Entre récit et essai, Yaël Pachet se laisse aller à une méditation d’abord portée par des pratiques personnelles qu’on pourrait dire banales : baignades à la piscine, visionnage de « vieux films » à la cinémathèque, lecture de Tchekhov, écoute de « chanteuses sentimentales », etc. En écrivain plutôt qu’en philosophe, au fil mouvant de sa pensée, elle interroge obstinément, et jusqu’à y débusquer plus d’un paradoxe, son et silence, parole et écrit, logorrhée et mutisme, agitation et immobilité – ce qui parle et ce qui se tait.
Cette errance réflexive, sensitive et toute personnelle, moins anarchique qu’elle ne pourrait paraître, pousse les raisonnements jusque dans des confins insoupçonnés pour, peu à peu, conduire l’auteure à s’intéresser, plus précisément, à l’enregistrement du son (ce « meurtre de la parole ») dont rêvait Rabelais et qui « occupa » les infortunés Charles Cros et Édouard-Léon Scott de Martinville avant la victoire sans partage de Thomas Edison – l’ingrat...
La curiosité attentive de Yaël Pachet nous emmène dans son univers peuplé d’une myriade d’artistes et d’inventeurs en même temps qu’elle nous confronte aux grandes questions de l’écriture, de la condition humaine, voire du « malheur de vivre ». Dans un apparent désordre – qui n’est que l’ordre d’une pensée –, nous croisons aussi bien Colette que Truffaut, Dinu Lipatti que Glenn Gould, Xénophon encore, Stendhal, Prokofiev ou la chanteuse (nantaise) Mathilde.
À l’écoute de celles et ceux qui l’ont précédée, une artiste salue, avec une érudition aussi impressionnante que plurivalente, ces figures qui ont voué ou sacrifié leur vie à la création et dont les mérites ont pu être oubliés par l’Histoire.
Chronique parue dans "Encres de Loire" n° 62, hiver 2012-2013
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