Le XVIIIe siècle, c’est aussi l’époque de la naissance de beaucoup d’illusions, et la mer fût sans doute à l’origine de l’une des plus tenaces, puisqu’elle persiste encore aujourd’hui, que l’on trouve exposée dans Montesquieu, dans l’abbé Raynal et naturellement dans l’Encyclopédie : l’effet pacificateur du commerce. […] Touchante chimère ! Les rivalités commerciales viendront s’ajouter aux politiques pour engendrer bien des conflits.
Bougainville débarqua aussitôt pour trouver un terrain sec, aride, ou marécageux, peuplé d’oiseaux qui, n’ayant jamais vu d’êtres humains, n’hésitaient pas à "s’approcher de nous sans crainte et à ne témoigner d’autres mouvements que ceux que la curiosité inspire à la vue d’un objet inconnu. Les oiseaux se laissaient prendre à la main, quelques-uns venaient d’eux-mêmes se posaient sur les gens qui étaient arrêtés […]. Cette confiance ne leur a pas duré longtemps, ils eurent bientôt appris à se méfier de leur plus cruel ennemi".
Comme l’écrira Choiseul à notre ambassadeur à Madrid le 24 septembre 1755 : "La cour de Londres n’est pas scrupuleuse sur l’observation des traités et des bienséances et commence par faire la guerre avant de la déclarer."
Lorsque Cook prend la mer pour des voyages de découverte qui vont révolutionner la géographie, navigateurs et savants demeurent encore convaincus de l'existence d'un continent austral.
La longue traversée de l’Atlantique fut effectuée sans incident grave à l’exception, le 30 octobre, de la perte d’un mousse tombé accidentellement à la mer et qu’on ne put sauver.
Le roi eut alors l’étrange idée de confier les destinées de la marine à un magistrat franc-comtois, Pierre Etienne Bourgeois de Boynes, qui ignorait tout du monde de la mer.
"M. de Suffren, très dur, très bizarre, extrêmement égoïste, mauvais coucheur, mauvais camarade, n'était aimé de personne, mais été apprécié, admiré de tous. C'était un homme avec qui l'on ne pouvait pas vivre, et il était surtout fort difficile à commander, obéissait peu, critiquait tout, déclamant sans cesse contre l'inutilité de la tactique, et se montrant au besoin le meilleur tacticien. Il en était de même de tout le reste, c'étaient l'inquiétude et la mauvaise humeur du génie et de l'ambition qui n'a pas ses coudées franches […]. Arrivé dans l'Inde, il ouvrit une scène nouvelle à nos armes, il y fit des prodiges qu'on n'a peut-être pas assez appréciés en Europe ; ce furent immédiatement des actes et des mœurs de commandement inconnus jusque-là, prenant tout sur lui, osant tout, imaginant tout, prévoyant tout."
On ne saurait mieux dépeindre l'étonnante personnalité du bailli, à qui certains ne pouvaient évidemment pardonner de bousculer les habitudes, surtout quand elles étaient mauvaises.
Tel était donc Lapérouse. Excellent marin, exerçant sur ses équipages une autorité bienveillante et ferme, on put mesurer celle-ci lors du drame de Tutuila où il sut éviter toute action de représailles. Il était doué de tous les talents nécessaires au très grand chef qu'il serait sans doute devenu en d'autres circonstances ; sa personnalité se révélait des plus attachantes. Foncièrement libéral au sens noble du terme, esprit d'un modernisme sans cesse en éveil, curieux de tout et de tous, bienveillant et éclairé, réaliste autant que soucieux de progrès matériel et moral, il peut être considéré comme l'un des modèles les plus accomplis de l'officier de marine des Lumières.
L'attirance pour le fer était aussi remarquable. "Il était venu dans une des pirogues une jeune et jolie fille presque nue qui montrait son sexe pour quelques clous."
Malgré sa sympathie pour les Américains, Malouet se prononce donc contre l'intervention française. Dans une note rédigée beaucoup plus tard, il ajoute : "La meilleure raison à alléguer contre cette guerre, et dont je n'ai fait aucun usage, est qu'il était aussi inconséquent que dangereux pour une monarchie absolue de se mettre à la tête d'une révolution démocratique." Il ne changera pas d'avis.
Page 38