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Critiques de Yan Lespoux (124)
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Pour mourir, le monde

°°° Rentrée littéraire 2023 #6 °°°



Janvier 1627, suite à une tempête dantesque, les sept navires d’une armada portugaise coulèrent au large des côtes du Médoc, dont deux caraques revenant des Indes chargées de toutes les richesses de l’Orient : le plus terrible naufrage de l’histoire de la marine portugaise. Yan Lespoux est parti de ce fait historique présenté en ouverture pour construire un formidable récit fictionnel qui ravira les amateurs de romans d’aventures et d’épopées maritimes.



Le lecteur est embarqué sur les pas de trois personnages enthousiasmants qui emportent immédiatement l’adhésion : Fernando, jeune homme pauvre de l’Alentejo enrôlé de force à quinze ans dans l’armée portugaise pour renforcer ses garnisons de Goa ou d’autres comptoirs coloniaux indiens ; Marie, fille des landes et des dunes battus par le vent, obligée de se cacher dans une communauté de résiniers et de costejaires, pilleurs d’épaves qui arpentent les côtes du Médoc à la recherche de biens échoués ; et Diogo, qui assiste à la chute de São Salvador da Bahia prise par les Hollandais aux Portugais en 1624, puis entre en résistance.



Leur point commun : ils sont très jeunes et décidés à vivre une autre vie que celle qui leur était dévolue, décidés d’échapper à un destin trop étriqué pour aller au-delà des cases de l’échiquier sans attendre leur tour pour jouer er déjouer la fatalité poisseuse qui devait les enchainer.



« Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. Pour naître le Portugal ; pour mourir, le Monde. » L’impeccable titre illustre parfaitement leur état d’esprit, extrait d’une citation d’un certain Antonio Vieira, prêtre jésuite, écrivain et prédicateur du XVIIème siècle.



Yan Lespoux est un historien-écrivain. Il déploie avec maestria tout l’arrière-plan historique, remarquablement reconstitué, prenant le temps de développer de longues descriptions qui donnent à voir, sentir, ressentir tous les lieux visités, du Portugal au Brésil en passant par les Indes, des villages miteux des costejaires avec leur auberge repaire jusqu’au palais du sultan de Bijapur ou les cales des galions et caraques portugais. L’immersion est totale, dépaysante en diable, avec un sens de l’action très excitant, notamment lorsqu’il s’agit de décrire le tourbillon des batailles navales que se livrent Anglais, Portugais et Hollandais.



Il y a donc beaucoup de personnages, beaucoup de décors, beaucoup de péripéties, répartis sur les trois arcs narratifs consacrés respectivement aux trois principaux protagonistes. C’est extrêmement dense et pourtant jamais on ne se perd tant l’auteur sait où il va, jusqu'à un croisement des destins en mode feu d’artifices dans les cinquante dernières pages. On savoure d’autant plus qu’on est porté par une écriture de grande qualité, ample, déliée, classique mais avec des accents modernes pour accompagner des personnages du XVIIème siècle aux caractéristiques très contemporaines.



Un régal de roman d’aventures qui porte haut le souffle romanesque allié à la rigueur historique. Epoustouflant !



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Pour mourir, le monde

Instructif, immersif et palpitant ! Pour les vrais amateurs de récits maritimes, les amoureux de récits d'aventure et les passionnés d'histoire !



Titre énigmatique que celui choisit par Yan Lespoux, historien universitaire spécialisé dans la civilisation occitane, et auteur du très réussi recueil « Presqu'îles », bouquet de nouvelles ancrées dans son Médoc natal. Il s'agit là de son premier roman dans lequel il met ses connaissances historiques au service d'une épopée passionnante dans laquelle il évite avec brio l'écueil du récit savant et linéaire et se révèle être, au contraire, un conteur hors pair, entrecoupant son récit de boucles narratives, baladant son lecteur d'une période à une autre, d'un endroit à un autre, d'un personnage à un autre.

Soulignons-le aussi, la couverture choisie par l'éditeur Agullo, est sublime avec cette carte maritime médiévale turquoise, elle donne le ton de cette épopée maritime grandiose. A noter que sous la jaquette, le livre comporte des gravures rouge sang retraçant la conquête du Brésil par la flotte portugaise. La forme épouse ainsi le fond de ce beau livre. On se régale déjà rien qu'en regardant l'objet, on se régale ensuite en plongeant dedans.



Pour comprendre ce titre pas évident à retenir, avec cette virgule en plein milieu telle une cicatrice incongrue au milieu d'un visage, il faut le resituer de l'extrait dont il est issu, à savoir des vers d'Antonio Vieira, poète du 17ème siècle, cité dans le livre Luis Felipe Thomaz, « l'expansion portugaise dans le monde », publié aux fameuses éditions Chadeigne, spécialisées dans la littérature lusophone. Ce livre comporte les mémoires de capitaines portugais rescapés et Yan Lespoux s'est appuyé, entre autres, sur ses mémoires pour rendre crédible et authentique son roman.



« Naitre petit et mourir grand est l'accomplissement d'un homme ;

C'est pourquoi Dieu a donné si peu de terre pour sa naissance

Et tant pour sa sépulture.

Un lopin de terre pour naitre ; la Terre entière pour mourir.

Pour naitre, le Portugal ; pour mourir, le Monde. »



Il me semble que ce poème résume à lui seul le livre. le titre, nous le comprenons alors, est superbement choisi. le coeur du récit porte en effet sur la conquête de territoires au 17ème siècle menée par les pays européens, notamment et surtout par les Portugais, mais aussi, plus indirectement, par les Espagnols et les Hollandais. Nous vivons les périls encourus en mer par la flotte portugaise, via ses bateaux de guerre et de commerce, assistons au pillage de ces terres lointaines. L'auteur nous donne en effet à vivre quelques-unes des traversées maritimes les plus mythiques et les naufrages les plus dramatiques de l'histoire portugaise.



L'histoire se concentre sur trois lieux, trois groupes de personnages aux destins entrelacés qui vont finir par se rejoindre.

Il y tout d'abord la belle Marie, au caractère bien trempé, féministe avant l'heure et qui ne se laisse pas faire ; une vielle sorcière généreuse et un tavernier peu scrupuleux sont là pour veiller sur elle dans les marais de Gascogne dans lesquels elle se cache suite à une mésaventure à Bordeaux. Les descriptions de cette région, région natale de l'auteur, sont sublimes, d'une poésie remarquable.



Nous avons ensuite Fernando et Simão, marins de base, se retrouvant un peu à leur insu sur ces immenses galions, n'ayant pas vraiment d'avenir dans la Lisbonne de l'époque. On les suit au Canal du Mozambique en passant par Bijapur et les comptoirs de Goa. Deux véritables amis courageux, audacieux, téméraires, à qui il va arriver tout un tas d'aventures. le livre démarre de façon tonitruante d'ailleurs avec Fernando, nous assistons à sa quasi noyade après que son bateau ait échoué sur les côtes du Médoc, scène forte qui donne le ton du livre, le lecteur est immédiatement happé.



Par ailleurs nous sommes aux côtés du véritable Manuel de Meneses, chargé d'escorter jusqu'aux côtes portugaises l'immense bateau São Bartolomeu qui rentre au Portugal les cales gorgées de trésors, des merveilles des comptoirs indiens, à savoir épices, étoffes et quelques diamants, marchandises très convoitées. Homme fier, taciturne et froid, violent parfois aussi comme il a pu l'être avec Fernando dont nous venons de parler précédemment, il va se révéler être plus sensible qu'il ne parait, amateur notamment de poésies. Il voyage avec deux garçons, sorte de gardes du corps qui lui ont sauvé la vie au Brésil durant l'affrontement pour la conquête de Bahia, entre l'armada portugaise et l'armada espagnole d'une part (associées mais néanmoins toujours concurrentes) et les hollandais de l'autre. Ce binôme étonnant et attachant répond aux noms de Diogo et Ignacio, un orphelin d'un juif portugais converti par obligation et un indien tupinamba avec qui il a été élevé, deux frères désormais inséparables.



Des personnages bien campés, jamais caricaturaux, subtilement décrits, qui vont finir par se rencontrer. Nous comprenons dès le départ qu'il y aura convergence entre ces trois destins, et cela maintient le suspense, en plus de nous donner à découvrir ces faits historiques dans lesquels la religion est omniprésente permettant de tenir, malgré les multiples dangers, la violence, la maladie et la mort. Sylvain Coher le soulignait dans Nord-Nord-Ouest, « Il faut avoir navigué pour savoir prier », Yan Lespoux le souligne également ici « Si tu veux apprendre à prier, prends la mer ».



« Ils marchèrent ainsi trois jours, laissant dans leurs sillages les cadavres les plus faibles. Enterrés dans le sable lorsque c'était possible, abandonnés parfois à même la pierre volcanique qui leur brulait et coupait les pieds. Les nuits étaient pires que les jours. Les corps nus étaient enveloppés par un froid humide qui les pénétrait jusqu'aux os sans pour autant apaiser les brûlures du soleil sur leurs dos couverts de cloques no décoller les parois asséchés de leurs gorges ».



Ce roman est non seulement épique, rempli d'aventures incroyables qu'il nous semble vivre aux côtés des personnages tant la plume de l'auteur est cinématographique, multipliant traveling et plans fixes (la scène du tout début de quasi noyade par exemple est tout à fait stupéfiante) mais il est également terriblement sensoriel, il nous rend poisseux, nous étouffe, nous accable, nous fait mal, nous dégoute par moment même, à côtoyer ainsi les maladies, la pourriture, la moisissure, la sueur et la crasse.



« Plus bas encore, sous le tillac, là où étaient cantonnés les soldats qui avaient achevé leur quart de nuit, ça grouillait. de poux, de puces, de vers, d'insectes que personne n'aurait su identifier avec certitude. de rats aussi. Et d'hommes. Sur leurs paillasses en décomposition certains cherchaient un sommeil qui serait moite et les userait autant que leurs tours de garde. D'autres déliraient accablés par la chaleur que décuplait encore leur fièvre et que les rares filets d'air passant par les écoutilles ne parvenaient pas à réguler. On se poussait un peu, on essayait de trouver une position moins inconfortable, on veillait sur sa ration de biscuits et de cette eau qui avait depuis longtemps croupi dans les tonneaux embarqués à Lisbonne ».



Tout petit bémol en revanche à souligner et qui explique mon 4 étoiles : Les incessants allers-retours dans le temps qui parfois me donnaient le tournis, même si peu à peu tout s'éclaire. La construction finale se révèle être parfaite et magistrale mais combien de fois ai-je dû revenir en arrière, sur les chapitres précédents pour essayer de comprendre la chronologie des événements. Cet entrelacement de dates et de personnages rend le roman assez complexe. Heureusement la plume est magnifique et très immersive.





Si « Etraves » de Sylvain Coher constitue LE récit maritime original et décalé de la rentrée, celui de Yan Lespoux est LE récit d'aventure maritime par excellence, sans doute aux côtés du livre de non fiction « Les Naufragés du Wager » de David Grann que je n'ai pas encore eu la chance de lire.

Pour plonger dans les méandres de la route des Indes, sentir la puanteur des vieux gréements, vivre des naufrages et palpiter lors d'attaques aux boulets de canons, trembler face aux manières sordides de l'Inquisition, ou encore à celles des peuples autochtones pillés, humer la douceur exotique de Goa, s'embourber dans les marais des landes de Gascogne, voyagez du Brésil aux Indes, en passant par Lisbonne et les côtes du Médoc, plongez sans hésiter dans ce livre qui décoiffe !

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Presqu'îles

Ce recueil de nouvelles a pour décor le Sud-Ouest, ce Sud-Ouest rural fier de son appartenance, qui cultive le rejet du Bordelais, déclinaison du parisien.



« Le Parisien, c’est une sorte de bordelais; D’ailleurs parfois, c’est même un Bordelais. C’est juste qu’on dit que c’est un Parisien parce que c’est plus pratique et que ça permet de ne pas le confondre avec le Bordelais qui habite là toute l’année, même s’il est de Bordeaux »



Et il suffit d’un séjour ne serait-ce que quelques mois hors du terroir, pour être assimilé à ceux qui ne sont pas d’ici…



Cette communauté fluctuante s’ancre autour de traditions dont les origines ne sont même plus identifiables. Qui a commencé à surnommer ? Qui n’a pas un coin de forêt considéré comme personnel et non transmissible même sur son lit de mort ? Et les histoires de chasse !



La présence de la nature agrémente les textes, entre mer et forêt, menacées l’un et l’autre par l’évolution inéluctable.



Les textes sont courts et reliés entre eux par un fil rouge flottant, entre chauvinisme et liens profonds qui unissent les personnages. On découvre avec beaucoup de plaisir ces extraits de vie, qui même s’ils sont géolocalisés sans ambiguïté, pourraient se décliner à l’infini sur notre territoire, puzzle d’un nombre indéfini de microcosmes revendiqués.



Très agréable moment de lecture.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Pour mourir, le monde

Jack Sparrow peut aller se rhabiller !

Ici pas d’aventure de pacotille ni de chaine en or qui brille …

L’aventure, la vraie, pour ceux à qui le dernier livre de David Grann, Les naufragés du Wager a fait de l’œil, voire qui ont déjà embarqué à bord …

Roulis, tangage, mal de mer, tempêtes, corps passés par-dessus bord, amputations de membres, naufrage, boulets de canon, remugles divers et avariés, corps en décomposition, meurtres crapuleux, hardes puantes et crasseuses, diamants, pirates, honneur, tout est là, avec cette fois la dimension romanesque qui m’avait fait défaut dans le livre très documenté de David Grann.

L’imagination navigue au gré des vents et accoste en terres inconnues aux parfums épicés, poivrés, exotiques et enchanteurs. Cependant, la vie se révèle nettement moins facile dans le paysage de carte de postale, surtout pour des marins ou des soldats sans grade.

C’est un véritable tour du monde que nous propose Yan Lespoux : Médoc, Mozambique, Goa, São Salvador de Bahia, Bijapur, Cap Vert, Lisbonne, Cascais, La Corogne, …

Les personnages sont nombreux, mais Yan Lespoux tient bon la barre et je ne me suis jamais noyée dans la multitude de péripéties, de personnages, de lieux. Bien au contraire, j’ai vogué avec plaisir entre les 3 arcs narratifs m’emmenant à la rencontre ; des soldats et marins portugais Fernando Teixeira et son ami Simão, Marie la Gasconne, Diogo et son ami Tupinamba Ignacio arrachés à leur terre natale brésilienne pour se retrouver nommés gardes du corps du redoutable capitaine-mor dom Manuel de Meneses.

C’est d’ailleurs le récit de tempête de ce dernier, qui a fracassé un des plus gros bateaux de l’armada portugaise sur les côtes landaises qui a grandement inspiré l’auteur.

Malgré la longueur du récit, la plume fluide aide à faire tourner les pages à toute vitesse, dans le désir de découvrir le sort réservé à nos pauvres héros. Les descriptions vivantes permettent de reconstituer à merveille la bande-son, les images et les odeurs des différents décors, au Brésil, en Inde, dans les landes ou sur le pont des bateaux.

Du grand art qui m’a permis de sortir de ma zone de confort de lecture avec délectation. Me voilà prête pour embarque à bord du prochain Yan Lespoux ! (et je vous confie que je vois de loin la grande Dora l’exploratrice continuer à opiner du chef) …

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Presqu'îles

Yan Lespoux possède un incontestable talent de conteur. Même dans le format concentré des nouvelles il confirme cette affirmation.

Presqu'îles contient une trentaine de ces nouvelles qui nous décrivent le microcosme médocain.

Oh ! pas le Médoc que l'on s'imagine aux vignobles tirés à quatre épingles et aux châteaux photogéniques, non dans ces historiettes pas de bling-bling.

L'auteur nous parle de son terroir, des Landes de Médoc où dunes de sable et forêt de pins parent le bleu de l'océan atlantique.

Mais ne comptez pas trop sur Yan pour nous donner un portait complaisant de la population locale. Comme le dit la phrase d'accroche du Monde sur la couverture du livre : « une étude de caractères tendre et cruelle, admirablement maîtrisée ».

On passe facilement du rire aux larmes, il arrive, même, à nous faire sourire de drames comme ce passage sur le premier noyé de la saison : « le premier noyé de la saison, c'est un peu comme l'ouverture de la cabane à chichis, la première grosse pousse de cèpes ou la première gelée, ça annonce une nouvelle période, un changement de lumière le matin quand on se lève. Ça rythme l'année. Et puis ça nous rappelle que nous, pendant ce temps-là, on est vivants ».

Sur cette terre de transit estival, le local reste méfiant et goguenard contre toute personne extérieure à son clan. le vacancier, le charentais, le bordelais, l'arabe s'intègrent difficilement dans le paysage et tous sont critiqués et moqués, tout élément extérieur est jugé suspect. Surtout si l'importun empiète sur SON territoire à champignons.

J'ai apprécié cette lecture parfois amusante : le Surnom, Sécurité routière, le Premier noyé de la saison, parfois plus sombre : Carnet du jour, Rien ne va plus, ou encore émouvante et nostalgique : Une vie, le Couteau. J'aurais mis probablement la note de 4, si dans ce kaléidoscope de portraits il n'y avait pas eu les nouvelles qui ont trait à la chasse : Dépeçage, le Cerf qui lui font perdre une

demi-étoile, mais tous les goûts sont dans la nature cela ne correspond qu'à mon ressenti personnel on va tout de même pas rallumer la guéguerre chasseur / pas chasseur.

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Pour mourir, le monde

Je n’ai pas le pied marin.

Je viens de vivre une semaine terrible, chaque soir me replongeant en fond de cale, en compagnie des rats, de vermine immonde, de charognes en voie de décomposition.

Mes compagnons de routes: des ambitieux, des assassins, des massacreurs, des êtres ensauvagés (c’est à la mode), sans pitié, sans vergogne, sans empathie aucune.

Sous ma couette, j’ai embarqué sur une immense caraque partie de Lisbonne pour rejoindre Goa. Le voyage a été interminable. Moiteur, odeurs pestilentielles, la mort au quotidien : scorbut, bagarres, hommes tombants des vigies ou des cordages comme des poires blettes, escarmouches..

Et pour mourir, le monde : la Grande Comores, le canal du Mozambique, Goa, Bijapur, Goa encore, le Cap Vert, les Açores, le golfe de Gascogne en 1627.



Dans la sueur de mes draps, j’ai été assiégé à São Salvador de Bahia, massacré par les mercenaires hollandais, entré en résistance avec les jésuites, les esclaves noirs et les autochtones. J’ai été brulé, décapité, écorché vif, torturé de mille façons. Alors j’ai tué encore et encore, je me suis libéré pour repartir vers le Portugal où des vents mauvais m’ont emporté vers le golfe de Gascogne.



J’ai erré sur la Lande infiniment froide, tombant dans les lèdes obscurs, m’enlisant dans les bedouses infâmes. J’ai parcouru l’estran avec les pilleurs d’épaves, les costejaires et les vagants. J’ai volé, massacré impitoyablement les survivants, les amputants, les décapitants…J’ai fait alliance avec des bergers dégénérés, des morts-vivants affamés de sang, couverts d’humeurs putrides, la hache toujours à portée de main.



J’ai survécu. Aux pirates malabars, aux tigres, aux troupes du Grand Moghol, aux exterminateurs de l’Adil Shani, au Saint-Office, aux mercenaires, aux résiniers, aux hommes de Louis, le pire des criminels landais.



Je suis Fernando et j’ai été enrôlé de force à quinze ans dans l’armées portugaises. Je suis tombé amoureux de Sandra dix ans plus tard et, pour elle, pour moi, j’ai traqué les diamants du vice-Roi.

Je suis Diogo, juif marrane, fils de commerçants de São Salvador, fuyant les hollandais en compagnie d’Ignacio, l’indien rebaptisé, toujours flanqué de son casse-tête qui en brisera plus d’une.

Je suis Marie la landaise, celle qui a été confiée à mon oncle Louis. Et dans les dunes battues par le vent, je cherche le chemin de ma destinée.



Ian Lespoux est un écrivain-historien. Il s’est largement inspiré d’un livre paru en 2000: « Le naufrage des Portugais sur les côtes de Saint-Jean-de-Luz et d’Arcachon »

J’ai donc été précipité chaque soir (la journée étant consacrée à mes obligations familiales, vacances scolaires obligent) dans un traité d’histoire de la marine portugaise au début du XVIIe siècle doublé d’un essai ethnoloqique sur les basco-landais de la même époque.

Où rien, absolument rien, ne nous est épargné. Les personnages des frères Cohen, deTarentino et même de Game of Thrones passeront pour des enfants de choeur à coté de ceux que vous croiserez dans ce très long récit.

Tristesse, famine, désespoir, maladie, viol, puanteur et mort violente sont les marqueurs de la plupart des destins de ces femmes et de ces hommes souvent brièvement croisés.

L’historien prend très nettement le pas sur l’écrivain et la personnalité des trois héros manque cruellement de profondeur. Ils supportent pourtant les trois arcs narratifs (qui, ce n’est un secret pour personne, vont se rejoindre) mais sont surtout le prétexte à d’interminables descriptions de navigation, de batailles navales, de naufrages à répétition.



Je ressors donc en nage mais essoré de ce grand récit qui ravira les amateurs du genre mais laissera sur le flanc les passionnés d’aventures romanesques et de belles histoires d'amour.

Je suis super-déçu…
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Pour mourir, le monde

Du Médoc à Salvador de Bahia, de Lisbonne à Goa, ce roman historique très documenté nous balade au 17ème siècle sur les routes des grands navires marchands.

L’ambiance est très bien restituée, les lieux (surtout le Médoc) sont décrits avec minutie. Les personnages sont bien caractérisés, qu’ils soient soldat, grand d’Espagne ou fille pauvre.

Toutefois le récit n’a pas l’ampleur aventurière et romanesque que j’espérais, j’ai trouvé les péripéties trop guerrières et prévisibles, et le style un peu trop plat.
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Pour mourir, le monde

"Un lopin de terre pour naitre; la Terre entière pour mourir "...



et surtout l'océan, roi des tempêtes , véritable personnage de ce magnifique roman d'aventures qui nous transporte de 1623 à 1688 des côtes dangereuses du Golfe de Gascogne , aux ports de Lisbonne et de Goa, des landes malsaines du Médoc à la jungle brésilienne à travers l'histoire mouvementée de trois jeunes gens .



Fernando Teixera, 15 ans, portugais , alors qu'il fuit sa famille , se fait enrôler contre son gré comme soldat de l'Armée des Indes . La devise qui le représente le mieux est : "toujours au mauvais endroit au mauvais moment depuis qu'il est né " Il est accompagné de Simao qui veut écrire leur histoire et a un sempiternel petit sourire ironique .



Marie, une jeune fille née dans une famille pauvre du Médoc, doit fuir car elle a , pour se défendre , gravement blessé un fils de famille. Elle se réfugie chez son oncle Louis, un pilleur d'épaves et un assassin sans foi ni loi hors la sienne au milieu d'un campement de résiniers et de costejaires .



Diogo Silva, un habitant de Salvador de Bahia fuit après l'incendie de sa maison lors de l'invasion des hollandais et se réfugie dans la forêt où il fait la connaissance de l'indien Ignacio. Faits prisonniers , ils sont finalement embarqués à bord 'un navire portugais en partance vers l'Europe.



Leurs péripéties s'entrecroisent au milieu des luttes de pouvoir entre Espagne et Portugal , entre capitaines, gouverneurs et autres hommes puissants qui ne cherchent que gloire ou richesse , entre attaques des anglais ou des hollandais que ce soit en Europe, en Inde ou au Brésil avec comme constante la traversée des océans sur des navires qui se veulent de plus en plus gros à l'image de l'appétit de profits de cette route des Indes et au dépens de leur maniabilité et du bien-être de leurs occupants , les images des cales des bateaux sont terrifiantes !



Un entassement d'hommes, soldats, marins et marchands dont la vie tient à peu de choses au milieu des mers déchainées .



Yan Lespoux décrit avec un luxe de détails à la fois les batailles inégales entre les bateaux et les éléments maritimes furieux qui finissent généralement par le naufrage des navires , comme les palais luxueux de Bijapur , ou le camp misérable des résiniers landais .



C'est épique, vivant , avec une écriture précise, souvent magnifique malgré la dureté des descriptions .



Les aventures des jeunes héros , tous attachants, que le lecteur suit avec angoisse sont trépidantes , on ne s'ennuie pas même lors des longues pages sur les mers . On s'y croit presque ...



Si je devais donner un prix littéraire pour cette rentrée très riche en excellentes lectures, ce roman serait à coup sur dans le peloton de tête .



Je remercie Masse Critique et Agullo Éditions pour cette belle découverte avec une mention spéciale également pour la couverture très bien choisie !
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Pour mourir, le monde

« Ils avaient voulu voir le monde. Elle espérait que pour quelques instants au moins, le voyage avait été beau. »



Il est malin Yan Lespoux, débarquant là où on ne l’attendait pas. Loin de poursuivre avec ses nouvelles à succès, sans même verser dans le noir qu’il affectionne, ni s’appuyer sur l’histoire occitane dont il a fait son métier, il surprend avec Pour mourir, le monde, son premier roman.



Dans une ambitieuse fresque historique et épique, nous voilà projetés au début du XVIIe siècle au Brésil dans les pas de Simāo et Fernando, en Inde dans ceux de Diogo et Ignacio, au Portugal dont les navires disputent aux Anglais et Hollandais la suprématie des mers. Et dans le Médoc aussi (quand même !), avec la fière Marie.



Pour mourir, le monde est un livre de marins, d’aventure, de bandits, de guerre, de trahisons… Mais c’est surtout un livre de destins, ceux de personnages nés pour être « un des milliers de bras armés qui maintiennent en vie des empires qui ne le méritent pas ».



Des femmes et hommes qui se cherchent et n’attendent qu’un coup du destin, une aide ou un bateau en partance pour prendre leur vie en main. « Il faut que je meure ici ou que je vive enfin ailleurs. »



Le livre s’ouvre et se ferme sur des chapitres d’une folle puissance. Entre les deux, il y a la fluidité d’un style qui vous emporte au gré des vents et des naufrages, des ambitions et des revers, d’un joli travail impressionniste des personnages, par touches successives.



Peu adepte des livres historiques, j’ai apprécié l’habileté de Lespoux à surfer sur le chemin de crête étroit qui sépare dans un savant équilibre, faits avérés et trame romancée, sans jamais verser dans le trop-plein de l’un ou de l’autre. Idem pour les dialogues, dont il use avec parcimonie. Habile, je vous dis !



L’ensemble donne un livre enlevé, difficile à lâcher, où affleure ci-et-là quelques clins d’oeils espiègle, via ce titre à la James Bond ou ce énième coup de pied de l’âne à ses meilleurs ennemis girondins : « Oh, tu sais, la famille, c’est sacré. Et puis j’aime bien l’idée qu’elle ait tué un Bordelais. »



On savait Lespoux doué. C’est confirmé ! Alors on se précipite.

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Pour mourir, le monde

Je n'avais qu'une hâte, c'était de lire, Pour mourir, le monde de Yan Lespoux. Mes amies Kirzy et Spleen, m'avaient bien accroché, mais je suis désolée, j'ai trouvé le temps long, je me suis ennuyée. Je reconnais une belle écriture, un contexte historique intéressant qui malheureusement prend le pas, sur l'histoire des 3 personnages principaux, je trouve dommage. Je me dis que cela vient peut-être de mon humeur actuelle, mais je n'arrivais pas à avancer.



En 1627, sur la route des Indes, de longs voyages vous attendent, des tempêtes, des batailles mémorables, entre Anglais, Hollandais, Portugais, Espagnols. L'équipage, les passagers ne comptent pas, le tout c'est d'arriver avant les autres. de nombreux morts sillonnent cette épopée. Des naufrages, des trahisons, beaucoup de violence.



« Plus bas encore, sous le tillac, là où étaient cantonnés les soldats qui avaient achevé leur quart de nuit, ça grouillait. de poux, de puces, de vers, d'insectes que personne n'aurait su identifier avec certitude. de rats aussi. Et d'hommes. Sur leurs paillasses en décomposition certains cherchaient un sommeil qui serait moite et les userait autant que leurs tours de garde. D'autres déliraient, accablés par la chaleur que décuplait encore leur fièvre et que les rares filets d'air passant par les écoutilles ne parvenaient pas à réguler. On veillait sur sa ration de biscuits et de cette eau qui avait depuis longtemps croupi dans les tonneaux embarqués à Lisbonne. »



A Goa, il y a Fernando, avec son ami Simao, ils vont vivre des moments pas très heureux, surtout pour ce dernier. Pour échapper à l'inquisition, Fernando sera engagé de force dans l'armée portugaise, mais il essaiera par tous les moyens de s'en sortir, pour une vie meilleure.



Au Brésil, Diogo et son ami Ignacio, un Tupinamba qui impressionne avec un long arc et une massue casse-tête, ils suscitent de la crainte. Ils sont les gardes du corps de dom Manuel de Meneses, le capitaine-mor du Santo Antonio e Sao Diogo.



Marie, sur la côte landaise, une bêtise et elle est obligée de se cacher pour échapper aux autorités. Réfugiée, chez son oncle, qui règne sur une communauté de résiniers, de pilleurs d'épave, elle essaiera de résister, aux brutalités, à la solitude, elle rêve aussi d'un avenir meilleur. Elle a un fort caractère et ne se laisse pas marcher sur les pieds.



Beaucoup de personnages, de rebondissements, pour ces trois principaux protagonistes, qui finiront par se croiser.



Ce n'est que mon ressenti personnel, il y a de très belles critiques, je suis vraiment déçue, d'être passée à côté. La couverture est très belle.



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Presqu'îles

Oser…



Oser prendre le risque de passer pour un Bordelais - ce qui semble t-il, sera toujours mieux que de passer pour un Parisien ou un Charentais ! – en avouant que je ne connais de ce pays de l'Océan, que ce que les estivants croqués par Yan Lespoux en perçoivent. C'est-à-dire rien, ou à peu près.



Et pourtant, comment se fait-il qu'à chacune de la trentaine de nouvelles de Presqu'îles, je me sois senti chez moi quand il me parlait de chez lui ? Le talent probablement… Celui de réussir à transposer dans un univers pourtant étranger, tous ces petits marqueurs personnels et souvent universels, qui te font replonger direct dans ton passé, ta jeunesse, ton pays, ton identité.



Voilà, le mot est lâché. Malgré ses activités professionnelles, Lespoux n'est pas un auteur régionaliste comme j'ai pu le lire ailleurs, assez maladroitement : c'est un auteur identitaire et il rend à ce mot la noblesse qui lui sied, honteusement confisquée par tant d'autres. Des Parisiens sans doute…



« Il est là parce qu'il y est bien et pour rien d'autre » (Un jour parfait). « Il se dit que l'on n'est décidément jamais mieux ailleurs que chez soi » (Jamais mieux que chez soi). En peu de mots, simples, tout est dit. Naître, vivre et mourir chez soi. Partir parfois. Revenir toujours.



Mais là où Yan Lespoux excelle, c'est quand il parle des gens, des « vrais gens de la vraie vie ». Il n'écrit pas sur eux : il jette un regard affectueux et quasi-amoureux sur ceux qui pourraient être ton père avec qui tu as tant de mal à parler, ta grand-mère Madeleine (de Proust), ton voisin avec qui tu t'engueules jusqu'au prochain apéro, l'autre con de Roger qui fait chier tout le monde au bistrot (mais bon, le bistrot sans Roger, ça ne serait plus le bistrot) ou tes copains chasseurs avec qui tu n'es jamais brocouille de moments d'amitié partagés.



L'art de la nouvelle, Yan Lespoux l'a assurément : il soigne ses attaques, installe son cadre en quelques lignes, maîtrise habilement la concision et t'abandonne dans ses chutes, à la punchline qui tue ou au prolongement qu'il fait naître.



Une fois n'est pas coutume, je ne me suis pas jeté sur ces textes en lecteur affamé que je suis généralement. Je les ai distillés lentement durant un mois, au rythme d'un par jour et en parallèle d'autres lectures. Comme un roudoudou dont tu ne voudrais jamais qu'il finisse. Si je n'ai pas forcément retrouvé tous les cousinages américains convoqués par le Corre dans sa jolie préface, j'ai furieusement ressenti la filiation d'ambiance avec Maupassant, qui ne peut que faire sens pour Le Normand que je suis.



Les Français n'aiment pas les nouvelles paraît-il…

Les Français devraient lire Lespoux !
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Pour mourir, le monde

Une aventure entre le Brésil, les indes, le Portugal, l'Espagne et le Pays Basque.

Nous sommes au début des années 1600 et nous embarquons sur d'énormes paquebots.

Il y a de la violence, des combats, de la pauvreté, des maladies, du sang, des trahisons et les morts ne se comptent plus.

Trois histoires parallèles qui vont finir par se rejoindre.

Après avoir lu il y a quelques semaines Magellan de Stefan Zweig, je me suis retrouvée dans ces combats entre espagnol et portugais, dans ces naufrages, dans cette mer impitoyable et à suivre ces marins, nobles et soldats.

L'écriture est soignée et l'histoire captivante.

Et à côté des personnages masculins, il y a trois femmes de caractères et courageuses.

Pour mourir, le monde est un roman idéal pour ceux qui aiment les histoires d'aventures et de voyages.

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Pour mourir, le monde

Déjà ce beau titre un peu mystérieux, puis cette couverture très réussie avec une vieille carte maritime, et enfin la critique enthousiaste de Kirzy. Il n'en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité et me voilà partie dans l'aventure ! Car de l'aventure, il y en a autour des trois personnages principaux :



Fernando, un jeune portugais enrôlé de force dans la marine. Il va vivre mille péripéties avec son ami Simao, et le voyage va l'amener jusqu'à Goa.

Marie, une jeune landaise qui doit fuir la maison familiale et se réfugier dans un camp de résiniers où les conditions de vie sont difficiles.

Diogo, un jeune brésilien qui se retrouve embarqué dans la résistance contre les hollandais à Bahia puis sur un immense navire de guerre.



Il y a aussi Meneses, le capitaine de la marine portugaise, impénétrable dans son manteau noir et amateur de poésie, ou Ignacio, le jeune autochtone brésilien champion de tir à l'arc qui va être entraîné dans l'aventure avec Diogo.



Les trois héros vont se retrouver dans les 50 dernières pages après que l'auteur nous ait fait faire le tour du monde. Tempêtes, scorbut, naufrages, pilleurs d'épaves, guerres et affrontements les plus variés ; Goa, le Portugal, le Brésil, les landes, c'est un véritable tumulte d'événements, de voyages et de violence aussi auquel nous convie l'auteur, pendant une dizaine d'années au début du 17ème siècle.



J'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture étonnante et tourbillonnante. L'auteur nous emmène bien loin des habituels romans de la rentrée littéraire.



Certains lui ont reproché des longueurs et certes il y a en a parfois, mais elles n'ont pas gâché mon plaisir. Lespoux a beaucoup de talent pour nous faire ressentir les ambiances sur les bateaux ou nous faire vivre les batailles et les tempêtes. J'ai eu aussi l'impression d'un récit solidement documenté avec une toile de fond historique sérieuse, ce qui est pour moi une valeur ajoutée (l'auteur est historien).



Certains lui ont reproché des allers/retours dans le temps ou entre les personnages mais j'ai trouvé que le récit était suffisamment habile et bien mené pour ne jamais nous perdre.



Une chouette découverte d'un nouvel auteur.

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Presqu'îles

Ce que j’ai ressenti:



C’est presque -Ils nous vous îles-. C’est presque des instants d’Eux, de nous. C’est presque un étrange patchwork de la vie au Médoc. C’est presque de la beauté arrachée à ces terres, qu’ils seront heureux de pouvoir lire. Parce que c’est- Ils étaient en vie-, à ce moment-là, et que Yan Lespoux a capturé cela, dans des nouvelles plus ou moins courtes, plus ou moins violentes, plus ou moins presque-Ils et Elles-dans un coin perdu…Et c’est ce Presqu’îles, qui nous raconte leurs peines et leurs joies de vivre là, si près de l’océan et au cœur de la forêt…Presque invisibles, si on en n’avait pas laisser une trace écrite, et cela, ça en aurait été presque triste…Mais heureusement, il y en a qui prennent la plume pour mettre en lumière les troublantes solitudes de ces vies fantômes…Et c’est Presque fabuleux, ces morceaux rassemblés en un recueil…



"Et puis, ça nous rappelle que nous, pendant ce temps-là, on est vivants."



C’est autant de secrets, de chasses et de marées. C’est autant d’éclats, de premiers et de derniers. C’est autant de vies rythmées à des détails, des drames et des saisons. C’est autant de tristesses, de violences et de surnoms. Il transparaît, dans ces textes, un besoin très prégnant, d’exister. D’exister au sein d’une communauté, d’appartenir à une terre, de prendre racine coûte que coûte… Ils essaient, chacun à leurs façons, envers et contre tout, de faire partie de ce lieu très particulier, mais c’est d’autant plus difficile que se glisse partout, le rejet, les amalgames ou le mépris…Rien n’y fait. Comme presque à chaque fois, leurs tentatives sont vaines, parce qu’il ne faudrait pas voler aux « vrais » habitants, leurs coins aux champignons, pas leur prendre leurs parts d’océans, pas leur enlever leurs heures de gloire…C’est autant d’équilibres fragiles qui flottent sur l’humide mélancolie. Mais c’est ce qui en fait tout son charme aussi: le charme étonnant du Médoc, avec les humeurs fortes du climat océanique et de ceux qui s’y adaptent, par la force des choses…



"On imagine. On laisse courir son esprit, on forge des mensonges qui deviennent au moins l’espace de quelques instants des vérités."



J’ai aimé ce Médoc, la façon si particulière de nous le raconter, la manière fantastique de Yan Lespoux de mettre en relief, ces tranches de vies. D’en faire ressortir la lutte contre l’ennui et la violence, le silence et les médisances, le fade incommensurable et la beauté implacable. Et puis, d’y ajouter le feu, le froid et quelques vents, pour attiser toutes les passions…C’est intense. Le Médoc ne me sera plus indifférent. Je l’ai aimé pour son authenticité. Rien n’est surfait. Il m’a captivé de bout en bout. C’était beau, simple, et à la fois terrible…C’était des petits bouts de la vie là-bas, et lire la vie, ça a toujours quelque chose de fascinant, parce que la mort n’est jamais trop loin. Elle se pointe toujours. Fatale…Il paraît même que, à l’heure où j’écris ces quelques mots pour que vous puissiez vous aussi vous laisser séduire par ces lieux, les yeux de ces gens, sont tournés vers l’océan…Et ils attendent…Presque, ils espèrent…De toute façon, c’est inévitable, ça commence toujours comme ça, la saison…Et moi, ça me fait de drôles de vagues sur le cœur…Presque trop court, et pour autant magique, je vous recommande vivement ce recueil.



"Puis ces pensées commencent à le fuir, elles traversent les bruyères qui encombrent son champ de vision, puis les roseaux, et glissent enfin sur la surface lisse de l’étang jusqu’à la boule de feu qui brûle sur l’autre rive. Il ferme les yeux."
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Presqu'îles

Recueil d'une trentaine de nouvelles, un genre dont je ne suis pas particulièrement fan, mais dont l'écriture de Yan Lespoux a rendu la lecture agréable.

Nous voici donc dans son cher Médoc, il nous entraîne dans les pas de quelques Autochtones.

Une partie de chasse, une cueillette de champignon, un verre au coin d'un bar, une virée en boîte. Les personnages que l'on croise ne sont pas toujours sympathique, voire même parfois carrément désagréable, surtout si vous n'êtes pas du coin et encore plus si vous êtes du coin...d'à côté.

Il y a des plates-bandes qu'il vaut mieux ne pas fouler, surtout que l'herbe qui y pousse parfois.....

Dans ce monde où vous avez plus de chances de croiser des regards sombres que de recevoir de franches accolades, mieux vaut être équipé.

Un fusil, un couteau, un panier, mais surtout, de bonnes jambes ou un véhicule tout terrain.

Allez, n'ayez pas peur.

Il y a de bons moments quand même, si vous êtes accepté, vous allez partager un bon casse-croûte à la cabane et boire un bon canon, vous repartirez même avec un joli surnom, si tout va bien.

Et puis, il y a l'océan qui va vous donner des envies de surfer, enfin, méfiez-vous des vagues...

Laissez-vous tenter par ces quelques histoires courtes.
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Pour mourir, le monde

Un roman historique d'aventure relatant les épopées maritimes des voyages vers les indes et les rivalités entre les portugais, les espagnols et les hollandais dans les années 1620. La partie historique, prend largement le pas sur le roman en nous inondant d'événements, de lieux, de dates et de personnages qu'on a du mal à suivre. Sans doute riche et documenté, l'ouvrage souffre d'un déficit romanesque qui aurait offert au lecteur un fil conducteur rendant l'ensemble plus attrayant.
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Pour mourir, le monde

Après plus d'une décennie à décortiquer la littérature noire au sein des pages du blog Encore du Noir qui fait référence dans le domaine, une multitude d'articles pour diverses revues telles que 813, Marianne, Alibi et Sang Froid ainsi que plusieurs animations pour des festivals dédiés au genre, il n'était pas étonnant que Yan Lespoux se lance dans l'écriture en nous proposant tout d'abord Presqu'îles (Agullo 2021), recueil de nouvelles autour d'une partie plus méconnue de la région du Médoc avec quelques récits imprégnés d'une certaine noirceur, propre au genre qu'il affectionne. Plus surprenant, son premier roman Pour Mourir, le Monde s'inscrit dans le registre de l'aventure avec un récit historique passionnant se déroulant au début du XVIIème siècle où l'on traverse les océans à bord de gigantesques nefs pour se rendre à Bahia et à Goa avant d'échouer sur les plages sauvages du Médoc. On pouvait pourtant déjà trouver quelques indices dans Presqu'îles avec notamment cette citation de Claude Masse, un ingénieur géographe au service du roi Louis XIV qui dépeint les médocains en disant d'eux « qu'ils étoient plus barbares et inhumains que les plus grands barbares » et qui figurera parmi les personnages historiques jalonnant l'intrigue de Pour Mourir, le Monde. Et puis, toujours dans Presqu'îles, il y a cette nouvelle où un vieillard arpente la plage pour contempler l'épave du navire échoué qui l'a conduit en France pour fuir l'Espagne fasciste de l'époque. Déjà une histoire de naufrage. Avec Pour Mourir, le Monde, il en est justement question car Yan Lespoux s'est librement inspiré du récit de l'écrivain dom Francisco Manuel de Melo, publié en 1660 et de celui du capitaine des galions,

dom Manuel de Meneses, paru en 1627 et dont on peut découvrir les péripéties dans le Grand Naufrage de l'Armada des Indes yan lespoux,éditions agullo,pour mourir le mondesur les côtes d'Arcachon et de Saint-Jean-de-Luz (1627) publié aux éditions Chandeigne. C'est donc autour de cet événement historique et du parcours de ces nobles portugais que Yan Lespoux décline, avec un indéniable talent, la destinée de deux hommes et d'une femme de peu dont on suit les pérégrinations que ce soit sur les océans bien sûr, mais également en Inde et en Amérique du Sud pour converger, dans un final époustouflant, sur les plages désolées d'un Médoc éblouissant que l'auteur dépeint avec l'affection qui le caractérise. Roman épique et tonitruant, Pour Mourir, le Monde nous rappelle des récits d'aventure tels que Trois Mille Chevaux Vapeur (Albin Michel 2014) d'Antonin Varenne et pour l'aspect maritime, des séries telles que les Aubreyades (J'ai Lu) de Patrick O'Brian ou Les Passagers du Vent (Glenat) de François Bourgeon nous permettant de ressentir notamment cette promiscuité étouffante au sein de ces formidables vaisseaux de bois bravant les tempêtes pour conquérir le monde tout en livrant des combats d'une intensité extrême.



En 1616, Fernando Texeira quitte Lisbonne en embarquant à bord du São Julião pour incorporer la garnison de Goa en tant que soldat au service du roi. C'est l'esprit d'aventure qui l'anime avec cette envie tenace de s'extraire de sa condition, tout en ayant la sensation de n'être jamais présent au bon endroit au bon moment.

En 1623, Marie fuit Bordeaux, où elle travaillait dans une taverne, après frappé un homme qui tentait de s'en prendre à elle. Certaine de l'avoir tué, elle se place sous la protection de son oncle Louis qui est à la tête de toute une bande de pilleurs d'épave écumant les plages désolées et inaccessibles de la région du Médoc.

En mai 1624, Diogo Silva voit ses parents disparaitre sous le bombardements des navires hollandais s'emparant de la ville de Saõ Salvador de Bahia. Fuyant le fracas d'un combat perdu d'avance, il trouve refuge dans la forêt environnante et se lie d'amitié avec Ignacio, un indien mutique, se joignant à ces soldats de fortune pour se lancer dans une guérilla sans relâche, tout en comptant sur les renforts d'une armada de caraques portugaises prête à tout pour reprendre la cité perdue.

Trois destins disparates, évoluant dans un monde de fureur en plein bouleversement, qu'une tempête dantesque et qu'un naufrage dramatique vont réunir pour les projeter dans les dédales infernaux de marais et de dunes sauvages où ils seront contraints de se livrer à des combats sans merci afin de survivre dans un environnement cruel et sans pitié.



Sans nul doute, livre de la rentrée, on pourra aisément estimer, sans exagération, que Pour Mourir, le Monde figurera parmi les romans marquants de l'année 2023 pour finalement intégrer la courte liste des ouvrages imprégnant durablement l'esprit des lecteurs les plus assidus et les plus exigeants. On saluera tout d'abord l'extraordinaire travail des éditions Agullo nous proposant un ouvrage d'une beauté décoiffante avec cette impressionnante carte de la ville de Goa datant de 1526 qui orne la jaquette tandis que l'on découvre sur la couverture et le quatrième de couverture, deux gravures illustrant l'histoire de la colonisation portugaise au Brésil, permettant ainsi de mettre en valeur un texte d'une intensité peu commune. Un écrin somptueux nous donnant l'occasion de nous immerger encore plus aisément dans l'atmosphère foisonnante d'une intrigue conciliant, dans un équilibre remarquable, les hauts faits de l'histoire de ce début du XVIIème siècle, tels que la succession de conquêtes de comptoir, de combats navals et de naufrages, avec le parcours de Fernando, de Diogo et de Marie nous conduisant à percevoir, à la hauteur de ces deux hommes et de cette femme du peuple, tous les aspects d'une succession d'aventures époustouflantes se déclinant sur un rythme étourdissant. On appréciera d'ailleurs le caractère nuancé de ces personnages au comportement parfois ambivalent qui tente de trouver leur place au sein d'un monde en plein bouleversement avec le déclin des colonies lusophones tandis qu'émerge, de manière sous-jacente, la puissance des anglais et des hollandais. Et c'est plus particulièrement avec Fernando que l'on ressent cette volonté de s'approprier quelques ersatz de cette richesse convoitée avec tout l'épuisement qui en résulte en s'achevant sur les côtes désolées du Médoc dont on perçoit toute la beauté mais également toute la dureté par le prisme du regard de Marie parcourant ces territoires sauvages en compagnie des vagants et des costejaires dépouillant naufragés et pèlerins égarés tout en récupérant les reliquats d'épaves échouées. Sur un registre à la fois dynamique et érudit, sans être ostentatoire d'ailleurs, empruntant parfois quelques codes propre à la littérature noire, on chemine ainsi dans les rues de Goa et de Bahia de l'époque, on partage le terrible quotidien de ces marins et passagers parcourant les océans et l'on découvre bien évidemment les turpitudes de ces pilleurs d'épaves dans un foisonnement de détails passionnants mettant en exergue toute une succession de confrontations fracassantes s'achevant sur les rivages de cette rude région du Médoc et dont on découvrira l'épilogue au terme d'une scène à la fois grandiose et surprenante. Et puis, au-delà de l'aventure et de l'histoire, il faut prendre en considération tout l'aspect de cette lutte des classes émergeant dans le basculement d'un monde dont la cruauté et la dureté nous ramène à la mondialisation de notre époque qui sacrifie sur l'autel du profit celles et ceux qui n'ont rien. Outre la richesse d'une aventure aux contours historiques, c'est peut-être cette mise en abîme vertigineuse qui fait de Pour Mourir, le Monde un roman époustouflant qui vous foudroie sur place.





Yan Lespoux : Pour Mourir, le Monde. Éditions Agullo 2023.



A lire en écoutant : I Don't Belong de Fontaines D.C. Album : A Hero's Death. 2020 Partisan Records.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Presqu'îles

Pour débuter l'année, les éditions Agullo ont décidé de varier leur catalogue en intégrant une nouvelle collection au format court où ils accueillent Yan Lespoux, un nouveau romancier qui inaugure cette collection en nous proposant avec Presqu'îles un recueil de nouvelles tournant autour d'une région du Médoc bien éloignée des châteaux prestigieux et des chais opulents entourés de vignobles plusieurs fois centenaires pour nous entrainer du côté d'une terre plutôt pauvre, composée de forêts de pins, de marécages et bordée de dunes se désagrégeant dans l'écume des vagues de l'océan. Pour ceux qui s'intéressent un tant soit peu à la littérature noire, Yan Lespoux n'a rien d'un inconnu puisqu'il anime avec Encore Du Noir, un blog de référence dont les brillantes chroniques vous invitent à découvrir polars et romans noirs qu'il commente depuis plus de dix ans et dont certains articles sont publiés dans des revues telles que Marianne, Alibi et 813. Et lorsqu'il n'écrit pas, Yan Lespoux trouve le temps pour animer des rencontres d'auteurs dans des librairies ou des salons dédiés au genre ce qui fait que l'on ne s'étonnera pas de trouver au gré de la trentaine de nouvelles composant Presqu'îles toute une variation d'histoires aux nuances plus ou moins sombres dans lesquelles évoluent des individus qui façonnent ce territoire au gré de leurs péripéties insolites.





Dans ce coin du Médoc, même le Bordelais est un étranger qui doit fermer sa gueule. On ne parle même pas du Charentais. Quant aux parisiens on les croise parfois en lisière de forêt à la recherche de leur chien tout aussi paumé que leur maître. Dans ce coin du Médoc on garde jalousement secret ses coins à ceps et tout le monde semble affubler d'un surnom. Dans ce coin du Médoc on fait de drôles de rencontres la nuit lorsque l'on va pêcher clandestinement ou que l'on part en expédition pour piquer la marijuana d'un cultivateur. Gare aux coups de fusil. Sur les plages de ce coin du Médoc on contemple à marée basse l'épave du navire échoué qui vous a amené dans la région pour fuir la guerre civile en Espagne et on attend le premier noyé qui marque le début de la saison comme l'ouverture des cabanes à chichis. Dans ce coin du Médoc on désaile les canards et les mecs qui en veulent à vos économies. On règle les problèmes de cambriolage à sa manière. Gare aux crises cardiaques. Dans ce coin du Médoc on drague les filles, on va à un concert improbable des Pogues et on se balade dans la région en enjambeur. Dans ce coin du Médoc, on boit plus de Ricard que de pinard et on se raconte des histoires qui s'estompent dans la fumée du grill et le murmure sourd des hommes qui se rassemblent.





On le dira avec d'autant plus d'assurance et de fierté qu'il s'agit d'un ami, Presqu'îles est un formidable recueil de nouvelles qui célèbre la terre d'enfance d'un auteur possédant un indéniable talent de conteur qu'il restitue par le biais d'une écriture à la fois sobre et pudique. Avec plus d'une trentaine d'intrigues, Yan Lespoux nous invite donc à découvrir ce Médoc méconnu qu'il affectionne par le prisme d'une galerie de personnages hauts en couleur qui vous feront tantôt sourire, parfois frémir et souvent grincer des dents avec cette propension à la chute caustique qui caractérise bon nombre de ses récits. Immanquablement on retrouvera une forme de noirceur dans la plupart de ces nouvelles qui se manifeste plus particulièrement dans Moisson où l'on suit les péripéties de deux voleurs de plants de marijuana poursuivis par un cultivateur particulièrement psychotique ou dans Cambriolage avec un quincailler qui fait sa propre justice et surtout dans Sécurité Routière où deux autonomistes basques font preuve d'un excès de prudence qui se révélera particulièrement dramatique. Outre la noirceur, on appréciera le mordant d'une ironie grinçante qui saisit immanquablement le lecteur touché par la fine mécanique subtile de récits extrêmement concis et par l'atmosphère remarquable émanant d'un territoire à la saisissante beauté que Yan Lespoux sait dépeindre à la perfection à l'instar de cette introduction figurant dans Rencontre : "Les pins ont été éclaircis et la lumière du fin croissant de lune suffit à faire ressortir les deux lignes de sable blanc qui traversent les dunes en direction de l'océan dont on entend le grondement au loin." Mais outre la noirceur, outre les rires grinçants, il transparait également une certaine émotion que l'on perçoit dans Une Vie où l'on suit ce vieillard qui va sur la plage pour voir une dernière fois l'épave du navire échoué qui l'a conduit dans la région alors qu'il fuyait la guerre civile en Espagne. Et puis ce sont ces souvenirs d'enfance chargés d'émotion tels que Concert Fantôme évoquant ce groupe de copains qui vont voir un concert des Pogues se déroulant dans un patelin perdu de la région ou Le Couteau avec un récit tout en pudeur où l'on perçoit, au lendemain du jour de l'an, l'affection entre un grand-père et son petit-fils s'apprêtant à quitter tout prochainement le monde de l'enfance et qui reste pour moi la plus belle des nouvelles du recueil.



Avec une magnifique préface d'Hervé Le Corre, Presqu'îles nous invite donc à découvrir toute une mosaïque de personnages atypiques et attachants évoluant sur un territoire à la fois sauvage et mystérieux que Yan Lespoux décrit avec la saisissante beauté du mot juste qui touche parfois au sublime. Un romancier est né.





Yan Lespoux : Presqu'îles. Editions Agullo Court 2021.





A lire en écoutant : Dirty Old Town de The Pogues. Album : Rum Sodomy & Lash. 2006 Warner Music UK Ltd.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Pour mourir, le monde

De l’Alentejo à Goa, de la côte aquitaine à Salvador de Bahia, au-delà des mers et des océans, entre ambition et complot, suivez l’épopée de Marie, Diogo et Fernando. Tous sont bien décidés à tordre le cou au destin, à ne plus courber l’échine et à trouver leur place dans le vaste monde du 17ème siècle.



Parce que ce livre est différent de tout ce qui sort en cette rentrée,
parce que découvrir cette histoire, c’est revenir aux sources du plaisir de la lecture,

parce que c’est une grande aventure,

parce que l’expression « souffle romanesque » prend tout son sens ici,

parce qu’il y a un travail de fou derrière (travail historique, travail d’écriture, travail d’édition),
vous allez voir ce livre partout et ce sera amplement mérité.
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Pour mourir, le monde

Entre 1616 et 1628, de Lisbonne à Goa, de San Salvador de Bahia à la côte landaise, sur terre, mais surtout sur les océans, trois destins se croisent dans ce grand roman de marine et d’aventures : Fernando, jeune portugais qui s’enrôle tout jeune dans l’armée des Indes avec son ami Simão et embarque pour Goa. De son côté, Marie rêve d’échapper aux marais du Médoc et à la pauvreté. Elle quitte sa famille pour Bordeaux, où elle fera la preuve de son fort caractère, et devra fuir encore. Quant à Diogo, les combats pour la conquête de San Salvador de Bahia font de ce jeune homme un orphelin. Il va avoir pour seul ami et soutien Ignacio, un Tupinamba toujours armé de son arc et de son casse-tête, mais plutôt pacifique, somme toute. Et tous deux finiront par prendre aussi la mer…

La conquête des océans, des terres qui les bordent et de leurs richesses, donne lieu à de nombreuses escarmouches et batailles entre Hollandais, Espagnols et Portugais, mais c’est encore contre les éléments que le combat est le plus rude.

La rencontre entre les trois personnages principaux n’intervient qu’au terme de nombreuses péripéties. Il y sera question de vengeance, d’amour et d’argent, de fraternité et de violence, le tout dressant le riche tableau du monde à cette époque.



Le roman, Yan Lespoux étant historien, repose sur des faits avérés comme la prise de San Salvador de Bahia aux Hollandais ou la perte spectaculaire de navires portugais dans le golfe de Gascogne. Plus remarquable que la documentation est encore la parfaite immersion dans le XVIIème siècle. Aucun détail ne semble anachronique, les paroles, les comportements, et les manières de penser de chaque personnage sonnent tout à fait juste.

Les protagonistes sont nombreux, beaucoup plus que les trois que j’ai cités, et il est assez amusant de remarquer que les vrais « sauvages » de ce roman sont les habitants de la côte du Médoc, pilleurs d’épaves qui n’hésitent pas à tuer pour quelques possessions des naufragés. Par comparaison, Ignacio le Tupinamba paraît beaucoup plus civilisé. Il semble que ce siècle se montre plus favorable aux voleurs, aux menteurs, aux fripouilles qu’aux honnêtes gens, ou à ceux qui comptent essentiellement sur la chance. Seule la peur de la justice divine, et de l’Inquisition, maintient un semblant d’ordre.

En dépit de quelques descriptions un peu répétitives des lacs, dunes et forêts landaises, le style est plaisant à lire, solide mais sans effets inutiles. J’ai beaucoup aimé le réalisme des traversées à bord des caraques, ces gros navires marchands aussi trapus que patauds lorsque la mer est forte. Les marins, marchands et soldats à bord de la flotte menée par dom Manuel de Meneses de retour vers Lisbonne, en feront les frais.

Nul besoin d’avoir le pied marin pour aimer ce roman historique prenant dont le très beau titre est emprunté au poète Antonio Vieira :

« Un lopin de terre pour naitre ; la Terre entière pour mourir.

Pour naitre, le Portugal ; pour mourir, le monde. »
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Le premier voyage de Fernando Tixeiro débute le 5 avril 1616 à Lisbonne. L'expédition compte 3 navires et Fernando embarque sur le Säo Juliäo. Pour quelle destination ?

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