Plaisance
Georges BLOND commence cette émission dédiée à la plaisance à côté de la Gipsy Moth, le
bateau sur lequel sir Francis CHICHESTER a fait le tour du monde. Il évoque ensuite
Joshua SLOCUM, le premier
marin à avoir effectué un tour du monde en solitaire, puis relate les
aventures de l'Argentin Vito DUMAS, qui a navigué pendant la Seconde
guerre mondiale. Avec Olivier STERN-VEYRIN, il...
J'étais joyeux d'embouquer à nouveau le détroit de Magellan, et de le passer une seconde fois vers le Pacifique, car, au large de la Terre-de-Feu, la mer était plus que mauvaise : elle était littéralement "montagneuse". Dans les rafales les plus violentes, et alors que le sloop ne portait que la trinquette avec un ris, le seul battement de cette petite voile le faisait frémir et trembler de la carlingue à la pomme du mât. Si un doute sur la solidité du bateau avait pu me venir à l'esprit, j'aurais craint alors qu'une voie d'eau ne se déclarât au galbord, au pied du mât ; mais pas une fois je ne dus pomper. Sous l'impulsion des petites voiles réduites que j'avais établies, le Spray filait vers la terre comme un cheval de course, et c'était un travail passionnant que de le mener à travers les lames, de crête en crête, en manoeuvrant pour qu'il ne se couche pas. Je ne quittais plus la barre, maintenant, et je faisais de mon mieux.
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NDL : il doit être "au vent portant", et maintenant, on appelle ça "surfer sur les vagues", et c'est vrai que c'est jouissif de mener un bateau de plusieurs tonnes à surfer !
Souviens-toi, mon Dieu, que ta mer est si grande et que mon bateau est si petit.
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NDL : Joshua prie cela au large du Chili ; moi, sans comparaison ( mais tout de même ), je l'ai fait au large de Guernesey.
Le marin, comme le parapentiste dans son domaine, est fier et trop confiant tant qu'il n'a pas subi cette épreuve ; après, il peut devenir "un vieux marin aguerri".
Dans le beau pays maritime de Nova-Scotia ( Nouvelle Ecosse ), s'élève une chaîne de montagnes appelée North Moutain, qui regarde d'un côté la baie de Fundy, et de l'autre la fertile vallée d'Annapolis.
La journée était parfaite, le soleil clair et chaud. Chaque goutte d'eau devenait en l'air un diamant, et mon bateau, taillant rapidement sa route, semblait rejeter derrière lui des colliers de brillants. Nous avons tous vu des petits arcs-en-ciel se former dans les embruns soulevés par l'avant d'un bateau, mais je n'en avais encore jamais admiré de semblable à celui qui précédait le Spray ce jour-là. Nous avions embarqué un bon ange à bord. Je le lisais dans la mer.
Le consul américain, dans une belle vedette, vint m'accoster avant que j'eusse franchi les jetées, et un jeune officier de marine, qui craignait sans doute pour la sécurité de mon vaisseau, monta à mon bord et m'offrit ses services de pilote. Ce jeune homme, je n'en doute pas, aurait certainement été parfaitement capable de manœuvrer un grand navire de guerre, mais le Spray était beaucoup trop petit pour l'abondance des galons qu'il portait. Néanmoins, après avoir accroché tous les bateaux du port et coulé une barque, le Spray se trouva amarré sans avoir souffert trop de dommages. J'ai cru comprendre que ce merveilleux pilote s'attendait à recevoir une "gratification". Mais je n'ai jamais su si c'était parce que son gouvernement, et non pas moi, allait payé le renflouement de la barque envoyée par le fond, ou parce qu'il entendait être récompensé pour n'avoir pas coulé le Spray...Enfin, je lui pardonne.
De beaux spécimen de Patagons, alertes et vigoureux à leur arrivée en ville le matin, ont lieu, le soir, de se repentir d'avoir approché des hommes blancs, qui les enivrent abominablement pour leur voler les fourrures qu'ils apportent.
La journée était merveilleuse, trop belle même pour que l’on pût se trouver bien à terre
Le brouillard se dissipa juste avant la nuit, et je pu voir le soleil se coucher. Lorsqu'il eut disparu, je me tournai vers l'est et là, juste au bout du beaupré, je vis une souriante pleine lune sortir lentement de la mer. Neptune lui-même montant à mon bord ne m'aurait pas surpris davantage. "Bonsoir, madame criai-je, heureux de vous voir!" Depuis ce soir-là, j'ai souvent eu de longues conversations avec la lune. Elle a eu toute ma confiance pendant le voyage.
Mon père était le genre d’homme qui, abandonné sur une île déserte, aurait réussi à rentrer à la maison, à condition de trouver un couteau et un arbre.
Le vent soufflait toujours du sud-ouest mais il avait un peu molli et les lames rugissantes s'étaient transformées en petites vagues qui frappaient doucement la coque du Spray, lui racontant des histoires qu'il écoutait visiblement avec plaisir.