Sandy Moffat on Dame Muriel Spark
Sandy Moffat talks about his experience of painting a portrait of Dame Muriel Spark, Scottish novelist and author of 'The Prime of Miss Jean Brodie' and 'The Girls of Slender Means'.
New York, patrie des disséqueurs de l'esprit et des esprits disséqués qui attendent d'être reconstitués, de ceux qui, intacts, s'interrogent par habitude sur leur santé mentale; patrie des esprits morts puis ressuscités et qui portent les cicatrices de cette résurrection - New York pousse tout autour du cabinet du praticien, s'agite en tous sens dans les oreilles de la patiente.
- Il est difficile, […] pour les personnes d’un âge avancé, de commencer à se rappeler qu’elles doivent mourir. Il vaut mieux prendre cette habitude dès la jeunesse
On m'avait offert un landau de poupée double, conçu pour des jumelles, avec une capote qui se repliait de chaque côté. Mes poupées, Red Rosie et Queenie, étaient assises l'une face à l'autre. Je me rappelle qu'un jour je pleurais en hurlant, pour Dieu sait quelle raison. Mon père alla chercher un gant de toilette et essuya le visage de mes deux poupées, en leur demandant de ne pas pleurer. Je fus tellement stupéfiée par ce stratagème que je cessai de pleurer, et je me souviens distinctement d'avoir éprouvé une impression ou un sentiment instinctif qui, si j'avais pu le traduire en mots, aurait donné ceci: "Je ne suis pas dupe de sa ruse, mais en même temps il est sacrement fort en psychologie enfantine!"
Il y a trente ans, se dit-elle, j’entrais moi aussi dans la cinquantaine, et je commençais à vieillir. Comme c’est éprouvant de se sentir vieillir, il vaut cent fois mieux être devenue vieille une fois pour toutes !
Les autres enseignantes des petites classes, à cette époque, souhaitaient le bonjour à Mlle Brodie sur un mode plus qu'édimbourgeois, c'est-à-dire que leur bonjour était assez aimable, et qu'aucune d'elles n'omettait jamais de lui souhaiter le bonjour ; mais Sandy, laquelle avait onze ans révolus, discernait que le ton de morning, dans good morning, donnait l'impression que ce mot rimait exprès avec scorning (mépris), en sorte que ces collègues de Mlle Brodie auraient pu tout aussi bien lui dire "je vous méprise" au lieu de bonjour. Mlle Brodie, elle, répondait avec un accent encore plus anglais que celui dont elle était fièrement coutumière. "Good morning", répondait-elle dans les couloirs en aplatissant leur mépris sous les roues du char de sa supériorité sans guère dévier la tête, dans leur direction, de plus d'un insultant centimètre. Elle marchait la tête droite, droite ; mais souvent, une fois qu'elle avait atteint sa propre salle de classe et qu'elle y était entrée, elle se laissait aller à s'appuyer un instant contre la porte avec reconnaissance.
Leurs yeux avaient un éclat passionné qui ressemblait presque au génie, mais qui n'était que la jeunesse.
« ——- Qui sont les défenseurs de la morale? interrogea Nicholas.
——— Ils défendent l’idéal de la pureté au foyer.
Ils surveillent tout spécialement les LECTURES.
Dans notre ville, de nombreux foyers refusent d’accueillir une littérature qui ne porte pas l’estampille des DÉFENSEURS . »
N’importe quelle autre femme, songea-t-elle, aurait la possibilité d’aller voir son mari et de lui dire : « Notre gouvernante menace de m’empoisonner » -ou bien d’exiger une enquête de la part de ses amis, de son fils, de son médecin. Mais Godfrey était poltron, Eric était hostile, et le médecin s’efforcerait de la calmer, avec l’idée qu’elle s’était mise à entretenir ces soupçons délirants caractéristiques des personnes âgées.
Elle songeait que tout pourrait être bien pire, et elle plaignait la jeune génération qui venait au monde en ce moment : ses membres, dans leur vieillesse, qu’ils soient ou non de bonne famille, qu’ils soient ou non des gens cultivés, seraient contraints par la loi de finir leurs jours dans des salles pour malades chroniques ; à son avis tous les citoyens du Royaume verraient même la chose comme allant de soi ; et le temps viendrait sûrement où chacun terminerait sa vie en mamie ou papy à la charge de l’administration, à moins d’avoir été miséricordieusement mis au tombeau dans la fleur de l’âge.
« Si j’avais la possibilité de recommencer ma vie, je prendrais l’habitude d’orienter chaque soir mes pensées vers la mort. Je m’exercerais, si l’on veut, à la remémoration de la mort. Aucun exercice ne confère à la vie autant d’intensité. La mort, quand elle approche, ne devrait pas nous prendre par surprise. Elle devrait être considérée comme faisant partie intégrante de tout ce que l’on est en droit d’attendre de la vie. Sans la conscience permanente de la mort, la vie devient insipide. C’est un peu comme si on se nourrissait exclusivement de blanc d’œuf. »