Sans l’hypothèse qu'un autre monde est possible, il n'y a pas de politique, il n'y a que la gestion administrative des hommes et des choses.
La plus grande infamie ici-bas est que personne ne veuille prendre sur soi la famine des nécessiteux, les grands de ce monde font ce qui leur plaît (...) Voyez donc, le comble de l'usure, du vol et du brigandage, voila nos seigneurs et nos princes. Ils s'approprient toute créature (...) Il faut que tout leur appartienne. Ensuite ils notifient aux pauvres le commandement de Dieu disant : Dieu l'a prescrit, tu ne dois point voler ! Mais , pour leur compte, ils ne se croient pas tenus d'obéir à ce précepte (...) Ils se refusent à supprimer ce qui provoque la révolte ; comment les choses, à la longue, iraient-elles mieux ? Mais, si je parle de la sorte, on me traite de séditieux, allons donc !
En conjuguant le courage et le savoir, l'homme empêche que l'avenir ne s'abatte sur lui comme une fatalité, il le conquiert et y pénètre avec tout ce qui est sien. Le savoir, dont ont besoin le courage et surtout la décision, ne peut rester tel qu'il a toujours été.
Les barrières dressées entre l'avenir et le passé s'effondrent ainsi d'elles mêmes,
de l'avenir non devenu devient visible dans le passé, tandis que du passé vengé et recueilli comme un héritage, du passé médiatisé et mené à bien devient visible dans l'avenir.
.En conjuguant le courage et le savoir, l'homme empêche que l'avenir ne s'abatte sur lui comme une fatalité, il le conquiert et y pénètre avec tout ce qui est sien. Le savoir, dont ont besoin le courage et surtout la décision, ne peut rester tel qu'il a toujours été....
Page 49 L'occasion d'être amis.
Pour que les valeurs d'un bonheur résultant du bien-être s'inscrivent désormais dans les perspectives du rêve-souhait révolutionnaire, il suffit que le bonheur ne naisse plus du malheur des autres et cesse de s'y mesurer. Que l'homme aussi cesse de considérer son prochain comme un obstacle à sa propre liberté et ne puisse au contraire la réaliser sans lui. Au lieu de la liberté du profit rayonne alors la délivrance du profit, et les joies dont l'escroc rêvait dans la lutte économique font place au rêve de la victoire du prolétariat contre la société de classe. Et au delà de cette victoire rayonnent la paix lointaine et l'occasion lointaine d'être solidaire de tous les hommes, être aimable envers tous, occasion pour l'amour de laquelle la lutte s'engage dans la poursuite d'un but éloigné. Le mouvement dans lequel tout cela baigne encore fait que les rêves non bourgeois sont considérablement plus imprécis dans le détail que ceux qui n'avaient qu'à puiser dans l'étalage mis à leur disposition. Car plus aucun grand magasin ne leur fournit de catalogue, plus aucun bienfaiteur, là-haut, ne vit pour eux et pour exaucer leurs souhaits. En revanche ils sont appelés à occuper non seulement un rang incomparablement plus élevé, mais aussi à se consacrer à l'attente de l'inconnu et à l'élaboration des plans de ce qui n'est pas encore réalisé, toutes choses que l'image-souhait du bourgeois d'âge mûr ne possède plus.
Cette teneur [utopique], ce sont les droits de l’homme, et, si elle a un goût de revenez-y, c’est qu’il n’y a rien eu jusqu’ici dans l’histoire qui fût aussi limité et entravé, par sa base, et aussi humainement anticipateur par ses postulats. Liberté, Égalité, Fraternité – l’orthopédie, telle qu’on l’a tentée, de la marche debout, de la fierté humaine – renvoie bien au-delà de l’horizon bourgeois.
L’utopie n’est pas la fuite vers l’irréel, c’est l’exploration des possibilités objectives du réel et la lutte pour leur concrétisation.
Je salue que dans un grand journal bourgeois vous donniez mauvaise conscience au bavardage intellectuel inerte et contemplatif de la bourgeoisie. Pas une mauvaise conscience morale à la Kierkegaard, sur laquelle la bourgeoisie elle-même discute depuis longtemps sans le moindre dommage, mais une suppression du sol sur lequel se tient le discours inactuel qui retarder la réalité.
Lettre à Siegfried Kracauer
Paris, 20 mai 1926
A l’œuvre ! Mettez-vous en besogne ! Soulevez villages et villes. Frappez tant que le fer est chaud.