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Critiques de Wladyslaw Reymont (14)
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Dans la brume

Une courte nouvelle. Etonnante. Ecrite par un polonais sur la Bretagne et ses pecheurs. Sur l'angoisse des femmes qui attendent que les barques de leurs hommes reviennent.



C'est la nuit et c'est tempete, et elles accourent vers la cote, scrutant le large, priant. On fait sonner les cloches, et bientot d'autres repondent des villages voisins, de Sainte Anne, de Saint Philibert de Treguen, de Sainte Josephine. On prie, on invoque, “Ave, Ave, Ave Maria ! Soyez le refuge des pauvres pecheurs. Ô mère du Juge qui sonde les coeurs!” Apres des heures, des lumieres en mer! Quelques barques accostent. du bout des levres, on interpelle: ‘Je cherche', est-elle loin? – Savons pas, la mere, ayez pas peur, y reviendront au matin. Et la mere Caradec revient a l'eglise, se pend a la corde et fait sonner toute la nuit, de toutes ses forces. Elle a deja perdu son homme et un fils. C'est son dernier! “Au matin on l'arracha de la corde, deja insensee. Et elle retomba pour toujours dans cette autre nuit des terribles attentes”.



C'est une nouvelle grise et noire et triste, poignante. le ciel et la mer de tempete sont tres bien peints, et la detresse de celles qui attendent, entre espoir et accablement, admirablement decrite.



Mais je ne dois pas etre tellement etonne. Reymont a ecrit cette nouvelle a Concarneau, et il l'a dediee “A Charles Cottet, le grand poete de la mer et de la tristesse”. Charles Cottet etait un post-impressioniste, qui, selon la Wikipaedia, “a realise, sous le titre general d'Au pays de la mer, une serie d'oeuvres ou se trouvent retracees les scenes pittoresques de la rude vie des marins, ou les multiples aspects de l'Atlantique et de la Manche, sont intensivement rendus“. Cette nouvelle est donc un hommage. Un bel hommage.



Et encore une fois je remercie la Bibliotheque Russe et Slave.

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La Révolte

Sans le challenge Nobel, je n'aurais jamais découvert cette riche fable anthropomorphiste, dernière production littéraire de son auteur parue en 1924, l'année où il reçut le prix Nobel et un an avant sa mort.



Derrière la quête de liberté menée tambour battant par Rex, le chien de ferme qui, après être tombé en disgrâce et avoir été repoussé par ses maîtres, s'éveille aux potentiels d'autonomie qui dorment en lui et pousse à la révolte l'ensemble des animaux qu'il emmène sur un douloureux chemin, se dessinent les grandes aspirations politiques de l'époque dans un contexte polonais, entre rejet du poids de la servitude face aux russes et la grande idée communiste tout juste mise en pratique par les bolchéviques et qui faisait frémir le monde au début du dernier siècle.



Au-delà de l'intrigue haletante et de la magnifique mise en scène de la grande Nature évoquée avec une riche sensibilité, ce qui est passionnant dans ce conte c'est la réflexion posée sur la liberté, sa quête, son sens et ses contraintes. Face à elle la multitude des aspirations et réactions des hommes sont incarnées par les animaux, du bétail préférant le sceau d'avoine quotidien qu'offre la servitude au loup qui mène son jeu solitaire, se repaissant des autres. On pense à La servitude volontaire de La Boétie, à Jack London, à George Orwell...

Fascinante aussi l'analyse du pouvoir, disputé par les plus forts, et celle des ressorts de la motivation politique qui pousse un être seul à emmener derrière lui tous les autres sur la base d'une seule idée, d'un inconnu idéalisé, personnifié dans le roman par les grues qui promettent de guider la troupe vers "là-bas", et la difficulté de se tenir à cet idéal une fois face à l'adversité.



La Révolte est une belle entrée en matière dans l'univers de Stanislas Reymont, et qui me donne fortement envie de continuer avec lui avec les deux pièces maîtresses de son oeuvre, La Terre promise et Les paysans.

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Les Paysans

Immense cycle romanesque de près de 1000 pages, écrit entre 1901 et 1909, couronné par un prix Nobel de littérature en 1924, Les paysans restent une œuvre peu connue en dehors des frontières de la Pologne. Publiée par l'Age d'homme, éditeur genevois spécialisé dans la littérature des pays de l'est de l'Europe, dans une excellente traduction, elle mériterait plus de lecteurs, même si l'aventure, compte tenu du nombre de pages, est sans doute un vrai challenge.



Il s'agit d'une tétralogie, les titres de chaque volume correspondant aux saisons de l'année. Nous commençons notre voyage à l'automne, puis viennent l'hiver et le printemps, et nous terminons notre périple en été. Toute l'action est situé dans le village de Lipce, un village prototypique de nombreux villages de cette région du monde au tournant du XIXe et XXe siècle, et au-delà, des communautés villageoises telles qu'elles ont pu exister pendant des millénaires. Nous sommes avant l'arrivée de l'électricité, avant l'utilisation de machines, autres que simples et fabriquées par les villageois, il faut chercher l'eau au puis et se chauffer et nourrir avec du bois. Une sorte d'époque avant l'histoire, avant le moment où le progrès technique au rythme accéléré impose des changements permanents et de plus en plus rapides aux hommes. Dans l'univers de Lipce, c'est la terre et la nature qui dictent leur loi et imposent leur temporalité aux hommes, comme aux animaux.



La richesse de l'ouvre vient des nombreux registres et thématiques qu'il déploie. C'est à la fois un texte très réaliste, qui décrit avec précision voire par moment minutie, les façons de vivre, le quotidien, les coutumes, les vêtements, la façon de se nourrir, les cérémonies, religieuses ou pas etc. Nous avons une vision presque ethnographique d'une région à un moment donné, que l'auteur a très bien connue, et dont il semble avoir enregistré dans sa mémoire les moindres détails. Mais le livre dépasse cet aspect réaliste pour une vision métaphorique, mythique, transcendante du vécu de la communauté villageoise. Semer, faire éclore, sont des activités quasi magiques, par lesquelles l'homme, en symbiose avec la nature, devient un héros prométhéen, arrachant aux entrailles de la terre de quoi permettre aux générations suivantes de se perpétuer. Il participe de cette manière à l'activité divine de la création du monde. Le réalisme se double de poésie, qui magnifie les gestes du paysan nourricier, qui transforme le quotidien en épopée, et en activité magique.



Le récit est centré sur une famille du village, celle de Maciej Boryna, le plus riche propriétaire de l'endroit. Il y a son fils Antek, qui ronge son frein sous la lourde main paternelle, sa femme Hanna et leurs enfants, Józka, la jeune sœur, et puis vient très vite, Jagna, la jeune femme la plus belle du village, que Boryna va épouser en secondes noces, au grand dam de sa famille. A tour de rôle, chacun des membres de la famille va venir au premier plan. Plus que des personnalités, ce sont des types, ce qui arrive à chacun d'entre eux pourrait arriver à n'importe qui dans leur position. Au-delà des petits événements de la vie, c'est le cycle éternel des événements essentiels, sentiments humains primordiaux qui est en jeu, sans que l'aspect romanesque ne soit absent, et sans que le livre ne paraisse à aucun moment didactique. Les naissances, les morts, les catastrophes qui s'abattent, les moments de triomphe sur le sort, le désir, la jalousie, l'envie, l'amour, tout en étant très concrets et précis, nous allons à chaque fois au-delà du simple fait, dans la signification et place profonde de chaque chose.



Mais le personnage principal du roman est en réalité la communauté villageoise dans son ensemble, en tant qu'entité qui transcende la somme de ses membres. C'est un corps vivant, dans lequel chacun a sa place, sa fonction, et qui malgré les différents, les querelles, voire les affrontements violents, fonctionne comme un tout indivisible. Cela peut faire un peu penser à une fourmilière ou à une ruche, un seul individu n'est pas à même de survivre, à faire sa part sur la terre, il lui faut l'appui des autres, leur complémentarité. D'où une forme de tolérance vis-à-vis des défauts ou manques de chacun, tout au moins tant que le collectif, ses normes, ses lois non écrites, restent respectées. Dans le cas contraire, la sanction peut être terrible, comme pour Jagna, qui est l'élément perturbateur, destructeur, du collectif.



L'oeuvre met en évidence le lien homme-nature, l'homme n'étant qu'une partie de celle-ci, sa survie dépend de la qualité de ce lien, au moment où il l'oublie, où il pense qu'il peut échapper aux lois de la nature, cette dernière lui rappelle amèrement sa force, sa capacité à l'anéantir. Elle replace aussi l'être humain dans un groupe, et aussi dans l'entrelacement des générations : la mort est nécessaire, elle fait partie de la vie, et l'homme survit dans sa descendance et aussi dans le groupe dont il a été une partie pendant sa vie. Cela même s'il y a des tensions entre les générations, les jeunes qui veulent leur place que les vieux ne veulent pas lâcher, les très vieux qui sont à la merci de leurs enfants ou parents, devenus une charge inutile, avec la mort comme seul perspective.



Ce cycle est tellement riche qu'il serait vain de vouloir évoquer tous les thèmes, toutes les questions abordées, mon commentaire simplifie beaucoup les choses (il y a tout un aspect historique à la fin du roman sur lequel je fais l'impasse par exemple). Je tiens toutefois à insister à la fin de mon laïus sur le style de l'auteur, qui contribue grandement à en faire une œuvre d'exception. Les styles, devrais-je d'ailleurs dire, tant sur cet aspect aussi, l'auteur joue sur plusieurs registres. L'expression des paysans est dans une langue spécifique, qui même si elle reprend certaines expressions réelles, est plus une création, qui permet d'appréhender la spécificité du parler campagnard, tout en restant compréhensible et poétique. Les magnifiques descriptions de la nature, ou les exposés des situations économiques ou politiques, sont dans des styles et vocabulaires différents, adaptés à chaque fois au sujet abordé, sans que cela paraisse, artificiel ou fabriqué.



Véritable gageure par son ambition, par la vision complexe et nuancée qu'elle communique, par tous les aspects et registres abordés, cette tétralogie est une œuvre puissante et unique. Et un grand plaisir de lecture, ce qui a été pour moi, qui appréhendais cette lecture au long cours, une merveilleuse surprise.
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La Terre promise

Fresque époustouflante de la ville industrielle de Lodz au centre de l'Europe et au tournant du siècle, vers laquelle tous se ruent : paysans sans travail, nobles polonais en perte de fortune, tisserands juifs miséreux, entrepreneurs allemands, parvenus de tout poil, tous viennent se jeter dans la gueule d'un ogre capitaliste sans foi ni loi dans un seul but : l'argent.



Un argent facile pour les plus malins et les plus immoraux, dans une ville qui à la grâce de conditions douanières attirantes est devenue en quelques années le centre européen oriental du textile, produit en quantités sidérantes dans des usines qui ne cessent d'ouvrir et de grossir avec la mécanisation.

Un argent aussi pénible à gagner pour les miséreux qu'il file dans les doigts des nouveaux riches qui le dépensent sans compter dans des palais en toc pour éblouir concurrents et élites locales.

Un argent qui tient lieu de seul dieu, effaçant les religions mais pas les antagonismes raciaux entre allemands qui méprisent les polonais qui méprisent les juifs.



Au milieu de cette foule bigarrée de chacals et de sans dents, trois amis ont le projet de fonder leur propre usine: Borowiecki le froid et talentueux aristocrate polonais, l'allemand Max Baum qui se morfond dans l'atelier hors d'âge de son tisserand de père, et l'homme d'affaires juif Moritz. Un projet facilement réalisable en l'absence de lois et de scrupules, mais dans un contexte où la fortune peut disparaître aussi vite qu'elle est venue.



C'est un roman colossal que nous a légué là Wladislaw Reymont, journaliste et auteur polonais nobelisé en 1924 et quasiment inconnu en France. Un roman qui rappelle La curée et L'argent de Zola, où l'on sent à chaque page la fascination et le dégout que lui ont inspiré ce momentum d'énergie, de cupidité et d'égoïsme forcenés. Le rythme n'est pas toujours au rendez-vous mais le foisonnant tableau dressé est d'une incroyable richesse, tant dans la peinture du monde industriel dopé par le charbon que dans l'animation de personnages forts et vivants.



Un pavé passionnant pour une redoutable page d'histoire socio-économique!
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Les Paysans - Intégrale, tome 1

C'est parti pour le "grand roman paysan européen" qui me faisait de l'oeil depuis un moment, après la découverte de son auteur nobelisé avec la fable politique "La révolte" et le roman industriel urbain "La terre promise".



Ce premier tome, "L'automne", tient toutes ses promesses : la langue est superbe, style 19ème siècle dans le meilleur sens du terme, à la fois dans l'évocation de la nature que dans la transcription du parler paysan, habilement traduit du polonais dans un langage populaire universel.



Pendant quatre volumes déroulant les quatre saisons, Ladislas Reymont nous immerge dans le village de Lipce et son écosystème, ses champs, ses bois, son château au loin, et ses habitants, aux premiers rangs desquels le vieux Boryna aux prises avec ses enfants auxquels il refuse de céder ses biens, la pulpeuse Jadna qu'il convoite et quelques commères à la langue bien pendue.

Mais c'est encore l'automne et le temps des moissons, pas encore celui des passions qui couvent pourtant sous la terre, prêtes à germer.



Peu d'action à vrai dire mais un univers très immersif, merveilleusement vivant, construit comme une ode à la terre et aux saisons qui façonnaient les hommes au tournant du dernier siècle.



Bientôt l'hiver...

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Les Paysans, tome 3 : Le Printemps

La roue du temps immuable continue de tourner sur le village de Lipce, dans ce troisième tome de la grande saga paysanne polonaise se posant désormais sur le printemps.



Un printemps qui n'arrive réellement dans sa splendeur éclatante qu'au bout de 300 pages sur les 460 que compte l'édition originale que j'ai eu le plaisir d'avoir en main: entre la fin des neiges d'hiver et l'éclosion de la vie printanière, le temps est long en effet dans lequel la boue engorge les rues, la pluie froide gèle les os, noie les champs et finit de détruire les isbas pauvres que l'hiver a fragilisées.



Dans la famille Boryna au centre de la saga, le vieux Maciej se meurt et avec lui sa puissance de paysan dominant, pendant que la belle Jadna, symbole de la vitalité brute de la Nature, s'étiole et se morfond en attendant le retour de la vie.

Car dans le village paysan où le temps long se mesure en saisons et le temps court en patenôtres, longue aussi est l'attente des hommes toujours emprisonnés à la ville, l'attente des nouvelles moissons quand rien ne demeure des victuailles remisées pour l'hiver.



Du désespoir donc chez ces gens simples dominés par le seigneur, le curé et la Nature, mais une incroyable résilience et une énergie farouche à survivre, à se battre, à attraper la joie partout où elle passe.



Cette saga est un vrai bonheur, merveilleusement écrite et très plaisante à lire, aussi je m'empresse d'attraper le quatrième volume : l'été...



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Les Paysans, tome 4 : L'Été

Et voilà, la dernière saison s'achève sur un cycle qui va, la nature et les hommes nous le disent à chaque page, éternellement recommencer.

Ici l'été, avec ses sourdes chaleurs et ses orages lourds qui fouettent les sangs, marque le temps de remettre les compteurs à zéro avec les moissons, et l'église au milieu du village avec le retour du fils prodigue d'une part et l'expulsion de l'élément discordant d'autre part : là où Anton revient prendre la place de propriétaire dominant laissée par son père décédé, Jagna, la plantureuse épouse de ce dernier, paiera cher d'avoir troublé le bel équilibre de cette immuable communauté.

Et quand s'achève cette admirable saga, chacun a repris sa place: les paysans en bas et plus bas encore les locataires, le seigneur en haut, avec le curé à son service.

Avec ce quatrième et dernier tome, je suis très heureuse d'être parvenue au bout de ce long voyage intemporel dans un monde paysan qui, si l'auteur l'a imaginé en Pologne, aura pu être partout ailleurs sur la planète.
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Les Paysans - Intégrale, tome 2

La neige tombe à gros flocons et recouvre vite le village de Lipce, en ouverture de ce deuxième tome de la saga paysanne de Ladislas Reymont qui porte bien son nom : "L'hiver".



Les derniers choux ont été ramassés et rentrés, le fourrage et les bêtes sont remisés dans les étables et chacun dans sa chacunière, engourdis de froid et d'ennui.

Plus de travail aux champs: c'est l'heure du réveil des pensées, des paroles, des rêves et des passions : on se retrouve au bar à la sortie de village, ou à quelques uns chez l'un ou l'autre pour trembler de peur ou d'extase sur des histoires édifiantes.

Autour du vieux Boryna, désormais marié à la belle jeunette que tous les hommes du village convoitent, le drame couve...



Un second opus plus intimiste par nécessité, plus près des hommes, et pourtant la nature endormie et malmenée par l'hiver est toujours le personnage principal de ce grand roman qui immortalise un mode de vie ancestral tout en rendant un hommage ébloui et sensuel à la terre et au temps qui passe.



Vivement le printemps!





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Les Paysans

Cette édition du roman "Les Paysans" reprend les quatre tomes (Automne, Hiver, Printemps, Eté) de sa première édition en langue française en 1925. Les Paysans est une grande fresque du monde paysan polonais au début du XX° siècle alors que la ruine le guette. Le personnage principal est le village de Lipce, où les habitants vivent en masse compacte tout en respectant certaines "castes" : le curé, instruit et riche; les fonctionnaires; les paysans propriétaires (et dont l'importance croît en fonction du nombre d'arpents); les paysans-locataires; les valets et les journaliers et les mendiants (toujours bien accueillis). Et puis, il y a les Juifs qui ont de l'argent (ce sont généralement des commerçants) mais envers lesquels on sent poindre l'antisémisisme qui aboutira aux pogroms quelques dizaines d'années plus tard. Tout ce monde pratique le mode de culture très ancien. Ce peuple paysan au labeur incessant est soudé par sa foi relgieuse et par les caprices de la nature à laquelle il est ancré sans ligne de démarcation entre elle et lui. Mais il est aussi déchiré par des haines d'intérêts ou de ressentiments personnels. A la fois réaliste (proche du roman naturaliste) et lyrique dans sa description de la nature.
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Les Paysans

120 ans de joug Russe, Prussien et Autrichien n’auront pas suffi à écraser la culture polonaise, au contraire. Peuple courageux et indestructible, les polonais sont aussi des artistes, des écrivains, des compositeurs... Rare sont les pays qui résisteraient à plus d’un siècle de pillage culturel et intellectuel et de Kulturkampf tyrannique. Alors allez-leur en donner des leçons à nos amis du grand-duché ! Et de fait, je pense peser mes mots en affirmant que Tolstoï a son alter ego littéraire polonais en la personne de Wladyslaw Stanislas Reymont.

La lecture des paysans est plus qu’un projet, c’est un défi voir une épreuve. Mais quelle richesse ! Quelle récompense à l’arrivée ! Conçu comme une réponse aux écrits humanistes et naturalistes de Zola, l’œuvre s’articule en Tétralogie dont chaque saison constitue un livre et dont l’automne est le premier tome. Ce découpage simple mais habile permet de donner à l’ensemble de l’œuvre le coté cyclique de l’éternel retour, une cohérence narrative mais surtout de faire de la « terre » le personnage central du roman. Et là, précisément, se situe toute l’universalité et toute la beauté du livre de Reymont : l’homme n’est pas au centre de tout, n’en déplaise à nos humanistes invétérés. Les saisons se succèdent, les âmes remontent au ciel et seuls la terre dure, donne, reprend et rend à Dieu. Les descriptions sont sublimes, mélancoliques parfois angoissantes voire effrayantes (Le chapitre glaçant de Hanka dans la tempête de neige). La terre, découpée en « arpents », définit aussi le statut social de son propriétaire, elle attise les luttes de classe avec la petite noblesse mais aussi les rivalités entre les familles plus ou moins cossues.

Bien. Le décor est posé : un village au nom de Lipce, des arpents, des vergers et des champs de betteraves, de choux et aux milieux, jetés à la volée dans l’absurdité et la pénibilité infinie du labeur, tels de minuscules Sisyphe condamnés à trimer : les paysans. Avec leurs caractères trempés dans l’acier et le borszcz, (soupe à la betterave, légume vénéré par une nation entière) leur mains calleuses et leur admirable courage. Chaque jour, pour eux, est un combat, chaque pomme de terre a sa valeur, chaque semailles est une prière à Dieu, une espérance d’un jour fertile. Et à travers ces personnages forts, le livre de Reymont s’impose comme un retour à l’essentiel. Tout est cher aux yeux de « ces pauvres petites âmes las » : la fête traditionnelle du village au cabaret, l’élection à la mairie, le mariage, la lutte contre les propriétaires allemands, la messe du dimanche et les sermons parfois courroucés du curé, la coupe du bois pour l’hiver, l’enterrement en grande pompe de la mendiante... Tout a de la valeur : on ne jette pas ce qui est cassé, on le répare. Et enfin, quand on profite, on partage et on fait des réserves pour l’hiver.

La vie des paysans n’est pas idyllique, entendons-nous bien. Les hommes boivent lourdement après le travail, les femmes se déchirent parfois assez lamentablement et enfin les jalousies, les convoitises et les infidélités viennent ternir l’existence misérable de chacun. Bref, l’existence est épuisante et injuste. Les moments de répits, pourtant jubilatoires et salvateurs, sont trop rares. L’hiver dure, et chacun, tel la fourmis, se recroqueville dans sa petite chaumière et consomme avec précautions ses modestes réserves près de la cheminée en comptant les buches et les bouchées de pain.

Et pourtant, comme dans un tableau des frères le Nain, on prend plaisir à faire partie, le temps d’un livre, de ce monde rural fascinant et cruel à la fois. Oui, facile à dire en tant que lecteur, certes ! Mais honnêtement, cette vaste cheminée qui réchauffe la pièce principale, ces réunions au cabaret arrosées à l’eau-de-vie, ces soirées épluchage de betteraves, ces fêtes, ces vergers de poiriers et de cerisiers et ces champs de patate, il n’y a pas une page ou l’on ne voudrait pas y être, ne serait-ce qu’un instant. La description est tellement soignée et vivante que la contemplation de ce microcosme est un plaisir infini. On partage les bonheurs des paysans comme leurs malheurs. On exulte de joie à l’arrivée des moissons, on regarde l’hiver par la fenêtre d’un œil inquiet, et on renaît avec eux au printemps, quand tout est à refaire.

Reymont n’est pas seulement un auteur naturaliste qui décrit méticuleusement un village paysan. Il peint le portrait universel du Paysan et raconte par-là les origines lointaines de nos sociétés. Il rappelle bien mieux que n’importe quel traité d’écologie moralisant le rôle de la terre et la soumission de l’homme à ses cycles. A chacune des milles pages, il nous murmure humblement que sur cette terre éternelle, chefs d’œuvre du très-haut, nous sommes simplement de passage : nos vies sont des saisons.

Reymont nous donne envie d’aller à Lipce, de errer dans les ruelles à regarder l’église du village et de voir les fantômes en sortirent pour saluer le curé après son office. On ne regarde plus les vieilles bâtisses paysannes sans le sentiment de nostalgie de ses soirées près du feu, sans imaginer la famille Boryna et valets autour du vieux patriarche mourant et j’irai même plus loin, on ne passe plus à côté d’un champ de patates sans un infini respect pour nos ancêtres paysans, humbles héros qui luttaient chaque jours de leur vie ingrate contre le temps et la dureté des saisons !

Une mention tout spéciale aux dernières pages du printemps - narrant la mort d’un personnage - et qui résument à la fois le style plein d’élégance et de force de Reymont et en même temps la Foi paysanne dont est emprunte la narration. Sa fresque est une œuvre vaste et cruelle mais sans aucun doute miraculeuse. Assurément la plus grande histoire d’amour entre Dieu, l’homme, et la terre. Prix Nobel 1924.

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Dans la brume

Une petite nouvelle découverte par hasard au détour d’un furetage dans une bibliothèque virtuelle. Un auteur polonais, Nobel de surcroît (et dont je n’avais jamais entendu le nom avant de le lire ce jour-là), qui écrit sur la Bretagne, j’ai cédé à la curiosité de cette drôle de combinaison.

Tout cela pour un résultat finalement moyen. Il y a certes quelques jolies phrases, mais rien qui ne dépasse une narration ordinaire, et je n’ai pas su partager l’angoisse de l’attente qui se prolonge, l’alternance de la peur et de l’espoir, les prières et les imprécations.

Ce premier contact m’a cependant donné envie de connaître mieux cet auteur et, peut-être, si je peux mettre la main sur ce livre, lire Les Paysans, qui semble son œuvre majeure.
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La Terre promise

La ville de Lodz en Pologne et les débuts du grand capitalisme européen à la fin du XIXème siècle, de usines, des banqueroutes, les communautés polonaises juives et allemandes qui cohabitent tant bien que mal, l'exploitation des ouvriers.

Ce roman me fait beaucoup penser à une partie de l'oeuvre de Zola.
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La Terre promise

« La terre promise » est un grand roman, de l'auteur polonais Wladyslaw Reymont, qui témoigne d'un lieu, d'une situation et d'une époque, comme le fit en France Émile Zola. Ainsi, le livre alterne les longs dialogues, avec de très belles descriptions d'une ville industrielle en pleine mutation. D’ailleurs, tout comme Émile Zola, l'auteur polonais (prix Nobel de littérature en 1924) fut aussi journaliste.



Lire le suite sur mon blog : https://deslivresetdesfilms.com/2016/09/23/la-terre-promise-de-wladyslaw-reymont/
Lien : https://deslivresetdesfilms...
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La Révolte

Le roman "La révolte" a été écrit dans les années 1919-1921, par l'écrivain polonais Wladislaw Reymont (1867-1925) prix Nobel de littérature 1924.



C'est un roman étonnant. Il raconte la révolte des animaux domestiques, menée par un chien, Rex, contre le joug et les violences de l'homme. Les rebelles font alliance avec les loups et, menés par Rex, se mettent en route vers "un monde meilleur" dont Rex leur a vanté les bienfaits après avoir écouté les grues raconter leurs voyages.



Le roman est très bien écrit, il s'en dégage une grande force. On peut déplorer quelques répétitions des thèmes principaux comme : dénoncer la violence des hommes, préférer mourir libre que vivre en esclave, ou encore se rappeler le fourrage et le coin de cheminée lors des épreuves du chemin. Ces répétitions peuvent s'expliquer par le fait que le roman été écrit en plusieurs fois.



Ce conte est éminemment tragique, le troupeau va vite déchanté et subir de terribles épreuves, des milliers vont mourir, et les loups sont les seuls à en profiter. Petit à petit, le troupeau va réaliser que ce "monde meilleur" qui les attend là-bas, toujours plus loin, au-delà des montagnes, n'est sans doute qu'une fable, une tromperie, et il désirera rentrer chez les hommes, mais il sera trop tard.



Allégorie ? La promesse trompeuse d'un régime d'égalité à l'époque de la révolution russe ? Je ne m'y connais pas assez pour me prononcer. Il n'y avait malheureusement pas de préface ni de postface au livre (version kindle), ce qui aurait apporté un éclairage bienvenu.



Reste que la lecture de ce livre vaut la détour pour son originalité et la grande force qui s'en dégage, bien que la fin soit un peu décevante, l'auteur ayant apparemment choisi de finir par une touche d'humour, un peu saugrenue après le style brutal et relativement violent du récit.





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