Bénédiction en gris
Ce conte de
Walter M. MILLER est tiré de son
recueil "Humanité provisoire". A la suite du passage d'une météorite la Terre est ravagée par une
maladie inconnue, la "dermite", qui se répand partout. Faute d'un meilleur moyen d'
action, les bien-portants se mettent en devoir d'exterminer les malades qui leur font
peur. Cette
peur désorganise la vie terrestre et un homme, Paul, en vient à se...
Et qui vous a dit que la contemplation et le travail etaient incompatibles, hein ?
Les villes ne furent plus que des flaques de verre entourées de vastes étendues de décombres. Des nations avaient disparues de la surface de la terre, le sol était jonché de cadavres d'hommes et de bétail , et toutes les bêtes sauvages , et les oiseaux dans les airs et tout ce qui qui nageait dans les fleuves ,rampait dans l'herbe , creusait des trous ,gisait aussi sur terre ; ils avaient tous péri ...
Le frère bibliothécaire gémit tandis qu'on roulait hors de la cave un autre tonneau plombé. Le fait que le savant séculier ait, en deux jours, éclairé une énigme complète pendant douze siècles n'était pas de nature à impressionner Armbruster. Aux yeux du gardien des Memorabilia, ouvrir ces tonneaux équivalait à diminuer la durée probable d'existence de leur contenu et il ne fit pas le moindre effort pour cacher sa désapprobation. Pour le frère bibliothécaire, dont la tâche en ce monde était de conserver les livres, la principale raison d'être de ces livres résidait dans leur conservation perpétuelle. S'en servir était secondaire, il valait mieux éviter de le faire car cela menaçait leur longévité.
Le père Cheroki, revêtu de son étole, regardait le pénitent agenouillé de profil devant lui sous le soleil brûlant dans l'immense désert. Il se demandait comment ce jeune homme (pas particulièrement intelligent d'après ce qu'il en savait) avait bien pu s'arranger pour trouver des occasions de péché, alors qu'il se trouvait complètement seul dans un désert stérile, loin de toutes distractions, de toute source apparente de tentations. Un jeune homme ne pouvait pas faire grand-chose de mal dans ce coin-là, armé seulement d'un rosaire, d'une pierre à briquet, d'un canif et d'un livre de prières. C'était en tout cas ce que croyait le père Cheroki.
À la sixième explosion, un boulet de canon atterrit sur la route devant l'abbaye, rebondit, franchit la porte ouverte, ricocha sur le muret du massif de roses, et acheva sa course dans le couvent, fracassant les portes du réfectoire. On entendit des cris, et une volée de moines sortit en courant du bâtiment.
[...]
On retrouva le boulet et, quoiqu'il ait été déformé et légèrement aplati par l'impact, les caractères hébraïques qui y étaient gravés restaient en partie lisibles. Un expert fut mandé. L'inscription disait : « ... fais du pain qui jaillit de la terre. » C'était une inscription utilisée pour la bénédiction des repas. « Vu la cible, elle est plutôt appropriée », remarqua le traducteur.
Personne ne l'avais vu prier exepté son démon , qui le traitait d'hypocrite .
On disait que Dieu, pour mettre à l'épreuve l'humanité devenue aussi orgueilleuse qu'au temps de Noé, avait ordonné aux sages de l'époque, [...] de construire de grandes machines de guerre, [...] des armes d'une telle puissance qu'elles contenaient le feu même de l'Enfer. Et Dieu avait permis que ces mages plaçassent ces armes entre les mains des princes, en leur disant: "Nous n'avons construit cela pour vous que parce que les ennemis ont eux aussi de telles machines et pour qu'ils sachent que vous les avez et qu'ils aient peur de frapper. [...]
Mais les princes, ne tenant aucun compte des paroles des sages, pensèrent tous: Si je frappe assez vite, et en secret, je détruirai les ennemis dans leur sommeil, personne ne m'attaquera en retour et la terre sera à moi.
Car telle était la folie des princes. Et ce fut le Déluge de Flamme.
Première Partie: Fiat homo. Chapitre 6, page 70.
Mais dans ce sombre océan des siècles où rien ne semblait s‘écouler, une vie n‘était qu‘un infime remous, même pour l‘homme qui la vivait.
Mais dans ce sombre océan des siècles où rien ne semblait s'écouler, une vie n'était qu'un infime remous, même pour l'homme qui la vivait. Les jours et les saisons se répétaient, monotones; puis venaient les douleurs, la souffrance, enfin l'Extrême-Onction, un moment d'obscurité à la fin - ou au commencement, plutôt. Car alors la petite âme tremblante qui avait supporté bien ou mal cette monotonie, se retrouverait dans un royaume de lumière, et lorsqu'elle se tiendrait devant le Juste, elle s'abîmerait dans le regard de ses yeux brûlants d'une infinie compassion. Alors le Roi dirait: "Viens", ou il dirait: "Pars" et la monotonie de toutes ces années n'aurait existé que pour cet instant. Il eût été difficile de penser autrement en un âge tel que celui où vivait Francis.
Première Partie: Fiat homo. Chapitre 8, page 90.
Ils n'avaient encore jamais vu un milliard de cadavres. Ils n'avaient pas vu les enfants mort-nés, les monstres inhumains, les aveugles. Ils n'avaient jamais vu la folie et le meurtre, la mort de la raison. Puis ils appuyèrent sur la détente, et ils virent tout cela.
(...)
Aujourd'hui, donc, ils connaissent cette amère certitude. Mes fils, ils ne peuvent pas recommencer. Seule une race de fous, d'insensés, pourrait recommencer.