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Critiques de Upton Sinclair (81)
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La jungle

Contrairement à son roman ''Pétrole!'', le roman ''La jungle'' de l'auteur Upton Sinclair est un roman coup de poing.



Un roman sur la condition ouvrière. Ce n'est pas réellement un roman d'éducation, excepté vers la fin. C'est plutôt un roman : «Je te colle le nez dans ta merde» (pardonnez-moi les termes utilisés). Ainsi, on aime ''la jungle'' et ''Pétrole'' pour des raisons assez différentes. Le premier consiste à montrer à la face du monde plusieurs chemins de vie possible d'un ouvrier (peu reluisant) tandis que le deuxième cherche à éduquer son lecteur par rapport au monde qui l'entoure. En d'autres termes, un roman coup de poing versus un roman qui fait appel à la raison et à l'intellect.



Upton Sinclair, quelquefois appelé le Zola américain, à fait son roman à partir d'un travail journaliste sur les conditions de travail dans les abattoirs. Il a parcouru quelques abattoirs, un sceau à la main pour se fondre dans le décor et à lui-même assisté au travail acharné des ouvriers.Il a également assisté à des scènes de la vie quotidienne. À ce titre, son roman est une image des conditions de vie et de travail des ouvriers de cette époque pas très lointaine.



Toutefois, il est difficile de donner une note parfaite. Il a trop voulu faire vivre d'expériences à son personnage principal. Ainsi, il est ouvrier dans plusieurs départements, chômeur (jusqu'ici, ça va), , vagabond, gangster, responsable politique mineure, contremaître corrompu et finalement, à nouveau, ouvrier éclairé par une éducation socialiste. Tout cela, il aurait pu le séparer entre quelques personnages ou au moins, deux. Mais, il a voulu montrer plusieurs facettes, peut-être trop.



Cela dit, le livre est excellent. L'écriture n'est pas rebutante pour celui qui voudrait avoir une vue partielle sur ce que pouvait être la vie d'un ouvrier au début des années 1900.
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La jungle

Il y a clairement du Zola et du Dickens dans les faits relatés par Upton Sinclair dans La jungle. Mais ici, c'est aux côtés d'une famille d'immigrés Lituaniens que nous découvrons l'Amérique du début du XXe siècle, dans l'univers des abattoirs de Chicago.

Outre les détails souvent sordides de la vie quotidienne, on perçoit l'évolution de l'état d'esprit du héros principal, Jurgis ; à son arrivée sur le nouveau continent, chargé d'espoir, Jurgis est persuadé qu'en travaillant il s'en sortira, lui et sa famille, "je travaillerai encore plus", lance-t-il lorsque les difficultés s'accumulent. Il ne comprend d'ailleurs pas pourquoi les ouvriers des abattoirs ne sont pas contents de leur sort et pestent contre les cadences inhumaines... N'ont-ils pas un travail après tout ?

Mais au fil du temps, le solide lituanien et sa famille sombrent lentement mais inexorablement dans une misère que l'auteur décrit en détails, parfois insoutenables. Le système broie les hommes aussi surement que les carcasses de boeufs, avant de les mettre au rebut pour les remplacer par d'autres.

Les malheurs arrivent, et Jurgis ne pourra peut-être pas garder sa maison, voire son emploi...

Une roman très dur, à lire absolument, et dont bon nombre de réflexions sont encore, et malheureusement d'actualité.
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La jungle

Bien que l'histoire de ses héros soit fictive, le roman d'Upton Sinclair a la précision d'un témoignage, presque d'un documentaire. En nous plaçant aux côtés d'une famille d'immigrés lituaniens dans le Chicago du début du XXème siècle, il dresse un tableau exhaustif et terriblement réaliste de la condition ouvrière de l'époque, mais s'attache aussi à mettre en évidence le fléau que représente le nouveau modèle économique symbolisé par les trusts américains, en prenant l'exemple de la filière viande.



Ona et Jurgis sont au centre du clan dont nous faisons la connaissance, le roman s'ouvrant sur leur cérémonie de mariage, alors que le jeune couple est aux Etats-Unis depuis quelques mois. Ils se sont connus en Lituanie, et rapprochés à la mort du père d'Ona, propriétaire terrien qui voyait d'un mauvais œil que Jurgis, travailleur et sincère mais pauvre et illettré, tourne autour de sa chère fille, cultivée et habituée à un certain confort. Ona orpheline, et la fortune paternelle n'ayant pas fait long feu, Jurgis n'a guère eu de peine à la convaincre de le suivre pour tenter leur chance en Amérique. Ils partent accompagnés de Marija, l'exubérante et vigoureuse cousine d'Ona, de sa belle-mère et de ses cinq enfants, du frère de cette dernière et du père de Jurgis.



Passées les vicissitudes du voyage, qui voit fondre leurs maigres économies -ils sont bien sûr la proie de profiteurs en tous genres-, ils s'installent à Packingtown, quartier des abattoirs de Chicago, où les hommes de la famille et la solide cousine trouvent rapidement du travail. Les nouveaux arrivants sont alors subjugués par l'ampleur et la perfection technique de ce qui représente une ville à part entière : les abattoirs sont sans doute la plus grosse concentration de main-d'oeuvre et de capitaux qui ait jamais existé. Comptant trente mille employés, ils nourrissent trente millions de personnes de par le monde, et des milliers de bœufs et de cochons y sont tués chaque jour.







Bientôt, nos héros quittent la chambre crasseuse et minuscule dans laquelle ils s'entassaient depuis leur arrivée pour une petite maison soi-disant neuve qu'ils achètent, comptant sur le cumul des revenus des hommes de la famille pour en régler les traites...



La réussite semble leur sourire, mais ce n'est qu'une illusion...



Le travail à la chaîne pour un salaire de misère, à des cadences toujours plus soutenues, sans aucune mesure de sécurité, l'absence de protection sociale, rendent quotidien le risque d'accident ou de mort, par ailleurs exhaussé par des conditions de vie insalubres. Jurgis perd son père, emporté par la tuberculose, puis un accident de travail le maintient alité pendant plusieurs mois. A partir de là, tout semble se liguer contre eux. Les dépenses imprévues se multiplient, ils découvrent avoir été arnaqués lors de l’achat de leur maison, Marisa se retrouve elle aussi au chômage suite à la fermeture de la conserverie où elle peignait des boîtes... Lorsque Jurgis peut de nouveau travailler, il a perdu sa constitution robuste et son endurance, et doit se contenter de tâches de plus en plus viles, difficiles et mal payées.



Même le climat est contre eux, chaque saison faisant subir ses contraintes. Au printemps, c'est la pluie qui transforme tout le quartier, dépourvu de rues, en marécage, ses habitants devant parfois progresser plongés jusqu'aux aisselles dans une eau souillée pour rejoindre leurs logements. En été, ce sont les températures accablantes qui rendent les ateliers irrespirables, et provoquent de nombreuses morts par insolation. Le froid et la neige de l'hiver font des trajets pour joindre les lieux de travail une aventure parfois fatale pour les doigts et les oreilles...



Une véritable descente aux enfers, en somme, que partage le lecteur horrifié.



Les conditions de vie et de travail de tous ces hommes et femmes, de ces enfants aussi -puisque malgré la récente interdiction du travail aux moins de seize ans, les parents, pour survivre, n'ont souvent d'autre moyen que de mentir sur l'âge de leur progéniture- sont si dures, si dangereuses, si méprisantes du respect de l'individu que c'en est à peine supportable.

Ces ouvriers sont considérés non pas comme des individus d'ailleurs, mais comme de la main d'oeuvre, dont on tire le maximum au meilleur prix, et que l'on jette sans scrupule lorsqu'ils ne sont plus utilisables. Et c'est d'autant plus facile quand on a affaire à des travailleurs immigrés, ignorants de la langue et des usages de leur nation d'accueil.







C'est ainsi une nouvelle forme d'esclavage que dépeint Upton Sinclair, confortée par la toute puissance d'industriels engagés dans la course du profit à outrance, justifiant les pratiques les plus malhonnêtes, voire les plus délétères pour ceux qui en sont les victimes. Ainsi, dans les abattoirs, rien ne se perd : la graisse évacuée dans des eaux polluées est récupérée pour fabriquer du saindoux (auquel s'ajoute parfois les restes d'un ouvrier tombé dans la cuve), les carcasses de bœufs tuberculeux sont vendues après avoir été "maquillées", des alchimistes colorent les déchets pour en faire des conserves... Et ces mystifications à but lucratif s'étendent aussi au quotidien des habitants de Packingtown, dont les logements sont construits, en l'absence de tout-à-l'égout, sur des déjections, dont les aliments sont frelatés (des sels de cuivre sont ajoutés dans les conserves pour rehausser la teinte des légumes, le lait est étendu d'eau et additionné de formol...) dont les vêtements sont faits de coton additionnés de déchets de laine retissés,...



Tous les niveaux de la société sont d'ailleurs gangrenés par la corruption : la police, la justice, les services d'inspection sanitaire... sont à la solde des trusts dont ils servent les intérêts.



Face à cette puissance a priori invincible, à cette iniquité a priori inéluctable, que faire sinon capituler ? La prérogative quotidienne de la survie, créent une angoisse permanente. La misère est âpre, cruelle, mais surtout sordide, triviale, laide, et humiliante : beaucoup perdent tout respect d'eux-mêmes, sombrent dans l'alcoolisme, se perdent dans la prostitution... L'enthousiaste et responsable Jurgis devient dur, cynique. Il reprend toutefois espoir le jour où, ayant pénétré dans une salle de réunion pour s'abriter du froid, il entend un discours nouveau, qui invite à la lutte...



"La jungle" est un récit dur mais édifiant, dans lequel Upton Sinclair a su allier le souci d'une rigueur quasi journalistique (il a passé six mois à enquêter dans les abattoirs, où il s'est même fait embaucher) à un sens du romanesque justement dosé. Bien que riche en descriptions parfois très détaillées, son récit n'est ainsi jamais fastidieux, la dimension sociale de son texte n'occultant pas l'importance de ses personnages. Son écriture est par ailleurs très vivante, faisant naître images et odeurs à l'esprit du lecteur, et enrichie d'un humour -certes noir- et d'une implication ironique qui met d'autant plus en lumière l'absurdité monstrueuse du monde qu'il évoque.



A lire, bien sûr !



N.B : à sa sortie, en 1906, cet ouvrage fit scandale. Mais au grand regret de son auteur, c'est davantage le scandale sanitaire qui interpella ses concitoyens que les conditions de travail inacceptables des ouvriers. Un rapport d'enquête sera exigé par le président Roosevelt à la suite de la parution de "La jungle", qui aboutira à l'adoption de deux lois sur l'inspection des viandes.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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La jungle

C’était le bon vieux temps… Ambiance folklorique oblige, La jungle s’ouvre sur une cérémonie lituanienne de l’acziavimas. Un défilé de personnages s’anime sous nos yeux : Teta Elzbieta apporte les mets du banquet, la grand-mère Majauszkiene complète avec le plat débordant de pommes de terre, Tamoszius Kuszleika remplit la salle des mélodies endiablées et joyeuses qu’il tire de son violon, faisant danser les invités au nombre desquels on découvre Jurgis et Ona, tandis que Marija Berczynskas, infatigable, se démène d’un bout à l’autre de la salle pour assurer le bon déroulement de la cérémonie, veillant à ce que les règles et les traditions soient appliquées selon le bon ordre. On ne s’ébroue pas dans la richesse mais enfin, il y a des pommes de terre, du jambon, de la choucroute, du riz bouilli, de la mortadelle, des gâteaux secs, des jattes de lait et de la bière ; et puis surtout, les retrouvailles sont joyeuses et animées ; elles consolident un peu plus une communauté déjà chaleureuse.





C’était le bon vieux temps, et il faudra se souvenir de cette cérémonie dans le pays comme le dernier épisode heureux vécu par Jurgis et Ona. Les deux jeunes personnes ont à peine la vingtaine lorsqu’elles décident de prendre le bateau, de traverser l’Atlantique et d’atteindre les Etats-Unis. Il paraît qu’ici, le travail se trouve facilement, que les salaires sont élevés, et que les logements et les institutions modernes permettent à n’importe quel individu méritant de s’installer confortablement dans le bonheur d’une existence aisée. Pour ce qui est du mérite, Jurgis et Ona, accompagnés de quelques autres membres de leurs familles, n’ont pas de soucis à se faire. Ils ont été élevés à la dure et ne chôment jamais. Les Etats-Unis n’ont qu’à bien se tenir.





Le désenchantement commence sitôt arrivés dans les quartiers pauvres de Chicago. Grisaille et misère se conjuguent avec l’aspect déshumanisé d’un monde industriel qui a aboli toute ressource naturelle. Les paysages verdoyants de la Lituanie semblent ne pas pouvoir trouver d’égaux, jusqu’à ce que Jurgis découvre les abattoirs, dont le système de production ingénieux rivalise avec les prodiges de la nature. L’installation est gigantesque : entièrement mécanisée, elle permet d’abattre huit à dix millions d’animaux chaque année. Pour cela, l’usine emploie trente mille personnes. Elle fait vivre directement deux cent cinquante mille personnes ; indirectement un demi-million. Ses produits submergent le marché mondial et nourrissent une trentaine de millions de personnes. Nous sommes en 1906 et les prémisses catastrophiques d’un monde industrialisé, sans âme, perdu dans les affres du bénéfice, ont déjà germé : la déchéance est imminente.





La jungle semble d’abord accueillante. Elle fournit du travail à tous nos lituaniens nouvellement arrivés et leur offre un salaire plus généreux qu’ils ne l’auraient espéré. Malheureusement, le coût de la vie aux Etats-Unis est également plus élevé que prévu. On leur promet la propriété puis on les roule en leur faisant payer des charges mensuelles et annuelles qui les éloignent sans cesse davantage de l’acquisition définitive. Les enfants doivent bientôt se mettre au travail pour permettre à la famille de subsister. Pour une journée entière de labeur, ils ramènent quelques cents, une somme dérisoire. Passe encore lorsque les parents ont du travail mais bien souvent, après la frénésie productive qui précède les fêtes de fin d’année, les usines ferment sans préavis et laissent à la rue des milliers d’employés affamés et abrutis par la fatigue. Il faut alors trouver du travail ailleurs –même si toutes les entreprises du coin appartiennent à la même famille-, vivre d’expédients, envoyer les enfants faire la manche dans la rue, grappiller quelques repas en échange d’un verre d’alcool. Très rapidement, la force vitale d’Ona et de Jurgis s’éteint. On se souvient de l’émerveillement naïf, de l’énergie intarissable et de la joie pure qui les animait encore en Lituanie. On constate que tout cela a commencé à s’éteindre après quelques mois aux Etats-Unis, avant de disparaître complètement au bout de quelques années. On comprend que la misère et la fatigue seules ne sont pas responsables de leur déchéance. Le mal est plus sournois : derrière des apparences accueillantes, il désolidarise les individus, les isole dans un mur de silence et les empêche de trouver du réconfort en faisant briller sous leurs yeux des promesses de richesse et d’ascension sociale plus attirantes que l’assurance d’un foyer uni, se satisfaisant à lui-même.





Si la Jungle désigne métaphoriquement cette vie tournant autour des abattoirs de Chicago, les abattoirs constituent quant à eux la métaphore terrible de la destinée humaine :





« On dirigeait d’abord les troupeaux vers des passerelles de la largeur d’une route, qui enjambaient les parcs et par lesquelles s’écoulait un flux continuel d’animaux. A les voir se hâter vers leur sort sans se douter de rien, on éprouvait un sentiment de malaise : on eût dit un fleuve charriant la mort. Mais nos amis n’étaient pas poètes et cette scène ne leur évoquait aucune métaphore de la destinée humaine. Ils n’y voyaient qu’une organisation d’une prodigieuse efficacité. »





Les animaux aussi bien que les êtres humains sont à la merci des abattoirs. Sophistiqués comme jamais, ils émerveillent encore, alors qu’aujourd’hui ils répugneraient aussitôt. C’est que tout leur potentiel d’hypocrisie, de manipulation –pour ainsi dire de sordide- n’a pas encore été révélé. Qu’est-ce qui tue vraiment les employés des abattoirs ? Outre le travail inhumain, on soupçonne la perfidie des moyens.





La Jungle nous révèle que la déchéance moderne a déjà une longue expérience derrière elle. La pourriture de l’hyper-industrialisation que l’on connaît aujourd’hui existait déjà au début du 20e siècle aux Etats-Unis. Ce qui nous différencie des lituaniens ignorants de ce roman tient à peu de choses : eux pensaient vraiment que la société capitaliste permettrait l’épanouissement des individus tandis que nous sommes bien peu nombreux à le croire encore –mais dans les deux cas, les individus sont bernés. La tactique début du 20e siècle pour juguler le mécontentement consistait à épuiser les travailleurs, à les désolidariser, à leur faire perdre toute dignité humaine. La duperie ne pouvait cependant pas fonctionner éternellement et Upton Sinclair nous décrit la constitution progressive des forces opposantes socialistes s’unissant pour faire face aux débordements de l’entreprise Durham. Dans cette dernière partie de la Jungle, la tension rageuse accumulée tout au long du livre trouve un exutoire dans le discours et l’action politiques. Si les socialistes finissent par remporter les élections locales, la victoire reste cependant fragile : « Les élections n’ont qu’un temps. Ensuite, l’enthousiasme retombera et les gens oublieront. Mais, si vous aussi, vous oubliez, si vous vous endormez sur vos lauriers, ces suffrages que nous avons recueillis aujourd’hui, nous les perdrons et nos ennemis auront beau jeu de se rire de nous ! ».





La suite de l’histoire reste en suspens. Pendant ce temps, la Jungle sera traduite en dix-sept langues et entraînera les menaces des cartels mais aussi l’approbation de la masse populaire. Des enquêtes viendront confirmer la véracité des propos rapportés par Upton Sinclair avant que le président Theodore Roosevelt ne le reçoive à la Maison-Blanche pour entamer une série de réformes touchant l’ensemble de la vie économique du pays. La conclusion n’est pas joyeuse pour autant. Plus d’un siècle vient de passer mais le roman entre encore en écho avec la déchéance industrielle de notre époque. Certes, aux Etats-Unis ni en Europe, plus personne ne meurt d’épuisement physique, plus aucun enfant n’est exploité et tout employé peut bénéficier –en théorie- des protections sociales et sanitaires de base. Mais nous sommes-nous vraiment échappés de l’abattoir ? Il semblerait plutôt que le mal se soit déplacé –peut-être même a-t-il carrément retourné sa veste pour s’emparer de ce qui manquait alors cruellement aux personnages du roman : le confort. Les coups, les mutilations, le froid destructeur, la chaleur vectrice de maladies, les engelures, les brimades, la tuberculose, les noyades –toutes ces violences physiques faites aux corps des habitants du premier monde deviennent des métaphores vénéneuses des violences morales faites aux habitants du deuxième monde. A bien y réfléchir, notre situation est tout aussi désespérée : nous ne savons plus que nous sommes victimes car notre corps ne se désagrège plus –ou si peu- au fil des saisons. Nous ne savons pas, et nous sommes comme ces porcs que l’on conduit à l’abattoir :





« Chacun d’entre eux était un être à part entière. Il y en avait des blanc, des noirs, des bruns, des tachetés, des vieux et des jeunes. Certains étaient efflanqués, d’autres monstrueusement gros. Mais ils jouissaient tous d’une individualité, d’une volonté propre ; tous portaient un espoir, un désir dans le cœur. Ils étaient sûrs d’eux-mêmes et de leur importance. Ils étaient pleins de dignité. Ils avaient foi en eux-mêmes, ils s’étaient acquittés de leur devoir durant toute leur vie, sans se doute qu’une ombre noire planait au-dessus de leur tête et que, sur leur route, les attendait un terrible Destin. »





Le socialisme a changé la couleur des murs de l’abattoir. On aimerait pouvoir dire qu’il a œuvré davantage mais ce n’est certainement pas le cas car la lecture de la Jungle, plus d’un siècle après sa première publication, est encore saisissante et ne laissera pas de remuer des plaintes sourdes qui signifient que le massacre ne s’est pas arrêté.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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La jungle

La vie est trop belle ? Ras-le-bol de vous lever avec la banane et de chanter « What a wonderful world » sous la douche ? Vous vous dites qu’avec un peu de vaillance et d’optimisme on peut gravir, voire déplacer des montagnes ? Vous adorez les burgers juteux et le lard scintillant ?

LISEZ « LA JUNGLE », ça va vous calmer.



Ce récit est l’histoire d’une famille lituanienne qui part pour la Terre promise et arrive en ENFER. Et rien, ni l’amour, ni le courage, la solidarité, le travail acharné ou même l’espoir, ne parviendra à sauver Jurgis, Ona et leur famille de l’Ogre qui les attend à Packingtown ; vaste quartier de Chicago où se trouvent les « habitations » des malheureux destinés à « nourrir » les abattoirs de la ville.



À l’aube du XXe siècle, le marché de la bidoche est en plein boom aux USA, et les assommoirs à bétail poussent comme des champignons. Adieu veaux, vaches, cochons, rats (et, parfois même, ouvriers « Sergeï ! T’as pas vu Vytautas ?) et bonjour les poulardes, les rôtis, les saucisses, les pâtés de cerf et les porcelets !



Sauf que :



« Dans les boutiques, ces produits étaient vendus sous différents labels, de qualité et à des prix variés, mais tous provenaient de la même cuve. Sortaient aussi de chez Durham […] du pâté de jambon qui était préparé à base de rognures de viande de bœuf fumé trop petites pour être tranchées mécaniquement, de tripes colorées chimiquement pour leur ôter leur blancheur, de rognures de jambon et de corned-beef, de pommes de terre non épluchées et enfin de bouts d’œsophages durs et cartilagineux que l’on récupérait une fois qu’on avait coupé les langues de bœuf. »



Des « amuse-bouche, qui mettent en appétit » comme dirait Godefroy…



Animaux et humains, brisés, malades, souvent plus morts que vifs entrent dans la gueule du monstre pour y laisser tous leurs biens ; tant matériels qu’immatériels.

Et pareilles à des mouches prises dans une toile, les forçats, leurs femmes et leurs enfants se débattent pour finir vidés de leurs substances et broyés comme les bêtes qu’ils estourbissent, écorchent, saignent, et découpent, par milliers, chaque jour, pour assouvir l’appétit démesuré d’un capitalisme sauvage et impitoyable.



Pourquoi s’infliger une telle dose d’horreur et de désespoir, me direz-vous ?

Peut-être pour savoir ce qui se passait et donc s’interroger sur ce qui se passe sans doute encore (merci L214).



Et surtout pour rendre hommage au pouvoir des livres et à la ténacité de l’auteur dont l’excellent récit (qui, lui, se dévore) a changé les choses.



Upton Sinclair, bien que menacé de mort, parvint à faire éclater la vérité ; il fut reçu à la Maison-Blanche et la condition des travailleurs dans les abattoirs s’améliora significativement. Ce Zola made in USA est un héros qui sauva, sans doute, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants avec son art et pacifiquement.

Et ça, ça vaut bien 5 étoiles.

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La jungle

Jürgis et sa famille lituanienne émigrent à Chicago. Nous sommes au début du XXe siècle. Il parvient à trouver du travail dans les immenses abattoirs industriels de la ville et leurs activités annexes. Mais peu à peu le rêve américain tournera au cauchemar.

Le livre aborde (brièvement, mais il faut le noter) le problème de la souffrance animale, la déshumanisation des emplois causée par l'industrialisation sauvage, l'absence de code du travail et ses conséquences humaines, l'absence de réglementation des produits, le tout dans le cadre d'un capitalisme tout-puissant. Jürgis connaîtra la misère, la déchéance morale et physique, et pour survivre devra se compromettre avec la pègre et les politiciens véreux, avant de prendre conscience de sa condition de prolétaire exploité et de s'engager politiquement..

Écrit dans un style simple et quasi journalistique, ce livre apparaît, à nos yeux de lecteurs du XXIe siècle, comme une découverte naïve des excès d'un capitalisme dérégulé. On n'y trouvera pas d'analyse psychologique ou des rapports sociaux poussée, contrairement à Zola à qui on pourrait comparer Upton Sinclair, mais c'est une formidable enquête sur le Chicago industriel du début du XXe siècle.
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La jungle

Jurgis Rudkus, le personnage principal, et sa famille quittent leur pays natal, la Lituanie, pour traverser l'Europe et l'Atlantique et venir s'établir en Amérique comme tant d'immigrés à l'époque. Ils atterrissent à Chicago et trouvent tous du travail chez Durham et Compagnie, le trust de la viande qui n'hésite pas à employer pour des salaires de misère, hommes, femmes et enfants.

Ils découvrent très vite que la vie en Amérique est beaucoup plus chère que prévu et que leur salaire à tous ne suffira pas pour vivre. Les enfants ne pourront pas aller à l'école et ils resteront au bas de l'échelle malgré leur ardeur quotidienne à la tâche.

De plus les conditions de travail sont déplorables, l'été il fait une chaleur étouffante dans les locaux, l'hiver les mains et les pieds gèlent, les cadences sont infernales et les accidents quotidiens (gelures, coupures, intoxications, évanouissement, morts). Le lecteur découvre effaré et choqué, les conditions de travail déplorables y compris pour les enfants, l'absence d'hygiène y compris pour les consommateurs futurs, rien n'étant jeté y compris la viande avariée ou celle des animaux malades...tout est transformé et mis sur le marché. Et je ne parlerai pas de la cruauté insoutenable qui règne dans les lieux.

La famille décide d'acquérir une petite maison que l'agent immobilier prétend neuve ce qui leur permettrait d'être chez eux un jour. Ils ne savent pas que cela précipitera leur perte, en cas de non paiement, la maison leur sera retirée sans compensation des sommes versées. Ils ne parlaient pas un mot d'anglais et donc c'était facile pour les exploiteurs de les tromper.

Il n'est pas étonnant que dans de telles conditions et devant les drames que doivent vivre la famille de Jurgis, celui-ci craque, se batte avec un supérieur qui a abusé de sa femme, et se retrouve en prison précipitant la famille dans la misère. Se retrouvant sur liste noire, il est impossible désormais pour lui de retrouver du travail à sa sortie. Il fera pourtant tout ce qui est en son pouvoir, partira sur les routes, tentera sa chance tout en essayant de survivre.

Les ouvriers ne peuvent dans ces conditions se rebeller car ils perdent tout, les femmes se prostituent, les enfants croulent sous la pénibilité du travail.

Pourtant malgré la déchéance physique, la perte de l'espoir, des solutions se profilent, appartenir soi-même à la mafia dirigeante ou au contraire se tourner vers cette nouvelle idéologie montante que l'on appelle le socialisme ? Jurgis devra choisir pour retrouver un sens à sa vie et sauver peut-être ce qui peut l'être.



Je suis restée abasourdie par cette lecture choc, dure et tellement réaliste que l'on se demande comment un tel monde a pu exister et malheureusement existe encore de nos jours avec les conséquences de la mondialisation, plus d'un siècle après l'écriture de ce livre qui a fait scandale lors de sa sortie en 1906.

Impossible de s'habituer à voir une telle souffrance animale ou humaine...un tel désespoir face à l'avenir et à l'effondrement de tant de vies d'immigrés gâchées pour toujours, qui ont cédé à l'attrait d'un monde meilleur. C'est un récit effroyable mais qui fait écho à l'actualité, à la montée de la pauvreté, au racisme ambiant, aux immigrés qui se noient en méditerranée et à notre monde où l'argent prime sur l'homme, et où les plus riches méprisent encore et toujours ceux qui leur ont permis d'acquérir leur richesse et de vivre leur vie de nantis et je ne parle pas de la classe politique corrompue.

Ce livre poussera le président des Etats-Unis de l'époque (Roosevelt) à enquêter sur les installations et les conditions d'hygiène et à créer une loi sur l'inspection sanitaire, mais aussi à enquêter sur les conditions de travail ce qui a permis à des réformes du droit du travail de voir le jour.

Certes, nous savons à présent que les conditions de vie des ouvriers ont évolué et que les millions d'hommes et de femmes, grâce aux grèves gigantesques de 1920, sont arrivés à faire entendre leur voix. Mais tout cela ne peut que nous mener à une terrible constatation, trop peu de choses ont changé dans certains pays.


Lien : https://www.bulledemanou.com..
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La jungle

Ce livre nous plonge dans l'enfer de l'industrie de la viande, dans les Etats-Unis du début du XXéme siècle. Une famille d'immigrés va déchanter en découvrant l'envers du décor du rêve américain. Ils découvrent un système capitaliste qui broie l'humain dans sa chair et son esprit.

C'est très bien écrit, la description d'une société, le Chicago laborieux des années 1920, est réaliste et vraiment prenante. Car si ce livre est un plaidoyer il nous raconte surtout l'histoire d'un homme. A la fois documentaire et romanesque.



Amateurs de romans historiques ou de récits à la Zola foncez !
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La jungle

Bien que La Jungle relate une fiction, ce roman s'apparente davantage à un documentaire qu'à une véritable oeuvre littéraire. Vu sous cet angle, on peut dire que l'ouvrage livre une description bien renseignée, sans concession, édifiante et totalement effrayante de la misérable vie des immigrés aux Etats-Unis au début du XXème s. Un livre intéressant, donc. Le mythe du pays de Cocagne en prend un sacré coup à la lecture de ces lignes, tout autant que s'envolent les illusions sur la bonté de l'humanité.

Un bémol toutefois pour la longue, très longue tirade à la gloire du socialisme naissant à la fin du livre. Il est sûr que cet éveil à la conscience ne pouvait pas être passé sous silence en ce début de siècle, mais une dizaine de pages auraient suffi. J'avoue avoir poussé un soupir de soulagement en arrivant à la dernière ligne de cette harangue s'étirant sur 70 pages (oui, quand même !).
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La jungle

La Jungle s'ouvre sur un mariage et se referme sur une naissance. Le mariage d'Ona et Jurgis Rudkus avec ses traditions folkloriques lituaniennes : l'acziavimas et la vesejila. Leur union est à marquer d'une pierre blanche car elle symbolise l'un des derniers moments de bonheur du jeune couple.



Mais revenons quelques mois en arrière, nous sommes au début des années 1900, quand Jurgis et Ona, accompagnés de leur famille ( douze personnes au total, six adultes et six enfants), débarquent à Chicago après avoir fui l'infortune lituanienne. Dans ce pays de cocagne où tout semble possible, pour qui veut bien travailler durement et servilement , ils espèrent trouver un avenir meilleur. Ils vont vite perdre leurs illusions et le rêve américain tourne au désenchantement. Une fois en Amérique, ils se rendent compte d'une cruelle réalité : "si les salaires étaient élevés dans ce nouveau pays, les prix l'étaient tout autant et un pauvre étaient aussi pauvre ici que n'importe où d'ailleurs sur cette terre". Sans parler de la corruption et des escroqueries en tous genres qui plongent la famille dans la tourmente. Désormais un seul mot d'ordre : survivre !



A Chicago, si l'on veut du travail, il faut se rendre à Packingtown, le quartier des abattoirs, propriété des trusts de la viande. Jurgis, notre colosse Lituanien, n'a aucun mal à se faire engager à la chaîne d'abattage. Malgré toute sa bonne volonté et sa force de travail, son maigre salaire ne suffit pas à nourrir tout le monde. Les membres de la famille, adultes et enfants, se mettent en quête d'un travail afin de subvenir à leurs besoins élémentaires. De la douce et délicate Ona, en passant par le vieil Antanas à la toux incessante ou au jeune Stanislovas, qui ment sur son âge, tous se retrouvent dans l'enfer de Packingtown.



A travers le destin tragique de Jurgis et de sa famille, Upton Sinclair nous plonge dans les abîmes du capitalisme du début du XX siècle. Il nous montre le quotidien de ces milliers de gens qui constituent les rouages indispensables de la gigantesque machine industrielle. Le travail d'abattage à la chaîne aux cadences infernales est un supplice effroyable pour les ouvriers qui tuent et dépècent les animaux, été comme hiver, dans l'atmosphère confinée et suffocante des ateliers remplis d'une odeur putride de sang et de crasse. Les accidents sont très fréquents, un coup de lame maladroit qui entaille une main et c'est l'infection, un chariot qui sort de sa trajectoire et c'est la mort. Les usines qui ferment du jour au lendemain, pour plusieurs mois, laissant ces travailleurs dans le dénuement le plus total.

Et tout ça au nom de quoi ? Du profit, de l'appât du gain, du capitalisme à outrance au mépris de toute humanité.

Comme évoqué en préambule, ce roman s'achève sur une naissance : celle du socialisme, qui donne une touche d'optimisme et un peu d'espoir à Jurgis et ses camarades.



Lors de sa parution en 1906, ce roman "coup de poing" fait grand bruit et pousse le président Theodore Roosevelt à engager une commission d'enquête sur les conditions de travail dans l'industrie de la viande et à faire mener des réformes du droit du travail et de la réglementation en matière de production alimentaire.

La Jungle fait partie de ces livres qui ont fait l'Amérique ! Un grand roman social.
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La jungle

Un livre coup de poing comme on en voit rarement. Entre le reportage sociologique et le conte politique, Upton Sinclair nous ouvre les yeux sur une réalité imaginable, celle de ce pauvre Jurgis et de sa famille, qui devront batailler au quotidien pour ne serait-ce que survivre.

Si la réalité a bien évolué depuis, l'exploitation de l'homme par une minorité de privilégiés prêts à tout pour accroitre leurs bénéfices reste malheureusement d'actualité.

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La jungle

J'ai lu ce livre en 1969 ou 1970. J'étais alors au lycée et je l'avais emprunté à une bibliothèque. Il s'agissait d'une édition Suisse (éditions Rencontre à Lausanne). Il n'existait pas à ce moment d'édition française sur le marché. Ce livre m'avait mis une telle "baffe" que j'avais envisagé de ne pas le rendre ! J'avais même préparé pendant des heures un compte rendu de lecture que je voulais faire en classe en le proposant à mon prof de français afin d'éveiller l’intérêt de mes camarades et les inciter à le lire. Cet exposé ne s'est finalement pas fait. Mais pendant des années j'ai surveillé une éventuelle édition française, puis j'ai laissé tomber. Quand j'ai découvert par hasard, tout récemment qu'il en existe une édition française en livre de poche, je me suis rué chez mon libraire pour le commander.

En fait, s'il s'agit d'un roman, ce n'est pas essentiellement un roman. C'est avant tout une enquête, un travail de journaliste d'investigation. Car il faut dire qu'Upton Sinclair a donné de sa personne ; il n'a pas fait que recueillir des témoignages auprès de ceux qui vivaient cette forme d'esclavage ; il s'est fait embaucher aux abattoirs de Chicago ; il a vécu ce qu'il décrit dans son roman ; il a "mis les mains dans le cambouis" ; il a mouillé sa chemise !

C'est parce qu'il y a travaillé et a vu les choses de l'intérieur que son roman a tant de force et a eu tant de retentissement à l'époque. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi il est si peu connu de nos jours !

En tous cas, je le place au panthéon de mes livres !
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La jungle

La famille de Jurgis arrive à Chicago aussi naïvement que le bétail entrant dans les immenses abbatoirs de cette ville et ils y subissent un sort comparable.

Avec force détails Upton Sinclair décrit l'industrialisation de l'alimentation, les épouvantables conditions de vie des ouvriers et la misère qui attend les immigrés dans les grandes villes américaines au début du XXème siècle (qui n'est pas sans rappeler Germinal).

L'accumulation de malheurs qui s'abat sur la famille Lituanienne pourrait décourager le lecteur de poursuivre le roman mais, comme son héros, on veut continuer à croire que les choses vont s'arranger et on est embarqué par le réalisme des descriptions servit par une belle écriture.

J'ai seulement moins apprécié les dernières pages qui m'ont semblé un long pamphlet à la gloire du socialisme.
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La jungle

Prenant! poignant! un livre qui ne laisse pas indifférent parce que nous pourrions être cet homme aspiré dans un monde dont il ne connaît aucun des rouages et des pouvoirs qui le dirigent .Dans ce livre , pas d'angélisme, pas de pathos, seulement une humanité qui espère, ploie, cède et reprend espoir....C'est à la fois terrible et magnifique à chaque fois que l'espoir surgit à nouveau.J'ai appris beaucoup sur l'Amérique de cette époque et j'ai une multitude d'annotations de l'auteur à approfondir!
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La jungle

Souvent encouragés par des compatriotes déjà installés, c'est avec confiance que de nombreux émigrés d'Europe de l'Est entreprennent le voyage vers l'Amérique et ses espoirs de vie meilleure. Polonais, tchèques, slovaques ou lituaniens, ils constituent une force de travail taillable et corvéable à merci, motivée et fragile, ne connaissant ni la langue ni le fonctionnement de leur pays d'accueil.

Jurgis, lituanien, une force de la nature, tente l'aventure avec une partie de sa famille et celle de sa fiancée. Ils y retrouvent Jakobus un compatriote, installé depuis une dizaine d'années à Chicago, alors plaque tournante de l'industrie de la viande qui les oriente vers les abattoirs. Forts de leur détermination, de leur rêve et de leur courage, les adultes trouvent des emplois dans ce qui constituent un ensemble quasi industrialisé, organisé dès l'arrivée du bétail par train, du parcage à l'abattage, la découpe, en passant par le traitement des déchets en engrais ou l'emballage des jambons et la fabrication de saucisses, le traitement des peaux. Mais la mainmise des industriels du secteur ne s'arrête pas là, ils ont également des intérêts dans les constructions, des maisons bâties à la va-vite, louées à prix d'or ou vendues à des conditions malhonnêtes, assorties de contrats de financement que les émigrés, ne sachant ni lire ni écrire l'anglais, signent en toute confiance. C'est le début de l'engrenage infernal, de courses aux boulots de plus en plus inhumains pour payer les dettes, dans des conditions de vie misérable, dans le froid ou la canicule et qui, dès la première blessure, précipite la famille dans la misère.



Je pensais avoir lu le pire de la misère avec le peuple d'en bas ( le peuple de l'abîme ) de Jack London, mais avec La jungle, c'est le summum de l'horreur, un enfer dantesque pour les hommes vivant ou plutôt survivant, dans des conditions de vie effroyables subissant des pratiques mafieuses et monstrueuses des propriétaires, privilégiant le profit au détriment des conditions sanitaires, multipliant les fraudes organisées et couvertes par la justice locale qui ferme les yeux.

La jungle c'est l'épopée de Jurgis,un immigré lituanien pris dans l'étau d'un système industriel monstrueux qui broient le bétail autant que les hommes...un système destiné à entretenir la concurrence entre les ouvriers pour favoriser les baisses de salaires, créer une dépendance financière et matérielle des employés, générant des dettes qui finissent par jeter les pauvres dans les rues ou les femmes qui n'ont d'autre choix que de se prostituer dans des maisons closes, des enfants envoyés au travail dès dix ans pour des salaires de misère, le tout sous l'oeil indifférent des juges et de la police, souvent acoquinés ou soudoyés par les responsables du Trust de la viande. Au delà de l'épopée tragique c'est également la construction de la conscience politique d'un homme face à un système qui lamine, un homme qui, grâce à son engagement politique, finira par comprendre les rouages et l'enchaînement inexorable qui précipite la classe ouvrière dans une telle misère.

Dans La jungle publié en 1906, Upton Sinclair décrit, après avoir enquêté sur le terrain, le non-respect des règles d'hygiène sanitaire et dénonce les infractions sur le droit du travail. Cette tragédie dantesque lui permet de diffuser ses idées socialistes, et, malgré la réluctance de Théodore Roosevelt pour le socialisme, conduira après un scandale retentissant, à l'adoption de réglementations sanitaires - loi sur l'inspection des viandes et de la loi sur la qualité des aliments et des médicaments en 1906 et des réformes du droit du travail.

Un roman magistral et terrible, entre Zola et Dante.
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La jungle

Pour ne pas ajouter ma critique qui n'apporterait rien de plus que les précédentes , à l'instar de stcyr04 qui nous donne celle de Jack London , voici celle d'Howard Zinn : En 1906 , le roman d'Upton Sinclair " La jungle ", qui décrivait les conditions de travail dans les abattoirs de Chicago , provoqua la réaction indignée de tout le pays et entraîna un mouvement en faveur d'une réglementation de l'industrie alimentaire . A travers l'histoire d'un travailleur immigré nommé Julius Rudkus , Sinclair évoquait également le socialisme et la possibilité d'une vie meilleure qui nécessitait que le peuple puisse travailler , posséder et partager les richesses de la terre . D'abord publié dans le journal socialiste " Appeal to Reason " , la jungle fut plus tard traduit en 17 langues et lu par des millions de lecteurs .
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La jungle

Upton Sinclair (1878-1968) raconte la terrible et édifiante histoire de Jurgis Rudkus, immigré lituanien, qui s'installe à Chicago, avec sa famille, dans le quartier des abattoirs, réputés pour broyer les hommes et détruire leur vie à jamais.

(...)

Avec Printemps silencieux de Rachel Carlson (1962), La Jungle est un de ces rares livres à avoir fait changer les choses. Rapidement diffusé à des millions des exemplaires, il suscita en effet l'indignation de l'opinion publique, pas tant pour la descriptions des effroyables conditions de travail des ouvriers, que pour l'inconséquence sanitaire de la production de la nourriture qui se retrouvait dans leurs assiettes, au point que le président Théodore Roosevelt diligenta une enquête, puis réforma les abattoirs de Chicago, réglementa l'industrie alimentaire et engagea la lutte contre les trusts. Très souvent cité, ce monument mérite assurément le détour.



Article complet sur le blog.
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La jungle

Un roman paru en 1906. La jungle. La condition ouvrière dans les abattoirs de Chicago, la misère…



Un village transformé en ville industrielle en 50 ans. Un roman noir, comme la saleté et les vies brisées. Une investigation dans l’enfer des cartels, du capitalisme réellement existant, de la loi du plus fort…



Un banquet de mariage, « Chicago disparaît, avec ses bars et ses taudis ; surgissent des prairies verdoyantes, des rivières étincelantes sous le soleil, de majestueuses forêts et des collines enneigés ». Le temps suspendu à l’archet déchainé d’un violon. Et de suite l’argent, cette face permanente de la misère…



Les migrant-e-s. La découverte d’un « nouveau monde ». Chicago, « une épaisse fumée, grasse et noire comme la nuit, en jaillissait », le bruit, les meuglements lointains de bovins, la masse noire des bâtiments, les cheminées, les taudis, l’entassement…



Les abattoirs, « Le vacarme était effroyable, à vous déchirer les tympans », le travail, les couteaux, les carcasses, rien à jeter, « la division du travail poussée à l’extrême »…



Les trusts de la viande, les arnaques immobilières, les gangs et la pègre, la corruption et la police, la prostitution, la puanteur attachée à la peau, les chefs, l’alcool, les mises à la porte, les fermetures, les enfants mendiants, le froid, les dettes, le clientélisme, etc.



Les mort-e-s, les blessures, les abandons et quelques fois des lumières d’espoir….



Et une poignée d’ouvrier-e-s socialistes, comme un refus organisé, comme une attente au pays des rêves, de la démocratie frelatée, des violences policières et patronales…



Je ne fréquente que rarement cette littérature pouvant être qualifiée de naïve, « réaliste » ou moralisante. Je souligne, d’autant plus volontiers, la volonté de l’auteur de n’enjoliver ni les situations ni les personnes. Un monde de violence sociale donc aussi interpersonnelle. Le souffle puissant de l’évocation.



Ce livre eut un retentissement international. Il nous parle encore et encore.
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La jungle

Un classique qui a permis de faire prendre au conscience du public de l existence des cartels et de la misère au début du XIXe siècle aux États Unis. Le livre est bien écrit et se lit facilement. Il est très probablement très empreint de vérité. Cependant, j’ai eu du mal à le trouver intéressant. Cette accumulation de malheur, c’est trop, surtout quand on découvre que c’est pour finir avec une éloge du socialisme pendant les trois derniers chapitres, éloge extrêmement ennuyeuse.

A lire pour les curieux.
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La jungle

The Jungle, Upton Sinclair, Penguin Modern classics.



Voila un livre important que j'ai eu plaisir à lire dans sa version américaine, avec son vocabulaire particulier, les interventions compatissantes, discrètes, ou plus lyriques de l'auteur sur les aventures/mésaventures de Jurgis et de ses proches.



D'origine lithuanienne, « notre ami » débarque en candide aux USA, et plus précisément dans le complexe industriel de Chicago ; Comme tout immigré sans le sou, il doit affronter de multiples difficultés d'intégration, en particulier dans le monde des abattoirs où il travaille, ou se fait licencier dans tous les services de cette gigantesque boucherie/conserve.



L'analyse d'Upton Sinclair ne rejoint pas l'éloge de l'épopée industrielle du travail automatisé qui garantit une nourriture de qualité à grande échelle ! Bien au contraire, dans ce roman naturaliste, on suit le parcours du combattant, dépourvu de droits sociaux, comme celui du porc dont l'utilisation est intégrale, jusqu'aux poudres d'engrais et aux soies de brosse à dents. Tout est recyclé, « sauf le couinement du porc », dans un tableau qui annonce - livre paru en 1906, l'aspect industriel du génocide de la seconde guerre mondiale (abat-jours en peau, « ton grand père, ils en ont fait du savon » ! etc.)



Le monopole industriel, le règne de la publicité, du leasing et autres escroqueries commerciales qui bafouent le droit et la plus élémentaire honnêteté, est décrit avec une acuité convaincante, si bien que la vie entraîne « poor Jurgis » dans le dédale de la cité et de ses bas-fonds. Tous les méfaits du capitalisme sont explorés d'un regard acéré, avec les fléaux sociaux qu'il implique.



Un auteur moderne aurait certainement insisté sur les cruautés de l'abattage, la préoccupation de l'auteur est essentiellement focalisée sur le sort réservé au prolétariat. Jurgis fera partie des clochards, des travailleurs itinérants de l'agriculture, il connaîtra les grèves, les magouilles politiques et syndicales orchestrées par le patronat.



La dernière partie intéresse aussi puisque réservée à l'utopie socialiste dans ses différentes formes.



Après la condition du travailleur, l'éveil des idéologies, c'est donc un panorama complet du capitalisme effréné au début du XXe siècle. On est de plus concerné par la qualité de la nourriture mise en conserve.



L'ouvrage m'a paru passionnant, tant pour l'intérêt de l'histoire que pour ce tableau vécu d'un capitalisme fort bien organisé ; Là encore on voit que la prospérité de l'entreprise ne garantit pas intégralement le bien-être du travailleur…

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Neveu d'un homme illustre qui a écrasé la France et l'Europe de son génie, je n'ai guère de mal à me faire élire, au suffrage universel (masculin) président de la République, en balayant le général Cavaignac, qui avait réprimé dans le sang l'émeute populaire après la chute de la monarchie, et le malheureux Lamartine. Je soigne ma popularité pendant mon mandat, que la constitution veut unique. On dit que mes dettes, et la perspective de retrouver mes créanciers au sortir de l'Elysée, m'ont convaincu de faire le coup d'Etat qui me maintint au pouvoir. Grâce à moi, Victor Hugo a eu le loisir d'écrire de bien beaux romans et poèmes.

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