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Citations de Vasile Voiculescu (55)


Nuit d'hiver

C'était une nuit dans la neige plongée
Et toute la terre était fort engourdie…
Les museaux levés vers la froideur qui luit,
Mendiant la proie, hurlaient deux loups affamés.

Aux sons de querelle, leur profond gosier,
Grondait vainement la nature sans merci…
Seule, indécise, à des moments de répit,
Une étoile était sur le point de tomber.

Il y avait une telle indécision,
Un désert et une hostilité amère,
Un tel oubli ainsi qu'un tel abandon,

Que la lune même dépourvue de vie,
Emportée par l'universelle colère,
Semblait un glaçon froid que le ciel charrie.

(p. 115)
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Babel

J'aspire à un acte qui me donne la perfection
À une minceur où je vais me filer à loisir,
Un état sans degrés, plutôt que du bonheur le don,
Plus pure que l'amour, en soi une illumination,
Un sans-lieu, dont je ne voudrais plus jamais revenir.

Ce n'est pas convoitise, mais effort non effacé :
Je remonte, m'effondre avec tout mon lieu intérieur,
Me bâtis comme la tour de Babel, terre brûlée,
Et ne m'inquiète pas la dissipation versée
Pour combattre le mystère afin d'atteindre le Seigneur.

Le 8 novembre 1954, Bucarest.
(p. 389)
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Vasile Voiculescu
RAMEAUX

Le temps était si tendre, les brumes sur les près
Et les sons du bourdon dans la ferraille des tours,
Au seuil chantaient les coqs qui des pluies annonçaient
Leurs cous tendus vers les ruissellements du jour.

Sur les coteaux noircis avec leurs moites orées
Germaient des brins de bourgs que la route égarait,
Rampant, quittaient l’hiver les hameaux boursouflés
En sortant au soleil leurs bonnets de fumée.

Au loin, dans les jachères, errant comme oubliées,
Une meute de chèvres broutait humblement et serein ;
Montant vers les collines, des vaches préoccupées,
Marchaient obéissantes d’un gamin et d’un chien.

Une paisible tristesse mettait, sans une prière
Dans chacune des poitrines une tristesse sans pardon ;
La lumière riait, en rues et cimetières,
Mais se risquait à peine dans les huttes en limon !

Le Seigneur du printemps, toute la terre l’attendait,
Jésus apportait l’herbe. Et les saules au gui
Dégrafaient leur manteau clos par des bourgeons frais
En courbant leurs rameaux, le posaient devant lui.
*
Traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Și omul, vânător fără greș, venea cu arcul descordat, aducând doar un vultur săgetat din văzduh.
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CXCI

Ma main droite avait lancé les dés de la Destinée
Et c'est toi qui m'as échu, acharné sauveur fatal ;
Tout me vient par toi… et entre les grâces, des milliers,
J'accueille même l'aube comme un don de toi, matinal.
À côté de la lumière de l'empyrée glorieux,
L'amour fut une nouvelle lumière pour le monde ;
Dès lors chacun dans sa petite lampe en terre ronde
Peut l'allumer tout seul, car il est pour soi-même Dieu.
Dans mon cœur brûle toujours cet intérieur soleil,
Du chaos de la vie il t'a dévoilée sans limites,
Toi, beauté d'une force envahissante, sans pareil.
Cosmos où ton orbite m'a pris, pauvre satellite ;
Autour de toi avec le cortège des astres j'erre,
Pour te chanter sans cesse sur la musique des sphères.

Lundi, le 8 août 1955
[dans « Les Derniers Sonnets figurés par Shakespeare dans la traduction imaginaire de V. Voiculescu »]
(p. 485)
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Tard

Tu caches le rêve en acte comme un poignard au fourreau,
Tu éteins les signes intérieurs, partant sans appel :
Ne t'arrêteraient ni le vent impétueux ni les eaux,
Ni la blanche prophétie de l'aube même du ciel.

Comme une abeille dans les champs aux fils tout à fait mûrs,
Tu attends le rucher de la mort, quand les frimas veillent,
Pour entrer, comme dans la ruche de nuit sans murmure,
Avide déjà du miel noir de l'éternel sommeil.

(p. 203)
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Au bord du Danube

Au bord du Danube descendant
Par de tristes éteules aux chardons,
Lentement bercé passe vers l'étang
Un coche au toit en roseaux presque rond.

Dans tout le champ il n'y a pas un fil vert,
Le vent souffle les bouts d'herbes blanchies,
Le long chemin aux horizons se perd
Sous un ciel de grandes mélancolies.

Les bœufs traînent leurs pas tout mollement
Cette marche trop lourde les éreinte,
Les essieux poussent des gémissements
Balbutiant une sorte de complainte.

Et l'homme à la tête nue suit le train,
Profondément plongé dans son gîte ;
Assoupi, tenant la gaule à sa main,
Il poursuit son chemin sans limites.

Tout comme un ours étendu il sommeille
Sur son énorme manteau de fourrure,
Seule la terrible massue y veille,
Avec ses clous en cuivre qui rassurent.

Quand, comme un vautour, il ouvre les yeux
Sur la route des lointains au plat relief,
Se dilate fort tout son cœur fougueux,
Comme si la plaine était son grand fief.

« Feuille verte de petit fil d'absinthe »…
Chante le charretier tout doucement ;
Réveillés, chante la même complainte
Les vieux Scythes de la steppe d'antan !

(p. 195-197)
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CLXXVI

Regardant ton image je tâche de m'inspirer…
Comme un jongleur qui sort des flammes ou des rubans,
J'ai tiré ces vers de moi-même, de mon cœur brûlant
Et je les ai écrits seulement pour t'en régaler.
Ce sont des psaumes secrets, une prière continuelle,
J'y ai mis l'Amour, de l'Éternité constant voisin,
Pour qu'ils combattent solidaires l'hostile Destin :
Eux aussi m'ont abandonné comme toi, traîtres cruels.
.…Pressé, le givre blanc sur mes cheveux descend trop vite,
Mes pensées, insomnies comme des tourmentes en trombe,
Arrachées l'une après l'autre de rêves me vident…
Sur les ravins de l'oubli dans mon automne je tombe.
Descends, je t'en prie et viens me voir assis dans mon siège
Avant que me recouvrent les solennelles neiges.

Samedi, 5 mars 1955
[dans « Les Derniers Sonnets figurés par Shakespeare dans la traduction imaginaire de V. Voiculescu »]
(p. 455)
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Fruits mûrs

J'ai été un arbre tardif… lentement j'ai poussé…
Ne m'épargnèrent ni grêle, ni longues sécheresses,
Mes branches sont tordues, tout mon corps ratatiné,
Et ma racine, dans ses grands efforts de pauvresse
Vers la terre grasse, parmi les pierres a vrillé.

Mais, au-delà des temps, je porte les fruits... par les pores,
La sève amère monte du fond et s'adoucit ;
La lumière du soleil dans les fleurs se colore :
Maintenant le rêve des racines resplendit,
Dans la grappe de fruits joyeux, qui doucement mûrit…
… Courbé sous leur poids, j'attends la récolte sonore.

(p. 123)
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CLVI

Mon amour est en éveil ainsi qu'une veillée d'armes,
Longue, héroïquement tendue attente de combat ;
Rien ne languit en moi, je suis l'arc braqué sous l'alarme
Dans son immobilité dramatique vibrant en soi.
J'attends quelque chose, d'un charme plus haut que victoire,
Non pas le couronnement brut du sang trop ardent ;
Car au-delà du plaisir, je guette une autre gloire,
L'illustre union de génies, invincibles dans les temps…
J'aspire au rêve irréalisé de la perfection ;
Afin que ta haute beauté ne soit pas vision vaine,
– Un instant arrivé au vol et qui un autre entraîne –
Je briserai le décret de terre de la création :
Pour qu'elle dure toujours, éternellement fertile,
Je lui greffe toute ma force de pensée fébrile.

Vendredi, le 3 décembre 1954
[dans « Les Derniers Sonnets figurés par Shakespeare dans la traduction imaginaire de V. Voiculescu »]
(p. 415)
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Il avait subi jusque-là des remous ininterrompus.
[Fusese până atunci într-o necurmată frământare.]
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CCXLII

Je souris ? Habitude… Je pourrais rire à nouveau :
Tu dis que dans le plus doux amour il y a une peine ?
Je me rappelle bien : sur une étrange icône ancienne
Il y a un martyre qui porte sa tête au bourreau.
Il en est de même de mon cœur depuis fort longtemps :
Il s'est déplacé en toi, et m'a changé en fantôme…
Ne sais-tu donc pas qu'il bat maintenant pour deux personnes ?
Ne sens-tu pas dans la poitrine un tumulte éclatant ?
La mystérieuse soif me ramène comme d'un gouffre,
Pour sucer toujours le souffle, le sang tout près de toi…
Quand je pars, je rentre telle une ombre sur la paroi,
Réellement me mire l'icône du saint qui souffre…
Je souris ? Habitude… Je pourrais rire à nouveau :
Je connais un fou qui porte tête, cœur… au bourreau.

Dimanche après Pâques, 1958
[dans « Les Derniers Sonnets figurés par Shakespeare dans la traduction imaginaire de V. Voiculescu »]
(p. 587)
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Vasile Voiculescu
Langue valaque

Langue encensée, corolle de pétales,
Mon rêve a pâturé sur tes plaines idéales.

Voyage tout seul sur des montagnes de sel,
Un vent ancien, les reins chargés de miel.

Serpents de froidure verte dans les ruisseaux,
Sentiers de long buccin croisent en écho.

Loriots en or vont picorer tes graines,
D’une charrue, l’amour laboure tes plaines.

Je hante souvent par l’âme tes brûlés ravins,
Des profondeurs soupirent tes dorés anciens.

Auprès tes cimes, là-haut où en errent
Echardes de nues et langues de lumières,

Mes lèvres frémissantes dessus je pose,
Glorifié autel de pierre et roses.

*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Vasile Voiculescu
Sonnet CCII

Ma passion s’étend dans le temps, la tienne dans le vide ;
Toi tu répands l’amour sur un champ sans confins :
Amis, chevaux, pages, canailles, femmes, chiens, princes … avide !
Pour mon amour, le siècle à peine vaut un câlin.

Si je t’enlace, une heure mon bras ne se remet ;
D’un vers j’te pose l’icône en pics de millénaires ;
Je chasse l’éternité pour la tresser en lacet
D’une couronne, au front – carrefour de caractères …

Une vie suffit ? La mienne croît, la tienne en suivant ;
C’est toute une vie l’instant quand c’est toi qui me souris,
Foison de survivance par ton sourire offrant,

Ma passion léonine est l’unique que tu vis:
Douleur, sort, mort aux autres, c’est la part qu’est la leur,
T’as au-dessus d’eux, par moi, altesse et hauteur.

*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Vasile Voiculescu
Sur la croix

Jésus meurt sur la croix. Sous la féroce fournaise
Son front était pur, même saigné par les épines
Aux roches du Golgotha le ciel de Palestine
Semblait verser des braises.

Même au seuil de la mort les lettrés le médirent
Les gardes le faisaient boire du fiel et de l’aigreur…
La foule hurlait de rire aux spasmes de la douleur
Les truands l’agonirent.

A ses pieds, terrassée, pleurant, gisait Marie
De son cœur éclataient les malédictions d’une mère
A ses cotés Madeleine, voilée, dit ses prières,
L’horreur dans tous ses cris.

De loin, tous ses disciples, sans forces regardaient…
Il leur restait de fuir dans un monde sans raison
Sa mort était la fin d’un espoir et leur mission
Ces gens inconsolés.

Plus tard la foule en grappes partit vers la cité
Par les chemins étroits couverts de grises lauzes
Les pharisiens passèrent avec leurs faces moroses
Et leurs barbes argentées.

Oliviers effeuillés dormaient séchant leurs croupes
Embrumé, en vallée, Jérusalem dormait
Comme le dernier sommeil sur la croix du sacré
Jésus, veillé des troupes.

*
Traduit du roumain par Cindrel Lupe.
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