Quand grâce à l'un de tes éditeurs préférés (les éditions Gallmeister), tu sors complètement de ta zone de confort de lecture, voilà l'expérience que je viens de vivre avec
En attendant Eden d'Eliott Ackerman traduit par l'excellentissime
Jacques Mailhos.
Un livre introspectif, totalement resserré sur trois personnages et leurs sentiments, sans nature, autre cadre ou décor que cet hôpital des grands brûlés. Les personnages donc : Eden, soldat parti en mission, seul survivant de l'explosion d'une mine survenue dans la vallée du Hamrin, qui a tué son meilleur ami et tous les autres, le laissant lui "tout juste survivant" ; Mary, sa jeune femme, qui ne voulait pas qu'il reparte en mission, qui a tout fait pour l'en dissuader et est maintenant à ses côtés tous les jours avec Andy, leur fille qu'il n'a pas vu naître ; enfin, son meilleur ami justement, qui végète, dans une zone grise, entre la vie, aussi infime soit-elle qui est celle d'Eden, et la mort. C'est lui qui nous relate cette histoire...
Quelle histoire justement ! Une histoire simple et universelle, presque toujours cantonnée à la chambre d'hôpital dans laquelle Eden n'en finit pas de ne pas mourir. Mary le veille, jour après jour, ne sachant plus elle-même pourquoi car ses blessures sont telles qu'il ne peut se sortir de cet entre deux. le cordon, l'amour absolu qui la lie à Tucker pèse sur sa vie actuelle, sur son présent et son avenir avec sa petite Andy et finit par l'étrangler. Eden de son côté a encore une volonté, une dignité, dans son corps supplicié. Et le narrateur nous fait partager l'intimité de ses êtres, la sienne aussi, très entrelacée à celle de ce couple.
J'ai failli abandonner ce livre. Commencé au milieu d'une semaine épuisante. Je ne parvenais pas à rentrer dedans. Je me sentais "enfermée" dans la chambre d'hôpital avec Eden, menacée par ses cauchemars de presque mort. Mais la plume était là, une p... de sublime plume, toute la confiance aussi que j'ai pour les éditions Gallmeister dont aucun ouvrage ne m'a jamais déçue. Si Oliver et sa bande voulaient m'emmener dans ce nouvel endroit, je devais les laisser faire. Je l'ai donc recommencé de zéro et que j'ai bien fait ! Cet auteur est un génie de la sensibilité maîtrisée. Il aborde des thèmes super casse gueule comme le deuil, la fin de vie, le fait de laisser partir ou non ceux qu'on aime, la dignité qu'on doit aux blessés et malades sans jamais juger, surtout en nous incitant à ne surtout pas juger nous-mêmes
"Je veux que vous compreniez Mary et ce que Mary a fait. Mais j'ignore si vous y parviendrez. Vous devez vous demander si au bout du compte, dans des circonstances similaires, vous feriez le même choix qu'elle, Dieu vous garde."
Ce livre est beau et nécessaire et dans ma vie de lectrice, il y aura un avant et un après Elliott Ackerman. Respect.