Vidéo de Hélie de Saint Marc
Relevé sur son site
Les adolescents d’aujourd’hui ont peur d’employer des mots comme la fidélité, l’honneur, l’idéal ou le courage. Sans doute ont-ils l’impression que l’on joue avec ces valeurs – et que l’on joue avec eux. Ils savent que leurs aînés se sont abîmé les ailes. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l’engagement ont été la clef de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. Il serait criminel de dérouler devant eux un tapis rouge et de leur faire croire qu’il est facile d’agir. La noblesse du destin. humain, c’est aussi l’inquiétude, l’interrogation, les choix douloureux qui ne font ni vainqueur ni vaincu.
Un ami m’a dit un jour : « tu as fait de mauvais choix, puisque tu as échoué ». Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié.
Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes.
(Extrait de Toute une vie, site Hélie de Saint Marc)
Les seuls édifices qui tiennent sont intérieurs. Les citadelles de l'esprit restent debout plus longtemps que les murailles de pierre.
Epigraphe
Ceux qui me lisent savent ma conviction que le monde temporel repose sur quelques idées très simples, si simples qu'elles doivent être aussi vieilles que lui : la croyance que le bien vaut mieux que le mal, que la loyauté l'emporte sur le mensonge et le courage sur la lâcheté... Enfin que la fidélité incarne la suprême vertu ici-bas. Pour le reste, la joie et la douleur en ce monde se pénètrent mutuellement, mêlant leurs formes et leurs murmures dans le crépuscule de la vie aussi mystérieuse qu'un océan assombri...
Joseph Conrad
La comédie humaine me hérisse. C'est l'épreuve qui révèle le salaud et l'honnête homme. Tel est devenu l'un des principes qui ont guidé ma vie.
La soif de paraître est une passion terrible qui détruit l'humanité dans l'homme. Elle est insatiable. Elle assèche la source intérieure. Vouloir s'extraire de la condition humaine est un leurre et un vertige... Je préfère ceux qui cherchent à s'élever, ce qui est tout autre choses; leur chemin intérieur passe par la patience et le dénuement.
Si je dois rendre grâce d'une seule chose à la vie rude qui fut la mienne, c'est de m'avoir appris à considérer les hommes, quels qu'ils soient, sur le même plan. Sous l'écorce de l'apparence, on trouve un rien, une poussière, un grain de sable qui concentre tout l'humain.
La vieillesse permet peut-être de retrouver le bonheur d'être soi-même. Personne ne peut plus avoir la tentation d'être un autre. Les dés sont jetés. Les émotions troubles qui nous ont traversés, comme la préoccupation de paraître, la possession ou l'ambition, s'atténuent à mesure que s’éloignent les âges de la vitalité et de la vanité. C'est alors que beaucoup découvrent - mais il est souvent trop tard - que la merveille est dans l'instant.
Si je rencontrais demain, au coin d’une rue, l’adolescent que j’ai été, je voudrais qu’il n’aie pas à rougir de ce que je suis devenu. Je portais en moi une fièvre d’absolu. Avec impatience, je rêvais d’un grand départ vers un avenir lointain. Mes études étaient laborieuses et mon visage n’était pas beau. Je me souviens de camarades éblouissants, à qui tout souriait. Ils semblaient en état de grâce. Que sont-ils devenus ? Leur facilité m’impressionnait. Je cherchais sans doute à compenser mes faiblesses par un intense désir de vivre et une exigence en toutes choses. Je reconnais aujourd’hui cette empreinte dans le regard de quelques-uns des jeunes hommes qui viennent à moi. Je ne voudrais pas briser leur élan. Cependant, je sais à présent combien il est difficile de vivre une existence « simplement honorable », au sens de Montaigne, sans trahir les rêves de ses vingt ans.
(extrait "Toute une vie" Site Hélie de Saint Marc)
Je ne connais pas de vérités tranquilles.
En déportation, j'ai appris qu'il existe une limite au-delà de laquelle on trouve surtout des sentiments acides : le mensonge, la rage, l'abandon, l'égoïsme, la défiance. Nous portons chacun notre propre caricature. Il suffit souvent de quelques jours à peine pour que le masque tombe à terre. La statue intérieure se brise. On ne revient jamais vraiment de ces souffrances.
Avant mon séjour dans les camps de concentration, je pensais que le pire venait d'ailleurs. J'ai trouvé le pire chez les autres et aussi en moi. Ce n'est pas l'abandon des siens qui est le plus dur à vivre, mais la déchéance de l'homme en soi. La conscience part en lambeaux. L'extrême humiliation transforme les hommes en coupables. C'est la tristesse des déportés.