Que ce soit aux Etats-Unis (graphic novel), au Japon (gekiga) ou en Europe, le roman graphique répond à la même définition et émerge face à une même réalité: l’arrivée à maturation de la bande dessinée qui la fait sortir du simple divertissement pour lui ouvrir la voie à de nouvelles formes d’expression.
Extrait de la préface : La vie de l'écologiste Murray Bookchin aura été exemplaire . Son engagement politique et théorique constitue un modèle de profondeur et de courage . Indépendamment du destin que l'avenir réserve à sa doctrine , indépendamment du souvenir des disputes intellectuelles auxquelles il a participé , Murray Bookchin restera une référence majeure pour quiconque s'intéresse aux causes de la crise écologique et à son dépassement . Ma rencontre avec ce personnage , il y a une vingtaine d'années , a été mémorable et continue à être une source d'inspiration .
Murray Bookchin était doté d'une vaste culture et d'une indignation authentiquement révolutionnaire . Il nous parlait à la fois de ses souvenirs plus ou moins amers concernant le mouvement communiste du XXe siècle ainsi que de ses inquiétudes face à l'avenir de l'occident , sous l'emprise d'une culture américaine en décrépitude et d'une globalisation mortifère du capitalisme . Il savait que nous vivions une époque difficile pour toute perspective de transformation politique , mais cette difficulté n'était pas pour lui une raison suffisante pour désespérer . Murray Bookchin nous avait bien signifié qu'une compréhension plus précise du capitalisme était plus que jamais devenue nécessaire . Autrement dit , l'échec du marxisme traditionnel obligeait un passage à une activité théorique préalable à toute réactivation de luttes politiques prenant au sérieux le dépassement de la crise écologique .
Le capitalisme marque la fin d'une longue évolution sociale où le mal a envahi le bien et où l'irrationnel a envahi le rationnel. Le capitalisme, en effet, constitue le point de négativité absolue pour la société et pour le monde naturel. Il n'est pas possible d'améliorer cet ordre social, de la réformer, de le transformer sur ses propres bases, par exemple en lui ajoutant un préfixe écologique pour en faire un "écocapitalisme". La seule solution qui existe, c'est de le détruire, car il incarne tous les maux - des valeurs patriarcales à l'exploitation de classe, de l'étatisme à l'avarice, en passant par le militarisme et aujourd'hui, la croissance pour la croissance - qui ont affligé la "civilisation" et entaché ses plus grandes réalisations. (p.91)
Liée à ses origines anarchiques, l'écologie sociale se place d'emblée dans une optique d'écologie radicale et anticapitaliste. Opposé à la croissance et à la marchandisation du monde, Bookchin se démarque tant des environnementalistes à tendance conservatrice d'alors, cherchant la seule préservation du milieu naturel, que ceux appelant à réduire la population ou à simplement limiter la croissance sans toucher aux fondements politiques et de répartition du pouvoir (à l'image du rapport Meadows en 1972).
Selon lui, il existe une voie humaniste et sociale, mais non moins radicale, qui ne nécessiterait ni une réduction drastique des naissances ni l'abandon de toute technologie et "le retour à la cueillette paléolithique".
Parler des «limites de la croissance» dans une économie de marché capitaliste a aussi peu de sens que de parler des limites de la guerre dans une société guerrière. Les belles paroles moralisatrices prononcées aujourd'hui par toutes sortes d'écologistes pleins de bonnes intentions sont tout aussi naïves que celles des firmes multinationales sont manipulatrices. on ne peut pas plus «persuader» le capitalisme de limiter sa croissance qu'un être humain de cesser de respirer. Les tentatives de rendre le capitalisme «vert» ou «écologique» sont condamnées d'avance par la nature même du système, qui est de croître indéfiniment.
De fait, les principes les plus essentiels de l'écologie, tels que le soucis de l'équilibre, le développement harmonieux vers une plus grande différenciation, l'évolution vers une plus grande subjectivité et une plus grande conscience, sont tout à fait en contradiction avec une économie qui uniformise la société, la nature et l'individu, qui oppose les êtres humains les uns aux autres et la société à la nature avec une férocité qui ne peut mener qu'à la destruction de la planète.
Murray Bookchin,
in Une société à refaire. Vers une écologie de la liberté.
NB : extrait d'un des textes choisis par les auteurs de cet essai
....il [Murray Bookchin] rappelle qu'aujourd'hui le champ politique est méconnaissable si on se réfère à sa définition originelle : la gestion des affaires publiques par le peuple. Réduit à peau de chagrin, loin d'une authentique représentativité, il est séquestré par quelques partis dominants, de grosses machines structurées pour la prise du pouvoir au sein de l'appareil hiérarchique de domination par excellence : l'Etat. Un Etat distant, autonome par rapport au champ social, constitué le plus souvent en castes et soumis aux intérêts économiques des grands groupes et du capital. Le "citoyen" actuel se limite au rôle de contribuable et de sélection d'un "élu" sur lequel il n'a d'ailleurs plus aucune prise une fois son bulletin glissé dans l'urne.
L'économie [...] devient inextricable dès lors qu'on admet qu'il doit exister mille formes différentes de boutons, une gamme infinie de couleurs et de qualités de tissus pour donner l'illusion de l'invention et de la nouveauté, des salles de bains débordant de cosmétiques et de médicaments, des cuisines encombrées de gadgets stupides. Si, de cet abominable amoncellement de détritus, on décide de sauver un ou deux objets utiles et bien faits et si l'on élimine l'économie monétaire, le pouvoir étatique, le système du crédit, la paperasserie et la police qui ne servent qu'à maintenir la société en état de besoin forcé, d'insécurité et de soumission, le fonctionnement de la société ne deviendrait pas seulement assez humain, mais assez simple.
Mais, derrière cette idée de décroissance, il y a plus qu'une provocation. Une réflexion et une pensée sont en effet en cours d'élaboration. Dans un travail de recherche collectif, portant tout autant sur l'économie que sur la philosophie, l'histoire ou la sociologie, des intellectuels-les et des universitaires un peu partout dans le monde entreprennent de mettre au jour les principes et les contours de la société d'abondance frugale qu'ils ou elles appellent de leurs voeux. [...] A toutes les époques, des esprits lucides et critiques ont en effet fustigé la croissance infinie et se sont levés contre l'idéologie du Progrès. (préface)
Parler des "limites de la croissance" dans une économie de marché capitaliste a aussi peu de sens que de parler des limites de la guerre dans une société guerrière. Les belles paroles moralisatrices prononcées aujourd'hui par toutes sortes d'écologistes pleins de bonnes intentions sont tout aussi naïves que celles des firmes multinationales sont manipulatrices. On ne peut pas plus "persuader" le capitalisme de limiter sa croissance qu'un être humain de respirer. (1)
(1) - Cf. infra "Une écologie anticapitaliste"
... le projet de décroissance n'est pas un retour à l'âge de pierre !