AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782855652306
426 pages
Olivier Orban (01/01/1984)
3/5   2 notes
Résumé :
"Un homme plein de passion et de désordre qui ne parle que de raison." Ces mots, extraits de Vivre à Madère, un des plus grands succès de Jacques Chardonne (1884-1968), pourraient définir la personnalité de leur auteur. De L'Epithalame, son premier roman paru en 1921, qui lui vaudra une étiquette qu'il n'aimait pas de "romancier du couple", aux Destinées sentimentales ou encore au Bonheur de Barbezieux, chronique des amitiés provinciales, Jacques Chardonne s'est att... >Voir plus
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Roger Nimier oxygène l'air autour de lui. Antoine Blondin, sa "flemme", ses blagues, son ironie jamais méchante mais toujours perforante, un fond de tristesse maquillée de canulars et cette vocation qu'il a de l'amitié, y vient respirer, avec Stephen Hecquet, le plus brillant des avocats de sa génération, qui bredouille avec force de nervosité éloquente, romancier moins bon qu'il ne voudrait, polémiste au vitriol, autre écorché vif (mais pudique, il n'en fait rien voir), l'intelligence même et, lui aussi, l'amitié en personne. J'ai vu Nimier, cassé par la douleur, sangloter sur la tombe ouverte de Stephen, à Valenciennes, bien loin de supposer, alors, que l'ami suivrait l'ami, deux ans plus tard, dans ce que Morand appelait l' "après-vie". Des deux, on ne saura jamais lequel a eu le plus d'influence sur l'autre.
"Il y a quelques années, j'ai cru que la littérature allait disparaître par la volonté de Staline (car il a régné sur la France et a habité la France, par une curieuse transmission de pensée, qui a gouverné ceux-là mêmes qui se croyaient ses adversaires - écrit Chardonne à Pierre de Boisdeffre qui venait de publier Métamorphose de la Littérature. Un espoir m'est venu de Roger Nimier et de son groupe (Jacques Laurent, Table Ronde, etc.) J'ai senti une révolte, chez eux, contre cette dissolution de l'art." C'est l'époque de ceux que Bernard Frank a baptisés: les "hussards", une étiquette refusée par Jacques Laurent aujourd'hui." Le point commun...entre nous, le seul, était que nous aimions que la la littérature fût de la littérature et ne se réduisît pas à servir d'escalier de service aux idéologies politiques dominantes."
Oui, l'espoir renaît en Chardonne. Ces jeunes hommes lui plaisent, parce qu'ils ne se soumettent pas à la dictature sartrienne; parce qu'ils se rebellent contre l'intrusion des professeurs-pions dans la littérature; parce qu'ils se rebiffent dès qu'ils se sentent se poser sur eux la griffe des idées qu'il est "convenable" de manifester pour être au goût du jour; parce qu'ils veulent écrire sans entrer dans un quelque conque autre moule que le leur, qui leur est propre, qui est leur bien le plus cher.p.246-247
Commenter  J’apprécie          00
Dans la conversation courante avec Chardonne, on est seulement surpris, de prime abord, par un soupçon d'accent vaguement anglais, attrapé sans doute durant l'enfance, et qui a survécu au temps.
Elle"court"si bien, cette conversation, qu'on ne fait plus attention à cette accentuation chuinté. Elle tient de la divagation buissonnière, une feinte. Chardonne vous investit tout entier, l'air de rien,change de sujet, revient au point de départ. On se croit loin de la question qui le préoccupe. Il s'arrête mine d'hésiter, le fils perdu. "Qu'est-ce que je disais? ...Ah! oui..."et il embraye sur le thème du moment. L'allure même de tous ses livres après Chimériques: du décousu très concerté.
Il adore raconter, invente des broderies au fur et à mesure, tantôt graves, tantôt cocasses, l'imagination cette fois sans contrôle lancée à toute allure sur les faits et sur les gens, le vrai et le faux inextricables."
Commenter  J’apprécie          10
Chardonne en quaker:

Au tréfonds de lui-même, Chardonne est un révolté et même un inadapté: il n'accepte rien, mais il trouve, l'esprit de révolte, une grande faiblesse. "J'ai taché de comprendre et de voir sans haine ce qui m'étais le plus étranger."Sa révolte va sans ostentation et sans dolorisme."Si on n'était pas pessimiste, la mort serait bien cruelle. Mais il faut être un pessimiste clairvoyant et bon vivant." Cette idée, qu'il exprime pour Paulhan, il la répétera plus tard:"Je conseille un pessimisme gaillard et plein d'allant." Son pessimisme porte sur le social, pessimisme de réflexion. Il n'est pas le fond de sa nature, sauvée par la fraîcheur des curiosités, la société elle-même objet de curiosité."La vie est tragique. On demande qu'elle ne soit pas ennuyeuse."
Ce vers quoi il tend, c'est à goûter le présent comme il le mérite, légèrement: une huître fraîche("ce fruit salé"), une belle matinée de juin, un moment d'accord avec Camille, un nuage rose qui s'effiloche à l'horizon, la rencontre ou la lettre d'un ami, les fillettes de l'école voisine ("mes préférées ont dans dix ans"), qui courent vers lui dès qu'elles l'aperçoivent, et cette petite de quatre ans qui lui dit à l'oreille: "Quand vous ne serez plus sourd, je vous épouserai." Des riens l'enchantent, à la façon d’Épicure."J'ai goûté la vie, acceptant de bon cœur ce qu'elle m'offrait; mais j'ai toujours dit: très peu." "Les bonnes choses de la vie, on les trouve sur les bords."Le quaker n'est jamais mort, en lui.

p.304,
Commenter  J’apprécie          00
D'une famille dreyfusarde, on l'a vu , il n'a été antisémite à aucun moment de sa vie et on peut absolument le croire lorsqu'il déclare:"Pour moi en France, "les Juifs" n'existent que depuis la Libération"ou encore:"J'ai atteint, en France, un âge fort mûr sans m'apercevoir qu'il existait des Juifs. On n'a jamais pensé que Durkheim, Lévy-Bruhl, Porto-Riche, Duvernois, Bergson, etc., étaient juifs."
Bien avant ces lettres, il avait défini son opinion:"Sur la question juive, le livre de Bernard Lazare, qui était juif, me paraît décisif. Aucun doute: quand Israël est roi, un pays est perdu. autre danger: que les Français se juge quitte lorsqu'il a chargé Israël de ses propres péchés", ce qui était le cas après la défaite...
Jusqu'en 1943, la position de Chardonne sera nette."En 1940, j'ai cru à la victoire allemande définitive...J'ai cru que c'était fini. je me suis accommodé de l'irréparable de mon mieux. Cela fait partie de ma doctrine sincère. Si les Russes viennent en France, que l'on compte par sur moi dans le maquis. J'agirai de même...Changer le monde ! J'aimerais mieux, foi pour foi, être catholique croyant; depuis le temps que le monde est monde et que l'on travaille à le changer ! Rien de désespérant comme ce genre de d'espérance. L'avenir, je m'en moque. l'avenir s'est assez moqué de nous. Mais il y a une façon de changer le présent. Cela suffit bien. C'est tout un art.p.212/213
Commenter  J’apprécie          00
Sentiment religieux chez Chardonne:

Après la mort du frère de Camille, Chardonne m'adressa cette lettre le 14 juin 1961:"J'ai contemplai la messe mortuaire, réduite au minimum, dans la plus humble chapelle; et là, j'ai eu cette révélation: ce que je crois ou ne crois pas, ce que je comprends ou non, cela n'a aucune importance; aucun intérêt pour personne, et ne signifie rien; mais j'ai senti profondément: cette cérémonie énigmatique pour moi, c'est la seule réponse à l'horreur terrestre."
Plus tard, dans un entretien à La Frette (6 août 1965) Chardonne me dit, à propos du mariage religieux d'un de ses proches, auquel il avait assisté:"La messe, c'est quelque chose. J'ai assisté à cette messe-là face à l'autel et presque dessus, juste en face du prêtre. Ça n'est pas de la comédie. Ça n'est pas du théâtre. Le catholicisme, c'est quelque chose de considérable. Pas les miracles. Vous n'avez pas lu les Ecritures, sans doute. Saint Luc, c'est écœurant de miracles. Mais saint Jean, ça c'est un docteur! Et le catholicisme, ce n'est pas le miracle, c'est la messe. Le protestantisme-je suis protestant-ça n'existe pas. C'est une manière de s'en aller. Le prêtre n'était pas en soutane. Je n'ai rien contre. Mais je lui ai dit:" Ne vous mariez jamais ! Quand les prêtres seront mariés, ils auront perdu tout ce qui leur reste de sacré.p.402
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : correspondanceVoir plus

Autres livres de Ginette Guitard-Auviste (1) Voir plus

Lecteurs (3) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1726 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}