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4,09

sur 614 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Tout s'effondre", c'est la chute d'un homme et la fin de son monde, celui des Igbos. Nous sommes dans le sud-est du Nigéria, à la fin du XIXe siècle au moment où débute la colonisation. L'homme, c'est Okonkwo, un père de famille bourré de défauts mais respecté car respectueux des traditions de son clan. Il est dur et abusif envers les siens, il a très peu de patience ou de tolérance pour les faibles, il est très ambitieux et a soif de reconnaissance. Bref, il est l'incarnation du méchant chez Disney. Pourtant, Achebe ne va, dans son livre, ni traiter l'impérialisme en noir et blanc, ni simplifier à l'extrême le caractère humain. "Tout s'effondre" est un roman qui brouille ces vues simplistes et la juxtaposition des oppositions crée inévitablement une tension qui traverse toutes les pages du roman et le rend si fascinant. Dans une première partie, il nous décrit la société traditionnelle igbo, sans lyrisme, ni lourdeur, de manière factuelle, sans interpréter, ni juger. Il montre les aspects humains et inhumains de cette culture, sa tranquillité et sa violence, les croyances et les superstitions qui peuvent entrainer des sacrifices humains, les liens qui unissent les membres, présente les rituels religieux ou agricoles qui rythment la vie des gens, explique le règlement des conflits comme par exemple une expédition punitive dans un autre village pour réparer un crime. Tout cela dresse un tableau riche et vivant de ce monde imparfait et violent mais cohérent. Dans les deux parties suivantes, on assiste au choc inévitable entre ce monde et celui des occidentaux qui viennent coloniser et civiliser selon leurs règles. Mais là encore, Achebe traite ce conflit de façon nuancée. L'activité missionnaire est présentée comme source d'espoir pour les exclus ou les malheureux de la société igbo. Et pourtant, en fournissant un exutoire au mécontentement, elle détruit les liens qui unissent le peuple igbo. Un nouveau pouvoir et une nouvelle soumission s'installent, se substituant à ceux d'un monde ancien condamné à disparaitre. Achebe dit que ce qui a été perdu pour les Igbos, c'est la dignité, soit la pire chose qui puisse arriver à tout peuple. le devoir de l'écrivain est de les aider la retrouver en montrant en termes humains ce qui leur est arrivé. Achebe réussit brillamment. Il décrit douloureusement et tragiquement la tragédie qui peut survenir lorsque l'unique mode de vie qu'un homme a connu commence à s'effondrer.
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Ils sont rares les livres qui redonnent vie et dignité à tout un monde révolu.

C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai reçu cette formidable ouverture sur une culture disparue, méprisée, une culture jusqu'alors sans voix, celle des Ibos dans le Nigeria pré-colonial. Oui, l'Afrique est bien entrée dans L Histoire, à sa façon.

Les trois quarts des pages décrivent la société du peuple Ibo, bien organisée, ultra hiérarchique et autarcique, construite à son image, singulière, autour de cultes, de tabous, de rituels, de luttes et de danses traditionnelles, de la culture de l'igname, de titres d'honneurs et d'une forêt maudite où on enterre vivant les nouveaux-nés jumeaux. Une société où la puissance se mesure au nombre de femmes, de tubercules d'igname et à l'ardeur au travail.

Le regard est complètement «  déseuropéocentrée » et ça fait un bien fou ! D'autant plus appréciable que jamais l'auteur ne verse dans la nostalgie d'une Afrique exotique primitive perçue comme idéale. Cette société ibo n'est pas idéalisée, on sent toute sa violence, sa cruauté et sa rigidité à travers le personnage principal d'Okonkwo, notable dont on suit le destin jusqu'au choc culturel provoqué par l'arrivée des Britanniques à la fin du XIXème siècle sous le règne de Victoria.

Le dernier quart du livre décrit très finement le bouleversement des croyances traditionnelles à cause de l'irruption du christianisme. le flux et le reflux de l'Histoire, des civilisations rend humble.

On pourrait très bien lire ce roman de loin, comme un essai ethnologique, sans vibrer, mais sa portée est intensément universelle grâce à des personnages complètement incarnés et évoluant dans une tragédie au final très contemporaine. On y croise un héros certes peu aimable car enfermé dans sa dureté, mais surtout hanté par la déchéance de son père, obsédé par le fait d'apporter à ses enfants une situation sociale, adorant une de ses filles qu'il juge plus «  virile » que son fils ainé trop faible.

Remarquable et rare.
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Excellent livre qui permet de découvrir une culture africaine dénuée des valeurs occidentales. Très instructif!
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Immersion dans le Nigeria précoloniale, dans une tribu Ibo
J'ai découvert une culture africaine intéressante, élargissant un peu plus ma vision du Monde.
La première partie représente la vie clanique surtout l'histoire d'un homme prénommé Okonkwo banni de son clan, qui a son retour, "fera connaissance d'occidentaux ayant soif de conquête territoriale avec comme "bannière" le christianisme, mais aussi la justice qui diffère de celle des autochtones.
Les missionnaires proposent au début de construire une église, les ibos acceptent qu'elle soi construite dans le bois des ancêtres, un bois hanté.
Les ibos, pensent qu'ainsi les missionnaires seront punies par les défunts.
Les villageois remarquant que rien ne se passe, dès lors, ils fréquentent l'église.
C'est un ainsi qu'Okonkwo fera tout son possible pour raisonner ses camarades pour un retour à leurs anciennes pratiques séculaire et non séculière des missionnaires.
Ce roman est un classique méconnu.
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« L'espoir est le pilier du monde ». ... Proverbe zoulou. Mais qu'il soit d'ici où de là-bas la phrase résonne en chacun d'entre nous. Si l'espoir est le pilier du monde alors que se passe t il donc lorsqu'il se retire ? Chinua Achebe, auteur nigérian, nous l'explique : Tout s'effondre. Ou plus exactement le monde s'effondre. Pour les neuf villages ibo, du Nigeria, le monde avait à l'origine son équilibre. Rapport sociaux, familiaux, conjugaux économiques, spiritualité, éducation,filiation, tout était régi par des ordres ancestraux, afin d'établir un équilibre permettant à l'ensemble de la société de vivre, et de survivre et tout cela en accord avec la terre sur laquelle elle venait au monde et avec le ciel sous lequel chacun rejoindrait un jour le monde des anciens.
Un monde complexe et très codifié, un monde hiérarchisé, où l'imaginaire entretenait une parole qui permettait à l'esprit d'échapper à la cruauté du sort qui ne manquait pas de se manifester.
Le monde des neuf villages existait, avec toute l'innocence de ce qu'il vivait, avec le courage qu'il avait su exercer,, avec l'intelligence qu'il avait su développer.
Les lois parfois changeaient, se transformaient, selon la force des saisons, selon les alliances. Les croyances protégeaient, honoraient, consolaient, parfois rejetaient, parfois sacrifiaient. Mais toujours avec raison.
Il fallait parfois savoir tuer un homme pour sauver tout un peuple, ou se résoudre à l'exil pour expier son crime, savoir accueillir sur la terre mère, craindre les esprits pour se protéger de la nuit, prendre soin des semences de celui dont on savait l'absence, porter le silence dans la foret maudite, tenir sa parole comme on tient une lance. Toujours tenter de maintenir l'équilibre et veiller à la stabilité de chaque clé de voûte d'une société soumise à bien des dangers, tout cela afin que chaque groupe puisse trouver une place où vivre, demeurer, nourrir sa mémoire, poursuivre une grande histoire.
Mais un jour un autre monde pénétra dans les neuf villages. Une autre pensée, d'autres lois, qui n'avaient pas leur usage, qui n'avaient pas de raison, qui n'avait aucun sens pour le peuple ibo.
Car si certaines de leur lois pouvaient paraître cruelles, elles n'avaient jamais atteint la barbarie que ce nouveau monde allait déverser sur eux. Comme un jeu de quilles tout ce qui composait l'équilibre de leur société fut renversé.
Le temps des neufs villages prenait fin. Une statuette Ikenga se retrouva abandonnée.
« Masque maison. Masque visage. Pierrot des fleuves. » comme le récitait Jean Negroni dans le film d'Alain Resnais et Chris Marker, .. « Un jour les statues meurent aussi ».
Des fleuves comme des larmes, des villages en armes, mais dans l'esprit ,pour toujours, présent, une flamme .

Astrid Shriqui Garain.
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Selon la quatrième de couverture, ce roman “rend hommage à l'Afrique précoloniale” car, dit le proverbe africain, “Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur.” “Chinua Achebe est l'un des premiers lions du continent à prendre la plume.”
Si ce livre a pour but de démontrer que les Africains étaient infiniment plus heureux avant l'arrivée des colonialistes, pour moi, j'en suis désolée, ça passe à côté. Que le colonialisme ait été source de malheur, et jusqu'à aujourd'hui je ne conteste pas, mais cette société Ibo ne m'a pas parue être le paradis sur terre.

A travers l'histoire d'un homme qui veut s'élever à tout prix dans son clan et qui est dévoré par la crainte de paraître faible comme il estimait que son père l'était, l'organisation de la société Ibo nous est racontée. C'est clairement une communauté d'hommes, glorifiant le guerrier mais pour cela il est nécessaire que d'autres soient soumis voire méprisés ou pire.
Tout d'abord les femmes. Elles travaillent évidemment mais ne prennent pas part aux décisions sauf l'oracle. Il existe des exclus, vivant à part, méprisés, sorte d'intouchables, à peine mentionnés sauf lorsque les Blancs découvrent leur existence. Il est fait aussi mention d'esclaves. C'est aussi une civilisation basée sur le sacrifice humain. C'est ainsi qu'un jeune garçon donné en compensation (avec une jeune fille qui remplace l'épouse tuée par une autre tribu et évidemment sans qu'on lui demande son avis) est mis à mort. Il a été élevé trois ans au sein de la famille du personnage principal Okonkwo et est apprécié de tous mais soudain parce que l'oracle le décide, il est emmené en forêt et tué y compris par celui qu'il appelait désormais père et qui l'aimait. Ce geste tourmentera beaucoup le fils aîné d'Okonkwo qui était devenu son ami et le poussera plus tard dans les bras des missionnaires. Comme une mère dont les jumeaux ont été abandonnés en forêt comme le veut la tradition ainsi que le sont certains malades.
Ceux qui ont la chance d'être hommes et d'être importants vivent effectivement une vie assez agréable, codifiée certes, en fonction des saisons, avec de nombreux liens sociaux. Les femmes également ont beaucoup de relations entre elles.

La plupart des organisations sociales, peut-être toutes, ont des hiérarchies qui peuvent aller jusqu'à l'exclusion, la nôtre ne fait pas mieux mais la différence est que ce n'est pas une loi qui décide que telles personnes seront mises à part.

Que voulait prouver cet écrivain, pour moi ce n'est pas très clair. Peut-être simplement que les sociétés africaines étaient complexes, ce qui est évident aujourd'hui mais ne l'était sans doute pas au moment de sa première parution en 1958.

C'est ma première lecture pour une année où j'aimerais renouer avec la littérature africaine que j'avais laissée tomber depuis pas mal de temps. Il serait sans doute intéressant que je reste sur la littérature nigérienne afin de voir l'évolution de son histoire.

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Une fable désenchantée sur la destruction de la culture africaine par les colons et la perte de repères qui s'en est suivie.
À la manière d'un conte, Chinua Achebe nous fait réfléchir sur l'histoire africaine.
Le récit nous embarque au plus profond de la culture Ibo, ethnie du Nigeria, et nous entraîne au rythme des traditions de ce peuple.
Le récit est nostalgique mais malgré tout sans complaisance sur certains aspects de la société africaine.
Je me souviendrai longtemps de ce livre qui pour moi est un grand roman, et je remercie vivement mon libraire de me l'avoir conseillé.
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EX-CEP-TION-NEL !
Waouh ! Ce n'est pas si fréquemment que je me laisse aller à un tel enthousiasme, mais là, là, il faut bien reconnaître que c'est un très, très grand livre, de l'ordre de l'exception. Par siècle, très peu d'endroits du monde sont capables de produire un livre comme celui-ci, car il faut une conjoncture d'événements particulière, et parmi ces endroits, encore faut-il avoir la chance d'avoir un Chinua Achebe sous la main.

Par exemple, nous autres Français, aussi orgueilleux que nous puissions être de notre littérature et de son histoire, nous ne pouvons pas nous targuer d'un Chinua Achebe. Les Islandais le peuvent, éventuellement les Grecs et les Italiens le peuvent, et encore, c'est assez discutable pour ces deux derniers, mais nous, non. Les Anglais, les Allemands ou les Espagnols non plus.

Comment vous dire ? Pour avoir un Chinua Achebe en France, il aurait fallu que la conquête des peuples gaulois par les Romains nous ait été décrite dans un récit riche et structuré par un écrivain du cru, un Éduen, un Arverne ou un Rème, par exemple. Il aurait fallu qu'il nous décrive de l'intérieur ce qu'était la (les) société(s) gauloise(s) et comment s'est effectuée la conquête, étape par étape. Là, nous aurions eu un Chinua Achebe, mais tel n'est malheureusement pas le cas.

Oui, en fait, le seul livre tant soit peu comparable que je connaisse est la Saga de Njáll le Brûlé, l'une des sagas islandaises du Moyen Âge qui nous conte l'implantation du christianisme en Islande et de la perturbation que cela a causé dans toute la société d'alors. Elle aussi avait son héros, c'était Gunnar en Islande, c'est Okonkwo au Nigéria. D'ailleurs, ces deux-là ont un destin très similaire.

Waouh ! Je le redis car j'ai peine à le croire tellement c'est fort. Quel témoignage ethnologique exceptionnel ! Merci monsieur Achebe d'avoir sauvé de l'oubli dès 1958 — c'est-à-dire avant l'indépendance du Nigéria — toute cette culture, toute cette tradition aujourd'hui disparue pour l'ethnie des Igbos. Imaginez si nous avions un livre qui nous parlait de la société néolithique qui a élevé les menhirs de Carnac, imaginez si nous avions un témoignage écrit du mode de vie à l'époque des pèlerinages de Stonehenge. Imaginez le bonheur que serait le fait de pouvoir lire de la main d'un Aztèque l'arrivée des Espagnols ou bien l'implantation de l'Islam en Asie centrale vue par un Ouzbek d'alors. Eh bien c'est ça qu'il nous offre, rien de moins. Ça et, évidemment, comment cela s'est terminé, d'où son titre.

La quatrième de couverture cite un proverbe africain qui colle merveilleusement au propos du livre et qui m'évoque immanquablement La Guerre Des Gaules de César : « Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur. »

En somme, nous suivons donc le destin d'un homme au caractère bien trempé, Okonkwo, un homme qui a envie de s'élever dans son clan et qui est attaché à la tradition des ancêtres. Dans la première partie, l'écrivain nous dresse le tableau de cette société traditionnelle disparue et, ce qui est remarquable, sans angélisme aucun. Il montre tant ses bons que ses mauvais aspects. Il n'hésite pas, par exemple, à nous montrer le rituel d'un sacrifice humain en réponse à de supposés oracles, exactement comme ils devaient se dérouler en Europe au néolithique et à l'Antiquité.

C'est un tableau vivant et d'une richesse rare. Les parties deux et trois font le récit de l'implantation progressive des blancs, via la religion et les missionnaires dans un premier temps, mais aussi et surtout, par son bras armé ensuite.

Chinua Achebe, montre, démontre ou remontre s'il était besoin, que la religion — tout au moins les grandes religions monothéistes encore dominantes de nos jours — sont et ont toujours été des éléments de pouvoir et de soumission. Depuis l'empereur Constantin c'est particulièrement vrai de la religion chrétienne. Christopher Marlowe, un témoin d'époque, n'en pense pas moins au moment des guerres de religion du XVIème siècle en France. La radicalisation religieuse que nous vivons en ce moment n'en est qu'un autre et énième avatar.

Bref, j'ai adoré m'imprégner de la culture de l'igname, du mode de pensée et des structures claniques, avec leur fonctionnement propre qui, je me répète, me rappellent énormément le fonctionnement social de l'Islande pré-chrétienne.

Oui, c'est donc un immense coup de coeur que ce Tout S'Effondre, un livre que j'avais emprunté à ma bibliothèque fétiche mais que je vais me dépêcher d'acheter, car c'est un livre que je tiens à avoir sous la main dans ma propre bibliothèque ; un livre d'une rare valeur. Mais bien sûr, ce n'est que mon avis, c'est-à-dire très peu de chose.
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Livre publié en 1958. Nous assistons à l'arrivée des Blancs et à la colonisation du Nigéria par les Britanniques, ce qui va entraîner le bouleversement des modes vies : culturel, religieux, des rites ancestraux....
Très beau livre, surtout très intéressant.
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