The Avengers - Hors Série, tome 3 : Route 616

Ce tome fait suite à Miss Hulk rouge 1 (épisodes 58 à 62). Il comprend les épisodes 63 à 67, initialement parus en 2013, les derniers de la série. Il complète donc et termine l'histoire commencée avec le tome précédent. La série s'est arrêtée avec ces épisodes. le scénario est de Jeff Parker, les dessins de Carlo Pagulayan, aidé par Wellington Alves (pour les épisodes 63 à 65 et 67), Ray-Anthony Height (épisode 65), Joe Bennet (épisode 66), et Patrick Oliffe (épisode 66 & 67). Enfin Ruy Jose a encré l'épisode 66. Les superbes couvertures très "pulp" ont été réalisées par Francesco Francavilla.

Dans les 3 premières pages, une émission de télévision permet d'établir un résumé des épisodes précédents ; elle est co-animée par Keith Alexis, Raina Shercott et Colin Hume (ex-Windshear, ancien membre d'Alpha Flight). Concrètement Red She-Hulk s'est attaquée à un programme de super-soldats appelé Échelon et dirigé par le général Reginald Fortean. L'armée la pourchasse, avec l'aide du SHIELD (représenté par Maria Hill et l'inévitable agent Phil Coulson, en provenance directe du film Avengers. Ça lui a monté à la tête d'apparaître dans les films Marvel.). Captain America a rendu l'identité de Red She-Hulk publique, incitant les civils à la vigilance (ou à la délation, c'est une question de point de vue). Avec l'aide de Machine Man, elle s'est lancée à la recherche d'Eleanor Bennet, une jeune fille servant de moteur de recherche à une intelligence artificielle appelée Terranomètre, et parfois utilisé par un avatar de Nikola Tesla (voir La confrérie du bouclier). Ses pérégrinations vont la mener dans le royaume souterrain du Mole Monster (apparenté à Harvey Elder, Mole Man) jusqu'au Nexus des réalités situé dans les marais des Everglades. She-Hulk (Jennifer Walters) va également se lancer à sa poursuite.

Dans ce tome, le lecteur retrouve tout ce qui fait le sel de cette série B. Jeff Parker n'a rien perdu de sa capacité à trouver des plages de liberté dans l'univers partagé Marvel et à piocher dans son vaste catalogue de personnages secondaires et oubliés. Outre l'utilisation sympathique de Nikola Tesla (Night Machine) et de la mythologie du bouclier inventée par Jonathan Hickman, le lecteur voit donc apparaître She-Hulk et Man-Thing (personnage que Jeff Parker avait développé dans la série "Thunderbolts", par exemple Avengers extra 07), Maria Hill (directrice du SHIELD), et même par écran interposé Bruce Banner (dans sa nouvelle mission, voir Hulk, agent of SHIELD par Mark Waid) ou le Mad Thinker (un ennemi récurrent des Fantastic Four).

Sans ambition littéraire, Jeff Parker déroule un scénario d'aventures plus grandes que nature, rapide et nerveux, avec son quota de personnages secondaires et d'environnements exotiques et impressionnants. C'est un vrai plaisir de découvrir ces péripéties bien construites qui mêlent merveilleux et inconnu (le voyage souterrain sur une rivière de lave, la reconfiguration du Mont Rushmore, le fonctionnement si particulier du Terranomètre...), avec des points de repère dans l'univers partagé Marvel. C'est rafraîchissant de lire une histoire de superhéros où le scénariste prouve qu'il reste des espaces de liberté et de nouveauté. C'est réconfortant de se dire que les créateurs ne sont pas condamnés à ressasser sans cesse les mêmes situations avec les mêmes personnages dans des configurations identiques.

Bien sûr comme toute série B, sa nature s'accompagne de limites un peu frustrantes, à commencer par son manque d'ambition. L'objectif du récit reste au niveau du divertissement étourdissant, dans des oppositions manichéennes basiques et bien tranchées. Malgré sa créativité, Jeff Parker se repose sur quelques clichés usés tels que la réalité parallèle, l'amalgame de plusieurs personnages, ou la structure même du récit. Il construit son intrigue pour aboutir à une grande scène de batailles avec plein de personnages, à peine vus le temps de 2 cases et dépourvus de toute personnalité. La résolution respecte tellement le canevas traditionnel de ce genre d'intrigue qu'elle en devient insipide et inintéressante.

Les dessins présentent la même dichotomie entre éléments visuels efficaces et personnels, et exécution rapide affadissant certaines pages. Il est vrai que le nombre de dessinateurs ayant participé à ces épisodes laisse à penser que Carlo Pagulayan était pressé par le temps. Ce n'est pas une critique en soi, c'est plutôt une contrainte matérielle consubstantielle aux comics. Il faut réaliser 20 pages en 1 mois, et tenir les délais. D'un côté ces artistes réussissent des images saisissantes, à commencer par la silhouette et les postures de Red She-Hulk. le lecteur se sentira pleinement immergé dans le monde souterrain, jusqu'à imaginer l'odeur qui peut se dégager de Mole Monster (une grande réussite visuelle, et un personnage dérivatif à souhait tout en étant réussi), il sourira devant la transformation massive du Mont Rushmore, il frémira à la vue de Red She-Hulk subissant l'accolade de Man-Thing. Par contre il ressentira régulièrement de l'agacement lors des affrontements physiques pendant lesquels les arrières plans disparaissent (noyés dans la poussière ou des effets de couleur basiques), ôtant tout intérêt visuel à ces séquences.

Comme souvent, l'appréciation du lecteur pour ce tome dépendra de ce qu'il est venu chercher. Cette histoire est surtout destinée au familier de l'univers partagé Marvel souhaitant s'immerger dans cette mythologie spécifique, au travers d'une histoire rapide, dense et uniquement divertissante, en toute connaissance de cause de limites de la production industrielle des comics. Il s'agit d'une bonne série B qui présente un avantage supplémentaire : une histoire complète et achevée. Pour le lecteur de superhéros occasionnel, il est à craindre qu'il n'y verra qu'une collection de stéréotypes sans saveur, desservie par des dessins à la qualité variable.