Citations de Vincent Tassy (92)
L’Histoire est un art tout autant qu’une quête de vérité. Un art du récit, de la mise en scène. C’est pétrir la matière informe du réel pour essayer de comprendre qui nous sommes et où nous en sommes. Et autant que possible, faire de nous des héros. Alors où est la vérité ? Où est le mensonge ? La vérité ne disparaît jamais, elle a lieu, mais que devient-elle quand plus personne n’est là pour la connaître ou la reconnaître ?
« Tu ne connais ni moi ni toi. Parce qu’il n’y a rien à connaître de nous. Nous ne sommes personne. Nous sommes réunis et nous sommes lumière. »
Vivre, c’est accepter qu’il soit trop tard. Pour tout. A quoi bon sauver le monde ? Et à quoi bon précipiter sa fin ? Il faut le regarder aller à sa perte, aimer d’amour la nuit qui sans fin tombe sur lui. Laisser faire. Sinon il y aura trop de bruit, trop de cris. Il faut se dissoudre avec lui, épouser sa longue douleur.
Rien ne se passa et c’était bien que rien ne se passe.
Alors qu’est-ce que c’était, la vie nue, la vie sans rien?
Est-ce que c’était possible ?
Était-ce cela, désormais sa quête ? Trouver comment n’aller nulle part? Sa quête était-elle : trouver le moyen de n’en avoir aucune ? Comprendre profondément ce que signifiait l’ignorance puis l’atteindre ? Trouver comment faire pour vivre sans exister ?
Ils ne peuvent plus croire en L'Or Ailé. Ils n'ont pas eu la patience qu'il faut avoir avec les anges. Ils n'ont pas su écouter le silence. Ce n'est pas leur faute. Mais s'ils me tuent, qui pourra le faire revenir ? Dolbreuse a besoin de moi pour le réveiller. Et Vaivre a besoin des diamants d'Avigdor pour sortir de cette obscurité.
Au premier pas vous auriez su qu'ici le jour n'existait pas. Peut-être parce que le soleil ne pouvait atteindre l'écrin secret de la Sylve, ou parce que le voile enchanté des feuillages ne laissait passer des rayons du jour que ce qu'ils avaient de lunaire au plus profond de leur clarté. Au premier pas vous auriez distingué, dans l'impénétrable silence qui perçait le chœur murmurant des branches, un autre chœur, celui des existences inconnues qui se nichaient dans les bosquets et les grottes, dans les clairières et les cataractes.
Je voudrais parler de lui malgré tout. Parler de lui, voilà. De sa pâleur, de ses cheveux noirs. De sa voix qu'on entend si peu. De la nuit qui règne sur lui.
"Mon ombre. Ma pauvre ombre. Depuis le coucher du soleil, elle saigne. Et ça ne s'arrêtera plus. Mais d'où vient-il tout ce sang? De nulle part, sans doute. Des eaux noires d'une malédiction."
Crie. Meurs pour moi mon amour. Montre-moi comment c’est dans ton corps, pleure. Je suis toi, tu es moi. Nous sommes la douleur. Inévitable. Corps pâles errant dans la chambre obscure. Je t’aime. Souffre. Meurs. Tu es mon temple, tu es mon éternité. Mon miroir et mon mirage. Loin de roi le soleil. Mon aphélie.
Il se fond dans les arbres, devient eux. Devient les clairières, les ruisseaux, les galets. Il est là et il marche, tremble quand tremble la forêt.
Sa tête est pleine de l’écorce des arbres, des lueurs bleues luisant dans les clairières, de l’eau des ruisseaux, des galets au fond des ruisseaux.
Il devient le sang des arbres, des clairières, des ruisseaux, des galets. Coule dans les veines de la forêt.
Elle aime les histoires de princesses et de fleurs empoisonnées. Elle aime quand il y a un château enfermé dans un hiver sans fin. Elle aime tout ce qu’il dit, il peut dire n’importe quoi, elle est heureuse de l’écouter. Elle n’entend jamais la fin.
qu’aurait-on pu dire ce soir, dans ce silence, à l’oreille endormie des cygnes, comment dire la nuit, ce vide en soi, comment le dire à la nuit.
Un tel vide dans le coeur, c’est à l’abri de la mort, la mort ne peut pas y entrer, rien ne le peut.
C’était comme une berceuse, la gentillesse dans son regard. Rachel ne supportait pas cela, d’habitude. Les gens gentils, généreux, attentionnés avec elle, ils la touchaient tellement qu’elle avait toujours envie de les insulter – en leur présence, toutes sortes de grossièretés incontrôlables éclataient dans sa tête, connasse, va te faire, tu fais pitié, putain mais ta gueule, avec la frénésie d’un feu d’artifice -, c’était une barrière, une façon de se protéger de la gratitude dévastatrice qui la submergeait alors. Elle n’avait jamais compris pourquoi. Par quelle malédiction. Mais pourquoi ne s’érigeait-il aucune barrière devant ce regard-là ?
C’était plus beau, pensait Rachel, d’être fragile dans un monde où il fallait être fort. Plus beau d’être la lune plutôt que le soleil. Préférer la chlorose à l’éclat, aimer les fleurs qui s’effritent dans un vase où il n’y a plus d’eau, la langueur des sonates, les rideaux fermés. Renier le corps. Aller contre lui. L’anémier. Et dans le cœur, intérieur nuit.
Offrez le baiser de la nuit, mais sans amour aucun, à quelqu'un qui vous indiffère. Vous ferez de ce quelqu'un votre objet.
On tombe amoureux de quelqu'un comme lui quand on est amoureux de quelqu'un qui est mort.
Lui (Philémon) au moins, il ne laissait pas sa personnalité au placard pour venir en cours, comme si le collège était une scène de théâtre un peu bouffon où les garçons devaient jouer des rôles de garçon, et les filles, des rôles de fille. Malheur à celui qui ne jouait pas le sien !
Il n'y avait pas eu de baiser, cette fois-là. Juste quelques minutes silencieuses, limpides comme du cristal. A la lisière des tombes, deux silhouettes voilées, un peu sonnées d'être là, plus seules, plus perdues, si brusque est la douceur parfois.