Emilie Desvaux par Franz-Olivier Giesbert, dans Semaine Critique sur France 2, le 7 janvier 2011, pour la sortie de son roman "A l'attention de la femme ménage"
Il fait sombre et nous allumons les lampes, évoluant dans les lueurs sous-marines des ampoules rondes, cernées de toutes parts de silence lisse et des craquements légers du bois qui gonfle. Je tricote, concentrant ma tension sur les aiguilles, souvent aussi je me retire au salon – jardin d’hiver -, je rêvasse sous les vitraux ruisselants qui font pleurer leurs couleurs.
[...] J'ai eu des grands-parents, je crois, lorsque j'étais bébé, ils sont morts très vite. Tout le monde est mort si vite. Ce serait une maison idéale pour les fantômes mais en fait de fantôme, il n'y a que moi.
[...] Je la trouvais partout, Marie-Jeanne, la cousine de mon mari, ma nouvelle colocataire. Elle était ma première vision, ma paralysie pour un minuscule instant, une seconde sans fin ni frémissement - elle était dans le salon, dans la cuisine, dans la véranda inachevée, sur la terrasse. Elle était vautrée sur le canapé ou à même la moquette, un genou replié, occupée à se vernir avec application les ongles de pieds.
- Je veux tomber amoureuse ! glapit-elle en battant des pieds en l'air, piétinant les nuages. Je ne serai jamais un bon écrivain si je ne tombe pas amoureuse. Je ne serai rien du tout si je ne tombe pas amoureuse !
Chaque année voit apparaître et disparaître son lot de talentueux jeunes auteurs. Les livres se vendent, se lisent et se rangent, de nouveaux livres prennent leur place. Des rivières et des rivières de pages. Un long bruit de froissure. Tout s'oublie.
- Si le monde doit finir comme un beau livre, je ne vois pas pourquoi je devrais être rien de moins que l'héroïne, me dirait-elle plus tard. Il n'y a pas de raison.