The Sword, tome 2 : L'eau

Le temps est venu pour Dara Brighton de décider que faire avec son épée. Première étape : acheter un étui à guitare pour pouvoir se déplacer avec, sans attirer l'attention. Deuxième étape : les Bahamas. Demetrios Brighton avait pris l'habitude de raconter à ses élèves des éléments de sa vie passée, sous couvert de la fiction. Justin (un de ses élèves, maintenant en cavale avec Dara) se souvient que l'épée a été créée par 4 individus : Zakros (eau), Malia (air), Knossos (terre) et Phaistos (feu). Demetrios avait évoqué la mort de Phaistos. En cherchant Justin se souvient que Zakros (celui qui maîtrise l'eau et qui a tué Andrea, la soeur de Dara, sous ses yeux) a l'habitude de séjourner régulièrement à Nassau. Les 3 jeunes adultes (Dara, Julie et Justin) trouvent rapidement un moyen sûr et discret de rallier Nassau. Une fois sur place, il s'agit de trouver où vit réellement Zakros et de le combattre. Mais bien évidemment, les 3 immortels s'interrogent sur les suite à donner aux événements du premier tome pour pouvoir remettre la main sur leur épée.

Le début de ce deuxième tome est assez poussif. Maintenant que les frères Luna ont expliqué d'où provient l'épée, il faut qu'ils déplacent leurs pions (euh, non, leurs personnages) pour qu'ils se rencontrent. Ils utilisent donc Justin, l'ancien élève de Demetrios à la mémoire sélective, ce qui permet de donner juste ce qu'il faut d'informations au compte-goutte. Ô surprise ! Zakros est à un endroit que les 3 jeunes gens peuvent atteindre sans trop de difficultés. Comme ça tombe bien ! Zakros repère Dara et l'affrontement peut commencer. À ce stade de la narration, les souvenirs des Dara sont plus intéressants que l'histoire principale, et pourtant elle évoque les relations avec sa soeur, et comment celle-ci se pliait à la volonté des chipies de son lycée. Et les 2 derniers tiers du tome sont consacrés à l'affrontement entre Dara et Zakros. Les frères Luna ne s'en sortent pas par une pirouette ; ils organisent et décrivent ce combat dans les grandes largeurs et dans les détails. Juste au moment où l'ennui guettait le lecteur, les frères Luna délivrent coups et blessures avec largesse et cruauté.

Déjà dans la série précédente Girls, les frères Luna ne se privaient pas de mettre en scène des situations cruelles et parfois gore. Ici, ils récidivent avec la pauvre Dara torturée pendant un épisode dans les toilettes pour dames par Zakros. C'est vrai que les 2 premières scènes d'action semblent collées là artificiellement pour apporter un peu de mouvement et que la violence correspondante apparaît très artificielle. Mais passé le premier tiers de l'histoire, le récit devient moins mécanique et plus organique. Les 2 combattants sont acharnés et Zakros s'avère très inventif quant à l'utilisation de ses pouvoirs. La bonne surprise, c'est que l'histoire ne se limite pas à un combat sanglant. Alors que le lecteur aurait pu croire que le choix de départ de cantonner Dara dans un fauteuil roulant n'était qu'un artifice de scénario vite oublié, il s'avère qu'ils reviennent à cette condition pour évoquer l'apprentissage de la vie en tant qu'infirme. Ils font ça avec la distance par rapport au personnage, qui leur coutumière ce qui écarte d'emblée tout pathos larmoyant. D'une manière inattendue, les frères Luna renouent avec une tradition oubliée depuis longtemps par les scénaristes de superhéros qui consiste à donner du sens au combat qui oppose Dara et Zakros. Et ça, ça fait vraiment du bien, et ça transfigure la narration.

Évidemment, j'ai hésité avant de me lancer dans la lecture de cette série, car je reste peu enthousiasmé par les illustrations. le premier tome avait levé une partie de mes réticences. le deuxième tome présente les mêmes améliorations : des expressions faciales un peu plus nuancées (même s'il reste une forte proportion de bouches ouvertes), des mises en scène construites et variées, une attention satisfaisante portée aux vêtements. Par rapport au premier tome, il est visible que les frères Luna ont conçu ce long combat à l'avance avec une attention particulière pour l'aspect visuel. Et le résultat rend parfaitement tous les coups et les souffrances qui les accompagnent. Comme d'habitude, leur style épuré aux dehors naïfs leur permet de représenter des éviscérations sans avoir l'air d'y toucher. La mise en couleurs permet également de rendre crédible les effets spéciaux liés à la manipulation des éléments liquides, alors que leur représentation au crayon relève d'une naïveté d'un enfant de quatre ans. En particulier la sculpture que réalise Zakros avec l'eau du lavabo est magnifique. Il subsiste malgré tout quelques moments d'une maladresse graphique incroyable. Je pense en particulier à la représentation du hors-bord des pirates qui se limite à quatre traits simplistes qui choquent lors de la lecture.

Alors que le premier tiers du récit fait croire que l'histoire a basculé dans une sitcom fauchée, les 2 autres tiers présentent un combat farouche constituant une opposition de modes de vie pleine de sens, avec une mise en images vive et sophistiquée.