Citations sur La Femme des sables (46)
La femme dormait parfaitement nue.
Dans son champ visuel tout embrumé de pleurs, la femme apparaissait comme une ombre flottante. Elle dormait à même la natte, couchée sur le dos, et, à l’exception du seul visage, le corps entier tout découvert. Le bas-ventre était ferme, tendu, avec, de chaque côté, un pli étranglé ; et la main gauche, si légèrement, y reposait. […] Sur l’entière surface du corps, une couche de sable à fine texture posait, on eût dit, une tunique aussi fine et souple qu’une membrane. Noyant les détails, le sable détachait, en les forçant et en les magnifiant, les courbes où se révèle et s’offre l’éternité de la femme. A s’y méprendre, sous son placage de sable, la Femme des sables était, au regard, devenue Statue.
Debout dans l'encadrement de la porte d'entrée, l'homme leva le regard sur le mur de sable. La lumière s'infiltra au fond de ses yeux, qui se mirent à le picoter; et il lui parut aussitôt que tout ce qui l'entourait se prenait à flamber d'une flamme jaune. Mais de l'ombre d'un être, point; d'échelle, point.
La répétition peut colorier le présent, nous faire la faveur d’un acte élu qui reste au contact certain du présent.
Il n'est jamais si gros poisson que celui qu'on vient de manquer.
Désespérément, encore un coup, il tenta de se débattre, passa la main par-dessus la tête, l'étendit sur le sable. Alors céda la résistance du sable : le sable vomit l'homme, l'homme se retrouva au fond du trou. Là même d'où il était parti, là même l'homme retombait, dégringolant et roulant.
L’Homme se sentait terriblement désemparé… Minuscule, une queue de serpent, si petite qu’on penserait qu’il ne s’agit de rien ; on a juste, par mégarde, posé le pied dessus ; et, sans qu’on s’y attende, voilà la queue du serpent qui grossit, grossit ; on est en alerte ; et, d’un coup, c’est la tête même du serpent que l’on sent sur sa nuque : le désarroi de l’homme est pareil à cela…
Mon congé de trois jours, récapitulait-il, est depuis longtemps expiré. Il est trop tard : m’agiter désormais serait peine perdue… Dégrader la falaise de sable pour en adoucir la pente, ce tout premier plan a échoué, soit : mais à quoi servirait de me le répéter sans cesse ? Ferais-je pas mieux de reconnaître sincèrement qu’il y avait, de ma part, insuffisance de préparation ? Et puis, l’imprévu a joué contre moi : cette insolation, surtout, sans laquelle tout se serait bien passé !... Tout de même, creuser le sable est besogne plus dure que je ne me l’imaginais… Il me faut trouver plus habile moyen, quelque chose d’infailliblement efficace… !
En plein mois d'août un beau jour, il advint qu'un homme s'évanouit sans laisser de traces. A la faveur d'un congé, il avait pris le train pour passer au bord de la mer une seule demi-journée ; et c'était la dernière certitude que l'on eût à son sujet : après, rien, nulle nouvelle. Requêtes aux fin de recherche, petites annonces dans les journaux, tout fut vain, tout s'éteignit.
...ce sable qui, à force de réfléchir la lumière étincelait comme de l'asphalte mouillé, et qui pourtant, à considérer sa nature élémentaire, est chose plus sèche encore que la farine que l'on fait griller dans un poêlon de terre cuite , chose particulièrement une et pure, chose d'un huitième de millimètre : cela, et rien d'autre!...
Tout ce que, de son corps, on a l'habitude de cacher, elle, simplement, elle l'exposait à découvert ; et le visage, que nul ne craint de montrer, le visage seulement, était chez elle recouvert d'une serviette.