Entre deux portes

— Mais mon amour, tu n’es pas content que nous parvenions
enfin à réaliser notre rêve ?
— Ben…, dit-il d’une voix distante.
— Quoi ? demanda-t-elle avec inquiétude, percevant
l’approche d’un danger soudain.
— Il faut que je te dise… Je n’y arrive pas… Notre
histoire… Je n’y arrive pas.
Jenah sentit son coeur s’arrêter de battre, devenu
soudainement lourd comme du plomb, l’empêchant de
respirer. Il y eut un silence. Une peur atroce vrilla l’estomac de
Jenah, une terreur qui la traversa de part en part. Elle articula
avec peine, de grosses larmes déjà prêtes à jaillir de ses yeux
écarquillés :
— Comment ? Que se passe-t-il ? Je t’aime ! On s’aime ! Où
est le problème ?
— Y a rien à expliquer… Je n’y arrive pas… Je n’y crois
pas… Je préfère qu’on ne se voie pas ce week-end… J’ai
besoin d’être seul. De réfléchir…
Jenah n’y comprenait rien. Cet homme qui comptait les
minutes avant de se revoir, qui lui avait fait une cour si
romantique qu’elle avait conservé dans son ordinateur un
dossier de 200 mails de déclarations et de sublimes poèmes
d’amour, qui avait avalé d’innombrables kilomètres pour la
voir, qui la regardait encore il y avait quelques jours avec une
adoration non feinte, s’amusait perpétuellement à la voir
bouger, parler chanter, rire… Ce même homme lui parlait
d’une voix de notaire avec une voix distante, et lui annonçait
en trois mots qu’il ne croyait plus à leur histoire...