Ń'étiez-vous pas plutôt en train de courir pour fuir quelque chose ? quelque chose qui vous pourchassait ?
- Je ne sais pas. Je... je crois qu'on me suit, docteur Speakman. Je sais que ça paraît idiot, mais... je pense que quelqu'un veut me tuer.
Il l'examina durant quelques instants. ´ qui pourrait vouloir vous tuer ?
- Je... je l'ignore.
- Avez-vous vu quelqu'un vous suivre ?
- Non.
- Vous vivez seule, n'est-ce pas ?
- Oui.
- Vous avez un ami? Je veux dire une liaison amoureuse ?
- Non. Pas actuellement.
- Cela fait donc quelque temps que... Je veux dire qu'il arrive, lorsqu'une femme reste longtemps sans avoir un homme dans sa vie... enfin, que se développe une sorte de tension physique...
« C'est tellement rare de rencontrer des gens honnêtes, de nos jours. »
Elle avait soudain découvert à quoi son corps était destiné, et toutes les choses honteuses contre lesquelles on l’avait mise en garde se métamorphosaient en cadeaux royaux qu’elle offrait à Jamie pour son plaisir. Et à elle. L’amour était un pays nouveau qu’il était exquis de découvrir. Un paysage des sens aux vallées cachées, aux vallons enivrants et aux rivières de miel. Qui ne pouvait la rassasier.
La règle était plus sévère que celle de n'importe quelle prison, pourtant celles qui la choisissaient vivaient dans une extase perpétuelle, une sorte de félicité qu'elles n'auraient jamais connue nulle part ailleurs. En renonçant aux biens de ce monde, aux plaisirs de l'amour et à la liberté de pensée, elles échappaient à l'ambition et à l'esprit de compétition, à la haine et à la jalousie, et à toute tentation. A l'intérieur du couvent régnaient une paix toute-puissante et un sentiment de joie ineffable. Une sérénité inébranlable habitait les murs et le cœur de celles qui avaient choisi de s'unir à Dieu. Si le cloître était une prison, c'était une prison céleste à l'image du paradis, avec la promesse d'un bonheur éternel pour celles qui venaient s'y enfermer pour toujours.
Si ailleurs la flagellation avait disparu depuis longtemps, son usage survivait encore dans les couvents et les monastères cisterciens. Une fois par semaine, et parfois une fois par jour, les religieuses s'infligeaient la discipline, fouet de douze pieds de long dont la mèche de corde cirée divisée en six queues leur servait à se flageller le dos, les jambes et les fesses. Bernard de Clairvaux, l'ascète fondateur de l'ordre, avait dit : "Le corps du Christ est mutilé... que nos corps soient conformes à l'image du corps meurtri de Notre Seigneur."
L'escroquerie ressemble au jiu-jitsu. Dans ce sport, vous vous servez de la force de l'adversaire pour le battre; dans une escroquerie, de sa cupidité. Vous faites le premier pas et il accomplit le reste.
Depuis l'âge de douze ans, Dana savait comment elle voulait perdre sa virginité. Ce serait par une belle nuit de clair de lune, dans quelque lointaine île tropicale, sur une plage que les vagues viendraient battre mollement. On entendrait en fond sonore une douce musique. Un bel étranger distingué s'approcherait d'elle, plongerait son regard dans ses yeux, dans son âme, la prendrait dans ses bras sans prononcer un mot et la transporterait avec sensualité près d'un palmier. Ils se dévêtiraient et feraient l'amour tandis qu'au loin la musique accompagnerait leurs ébats jusqu'à l'orgasme final.
En réalité, elle perdit sa virginité sur le siège arrière d'une vieille Chevrolet, après une danse de l'école, et entre les bras d'un rouquin de dix-huit ans qui répondait au nom de Richard Dobbins et qui travaillait au Forum avec elle. Il lui avait donné sa bague et, le mois suivant, était parti vivre à Milwaukee avec ses parents. Dana n'avait plus jamais entendu parler de lui.
Des centaines de milliers de gens, vociférant, masqués, déguisés en dragons, en alligators géants, en dieux païens; une marée humaine couvrant chaussées et trottoirs, emplissant les rues de leurs cris cacophoniques; une orgie de corps et de musique, de chars et de danses.
Nous construisons des usines là où les gens ont faim, sont sans travail, grâce à nous ils peuvent mener une existence décente, et relever la tête. Nous sommes leur sauveur. Alors ne viens plus jamais me répéter tes sornettes sur les grosses affaires et la puissance.
En effet, ce dont elle avait rêvé se produisait réellement : à cet instant même on massacrait absurdement et brutalement des victimes innocentes, hommes, femmes et enfants. Elle repensa aux paroles du professeur Staka : « Cette guerre en Bosnie-Herzégovine dépasse l'entendement. » Ce qui lui semblait le plus incroyable, c'était que le reste de la planète parût s'en désintéresser. Elle craignit de se rendormir et de revivre tous les cauchemars qui hantaient son cerveau. Elle se leva, alla à la fenêtre, et contempla la ville. Tout était calme, pas d'armes à feu, pas de gens en train de courir dans les rues en hurlant. Cette paix avait quelque chose d'irréel.