Iles éoliennes
Tantôt lointaines, légères, diaphanes comme du papier ou du lin, arrêtées ou errantes sur la mer, suspendues dans le ciel, tantôt rendues invisibles par un rideau de nuages ou de brumes, tantôt s'avançant, si proches de la côte, rugueuses et brillantes, alarmantes — mauvais temps, mauvais temps !
Il passa des jours à remettre de l'ordre dans les livres. C'est par eux qu'il devait commencer, par leur géographie claire, leurs limites certaines, par leur confort, pour pouvoir s'orienter, reprendre la route.
Mur qui s'écroule, intérieur qui se révèle, fuite haletante, limier qui ne lâche pas prise, issue parmi des ruines fouettées par la pluie, ironiques statues en perspective, crânes sur les chapiteaux, masques sur le bord des fossés, magasins réduits en cendres, livres qui se dissolvent dans les mains, elle accroupie au centre d'un carrefour, elle, hurlant et sanglotant, étendue dans la chambre, revenant du seuil extrême, de la terreur de l'insuline, qui entre et sort par la porte donnant sur l'abîme, le temps est figé dans ce passage continu, dans l'absence, tout au fond il y a les séquences, les connections fermes et vraies.
Ce n'est pas moi que tu refuses, mais tous les pères, ma génération, celle qui n'a pas fait la guerre, qui aurait dû reconstruire, après le désastre, ce pays, former une nouvelle société, une vie en commun, civilisée et juste.
incipit " Ora non puo' narrare"
A présent,on ne peut raconter.
Caltagirone
Dans sa maison au-dessus du puits, séparée du village, le village situé au delà de la vallée, du ravin, déployé derrière la vitre de la fenêtre, envahi de brouillards, foudroyé de soleil, brûlant de lumières, résonnant de cloches, Maria est séparée du monde, comme tous les poètes, elle aime un autre monde, un autre village, elle écrit des vers poétiques...
Milazzo en Sicile
Sur la plaine où paissaient les troupeaux du Soleil, où l'on cultivait le jasmin, a surgi une vaste ville où se pressent les silos, les grillages, les cheminées qui vomissent en permanence flammes et fumée, une cité de Pluton métallique, infernale, qui a tout bouleversé et empoisonné : terre, ciel, mer, esprits, culture.
Syracuse, Ortygie
A présent, au cœur d'un monde de calcaire, de tuf couleur de miel, dans la clarté orientale, la rigueur et la grâce, la ligne droite et la courbe, il se trouve à Ortygie, dans l'aire sacrée, dans l'espace en forme d'œil, dans la pupille de la nymphe, sur la place où règne la maîtresse de la lumière et de la vue. Là se tient la sainte Sibylle des messages visuels, à la lumière apaisée de bougie, dans la grotte, où sont incrustées, dans le triomphe de murs chrétiens, des colonnes grecques de pure géométrie, où est enchâssé le temple d'Athéna, la déesse de l'huile et de l'olivier, de la nourriture et de la lumière, de la raison et de la sagesse, guide du réfugié, secours de l'errant.
Et mon journal donc a procédé, vous vous en êtes aperçus, comme la table en haut d'un rétable qui pose sur une estrade ou sur une base déjà peinte ,sur la mémoire vraie et originale ,écrite par une fillette nommée Rosalia.
Rosalia avait une petite cape blanche damassée et me faisait sentir laid, disgracieux dans mon froc crasseux, suant, avec ma grande barbe noire, devant elle,fraîche et parfumée, belle de sept beautés.