"La foi" est une tragédie philosophique en cinq actes écrite par Eugène Brieux de l'Académie-Française.
Sur une musique composée par Camille Saint-Saëns, elle a été représentée, pour la première fois, le 10 avril 1909, au théâtre de Monte-Carlo.
Et, refusée en novembre 1910 par le comité de la Comédie-Française, elle a été reprise, le 23 mai 1912, au "deuxième français", le théâtre de l'Odéon.
La placer en Haute-Égypte durant son antique moyen-empire était le moyen pour Eugène Brieux de traiter le sujet de sa pièce sans froisser personne.
Car le propos de celle-ci est douloureux.
Il est de ceux qui, depuis des milliers d'années, inquiètent l'humanité toute entière.
La question posée est celle de la nécessité du divin pour l'homme ...
Sans un sacrifice, le Nil ne déborderait pas et tout le pays resterait stérile.
Le blé ne pousserait pas, ni les fèves, ni le dourah, ni le lotus.
La jeune fille vierge d'un village doit être offerte aux dieux afin d'obtenir l'inondation annuelle.
Yaouma, peut-être ?
Elle attend le retour de Satni, l'homme qu'elle aime, le fils du potier, un jeune prêtre parti depuis deux ans.
Mais sur la cange aux vingt rameurs qui le ramène, l'homme qui revient est un scribe qui prêche de nouveaux dieux.
Yaouma devra choisir entre un homme et un dieu, entre le devoir et l'amour, entre le bonheur et la dignité ...
Eugène Brieux nous peint un monde empreint de religion et de superstition.
Il décrit la foi épaisse et brutale des foules, la foi suspecte du prêtre avide et despote et la foi généreuse d'amour et de bonté de Miéris, une jeune aveugle.
L'auteur se défend d'avoir écrit une pièce anti-cléricale.
"La foi" n'est pas une charge contre la religion.
Elle est une interrogation sur la nécessité de celle-ci.
Chacun des personnages est un argument qui vient percuter l'autre.
La pièce n'a pas très bien vieilli.
Mais quelques morceaux, qui restent puissants, s'en dégagent : un long monologue de Satni (acte II scène VIII), l'entrevue entre ce dernier et le grand prêtre (acte IV scène III) ...
Versifié, le morceau de scène aurait peut-être moins offert de prise au temps.
Pourtant même devenue désuète, la pièce n'en reste pas moins un indispensable écho du lancinant questionnement de l'humain placé face à ses dieux ...
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Je n'ai pas de dieu. S'il en est un, il est si grand, si loin de nous, si hors de proportion avec les hommes que c'est pour nous comme s'il n'existait pas. Croire qu'un de nos actes, croire qu'une pierre peut agir sur la volonté de Dieu, c'est l'amoindrir et le nier.
Satni, Acte II, scène V, in Théâtre complet de Brieux, vol. 8, p.61, Librairie Stock, 1928
Non, je ne crois pas aux dieux au nom de qui l'on tue ...