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3.47/5 (sur 91 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Diplômée de l’École du Louvre, Vidya Narine a travaillé dans l’industrie de la mode avant de se consacrer à l’écriture. Elle publie régulièrement de la poésie, des formes courtes, et dirige Sève, une revue liant création littéraire et écologie. Avec ce premier roman entrelaçant l’histoire fascinante de l’orchidée tropicale et celle d’une blessure intime, elle pose un regard singulier sur l’héritage, le capitalisme mondialisé, le rapport au vivant.

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Lectures de Léna Ghar, Héloïse Brézillon, Vidya Narine, Théo J. Mayer, Solène Planchais & Chloé Delaume Rencontre animée par Chloé Delaume Dans le cadre du colloque international « Chloé Delaume : une oeuvre intermédiale », la porteuse du projet Eugénie Péron-Douté propose une carte blanche à l'autrice Chloé Delaume qui invite de nouvelles voix à lire des extraits de poésie et de roman. Dans l'esprit de la Petite veillée qu'elle a animée deux ans chez Mona, Chloé Delaume propose de vous faire découvrir de nouvelles voix, émergentes ou débutantes, pratiquant la littérature et la poésie. Se succèderont au micro Léna Ghar, Héloïse Brézillon, Vidya Narine, Théo J. Mayer et Solène Planchais. Chloé Delaume lira pour sa part un extrait de Géométrie du cri de Guillaume Richez, ainsi que quelques poèmes. Cette soirée sera suivie le lendemain (19 janvier) à 20h de la lecture musicale « Médée avant Médée » par Chloé Delaume accompagnée de Benoist Esté Bouvot – Réservation Dans le cadre du colloque international « Chloé Delaume : une oeuvre intermédiale » et de la résidence Lilith & Cie.

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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
On ne sait pas pourquoi les pieds mères sont capables de générer d’autres orchidées, accrochées à leurs hampes comme des greffons après la floraison. Tantôt, c'est parce que l’orchidée a manqué d’eau, ou au contraire, qu'elle en a trop reçu: stress hydraulique, engrais inadapté, air trop sec. Les pieds mères valent de l'or, et certains connaisseurs les recherchent.
Il y a deux ans, j'en ai repéré un chez Hans, mon producteur hollandais de Bergschenhoek. Un vieux type solitaire qui possède une serre décatie de la taille de mon premier studio à Châtelet-Les Halles. À l’intérieur poussent les plus beaux Cymbidiums d'Europe, une orchidée qui fleurit à l’origine sur les pentes de l'Himalaya jusqu'en Australie. p. 82
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Emmanuelle fatigue. Elle est là, elle est bien là, je le sens, mais elle ne voit plus très bien comment m’aider. Un matin, alors que je traîne des pieds en m’habillant, elle soupire. Et comme je ne l’ai jamais entendue soupirer avant, comme je ne lui ai jamais vu cet air grave, je tremble un peu. Elle soupire encore et me dit doucement : « Trouve quelque chose à faire qui te rende heureux. »
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Peut-être que la mort, quand on la rencontre, creuse un trou sous les pieds des vivants hébétés, et les accompagne ensuite comme une ombre. Une ombre qui, même si elle diminue avec la fréquence de nos rires ou s'élargit selon la taille de la lune, reste là pour toujours. Je m'en étais bien tiré alors, mais on ne sait pas quelle place elle peut reprendre, jusqu'où elle compte s'étendre.
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Pendant mes années de formation auprès de Yannick, j'avais accumulé quatre cents orchidées dans mon trente mètres carré. Chaque semaine, je découvrais une nouvelle variété et je rentrais avec. C'était comme une soif ou une faim, impossible de résister. J'apprenais, j'achetais, je lui demandais conseil, j'expérimentais. Souvent, j'échouais, mais les plantes spectaculaires étaient à moi.
Je pouvais parler de mes possessions, les montrer. Ma valeur était celle de toutes ces fleurs accumulées, chacun pouvait me reconnaître à travers elles, les convoquer en esprit comme une image de moi.
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Je pense à Yannick. Ce n’était pas son dernier hybride réalisé chez Vacherot dont il m’avait parlé , mais d’un murmure en lui qu’il avait choisi d’écouter. Presque rien, la naissance d’un désir.
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(Les premières pages du livre)
PARTICULE
Du côté de mon père, tous les hommes sont ingénieurs, médecins, hauts gradés, hommes d’affaires, politiciens. Sauf lui. Un jour, quand j’étais enfant, les grilles du domaine familial se sont fermées devant nous. De l’autre côté du portail, j’ai vu s’éloigner mes grands-parents, mes oncles et mes tantes, le jardin à la française et les montagnes de cadeaux de Noël ; notre petite nation en forme d’arbre, dans laquelle chaque citoyen habitait une branche.
Sur notre blason figurent trois abeilles. C’est Napoléon qui a choisi cet insecte comme symbole de la noblesse, parce qu’il surmonte les obstacles et produit des ressources avec les fleurs d’autrui, et puis il voulait concurrencer le lys. J’adorais sentir le relief des abeilles sur la chevalière de mon père, j’appuyais jusqu’à ce que les pattes et les ailes d’or s’impriment en creux sur la pulpe de mon pouce. Je ne sais pas où est passée cette chevalière. Sur le blason, il y a aussi un croissant, pointes vers le haut, il représente l’accroissement des richesses. Moi, je suis passé du côté des fleurs.
Mon père a été déménageur, camionneur, cariste, chômeur. Il avançait sans autre plan que de ne pas mener celui qu’on attendait qu’il mène. Parfois, il attrapait mon bras d’enfant et me soufflait à l’oreille, avec dans l’œil un feu mal éteint : « Vivre, c’est savoir être un caméléon ! » Mais j’avais beau chercher, je ne voyais, chez le petit reptile, que le strabisme comique et la langue rose engluée sur une mouche. Doucement, je me dégageais pour faire reprendre à ma voiture rouge son trajet sur les motifs du tapis, lui retournait s’enfoncer dans les profondeurs du canapé.
Applaudissements de jeu télévisé, bruits de vaisselle dans la cuisine. Par la fenêtre, la pluie fine sur les coteaux de Lorraine et, perçant les cimes des chênes sur la colline, les tourelles Renaissance du château de mon grand-père.

Les écailles recouvrent le corps du caméléon jusque sur ses paupières et ses globes oculaires, sortis de leurs orbites afin d’amplifier son champ de vision. Au sommet des globes, les lentilles des yeux se déplacent indépendamment l’une de l’autre pour capter deux fois plus d’images qui n’auront pas besoin de fusionner dans son esprit. Pour mes treize ans, mon père est mort.

Au collège, je ne voulais rien, à part faire couler du ciment à l’intérieur de moi ; de colère devenir pierre. Je me suis fait renvoyer. J’ai posé ma tête sur les genoux de ma mère, je me suis enroulé autour d’elle, prêt à remonter le temps jusqu’au noir de l’univers et à vivre dans l’odeur de ses mains, les yeux fermés. Assise sur le bord de mon lit, elle m’a caressé les cheveux et m’a demandé : « Qu’est-ce que tu voudrais faire maintenant ? », puis elle s’est précipitée vers la fenêtre pour planquer ses larmes dans les coteaux. Rien. Je ne voulais rien puisque mon père ne voulait plus.

De temps en temps, entre mes cils mouillés comme des toiles d’araignées de sous-bois, j’apercevais des aurores possibles. On m’a dit : « Choisis un métier », on m’a indiqué deux écoles d’horticulture à proximité, « Ça serait pratique ». Alors j’ai ouvert ma bouche desséchée : « Paysagiste. » Je voulais bien ça, voir se lever des soleils orange sur la terre humide, et les falaises glacées se coiffer de brume. Mais les meilleurs dossiers occupaient déjà le terrain, restait CAP pépiniériste.

Au centre de formation, les élèves se moquaient de la particule à mon nom. Ils me vouvoyaient, levaient le petit doigt en me tendant l’ébrancheur, riaient entre eux. Ils étaient fils de paysans, d’horticulteurs, ils avaient les mêmes références, le dos et les mains larges, ils allaient vite. Un jour, j’ai failli me faire un copain, Aurélien, l’aîné d’un maraîcher « fierté d’Occitanie » avec ses laitues et ses chicorées à perte de vue. Avec lui, j’ai recommencé à parler, mais souvent il m’interrompait, fronçant les sourcils comme pris d’un mal de crâne : « Attends, parle plus simplement, là. » Il trouvait mes phrases trop longues, alambiquées. J’ai essayé de raccourcir, de simplifier, peut-être que j’étais trop excité par cette nouvelle vie, par l’existence d’un possible nouvel ami, que je parlais trop, et trop vite. J’ai essayé. De fermer ma bouche, d’y mettre un mot sur deux, mais Aurélien s’est lassé, il est retourné rire avec les autres. Pour eux, j’étais un gosse de riche qui n’était pas à sa place et convoitait la leur.

On m’a enseigné à nourrir la terre, et au printemps j’y ai planté ma particule. Elle est devenue noisetier, rosier, agapanthe. La nuque brûlée, j’ai appris à la protéger des charançons en été, je l’ai bouturée en automne et vendue sous le soleil blanc de l’hiver, les lèvres gercées par l’autan.
Lors d’un stage à la Jardinerie Toulousaine, je me suis intéressé aux allées et venues de Vincent, le responsable des achats. Tapi derrière les lauriers en fleur, j’écoutais ses conversations, précises, j’étudiais son allure, rapide, nette entre les sacs d’engrais et les rangées de citronniers. Les mains dans la terre par moins dix degrés et les pieds dans des chaussures de ville, il devinait la santé d’un cèdre à la nuance du bleu de ses aiguilles. Ses achats de tulipes perroquets, groseilliers à maquereau et bougainvilliers donnaient leurs couleurs de saison aux rayons de la pépinière. Je regrettais ses départs, j’attendais ses retours. Devenir pousse-brouette, je ne le voulais pas, alors à condition que j’excelle, Vincent a accepté de m’apprendre son métier. Pour lui, j’ai obtenu mon CAP, intégré un BTS action commerciale. Mais de retour aux études, je dérivais encore comme un bois flotté. J’ai quitté l’école sans passer mon diplôme.
J’avais davantage de notions commerciales qu’un pépiniériste et connaissais mieux les arbres que n’importe quel commercial, je devais bien pouvoir trouver un travail. Pourtant, devant les dirigeants cravatés, ma vue se brouillait, mon savoir disparaissait. Dans mon esprit, le temps suspendait sa course tel un cerf dans les phares d’une voiture, on me parlait framboisier, je répondais cassis.
Entre deux entretiens ratés, mon frère m’hébergeait à Paris. Lui avait bien réussi déjà, il commençait à ressembler à ces hommes devant lesquels j’échouais, le costume bleu, perpendiculaire au bureau. Distraitement, j’écoutais ses conseils, puis repartais dans les rues admirer les cariatides haussmanniennes.

C’est ainsi que je l’ai découverte, dissimulée entre le jardin du Palais-Royal, la Comédie-Française et la place des Victoires : la petite boutique de l’orchidéiste. Un secret qui abrite quelques pépites, comme tombées d’une météorite dans un estuaire.
Je marchais depuis Les Halles, avec, à la main, des baskets soldées dans un sac Foot Locker, quand ils m’ont arrêté. Trois Brassias d’un mètre chacune dans une vitrine sombre, leurs fleurs blanches édifiées telles des architectures. Les arcs gothiques de la cathédrale de Metz en miniature. J’aurais pu saisir entre deux doigts ses voûtes du XIVe siècle, élancées pour toujours à quarante-deux mètres du sol, et quoi de plus solide, quoi de plus éternel qu’une voûte ? Avec un pistil en guise de clé pour envoyer ses forces aux extrémités des pétales, et grâce auquel tout l’édifice se tient. Des araignées d’ivoire au galop sur leurs hampes, douées de volonté, d’instinct ou de désir et dont je n’arrivais pas à détacher le regard.

Moi, je peux comprendre l’environnement d’un arbre, sa place entre la terre et les nuages. En touchant le tronc rugueux, j’entends le rythme de sa respiration, je visualise son biotope, la danse des diptères sous l’écorce. De l’orchidée je ne savais rien, rien de ses trente mille espèces suspendues à la canopée d’Amazonie, aux falaises des plages noires d’Islande et à toutes les caisses des Leroy Merlin.
Leur légion, déployée partout sur la planète sauf aux pôles, m’intéressait peu, je trouvais même l’orchidée obscène avec sa gueule de sexe béant maquillé comme un camion volé, plus racoleuse qu’un masque de carnaval, l’air embaumée tant sa floraison paraît immuable. Pourtant j’ai poussé cette porte, et l’orchidéiste a planté ses yeux sauge dans les miens. Tout autour de moi, dans son parfum vert et moite, cette inconnue avec qui j’allais passer les prochaines années de ma vie affichait ses colifichets de séductrice, ailes de soie mouchetée, vulves orange comme des cris ou tendres comme le poitrail du colibri, feuilles en sucre d’orge et bulbes doux comme des malléoles.

Cinq ans plus tard, l’orchidéiste m’a tendu la clé du magasin, le regard confiant, et ce matin-là c’est moi qui ai ouvert la grille. J’en avais appris assez sur les orchidées et sur nos acheteurs pour la reprendre, j’étais maintenant chez moi.
C’était il y a dix ans, mais je me souviens encore du poids de la clé dans ma paume. Quand il a fallu faire peindre mon nom sur la devanture et recouvrir celui de l’ancien propriétaire, j’ai supprimé ma particule. Sylvain Dubois a remplacé Sylvain du Bois des Aulnays. Il ne faut jamais avoir l’air aussi riche que les riches quand on veut leur vendre quelque chose.

HÉRITAGE
Ces derniers temps, il y a, dans ma tête, comme de la neige à la télé. Mon programme déraille. Les clients rentrent de vacances d’été, de pays que je n’ai jamais visités et dont certaines de mes fleurs sont originaires. Ils me disent qu’il fait aussi chaud ici que là-bas. Hier, l’un d’eux m’a posé une question des plus banale et je n’ai pas su lui répondre. C’est épuisant de travailler avec le vivant. Bientôt, il faudra que j’arrête.

« Ne laissez pas le cache-pot quand vous arrosez, sinon l’eau stagne et les racines pourrissent. »
« Pour arroser ? Rien de plus simple, baignez votre orchidée dans l’eau. Comment ? C’est facile, vous remplissez le fond de la baignoire et hop ! Vous déposez l’orchidée dedans. »
« Surtout, rempotez-la quand ses racines commenceront à sortir du pot. Sphaigne, fibres de coco, écorces de pin : chaque orchidée a ses préférences. »
« Oui bien sûr,
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Peut-être que la mort, quand on la rencontre, creuse un trou sous les pieds des vivants hébétés, et les accompagne ensuite comme une ombre. Une ombre qui, même si elle diminue avec la fréquence de nos rires ou s’élargit selon la taille de la lune, reste là pour toujours. Je m’en étais bien tiré alors, mais on ne sait pas quelle place elle peut reprendre, jusqu’où elle compte s’étendre.
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Instagram c’est une chaîne de télé et une régie publicitaire par personne. Derrière l’écran, c’est une chambre en désordre, mais sur l’écran c’est bien lisse, joliment peint, et la vie défile toujours dans le même sens.
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Peut-être que la mort, quand on la rencontre, creuse un trou sous les pieds des vivants hébétés, et les accompagne ensuite comme une ombre. Une ombre qui même si elle diminue avec la fréquence de nos rires ou s'élargit selon la taille de la lune, reste là pour toujours.
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Je pense aux abeilles qui transportent le pollen d'une fleur a une autre, pour peu que celles ci éclosent a temps ou ne meurent pas sous un gel imprévu. Il faut que je dépose ma richesse quelque part moi aussi, et que la vie renaisse.

P97
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