« L'espoir est le pilier du monde ». ... Proverbe zoulou. Mais qu'il soit d'ici où de là-bas la phrase résonne en chacun d'entre nous. Si l'espoir est le pilier du monde alors que se passe t il donc lorsqu'il se retire ?
Chinua Achebe, auteur nigérian, nous l'explique : Tout s'effondre. Ou plus exactement
le monde s'effondre. Pour les neuf villages ibo, du Nigeria, le monde avait à l'origine son équilibre. Rapport sociaux, familiaux, conjugaux économiques, spiritualité, éducation,filiation, tout était régi par des ordres ancestraux, afin d'établir un équilibre permettant à l'ensemble de la société de vivre, et de survivre et tout cela en accord avec la terre sur laquelle elle venait au monde et avec le ciel sous lequel chacun rejoindrait un jour le monde des anciens.
Un monde complexe et très codifié, un monde hiérarchisé, où l'imaginaire entretenait une parole qui permettait à l'esprit d'échapper à la cruauté du sort qui ne manquait pas de se manifester.
Le monde des neuf villages existait, avec toute l'innocence de ce qu'il vivait, avec le courage qu'il avait su exercer,, avec l'intelligence qu'il avait su développer.
Les lois parfois changeaient, se transformaient, selon la force des saisons, selon les alliances. Les croyances protégeaient, honoraient, consolaient, parfois rejetaient, parfois sacrifiaient. Mais toujours avec raison.
Il fallait parfois savoir tuer un homme pour sauver tout un peuple, ou se résoudre à l'exil pour expier son crime, savoir accueillir sur la terre mère, craindre les esprits pour se protéger de la nuit, prendre soin des semences de celui dont on savait l'absence, porter le silence dans la foret maudite, tenir sa parole comme on tient une lance. Toujours tenter de maintenir l'équilibre et veiller à la stabilité de chaque clé de voûte d'une société soumise à bien des dangers, tout cela afin que chaque groupe puisse trouver une place où vivre, demeurer, nourrir sa mémoire, poursuivre une grande histoire.
Mais un jour un autre monde pénétra dans les neuf villages. Une autre pensée, d'autres lois, qui n'avaient pas leur usage, qui n'avaient pas de raison, qui n'avait aucun sens pour le peuple ibo.
Car si certaines de leur lois pouvaient paraître cruelles, elles n'avaient jamais atteint la barbarie que ce nouveau monde allait déverser sur eux. Comme un jeu de quilles tout ce qui composait l'équilibre de leur société fut renversé.
Le temps des neufs villages prenait fin. Une statuette Ikenga se retrouva abandonnée.
« Masque maison. Masque visage. Pierrot des fleuves. » comme le récitait Jean Negroni dans le film d'
Alain Resnais et
Chris Marker, .. « Un jour les statues meurent aussi ».
Des fleuves comme des larmes, des villages en armes, mais dans l'esprit ,pour toujours, présent, une flamme .
Astrid Shriqui Garain.