Citations de Malika Mokeddem (43)
Le feu de la nostalgie ne s'éprouve que dans l'éloignement. Revenir, c'est tuer la nostalgie pour ne laisser que l'exil, nu.
Pourquoi cette envie soudaine de reprendre contact ? Est-ce à cause de ma nausée du monde ? Une nausée ressortie des oublis par le désenchantement des ailleurs et des là-bas, dans le cri de la lucidité ? Toujours est-il que je me trouvais de nouveau défaite de tout. Mon détachement avait, de nouveau, gommé mes contours, piqué à ma bouche un sourire griffé, répudié mes yeux dans les lointains de la méditation.
Ou est-ce parce que la lettre de Yacine était postée d'Aïn Nekhla, mon village natal ?
Cette route, combien d'années l'ai-je parcourue, deux fois par jour ? Le matin, pour me rendre au collège. Le soir, pour rentrer à Aïn Nekhla. Vingt kilomètres séparent mon village de la ville. Vingt kilomètres de néant. Je n'ai rien oublié de ce néant non plus. La rectitude de son tracé goudronné. Son ciel torve qui calcine la poésie des sables. Ses palmiers, pauvres exclamations à jamais inassouvies. Le grimoire sans fin de ses regs. Les quintes sardoniques de ses vents. Puis le silence, poids d'une éternité consumée.
On ne ressent l'absence que si elle succède à une présence. La tristesse qu'elle engendre est le revers de l'amour. Rien de cela n'existe pour moi. Un vent de sable m'a arrachée d'ici au premier jour de ma vie pour me livrer à un tout autre monde. Ma vie n'a pas été plus cruelle que ça. De déplacement en déplacement, je demeure nomade dans l'âme et garde en moi ce quelque chose qui fait que les grands espaces me dévastent.
Où est-elle ? Qui est-elle maintenant ? Une petite fille morte de je ne sais quoi à Aïn Nekhla et qui erre dans sa mort ? Une passante à Paris dans l'anonymat sans frontière de l'exil ? Une femme qui marche sur une plage française en embrassant des yeux la Méditerranée, ce cœur immense qui bat entre les deux rives de sa sensibilité ?
Je ne voudrais pas être une femme ici. Je ne voudrais pas devoir porter en permanence le poids de ces regards, leurs violences multiples, attisées par la frustration. Pour la première fois, je réalise que l’acte le plus banal d’une femme en Algérie, se charge d’emblée de symboles et d’héroïsme tant l’animosité masculine est grande, maladive.
On retombe en amour, comme en enfance, avec une mémoire et une conscience expurgées de leurs défenses devenues caduques et encombrantes.
La fillette recule lentement, regagne son perchoir sur la crête de la dune. Elle me sourit. Neuf ans, dix ans pas plus. Je me laisse tomber à quelques pas d'elle, coulée dans le sable.
Elle se retourne vers moi. Inondée de soleil, les orteils dans le sable, l'autre pied nu y traçant des arabesques d'un mouvement gracieux de la cheville qui est d'un miel sombre. Sa robe jaune flotte autour d'elle comme une aile de papillon.
Lorsqu’on a toujours agi sous la contrainte ou dans l’urgence, avoir subitement le choix est un effroi, un luxe piégé que l’on fixe à reculons.
J 'étais seule à tu à 'tenir tête .Peu à peu tu n 'as plus dit "Tes filles"mais ta "fille".Je sortais d 'un féminisme informe .
j 'accédais enfin au plus singulier .
Écrire c'est gagner une page de vie, c'est reprendre un empan de souffle à l'angoisse, c'est retrouver, au-dessus du trouble et du désarroi, un pointillé d'espoir. L'écriture est le nomadisme de mon esprit, dans le désert de ses manques, sur les pistes sans autre issue de la nostalgie, sur les traces de l'enfance que je n'ai jamais eue.
Ma vie est ma première oeuvre. Et l'écriture, son souffle sans cesse délivré.
Rencontrer un homme, en tomber amoureuse quand on aborde un pays, c'est un voyage dans le voyage. L'étranger devient l’intime dans ce cœur à corps. L'amour accueille, adapte, adopte l'expatrié, éloigne le sentiment de fuite, d'échec. Les caresses de l'aimé redonnent des contours au corps déplacé. Elles deviennent ses premières empreintes dans une nouvelle terre. Elles le transplantent.
Dans un ksar déserté par les villageois, Nour vit seule et cultive des légumes avec Sassi un aveugle. Des rumeurs de mort parviennent aux oreilles des villageois et les épouvantent. Nour scrute l'immensité du désert et attend.
Un livre agréable et plein de poésie.
Rencontrer un homme, en tomber amoureuse quand on aborde un pays, c'est un voyage dans le voyage. L'étranger devient l’intime dans ce cœur à corps. L'amour accueille, adapte, adopte l'expatrié, éloigne le sentiment de fuite, d'échec. Les caresses de l'aimé redonnent des contours au corps déplacé. Elles deviennent ses premières empreintes dans une nouvelle terre. Elles le transplantent.
L'accès à la solitude et les livres ont été les conquêtes inestimables de ce temps-là. Elles ont tracé les jalons de ce que j'appellerai plus tard mon premier exil, le savoir.
Après le manque, l'amour et la terreur, était-il possible que le désespoir me fût épargné ?
Il n'y a que des livres autour de mon lit, que des âmes d'encre encloses dans leurs rêves de papier.
« Je suis née d'une tombe de sable. La mer est mon désert.
Toi, mon port d'attache.»
http://monboudoirdelivres.blogspot.com/
Tu te souviens, Omar, quand tu as voulu commander trois femmes à "la redoute"?