniriques, des références à la mort, aux mystères de la nature… Certains poèmes m'évoquent des plans de films de Bergman. Tout y est, pourtant mes sens ne s'éveillent pas à cette lecture ou très peu. Ce n'est peut-être pas le bon moment. Je réessaierai une prochaine fois car je sens que c'est de la très grande poésie.
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

Après la lecture du récit « Les souvenirs m’observent », prose poétique autobiographique dans lequel Tomas Tranströmer, poète majeur de la Suède et Prix Nobel de Littérature 2011, relatait ses années d’enfance, nous pénétrons plus avant dans l’univers poétique de l’auteur avec « Baltiques », un recueil de poésie qui rassemble des poèmes et des textes poétiques publiés entre 1954 et 2004.



La poésie de Tomas Tranströmer est éminemment originale, sa voix singulière, son chant à nul autre pareil, une poésie dans laquelle on entre à petits pas, un peu troublé par l’utilisation si peu poétique d’objets techniques et usuels, saisi par le pouvoir de mots à la fois simples, sobres et concis mais s’ouvrant cependant sur un imaginaire dont les rivages ne sont pas toujours aisément abordables.



Il ne faut pas être étonné alors de découvrir au gré des rimes, des quais de gare, des trains, des chambres d’hôtel, des téléphones, des ascenseurs, des machineries de bateaux…une accumulation de choses très urbaines dont le poète se sert pour mieux les dévoyer et les détourner, afin de nous faire sortir du cadre du réel et, brusquement, nous faire accéder au monde de l’imaginaire.

Ainsi, chaque objet de la vie quotidienne est propice à une vision onirique.

Une tasse de café, un journal abandonné, un agenda, un arbre décharné….toutes ces choses auxquelles habituellement nous ne faisons plus attention et que nous ne regardons plus, le poète nous invite à les observer de nouveau avec attention car ils sont le lien, la frontière invisible entre rêve et réalité.



« Là-bas sur le terrain vague, non loin des immeubles / il y a depuis des mois déjà un journal oublié, truffé d'événements. / Il vieillit durant les nuits et les jours de soleil et de pluie / en passe de se muer en plante, en chou pommé, de s'unir à la terre. / Comme un souvenir qui peu à peu en nous se transforme. »



Poète de l’ordinaire et du quotidien parsemés d’éclats métaphoriques, Tomas Tranströmer offre une poésie de la sobriété, baignée d’allégorie et d’onirisme, la recherche de la langue dans ce qu’elle a de métaphysique, le mot décomposé et révélé dans ce qu’il possède d’infini et d’illimité, une quête d’absolu dans le dépouillement, la naissance de l’atemporel dans les marques du temps, la compréhension de la valeur de l’instant dans ce qu’il a à la fois d’éphémère et de suspendu, de fugace et d’éternel.



« Il y a un monde muet / il y a une fissure / où les morts passent la frontière / en cachette. »



Métissage entre le réel le plus tangible et le rêve le plus absolu, déploiement de descriptions très urbaines entrelacées à la quête d’un ailleurs, c’est une poésie qui tangue comme un grand bateau ivre, qui se perd dans des vagues tempétueuses pour rejoindre un pays de mythologies et de fables, une contrées de marins et de mers déchaînées, un territoire qui s’expose dans les beautés de la nature, au rythme des saisons, des longs hivers et des étés secs, et qui reflète l’instabilité et l’évanescence de toute vie sur terre.



« Il arrive au milieu de la vie que la mort vienne / prendre nos mesures. Cette visite / s’oublie et la vie continue. Mais le costume / se coud à notre insu. »



Une poésie moderne et symbolique, débordante d’authenticité, entre rêve et réalité.

Une lente et longue dérive au fil de la vie.



« On marche longtemps et on écoute et on arrive au moment où les frontières s’ouvrent ou plutôt, où tout devient frontière. »



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Les souvenirs m'observent

« Ma vie. Quand je pense à ces mots, je vois devant moi un rayon de lumière. »

Avec ces mots Tomas Tranströmer amorce la narration autobiographique de ses années d’enfance et invite le lecteur à pénétrer dans son cercle de lumière, cette « comète » qui ravive l’éclat des souvenirs de ses premières expériences de jeune garçon dans les années 1930-1940.



La lecture du récit autobiographique du poète suédois, récompensé par le Prix Nobel de Littérature en 2011 est émouvante à plus d’un titre.

D’abord parce que le texte est l’unique ouvrage en prose de Tomas Tranströmer ce qui le dote d’une valeur fondamentale lorsque l’on sait que le poète est réputé pour sa production restreinte malgré le succès de ses œuvres traduites en près de 60 langues.



Ensuite parce que ce manuscrit n’était pas au départ destiné aux lecteurs, mais aux deux filles de l’auteur, ce qui lui confère un caractère encore plus intime et personnel, une proximité touchante et pudique, l’impression de faire partie de l’entourage de l’auteur, de partager à travers l’espace et le temps, le legs d’un échantillon de vie, de la naissance du premier souvenir à 3 ans jusqu’à la parution à 17 ans des premiers poèmes dans le journal du collège.



Enfin parce qu’un accident vasculaire cérébral survenu en 1990, peu après la composition de ce texte, a placé l’auteur dans l’incapacité d’entreprendre plus avant la rédaction de ses mémoires, la commotion l’ayant laissé paralysé du côté droit et atteint d’importants troubles du langage.

A la lumière de ce tragique évènement, la brièveté du récit, qui ne concerne que les années d’enfance - de la naissance de Transtörmer en 1931 à la fin de la classe terminale en 1948 -, résonne avec encore plus d’intensité et accentue d’autant plus l’émotion que l’on peut retirer de cette lecture.



Construit par fragments, « Les souvenirs m’observent » se développe au gré de thèmes particuliers par lesquels se fond « un choix de sentiments qui subitement s’enflamment » pour révéler la personnalité de l’auteur : le musée, l’école primaire, la guerre, les bibliothèques, le collège, l’exorcisme et le latin, tous ces thèmes jouant un rôle fondamental dans la construction de l’enfant et le développement du poète en devenir.



C’est avec beaucoup de simplicité et de pudeur que Tomas Tranströmer dévoile ses années d’enfance : sa naissance à Stockholm en 1931, le divorce de ses parents et la crainte de paraître différent aux yeux de ses camarades, son attirance pour les bibliothèques et les musées, son penchant pour les disciplines plutôt scientifiques, son âme de collectionneur, l’éducation dispensée sévèrement dans les établissements scolaires de l’époque, son rejet du nazisme malgré son jeune âge et son irritation devant l’attitude « d’une troublante neutralité de la Suède face à l’Allemagne »…

L’amour pour l’Art et les Belles Lettres ne transparaît quasiment pas dans cette période d’apprentissage où Tomas Transtörmer se rêve davantage en explorateur ou en entomologiste qu’en poète !

Cette disposition à la poésie, qui comblera par la suite toute son existence, apparaît aux alentours de ses 16 ans avec sa scolarité au collège et la découverte des œuvres classiques en latin et des vers d’Horace, ou ceux plus modernes de Paul Eluard.

Le récit s’achève malheureusement au moment où la poésie entre totalement dans la vie de l’adolescent et se clôt avec la publication de ses premières productions poétiques dans le journal du collège en 1948.



La narration bienveillante de cette enfance somme toute ordinaire, qui ressemble à tant d’autres, a le pouvoir de retenir et de fasciner tant elle tisse une proximité avec le lecteur, un peu comme on partagerait les souvenirs d’un proche ou d’un membre de la famille.

De plus, les sentiments et les impressions que l’on vit à cet âge - fierté, peur, doute, camaraderie -, chacun les expérimente à un moment donné de son enfance ; identification ou projection se font alors naturellement, permettant de créer une bulle d’intimité et de partage entre le lecteur et le poète.



S’il ne dévoile pas le travail artistique et poétique de l’auteur, le récit autobiographique « Les souvenirs m’observent » donne cependant la vision d’un homme de valeur, accessible, authentique et sincère, et offre une belle lecture, chaleureuse, chargée d’émotion et de sensibilité.



Le chapitre de cette enfance heureuse et généreuse se referme avec les tous premiers poèmes de jeunesse du Prix Nobel, tels ces quelques vers comme une conclusion au temps passé:



En ce pauvre et bel instant qui lutte

Contre l’armée des secondes

Et se noie dans les remous

Mais me survit pourtant

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Baltiques et autres poèmes

A défaut de pouvoir pénétrer l'ensemble de l'oeuvre de Transtromer qui m'est très difficile d'accès, je me suis concentrée sur deux courts recueils, dont Baltiques dans lequel je suis arrivée à mettre un bout d'oeil, un coin de regard ouvert sur une nature faite de mer noire, vivante, de terre ancestrale, de vie âpre et digne, à travers des poèmes chargés d'histoire et de matière qui donnent la sensation d'entrer dans un paysage et d'en percevoir l'âme.
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Oeuvres complètes : Poèmes, 1954-2002

C'est d'abord un grand choc, un éblouissement, une extase, extase matérielle dirait Le Clézio, un grand paysage., fait d'images et de mots, qui se déroule devant nos yeux où la musique ne se présente ni dans la rime ni dans le mètre (du moins dans la traduction française) mais ce sont les grands éléments de la nature qui rythment la lecture.



C'est ensuite, l'humain que l'on découvre, le "je" anonyme plus que poète, le je de l'éternel humain habitant et habité par la nature, pris dans sa logique temporelle et modale mais aussi artisan de l'humanité.



C'est enfin le choc des métaphores, toujours inédites, à couper le souffle, toujours vraies, rien que de la vérité et du vécu.

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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

Cette anthologie des oeuvres poétiques de Tomas Transtromer, nous laisse pantois, tellement, les chemins de découvertes de sa poésie sont multiples, irréels, subjectifs souvent, réalistes, bruts, d'autres fois. Layon indéfinissable gavé de métaphores permanentes, néanmoins, si l'auteur ne s'embarque pas dans le sentier tortueux du surréalisme, il en côtoie les confins, mais toujours en y mettant un garde-fou, sous la forme d'une touche sensible, d'une émotion naturelle palpable, ou d'un instant criant de vérité. Sa poésie voyage aux quatre coins du monde, cependant, elle nous ramène le plus souvent en Scandinavie, au plus près d'une nature âpre où les éléments sont sans concessions avec les humains. Description poétique donnant lieu à de petites saynètes cocasses, baladant le lecteur dans un théâtre enchanteur onirique, embarquant l'âme dans les songes des légendes vikings. Pourtant, en y regardant avec acuité, on s'aperçoit que le poète aussi rêveur soit-il, a bien les pieds sur terre, s'immergeant avec lucidité dans les univers laborieux des marins, des ouvriers, des gens du quotidien, évoquant sur un ton naturaliste, ces mains, ces visages du monde au travers de ses pérégrinations. L'amour, la famille non plus, ne sont pas absents de la rhétorique de l'auteur, où les mots versifiés partagent avec une courte prose poétique des moments intimes d'une désarmante sincérité, offrant des scènes d'authenticité, où le poète s'efface pour devenir l'autobiographe d'un journal personnel.
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La grande énigme : 45 haïkus

Horriblement difficile de mettre des mots sur mon ressenti de lecture, qui n'est qu'un ressenti, pauvre de surcroît car ce poète me reste très hermétique.

La mort est présente partout dans ces quelques pages, ces images dont j'ai aimé la forme épurée du haiku.

"La mort se penche

sur moi, un problème d'échecs.

Et elle a la réponse".

Mais une mort acceptée, adoptée, observée avec paix dans une nature qui parle son langage:

'L'herbe se dresse -

Son visage, une stèle runique

érigée en souvenir"

Une lecture étonnamment apaisante, bien que très obscure. A relire, pour méditer tranquillement , en lâchant prise...



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Il pleut des étoiles dans notre lit : Cinq po..

Un recueil de poésie scandinave, c'est une vraie découverte pour moi avec un genre que j'apprécie mais lis au final peu souvent et des auteurs originaires de pays que je parcours rarement dans mes lectures.

La préface d'André Velter est très utile pour situer chaque auteur dans son contexte géographique et historique.

Comme chacun à son propre style, je vais détailler ce que j'ai pensé de chaque auteur.



Inger Christensen, Danemark. Ses poèmes sont constitués de morceaux de phrases, d'enchaînements de mots sans véritable unité de phrases. Des vers courts, non rimés. Le thème principal : une ode à la nature et une fusion de l'être avec ce qui l'entoure. J'ai trouvé que le tout dégageait une réel optimisme. Mon poème préféré est Lumière.



Petti Holappa, Finlande. La structure formelle est plus "classique". On alterne entre prose poétique, quatrains, tercets. Les phrases sont longues mais bien rythmées, non rimées là encore mais une fluidité indéniable. Les thèmes principaux sont l'amour et la famille avec des accents bucoliques. Mon poème préféré : Le berger.



Tomas Transtömer, Suède. Des histoires de mer, froides et dures. Ses phrases se déroulent et s'enroulent comme des vagues successives de sens, assez liquides. On est à la limite du récit de voyage. J'ai préféré la partie IV de son long poème intitulé Baltiques.



Jan Erik Vold, Norvège. Ses phrases sont étalées par petites touches sur trois ou quatre lignes. L'esthétique qui ressort ressemble à une toile. L'atmosphère en est aérienne et le ton assez spirituel. Mon poème préféré : Le grand jeu de flipper.



Sigurdur Palsson, Islande. Ce qui frappe, c'est la quasi absence de ponctuation, avec néanmoins une utilisation très fréquente des parenthèses et de l'interrogation. Du coup, les phrases sont longues et sans interruption. L'atmosphère est assez sombre et empreint de mythologie. Mon poème préféré est Ronde.



J'ai vraiment aimé découvrir ces auteurs et irait lire plus avant les oeuvres de Transtömer, Palsson et Vold, ceux dont la style m'a le plus touchée. Avis aux amateurs de poésie et de grands espaces nordiques, maritimes ou terrestres.
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

On trouve de tout sur le quai d'une gare.

En attendant mon train, c'est dans une enseigne de gare que j'ai acheté ce recueil des oeuvres complètes de Tomas Tranströmer. Le caissier habitué à vendre Ouest France et Voici s'en est étonné. Et pourtant, les premières lignes prises au hasard dans ce livre manifestent la pertinence qu'il y a à le trouver en ces lieux. Poésie du réel, du quotidien, du climat, des saisons, de la nature, des bateaux et des voitures. Alors sans doute, Tranströmer a bien sa place sur un quai de gare.
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

Il faudrait que je fasse une thèse sur la notion de frontière dans sa poésie...
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

L'écologie en poésie ça donne des arbres qui jettent leurs branchages, ça donne une forêt en marche, ça rend compte d'une nature non pas angoissante mais rassurante car la nature n'est pas passive mais active dès lors qu'elle est personnifiée, animée, telle qu'elle l'est réellement par ses représentants : insectes, poètes, et autres animaux ... Et la neige de Stockholm laisse plus la plupart du temps dans la poésie au verdoiement, à la luxuriance, même lorsqu'on ne l'attend pas, et pourtant, les saisons sont et laissent place aux pierres réchauffées par la lune comme au soleil. Et le poète décrit aussi bien la nature suédoise que les villes d'ailleurs, Funchal, Lisbonne, mais encore les îles de Mélanésie ... En même temps, le poète voyage et "cet étonnement toujours aussi immense quand l'île me tend la main et me tire de ma tristesse" - "Au crépuscule, en été, on voit les îles décoller à l'horizon."



Mais ce mouvement vient de la tempête car " Une tempête plus sérieuse passe sur le monde. Elle pose la bouche sur notre âme et souffle pour donner le ton. Nous craignons qu'en soufflant, la tempête ne nous vide." et cette tempête, présente dès le début des oeuvres complètes, revient tel un leitmotiv non pas pour nous entraîner violemment, mais pour générer un courant électrique, par la force et par la puissance du courant poétique, où l'aérien se fait plus lourd, plus chargé de sens que dans les hautes sphères car la tempête s'abat sur terre ... Mais cette tempête est plus rassurante qu'inquiétante dans Baltiques, ce qui me laisse songeuse.
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Il pleut des étoiles dans notre lit : Cinq po..

Cinq poètes méconnus dans nos contrées pour une ode à l'espoir et à la nature.Tous ont en commun la fragilité de l'être face à la puissance des éléments. Une poésie authentique et accessible, qui fait la part belle à la lenteur et la mesure.

Une poésie de l'ailleurs aussi, très différente de la nôtre, où la neige tient évidemment une place prépondérante.
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

je suis encore en train de digérer cette lecture...

On lit des mots et on voit des images devant ses yeux, on écoute des sons, des bruits de la ville ou de la nature.

Il y a de la magie dans ces poëmes, et beaucoup de sensibilité.
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La grande énigme : 45 haïkus

La Nature lui parle, à Tomas Tranströmer. Elle lui envoie des messages à travers une multitude d'objets, de lumières, de sons. Il y voit des prédictions et des légendes (il y a des trolls). Et de tous ces signes, il fait des haïkus, dont beaucoup sont forcément incompréhensibles... Ça tient à la fois du cadavre exquis - parce qu'il rapproche des phrases dont on ne voit pas le sens ("Le pommier centenaire. La mer est proche"???), mais aussi d'une ode écologique: écoutez la Nature. Elle vous parle.

Pour ma part je me suis laissée bercer avec beaucoup de plaisir.

Traduction de Jacques Houtin.

Challenge Nobel

LC thématique de septembre 2021 : "Première rencontre"
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Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004

Lu dans un voyage en train entre Stockholm et Copenhague... Tôt le matin... Le soleil se levait doucement sur les grandes étendues suédoises. Les forêts, les lacs, les plaines... Tous passaient devant mes yeux ébahis. Je lisais, photographiais, lisais, photographiais, encore et encore, pendant 5 heures.

La poésie de Transtromer appelait le paysage à mes yeux et le paysage appelait la lecture. J'étais définitivement dépaysé et ce voyage en train demeure l'un de mes plus beaux souvenirs et la lecture du recueil va de fait avec.

Un excellent compagnon de route...
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