Le journaliste Pierre Jovanovic consacre ce gros livre à une enquête sur l'existence des anges gardiens, à la suite d'une expérience miraculeuse qui l'a fait douter de ses convictions rationalistes. Il réserve les deux cents premières pages à l'étude, aux entretiens et à la lecture de témoignages de personnes miraculées, ne devant leur survie qu'à une intervention extérieure et surnaturelle : ces témoignages sont filtrés, rapportés ou formulés souvent par des médecins américains qui se spécialisent dans les NDE (Near Death Experiences, expériences de mort imminente). L'auteur semble penser qu'on ne peut douter du sérieux scientifique de ces docteurs, et tente de donner aux croyances et visions de patients miraculés une solidité et une crédibilité qu'on accorde ordinairement aux savants. Les deux cent cinquante pages suivantes de l'ouvrage sont une liste de mystiques, de saints et de saintes catholiques romains, qui laissèrent à la postérité le récit de leur vie, faite de stigmates, de souffrances, de miracles et de visions. Ainsi l'enquête de Pierre Jovanovic excède-t-elle largement la question des anges gardiens, puisque dans un premier temps il se penche sur le discours scientifique américain sur l'âme et l'après-vie, et dans un second temps, il examine la tradition catholique dans laquelle les anges ne font que conduire le visionnaire à Dieu. Le sujet des anges se révèle au fond trop étroit pour que l'auteur, ou plutôt les témoins qu'il collationne, s'y maintiennent longtemps sans parler d'autre chose. L'ange n'est au fond qu'un instrument, un guide au mieux, vers de plus vastes réalités.
Assez curieusement, ce fourmillement de récits, de "locutions" (messages) et de visions tend à se répéter un peu, et l'imagerie est sensiblement la même quels que soient les sujets : du côté des Américains, c'est le tunnel de lumière, l'impression d'amour inconditionnel, le dialogue avec un être qui renvoie l'âme sur terre car son temps n'est pas encore venu. C'est un peu toujours la même chose. De même, dans la seconde partie, ce ne sont que croix, stigmates sanglants, maladies abominables, visions paradisiaques payées de souffrances intenses, en somme une imagerie plutôt répétitive et propre au catholicisme romain, doloriste et ami des Passions en tout genre. Ces similitudes peuvent convaincre que tout cela est vrai, puisque tous ces témoins ne se connaissent pas et ne se sont pas lus. Elles peuvent éveiller le soupçon, aussi : les miraculés américains de la route, du cancer ou de la technologie vivent des situations surnaturelles bien américaines, que le cinéma américain s'est empressé d'ailleurs d'exploiter. Les mystiques catholiques appartiennent toujours à la même sphère culturelle et religieuse et sont formés par la même imagerie, les mêmes valeurs (positivité de la souffrance) et le même univers. Bref, ce surnaturel a bien l'air d'être une fabrication humaine, quelle que soit la sincérité de ceux qui en font l'expérience.
Si l'auteur avait pu évoquer des anges russes, grecs, juifs ou musulmans, des esprits chamaniques, sibériens, coréens, africains, australiens, des expériences mystiques venues d'autres civilisations, j'aurais été convaincu de l'universalité du phénomène. J'imagine qu'il n'en a pas eu l'idée, qu'il s'est heurté aux limites de sa culture journalistique (qui est quand même assez vaste, mais se voit, hélas, dans le style), mais aussi à la barrière des langues et des cultures.
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Femmes, harcelées, provinciales, moches, en surpoids…mais aussi maghrébine pour l’une, abandonnée par son père biologique pour une autre, et comble de l’horreur - l’autrice brise tous les tabous - fan d’Indochine pour la dernière. Brrr. Leurs routes se croisent quand elles sont élues « boudins » de l’année par le petit con du collège.
Les voilà bientôt embarquées dans un audacieux périple à vélo pour incruster la garden party de l’Élysée, le tout accompagnées d’un grand frère en fauteuil roulant. Un périple Bourg-en-Bresse > Paris d’une semaine, financé par la vente de…boudins.
C’est frais, touchant parfois, drôle souvent, tendre tout le temps. On croit à leur attitude combative qui ne cache pas les fêlures, à leur gouaille qui n’empêche pas les coulées de morve. On est heureux de vivre avec elles des choses sinon tabous du moins peu fréquentes en littérature jeunesse: les douleurs des premieres règles, le lavage de moignon, la rencontre avec une une tondue de la seconde guerre mondiale… mais aussi tout une flopée de plaisirs qui font vibrer les corps: les fous rires entre copines, la joie de se dépasser en avalant les kilomètres, la beauté d’un paysage, les discussions profondes sous les étoiles, les empiffrades de fromage, la première cuite, les désirs naissants d’adolescentes. C’est l’éclosion des corps cachés, l’explosion des hontes qui n’ont pas lieu d’être, l’affirmation de l’estime de soi, un beau portrait de jeunes filles en feu.
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Je continue mon tour du monde avec Maryam Madjidi, autrice iranienne arrivée en France lorsqu’elle était enfant.
Dans ce premier livre, elle raconte la douleur de l’exil et la difficulté de se trouver à la croisée de deux cultures, deux langues, deux nationalités. Le déracinement est difficile pour une petite fille qui doit laisser derrière elle une part de son identité, et aussi ses poupées. Pour Maryam, les ondes provoquées par ce déplacement familial se propagent bien au-delà de l’enfance.
L’écriture est belle, simple mais puissante. Mon seul reproche serait le format : des chapitres courts qui racontent des bribes de vie de manière parfois un peu décousue. Plus on avance, plus cela forme un ensemble cohérent mas j’ai tout de même parfois eu l’impression de sauter du coq à l’âne. Ceci ne m’a cependant pas empêchée d’apprécier cette histoire, qui m’a rappelé « Persepolis » de Marjane Satrapi.
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