"Quand les hommes vouent un culte à la guerre et aux conflits,
quand ils font un temple de ses reliques,
quand ils prétendent apprendre des ruines d'hier comment ils doivent vivre leurs vies d'aujourd'hui,
alors ils se font eux-mêmes prisonniers du passé; ils se condamnent à revivre ces guerres, encore et encore.
Car il est peu de guerres que l'on puisse considérer comme véritablement et absolument révolues.
Toujours, la veine d'un éternel filon d'amertume court dans l'ame des hommes incapables de pardon, ou qui ne savent s'empêcher de creuser."
Alors que le monde s'écroule sur lui-même, que la folie et la rage n'habitent plus que le coeur des hommes, la fonte des neiges amorce un changement et esquisse les fondements d'une nouvelle ère.
C'est le temps d'Aeglyss, autrefois un na'kyrim, aujourd'hui l'égal d'un dieu omnipotent ne faisant plus qu'un avec la source, l'énergie universelle régissant l'existence de ce monde.
C'est aussi un Dieu torturé, malade, dépressif, de ses états d'âme et autres rancoeurs jaillissent des flots d'émotions qui corrompt le coeur de toutes formes de vie.
C'est ainsi que les paysages enneigés laissent place à des champs de cadavres putréfiés éclairé par la pale luminosité d'un ciel cendré, alimenté par les milliers de foyers des hameaux et autres cités en proie aux flammes de la démence des hommes.
Sous l'égide de cette entité instable, mais doté d'un pouvoir infini de persuasion sur toute chose, nous n'assistons plus à une guerre rangée entre deux lignées, deux peuples, mais à un combat que se livre chaque homme face à sa bestialité, un combat opposant l'ordre au chaos, un combat fatalement perdu d'avance où les hommes semblent majoritairement prompt à embrasser leurs plus vils instincts.
Entre ceux qui succombent à la haine et les autres au désespoir, ne reste qu'une poignée d'insurgés comme le Thane Kanin Oc Horin-Gyre dont la haine envers Aeglyss semble insubmersible, et Orisian, le dernier Thanes de la lignée Lannis-Haig, qui secondé par Taim Narran et les Kyrinins du clan du renard, Ess'yr et Varryn, entend bien tenter le tout pour le tout en exploitant ce qui apparaît comme la dernière faiblesse du Na'kyrim.
Dans ce dernier volet d'un monde sans dieux,
Brian Ruckley clos en apothéose sa trilogie et livre incontestablement un bel exercice de dark fantasy où l'auteur nous aura conquis par un style d'écriture alliant une belle fluidité et une grande richesse narrative.
Le ton est définitivement plus noir et pessimiste, assez rapidement nous prenons la mesure d'un dénouement, qui s'il se laisse entrevoir plusieurs chapitres à l'avance, ne laisse pas indifférent.
A l'inverse nous en espérons même une issue plus joyeuse tant l'auteur ne semble pas vouloir faire de concessions à ses personnages.
Les scènes d'action sont nombreuses avec certes un caractère moins épique et grandiose que dans le volume précédent, mais avec une sauvagerie et une barbarie allant crescendo.
Dans ce final Orisian gagne en épaisseur, l'auteur finit par lui consacrer toute son attention pour nous l'amener progressivement vers la conclusion de cette saga qui n'a pas grand chose à envier à d'autres grands cycles littéraires bénéficiant d'une plus grande notoriété.
"Ton sort est venu, habitant du pays;
le temps vient, le jour est proche! du tumulte!...
et non le cri de joie sur les montagnes.
Maintenant, je vais sans tarder répandre mon courroux sur toi;
j'assouvirai sur toi ma colère, je te jugerai selon tes voies,
et je ferai retomber sur toi toutes tes abominations.
Mon oeil n'épargnera pas, et je serai sans pitié;
je ferai retomber sur toi tes oeuvres, tes abominations seront au milieu de, toi;
et vous saurez que c'est moi, Yahweh, qui frappe!"
Livre d'Ezechiel chapitre 7
Un monde sans dieux est un cycle ambitieux pour un premier exercice d'auteur, et bien qu'il soufre d'un déficit de rythme et de fluidité dans le premier volume,
Brian Ruckley réussit sur la longueur à créer un monde et une dramaturgie d'une belle richesse, le tout avec une grande virtuosité scénaristique.
En adoptant un ton réellement pessimiste et dramatique, l'auteur insuffle à cette épopée une aura particulière, en quelque sorte une forme de romantisme mélancolique pour développer un récit qui s'apparente sur bien des aspects à un jugement dernier avec en toile de fond de belles réflexions philosophiques sur nos sociétés actuelles et leurs contradictions.
Un monde sans dieux est incontestablement une oeuvre à découvrir pour tous les amoureux des grandes fresques à l'atmosphère cruel et désabusé.
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